CHAPITRE : LA MOBILITE SOCIALE
PARTIE I : DEFINITIONS ET METHODOLOGIE
INTRODUCTION :
Remarque 1 : la mobilité sociale est un thème qui intéresse autant les profanes que les sociologues :
· les profanes : le désir de réussir, de grimper dans l’échelle sociale est un des thèmes favoris de la mythologie populaire.
· les sociologues : la mobilité sociale remet en cause l’idée d’un strict déterminisme qui pèserait sur les destinées individuelles. Mais cette mobilité est-elle réelle ?
Remarque 2 : La mobilité sociale est une idée moderne : C.Bouglé oppose deux modèles de sociétés :
· dans le premier, l’identité est assignée à la naissance, comme dans les anciennes civilisations de castes et d’ordre.
· Dans le second, l’identité est acquise et modifiable comme dans les sociétés modernes.
Remarque 3 : Pour les sociétés traditionnelles on peut distinguer deux types dominants :
· les castes présentent un système hiérarchique rigide ( les différents groupes sont inégaux en droit ), clos (chaque groupe est replié sur lui-même: homogamie stricte); le statut social est héréditaire (il se transmet de génération en génération.
· Le système d’ordres est de même nature mais il y a une différence de degré : il peut y avoir mobilité sociale, limitée et contrôlée par l’Etat (anoblissement, achat de charge).
· Ce sont donc des sociétés rigides dans lesquels la mobilité sociale est soit inexistante soit marginale. Le statut social est assigné à l’individu par la société.
Remarque 4 : Au contraire, les sociétés modernes sont des sociétés fluides:
· la Révolution française a aboli le principe de transmission héréditaire du rang social.
· Tous les hommes naissent libres et égaux en droit : leur statut d’arrivée dépend donc de leurs capacités individuelles mais aussi de leur milieu d’origine. Le statut social est donc acquis par l’individu
I ) LES DIFFERENTS TYPES DE MOBILITE.
A ) MOBILITE VERTICALE ET HORIZONTALE
On peut distinguer différentes formes de mobilité sociale :
· la mobilité horizontale : Les individus peuvent changer de position sociale sans se déplacer dans la hiérarchie sociale.
· la mobilité verticale : les individus se déplacent dans la hiérarchie sociale en montant ou descendant On pense généralement à la mobilité sociale verticale, mais cette dimension est insuffisante : le développement de la mobilité verticale dépend des occasions de mobilité, et par conséquent de l’ensemble des formes de mobilité. La mobilité sociale est le changement de position sociale ; elle peut être ascendante ou descendante.
B) DISTINCTION MOBILITE INTERGENERATIONNELLE - MOBILITE INTRAGENERATIONNELLE.
On distingue deux types de mobilité
· la mobilité intragénérationnelle : on compare la position professionnelle d’un individu aujourd’hui aux positions professionnelles qu’il a occupé antérieurement, par exemple à l’entrée dans sa vie active. C’est une mobilité professionnelle plutôt que sociale.
· la mobilité intergénérationnelle : on compare la profession du fils avec celle du père.
C ) MOBILITE STRUCTURELLE - MOBILITE NETTE
Cette distinction , introduite par R.Aron , peut inciter à dissocier :
· les causes économiques ( la mobilité structurelle résulte du changement de la structure sociale , c’est-à-dire l’évolution de la répartition des professions ) ,
· des causes sociales ( la mobilité nette s’explique par une plus grande fluidité de la société ) .
· A.Touraine différencie alors la mobilité dont : « l’initiative n’est pas venue de l’individu lui-même , mais résulte d’une contrainte externe ( mobilité structurelle) , (…) de la mobilité où l’individu qui quitte son milieu social d’origine , est dirigée par une volonté ou une perspective d’ascension »
Cette distinction est importante pour l’évaluation qu’on peut faire des flux de mobilité :
· En effet , si la distribution sociale des positions ne changeait pas , il n’y aurait pas de mobilité structurelle ; toute la mobilité observée serait nette . Dans ce cas et seulement dans ce cas , une immobilité totale est possible .
· La mobilité nette suppose que les flux s’équilibrent : si quelqu’un connaît une mobilité sociale ascendante , un autre connaît une mobilité sociale descendante
· Tandis que , si la distribution des catégories a changé , il est nécessaire qu’une quantité minimale de mobilité , dite structurelle , se soit produite .
· Dans la mobilité structurelle , il n’ y a pas forcément de compensation : tous peuvent avoir une mobilité sociale ascendante ou descendante .
D ) MOBILITE ABSOLUE ET RELATIVE
La distinction entre mobilité structurelle ( ou mobilité forcée ) et mobilité nette ( ou pure ou de circulation) consiste à envisager la mobilité totale comme la somme de 2 composantes :
mobilité totale = mobilité structurelle + mobilité nette
Cette idée qu’il existerait 2 types de mobilité est contestable . Une nouvelle distinction a donc été établie qui considère que les phénomènes de mobilité sociale doivent être étudiés selon 2 points de vue différents et complémentaires :
- celui des taux absolus de mobilité, encore appelés mobilité observée consiste à analyser la mobilité telle qu’elle est affectée par l’évolution de la distribution socioprofessionnelle des fils comparativement à celle des pères
- celui de la fluidité sociale ou taux relatif de mobilité vise à étudier la force du lien entre l’origine et la position sociale indépendamment de l’évolution de la distribution socioprofessionnelle des fils comparativement à celle des pères . Afin de mesurer la fluidité sociale , les sociologues calculent le rapport des chances relatives ( ou odds ratios) : supposons que sur 100 fils de cadres , 80 deviennent cadres et 20 ouvriers , que sur 100 fils d’ouvriers , 75 deviennent ouvriers et 25 deviennent cadres , alors :
le rapport des chances relatives = 80 / 20 = 12
25 / 75
Cela signifie que les fils de cadres ont 12 fois plus de chances de devenir cadres qu’ouvriers que les fils d’ouvriers .
E) DISTINCTION MOBILITE INDIVIDUELLE - MOBILITE COLLECTIVE .
Les changements sociaux qui affectent les effectifs des groupes , interfèrent nécessairement avec la mobilité des individus et ont aussi des effets sur le classement social des groupes :
· D’une période à l’autre , la signification sociale de l’appartenance à une catégorie sociale donnée peut varier sensiblement .
· Ex : les instituteurs étaient des notables sous la III° République . Avec la généralisation de l’enseignement secondaire et la forte croissance des autres professions supposant un niveau de diplôme équivalent au leur , ces groupes professionnels ont vu décliner leur prestige et leur place relative dans l’espace social.
· Dès lors , on doit se demander si , dans l’analyse de la mobilité individuelle , il convient de tenir pour immobile , par exemple , un professeur fils de professeur , ou pour mobile ascendant un professeur fils ou petit-fils d’instituteur .
II ) METHODOLOGIE : CONSTRUCTION ET LECTURE DES TABLES DE MOBILITE ( DIAPORAMAS EN COURS ET DOSSIER DU LIVRE p 403 à 405)
C ) LES LIMITES DES TABLES DE MOBILITE
Du fait de leur construction les tables de mobilité comportent certaines limites :
· elles ne comprennent que les hommes, or la moitié de la population est composée de femmes. Cela se justifiait certes par le passé quand la majorité des femmes était inactive, cela l’est beaucoup moins aujourd’hui. Pour tenir compte de cette évolution , les statisticiens ont établi des tables de mobilité comparant la CSP des filles à celle de leur père , mesure imparfaite car la structure des emplois féminins est différente de celle des emplois masculins , mais seule mesure dont in puisse disposer aujourd’hui , en raison du faible taux d’activité des mères
· on ne retient que les individus de 45 à 59 ans , car on considère que le statut social est à cet âge définitif . C’est , en réalité , trop simpliste , en particulier dans une société dans laquelle , contrairement à celle des années 50 , les qualifications et les professions évoluent rapidement , et le taux de chômage élevé .
· nominativement , les CSP ne changent pas , mais qualitativement , l’image voire le prestige social des CSP évoluent . Ainsi , un fils d’instituteur devenu professeur connaît , d’après les tables , une mobilité ascendante , passant des professions intermédiaires aux professions intellectuelles supérieures . Qu’en est-il en réalité ?
· les tables sont établies à partir d’enquêtes au cours desquelles on interroge les fils sur la profession de leur père au même âge , mais certains métiers ont disparu , certains enfants ne peuvent définir avec précision la profession de leur père , d’où un flou peu compatible avec la rigueur statistique
· les tables de mobilité peuvent être établies à des niveaux de décomposition différents : on peut ainsi soit retenir les 6 CSP traditionnelles , soit opérer une comparaison à 3 niveaux : classes populaires , moyennes , supérieures . Dans le premier cas , un fils d’agriculteur devenant ouvrier ou employé est mobile ; dans le second , il ne l’est pas .
PARTIE II : L’ETUDE DE LA MOBILITE SOCIALE .
I ) LES FAITS .
A ) L’ETUDE DE LA MOBILITE EN 2003
Constat : On peut mesurer la mobilité sociale en étudiant les tables de destinées et de recrutement: la mobilité sociale sera faible si les fils des différentes CSP exercent la même profession que leurs pères , c’est-à-dire si la diagonales est forte :
· L’ immobilité sociale est mesurée , dans une table de destinée , par une diagonale composée uniquement de 100 % , le reste du tableau étant composé uniquement de 0 .
· En revanche , une mobilité forte sera caractérisée par des chiffres sur la diagonale faibles .
· Pour la table de destinée , la mobilité sociale parait relativement forte puisque les chiffres sur la diagonale sont faibles (inférieurs à 35 %) excepté pour les catégories cadres (52%) et ouvriers (46 %). On constate néanmoins que les les chiffres situés sur les chiffres proches de la diagonale sont relativement plus élevés que ceux qui en sont éloignés (ex : sur 100 fils de professions intermédiaires : 33 deviennent cadres, 33 professions intermédiaires et seulement 17 ouvriers, et 9 employés) .
· Pour la table de recrutement , les chiffres de la diagonale sont forts pour les catégories agriculteurs (88 % des agriculteurs ont un père agriculteur) et pour les ouvriers (58 % des ouvriers ont un père ouvrier) mais faibles pour les employés (14 % des employés ont un père employé) ou pour les professions intermédiaires ( 16 % des professions intermédiaires ont un père profession intermédiaire), les cadres occupent une position médiane (24% des cadres sont fils de cadres) .
Conclusion : La mobilité sociale est non négligeable, néanmoins la viscosité sociale demeure réelle .
B ) L’EVOLUTION DE LA MOBILITE SOCIALE .
Constat :
· Si on compare les tables de 2003 avec celles de 70, on se rend compte que la mobilité sociale .a globalement augmenté , puisque les chiffres qui mesurent l’immobilité sociale ( ceux de la diagonale ) ont diminué .
· On peut aussi étudier l’évolution de la mobilité sur une plus grande période. On peut construire un tableau différent des autres , composée seulement de 3 catégories : au lieu des 6 CSP, on divise la population étudiée en 3 classes : supérieures , moyennes et populaires . On peut alors étudier l’évolution de la mobilité entre 53 à 77 : la mobilité sociale a faiblement augmenté , les chiffres les plus forts sont toujours sur la diagonale , même s’ils diminuent faiblement pour les classes supérieures : En 53 , 51% des fils appartenant à la classe dirigeante restent dans cette classe ; en 77 , 51% . Pour les classes moyennes , le pourcentage d’individus restant dans sa classe d’origine passe de 56% à 45 % .
La mobilité sociale a progressé depuis 1953 :
Du fait de leur construction les tables de mobilité comportent certaines limites :
· elles ne comprennent que les hommes, or la moitié de la population est composée de femmes. Cela se justifiait certes par le passé quand la majorité des femmes était inactive, cela l’est beaucoup moins aujourd’hui. Pour tenir compte de cette évolution , les statisticiens ont établi des tables de mobilité comparant la CSP des filles à celle de leur père , mesure imparfaite car la structure des emplois féminins est différente de celle des emplois masculins , mais seule mesure dont in puisse disposer aujourd’hui , en raison du faible taux d’activité des mères
· on ne retient que les individus de 45 à 59 ans , car on considère que le statut social est à cet âge définitif . C’est , en réalité , trop simpliste , en particulier dans une société dans laquelle , contrairement à celle des années 50 , les qualifications et les professions évoluent rapidement , et le taux de chômage élevé .
· nominativement , les CSP ne changent pas , mais qualitativement , l’image voire le prestige social des CSP évoluent . Ainsi , un fils d’instituteur devenu professeur connaît , d’après les tables , une mobilité ascendante , passant des professions intermédiaires aux professions intellectuelles supérieures . Qu’en est-il en réalité ?
· les tables sont établies à partir d’enquêtes au cours desquelles on interroge les fils sur la profession de leur père au même âge , mais certains métiers ont disparu , certains enfants ne peuvent définir avec précision la profession de leur père , d’où un flou peu compatible avec la rigueur statistique
· les tables de mobilité peuvent être établies à des niveaux de décomposition différents : on peut ainsi soit retenir les 6 CSP traditionnelles , soit opérer une comparaison à 3 niveaux : classes populaires , moyennes , supérieures . Dans le premier cas , un fils d’agriculteur devenant ouvrier ou employé est mobile ; dans le second , il ne l’est pas .
PARTIE II : L’ETUDE DE LA MOBILITE SOCIALE .
I ) LES FAITS .
A ) L’ETUDE DE LA MOBILITE EN 2003
Constat : On peut mesurer la mobilité sociale en étudiant les tables de destinées et de recrutement: la mobilité sociale sera faible si les fils des différentes CSP exercent la même profession que leurs pères , c’est-à-dire si la diagonales est forte :
· L’ immobilité sociale est mesurée , dans une table de destinée , par une diagonale composée uniquement de 100 % , le reste du tableau étant composé uniquement de 0 .
· En revanche , une mobilité forte sera caractérisée par des chiffres sur la diagonale faibles .
· Pour la table de destinée , la mobilité sociale parait relativement forte puisque les chiffres sur la diagonale sont faibles (inférieurs à 35 %) excepté pour les catégories cadres (52%) et ouvriers (46 %). On constate néanmoins que les les chiffres situés sur les chiffres proches de la diagonale sont relativement plus élevés que ceux qui en sont éloignés (ex : sur 100 fils de professions intermédiaires : 33 deviennent cadres, 33 professions intermédiaires et seulement 17 ouvriers, et 9 employés) .
· Pour la table de recrutement , les chiffres de la diagonale sont forts pour les catégories agriculteurs (88 % des agriculteurs ont un père agriculteur) et pour les ouvriers (58 % des ouvriers ont un père ouvrier) mais faibles pour les employés (14 % des employés ont un père employé) ou pour les professions intermédiaires ( 16 % des professions intermédiaires ont un père profession intermédiaire), les cadres occupent une position médiane (24% des cadres sont fils de cadres) .
Conclusion : La mobilité sociale est non négligeable, néanmoins la viscosité sociale demeure réelle .
B ) L’EVOLUTION DE LA MOBILITE SOCIALE .
Constat :
· Si on compare les tables de 2003 avec celles de 70, on se rend compte que la mobilité sociale .a globalement augmenté , puisque les chiffres qui mesurent l’immobilité sociale ( ceux de la diagonale ) ont diminué .
· On peut aussi étudier l’évolution de la mobilité sur une plus grande période. On peut construire un tableau différent des autres , composée seulement de 3 catégories : au lieu des 6 CSP, on divise la population étudiée en 3 classes : supérieures , moyennes et populaires . On peut alors étudier l’évolution de la mobilité entre 53 à 77 : la mobilité sociale a faiblement augmenté , les chiffres les plus forts sont toujours sur la diagonale , même s’ils diminuent faiblement pour les classes supérieures : En 53 , 51% des fils appartenant à la classe dirigeante restent dans cette classe ; en 77 , 51% . Pour les classes moyennes , le pourcentage d’individus restant dans sa classe d’origine passe de 56% à 45 % .
La mobilité sociale a progressé depuis 1953 :
Mobilité des hommes
1953 : 49,3 %
1970: 60,0 %
1977 : 62,3 %
1985 : 63.5 %
1993 : 64.9 %
Mobilité des femmes
1953: 52.4%
1970: 63.8%
1977: 69.5%
1985: 76.1%
1993: 77.1%
Champ : Hommes et Femmes actifs, ayant un emploi, de 35 à 59 ans dans un découpage en huit catégories.
Le bilan est moins favorable depuis une dizaine d’années (on ne dispose pas encore des données concernant les femmes) :
l'évolution du taux de mobilité entre 1977 et 2003 :
Champ : Hommes et Femmes actifs, ayant un emploi, de 35 à 59 ans dans un découpage en huit catégories.
Le bilan est moins favorable depuis une dizaine d’années (on ne dispose pas encore des données concernant les femmes) :
l'évolution du taux de mobilité entre 1977 et 2003 :
le taux de mobilité est passé de
1977 : 57%
1993 : 65.3%
2003 :64.7%
Champ : Hommes actifs ayant un emploi, ou anciens actifs ayant un emploi, de 40 à 59 ans dans un découpage en six catégories.
1977 : 57%
1993 : 65.3%
2003 :64.7%
Champ : Hommes actifs ayant un emploi, ou anciens actifs ayant un emploi, de 40 à 59 ans dans un découpage en six catégories.
La mobilité observée a cessé de progresser durant les dix dernières années, elle a même légèrement régressé mais de manière non significative.
La part de la mobilité nette dans la mobilité observée a elle aussi diminué.
en %
1977 : 57%
1993 : 65.3
2003 :64.7%
dont mobilité structurelle (en points)
1977 : 20 %
1993: 22 %
2003 :25 %
dont mobilité nette (en points)
1977 : 37 %
1993 : 43 %
2003 : 40 %
Champ : hommes actifs ayant un emploi ou anciens actifs ayant eu un emploi, âgés de 40 à 59 ans en 1977, 1993 et 2003.
Il s’ensuit que la mobilité nette a diminué depuis 1977. A quoi cela peut-il être dû ? Stéphanie Dupays ("En un quart de siècle, la mobilité sociale a peu évolué", dans Données Sociales, 2006) explique cette évolution par une diminution de la mobilité professionnelle (intragénérationelle). Par exemple, 40% des employés interrogés en 2003 sont dans la même position professionnelle que lorsqu’ils ont débuté (contre 30% en 1993). Cette moindre mobilité professionnelle est due à un contexte économique moins favorable.
C’est alors toute la question du verre à moitié vide ou à moitié plein qui est posé :
· selon certains , comme L.A.Vallet : « on détecte pour la société française une érosion lente et statistiquement très significative du niveau général de l’inégalité des chances sociales . Cette évolution paraît si régulière qu’elle peut même être résumée par un paramètre unique qui décrit alors une tendance linéaire . Cela conduit à dire que le niveau général de la fluidité sociale s’est accru au rythme de 0,5 % par an durant 40 ans . ( … ) Parmi les quelques 12 millions de français âgés de 35 à 59 ans et qui ont un emploi en 93 , près d’un demi-million , c’est-à-dire à peu près 4 % occupent des positions sociales qui n’auraient pas été les leurs en l’absence de cette augmentation de la fluidité sociale en 40 ans » . On peut aussi constater qu’en 1953 les chances relatives de devenir cadre supérieur qu’ouvrier sont 1333 fois plus fortes chez les fils de cadres que chez les fils d’ouvriers . La dernière enquêtre de 1993 montre que les chances relatives ne sont plus que 20,7 fois plus grandes chez les fils de cadres que chez les fils d’ouvriers . L’inégalité des destins sociaux mesurée par cet indicateur reste importante , mais fait apparaître une diminution marquée .
· Mais , comme le note D.Merllié « globalement , au rythme constaté sur 40 ans , il faudrait 2 siècles pour qu’on arrive à une société où les destins sociaux ne dépendraient plus des origines » .Pour une société démocratique basée sur l’égalité des chances , cela est surprenant .Les chances d’arriver à ce résultat sont d’ailleurs d’autant moins certaines que depuis la crise , l’ascenseur social semble en panne .
II ) L’ORIGINE DE LA MOBILITE SOCIALE .
A ) UNE MOBILITE D’ABORD HORIZONTALE .
La plus faible mobilité mesurée par une classification à trois catégories s’explique par le fait q’une partie de la mobilité mesurée avec une table à 6 catégories n’ y apparaît pas :
· ainsi un fils d’agriculteur devenant ouvrier connaît une mobilité sociale dans las table à 6 catégories
· mais est immobile dans la classification à 3 catégories : il reste dans la classe populaire .
· Il a changé de position sociale sans modifier sa place dans la hiérarchie sociale .
B ) ET STRUCTURELLE .
Constat : La différence des résultats entre table de destinée et de recrutement trouve son origine dans le fait que la mobilité sociale est avant tout structurelle ( 8 p 154 ) .
Exemple de compréhension : Les agriculteurs en sont un bon exemple:
· 22 % des fils d’agriculteurs sont devenus agriculteurs ( destinée)
· mais 88 % des agriculteurs ont un père agriculteur ( recrutement ) .
· Les fils d’agriculteurs sont obligés de quitter la terre du fait des changements économiques c'est-à-dire de l’évolution sectorielle de la population active (cf chapitre 1 : hausse de la productivité et ralentissement de la demande ) . Cette évolution rend le métier d’agriculteur peu attirant d’autant plus qu’il faut déjà posséder les moyens de production , c’est-à-dire avoir un père agriculteur .
Second exemple : La mobilité structurelle explique aussi les différences de résultats pour les cadres :
· 52 % des fils de cadres sont devenus cadres ( destinée)
· et 24 % des cadres sont fils de cadres .
· L’augmentation du nombre de postes de cadres (en particulier pendant les 30 glorieuses) a donc permis à la fois aux fils de cadres de devenir cadres mais a aussi créé un appel d’offre pour d’autres catégories .
Conséquence : Ce qui explique donc la mobilité sociale , c’est donc principalement la transformation de la nature des emplois qui résulte de 4 effets
1 - la transformation des emplois ( execice 2 p 154-155)
il y a eu une translation vers le haut de la structure des emplois : une baisse de la part des agriculteurs et des ouvriers et une augmentation de la part des cadres , employés , professions intermédiaires . Les fils ne peuvent donc plus occuper la même position sociale que leur père ; et les emplois offerts sont à un niveau hiérarchique supérieur , ce qui permet une mobilité sociale ascendante .Selon L.Chauvel : « au cours de la période de très forte croissance économique des 30 Glorieuses , il s’est produit une véritable révolution de la structure sociale . D’où un appel d’air extraordinaire pour les enfants nés dans les années 40 ( … ) Pour ces générations , l’escalator social a connu une prodigieuse accélération . Mais pour les suivantes , il s’est arrêté , voire inversé . C’est cette panne qu’ont connu dans les années 80 , les jeunes nés entre 1955 et 1965 . Résultat , on commence à voir des accidents de parcours chez les enfants de cadres et de plus en plus de jeunes en situation plus difficile que leurs parents »
2 - la fécondité différentielle
pour M.Cherkaoui , il existe deux formes de fécondité différentielle
- La première est celle qui concerne le nombre inégal d’enfants par famille . Les ouvriers et les agriculteurs ont un nombre moyen d’enfants supérieur aux autres catégories ( le nombre moyen d’enfants suit une courbe en U si on place en abscisse les catégories sociales de la moins élevée à la plus élevée ) . Les fils d’ouvriers ou d’agriculteurs vont donc prendre des places d’employés , car il n’y a pas assez d’enfants d’employés .
- La seconde forme de fécondité concerne l’influence de la taille de la famille sur la réussite scolaire : plus le nombre d’enfants est restreint , plus les familles investissent dans la scolarité et plus la réussite scolaire est forte .
3 – le développement de l’emploi féminin
le développement de l’emploi féminin a permis la mobilité masculine :
· En occupant massivement des postes d’employés , les femmes laissent aux hommes la possibilité d’avoir des postes plus élevés dans la hiérarchie sociale .
· Une comparaison avec la Suède permet de comprendre l’importance de l’emploi féminin sur la mobilité sociale masculine . Les flux de mobilité paraissent plus importants en Suède qu’en France . :
- En Suède , la concentration des emplois féminins dans quelques catégories spécifiques paraît plus marquée qu’en France .
- Il en résulte que les différences de destin professionnel entre les sexes sont plus importantes en Suède qu’en France :les professions des femmes diffèrent moins de celles de leurs pères en France qu’en Suède .
Mais , à terme , en raison de l’égalisation des conditions féminines et masculines , on peut envisager ( et on doit souhaiter) une ouverture de l’éventail des professions féminines , qui se rapprocheraient de celles des hommes . Mais alors , les femmes concurrenceraient les hommes dont la mobilité sociale serait forcément plus réduite .
4 - l’apport de l’immigration
La mobilité sociale des jeunes français a été d’autant plus facilité pendant les trente glorieuses que les immigrés prenaient la place (laissée libre par des jeunes qui s’élevaient dans la société) en occupant les emplois les plus mal payés et les moins valorisants
Mais depuis les années 70 , pour lutter contre le chômage , la France a fermé ses frontières à l’immigration . Dès lors , il faut bien que quelqu’un occupe les emplois que ne peuvent plus prendre les immigrés , d’où une mobilité descendante pour une partie des jeunes français .
Conclusion : En résumé on peut dire que la mobilité sociale a certes progressé mais que cette mobilité :
· s’effectue par trajets courts ,
· qu’elle est horizontale
· mais qu’elle résulte essentiellement des changements de structure plutôt que d’une plus grande fluidité de la population et d’une réduction des inégalités ,
· que cette mobilité structurelle dépend énormément du contexte économique et social , et que depuis 20 ans , elle est beaucoup moins forte qu’elle ne l’était par le passé
PARTIE III : LES ANALYSES THEORIQUES DE LA MOBILITE SOCIALE
INTRODUCTION
2 agents, essentiellement, interviennent dans le processus de la mobilité sociale : la famille et l’école , dans les sociétés qui ont généralisé un système de formation extérieur à la famille . Le rôle du système scolaire a fait l’objet de controverses :
· pour P.Bourdieu et J.C.Passeron , l’école reproduit les inégalités sociales
· selon R.Boudon c’est le choix rationnel des individus en fonction de leur position sociale qui explique la mobilité sociale
I ) DES INEGALITES NATURELLES EXPLIQUENT LA FAIBLE MOBILITE SOCIALE .
En 1995 , « The Bell Curve » signé par C.Murray et R.Herrenstein et publié aux USA a apporté une réponse concernant l’origine des inégalités de revenu ou de prestige .
Postulat de base : La thèse centrale de leur livre est que , de plus en plus ,
· l’accès au pouvoir financier , économique est déterminé par l’intelligence de l’individu donc par un facteur naturel, et de moins en moins par des facteurs exogènes comme la classe sociale ou la fortune .
· Or , selon les auteurs , l’intelligence mesuré par le QI n’est pas seulement inégalement réparti suivant les groupes ethniques : les noirs ont un QI moyen inférieur aux blancs , elle est aussi essentiellement héréditaire .
Conséquences : Il ne peut donc y avoir pour ces auteurs de mobilité sociale .
· Les politiques visant à l’accroître déboucheront obligatoirement sur un échec .
· Ainsi aux USA , l’affirmative action avait pour objectif de lutter contre les effets de la discrimination : places réservées dans les universités , emplois dans l’administration .
· Mais ces mesures sont perverses , car comme les noirs sont moins intelligents que les blancs , ce ne sont pas les meilleurs qui ont les postes clés .
Critiques : Cette thèse est facilement démontée :
· les auteurs font un usage incorrect du concept de race : ils la définissent comme un ensemble d’individus qui se croisent depuis assez longtemps pour que le groupe ainsi formé acquière une certaine unité morphologique .Or les noirs américains et les latinos ne représentent pas une race distincte : il s’agit d’ensembles composites de différentes nationalités et de différents groupes ethniques .
· le QI ne mesure pas « l’intelligence pure » , son résultat dépend de variables culturelles et sociales : en 1913 , aux USA , on a fait passer des tests de QI aux immigrants pour refouler les débiles mentaux : 83% des juifs et 87% des russes étaient d’après ces tests des faibles d’esprit .
· une enquête menée en Angleterre a montré que la réussite scolaire ne dépendait pas de facteurs génétiques mais de l’origine sociale . Elle a consisté à comparer la réussite scolaire de 2 groupes d’enfants nés entre 62 et 69 et issus des mêmes mères :
- Les premiers , généralement nés hors-mariage , ont été abandonnés à la naissance et adoptés peu après par des familles aisées .
- Le second groupe se compose de leurs frères et sœurs ( ou demi) restés avec leur mère et élevés dans un milieu populaire .
- Il n’y a aucune raison de supposer que le stock génétique des enfants du premier groupe soit statistiquement différent de celui du second .
- Or les trajectoires scolaires des deux groupes sont différentes : à l’âge de dix ans , 28 sur 32 des enfants adoptés et élevés dans des familles aisées poursuivaient normalement leur scolarité ; dans l’autre groupe , 16 sur 32 étaient déjà en échec scolaire .
- Ainsi est démontré que les différences de réussite scolaire selon l’origine sociale ne sont pas dues à des différences génétiques mais à des différences culturelles .
II ) LES THEORIES ACTIONNALISTES .
INTRODUCTION
Postulat de base : Ces théories ont pour point commun de s’appuyer sur une vision individualiste : la société étant étudié comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels.
· Les actionnalistes ne reprennent pas toutes les hypothèses qui caractérisent l’homo oeconomicus. En particulier ils contestent l’idée que l’individu soit un être parfaitement rationnel qui ne subisse pas l’influence du contexte institutionnel et social dans lequel il vit.
· Par contre les actionnalistes rejettent le modèle de l’homo sociologicus passif tel qu’il est défini (selon eux) par les théoriciens déterministes et culturalistes : c’est à dire un individu hyper socialisé, qui agit sans comprendre les raisons qui le poussent à agir, qui lui sont imposée par sa culture, son milieu social : en un mot une pate à modeler ne disposant d’aucun libre arbitre.
· Les actionnalistes vont alors définir le modèle de l’homo sociologicus actif : un individu dont la rationalité est réelle mais limitée qui va définir librement des objectifs à atteindre , en fonction des contraintes qui pèsent sur lui en mobilisant les ressources dont il dispose
· Il est donc nécessaire , selon les actionnalistes , afin de comprendre quelles sont les raisons qui ont motivé l’action de l’individu, de l’interroger, et non d’opérer une analyse objectiviste visant à prendre en compte de pseudo structures sociales qui l’aurait déterminé.
Le modèle de référence : L’ homo sociologicus actif , est l’individu de référence (cf. le modèle de l’idéal-type développé par M Weber)a plusieurs caractéristiques :
· c’est un acteur c’est à-dire qu’il agit ,
· il est maître de son destin ;
· mais cette action est soumise à des contraintes : l’acteur n’agit pas dans un vide institutionnel et social ;
· cette action possède une finalité , c’est-à-dire que l’action est rationnelle : pour R.Boudon , la principale raison est le calcul coût bénéfice
critiques des analyses holistes et déterministes :L’individualisme méthodologique est très critique envers l’analyse déterministe et en particulier les théories développées par Bourdieu (doc 9 p 537) qui considère que « l’acteur est une pâte molle sur laquelle viendraient s’inscrire les données de son environnement , lesquelles lui dicteraient ensuite son comportement dans telle ou telle situation »( ( R.Boudon ) :
· Selon Boudon les théoriciens culturalistes font de l’héritage culturel , inégalement réparti dans la population, le facteur discriminant essentiel de la réussite scolaire.
· Mais cette analyse est très contestable , car selon Boudon et plus largement selon les actionnalistes, le facteur primordial est la position social de l’individu qui exerce des effets exponentiels
· L’erreur des culturalistes s’explique par le type d’analyse qu’ils mettent en œuvre : une analyse synchronique qui conduit à surestimes le rôle de l’héritage. Alors qu’il faudrait mettre en œuvre une analyse diachronique qui conduit à relativiser l’influence de l’héritage, certes importante en début de cursus scolaire , mais dont les effets se dissipent au fur et à mesure de la scolarité.
· La meilleure preuve en est, selon Boudon, que les réformes visant à éliminer l’influence de l’héritage social ont échoué à réduire les inégalités de réussite scolaire.
· l’accès au pouvoir financier , économique est déterminé par l’intelligence de l’individu donc par un facteur naturel, et de moins en moins par des facteurs exogènes comme la classe sociale ou la fortune .
· Or , selon les auteurs , l’intelligence mesuré par le QI n’est pas seulement inégalement réparti suivant les groupes ethniques : les noirs ont un QI moyen inférieur aux blancs , elle est aussi essentiellement héréditaire .
Conséquences : Il ne peut donc y avoir pour ces auteurs de mobilité sociale .
· Les politiques visant à l’accroître déboucheront obligatoirement sur un échec .
· Ainsi aux USA , l’affirmative action avait pour objectif de lutter contre les effets de la discrimination : places réservées dans les universités , emplois dans l’administration .
· Mais ces mesures sont perverses , car comme les noirs sont moins intelligents que les blancs , ce ne sont pas les meilleurs qui ont les postes clés .
Critiques : Cette thèse est facilement démontée :
· les auteurs font un usage incorrect du concept de race : ils la définissent comme un ensemble d’individus qui se croisent depuis assez longtemps pour que le groupe ainsi formé acquière une certaine unité morphologique .Or les noirs américains et les latinos ne représentent pas une race distincte : il s’agit d’ensembles composites de différentes nationalités et de différents groupes ethniques .
· le QI ne mesure pas « l’intelligence pure » , son résultat dépend de variables culturelles et sociales : en 1913 , aux USA , on a fait passer des tests de QI aux immigrants pour refouler les débiles mentaux : 83% des juifs et 87% des russes étaient d’après ces tests des faibles d’esprit .
· une enquête menée en Angleterre a montré que la réussite scolaire ne dépendait pas de facteurs génétiques mais de l’origine sociale . Elle a consisté à comparer la réussite scolaire de 2 groupes d’enfants nés entre 62 et 69 et issus des mêmes mères :
- Les premiers , généralement nés hors-mariage , ont été abandonnés à la naissance et adoptés peu après par des familles aisées .
- Le second groupe se compose de leurs frères et sœurs ( ou demi) restés avec leur mère et élevés dans un milieu populaire .
- Il n’y a aucune raison de supposer que le stock génétique des enfants du premier groupe soit statistiquement différent de celui du second .
- Or les trajectoires scolaires des deux groupes sont différentes : à l’âge de dix ans , 28 sur 32 des enfants adoptés et élevés dans des familles aisées poursuivaient normalement leur scolarité ; dans l’autre groupe , 16 sur 32 étaient déjà en échec scolaire .
- Ainsi est démontré que les différences de réussite scolaire selon l’origine sociale ne sont pas dues à des différences génétiques mais à des différences culturelles .
II ) LES THEORIES ACTIONNALISTES .
INTRODUCTION
Postulat de base : Ces théories ont pour point commun de s’appuyer sur une vision individualiste : la société étant étudié comme le résultat de l’agrégation des comportements individuels.
· Les actionnalistes ne reprennent pas toutes les hypothèses qui caractérisent l’homo oeconomicus. En particulier ils contestent l’idée que l’individu soit un être parfaitement rationnel qui ne subisse pas l’influence du contexte institutionnel et social dans lequel il vit.
· Par contre les actionnalistes rejettent le modèle de l’homo sociologicus passif tel qu’il est défini (selon eux) par les théoriciens déterministes et culturalistes : c’est à dire un individu hyper socialisé, qui agit sans comprendre les raisons qui le poussent à agir, qui lui sont imposée par sa culture, son milieu social : en un mot une pate à modeler ne disposant d’aucun libre arbitre.
· Les actionnalistes vont alors définir le modèle de l’homo sociologicus actif : un individu dont la rationalité est réelle mais limitée qui va définir librement des objectifs à atteindre , en fonction des contraintes qui pèsent sur lui en mobilisant les ressources dont il dispose
· Il est donc nécessaire , selon les actionnalistes , afin de comprendre quelles sont les raisons qui ont motivé l’action de l’individu, de l’interroger, et non d’opérer une analyse objectiviste visant à prendre en compte de pseudo structures sociales qui l’aurait déterminé.
Le modèle de référence : L’ homo sociologicus actif , est l’individu de référence (cf. le modèle de l’idéal-type développé par M Weber)a plusieurs caractéristiques :
· c’est un acteur c’est à-dire qu’il agit ,
· il est maître de son destin ;
· mais cette action est soumise à des contraintes : l’acteur n’agit pas dans un vide institutionnel et social ;
· cette action possède une finalité , c’est-à-dire que l’action est rationnelle : pour R.Boudon , la principale raison est le calcul coût bénéfice
critiques des analyses holistes et déterministes :L’individualisme méthodologique est très critique envers l’analyse déterministe et en particulier les théories développées par Bourdieu (doc 9 p 537) qui considère que « l’acteur est une pâte molle sur laquelle viendraient s’inscrire les données de son environnement , lesquelles lui dicteraient ensuite son comportement dans telle ou telle situation »( ( R.Boudon ) :
· Selon Boudon les théoriciens culturalistes font de l’héritage culturel , inégalement réparti dans la population, le facteur discriminant essentiel de la réussite scolaire.
· Mais cette analyse est très contestable , car selon Boudon et plus largement selon les actionnalistes, le facteur primordial est la position social de l’individu qui exerce des effets exponentiels
· L’erreur des culturalistes s’explique par le type d’analyse qu’ils mettent en œuvre : une analyse synchronique qui conduit à surestimes le rôle de l’héritage. Alors qu’il faudrait mettre en œuvre une analyse diachronique qui conduit à relativiser l’influence de l’héritage, certes importante en début de cursus scolaire , mais dont les effets se dissipent au fur et à mesure de la scolarité.
· La meilleure preuve en est, selon Boudon, que les réformes visant à éliminer l’influence de l’héritage social ont échoué à réduire les inégalités de réussite scolaire.
A ) LA CONCEPTION MERITOCRATIQUE
Constat : Jusqu’à la fin du XIX° siècle , en Europe , l’éducation reproduisait fidèlement la stratification sociale :
· d’une part des écoles privées et payantes réservées aux classes supérieures ,
· d’autre part des écoles publiques financées par l’Etat ou par les collectivités et destinées aux classes populaires .
· Il ne peut donc y avoir de mobilité sociale car au départ il y a inégalité des chances .
Définition : La conception méritocratique considère que le statut d’arrivée ne doit pas dépendre de son statut d’origine mais de ses propres capacités; l’école doit donc être neutre et unique . Cela signifie :
· une éducation gratuite et universelle jusqu’à un certain niveau minimal .
· une distribution à tous d’un savoir identique .
· une égalité des ressources scolaires : même matériel , même enseignant .
· composition sociale et ethnique identique .
B ) LES CAUSES DE L’INEGALITE DES CHANCES SCOLAIRES .
1°) RISQUES ET AVANTAGES D’UN INVESTISSEMENT SCOLAIRE .
les déterminants de l’orientation : Selon R.Boudon , le système éducatif peut se comparer à un réseau complexe de voies ferrées reliées par des aiguillages A chaque bifurcation , un choix est effectué par l’élève et sa famille . 3 variables influencent ce choix :
· la réussite scolaire qui dépend des dons , mérites et capacités de travail de l’individu .
· le risque , c’est-à-dire le coût de cette scolarité supplémentaire . Plus les coûts seront forts , plus l’hésitation sera grande . Or les coûts ont toutes chances d’être plus lourds dans les milieux défavorisés . Il existe donc une première raison pour qu’un individu de classe sociale défavorisée ait un parcours scolaire moins long qu’un individu de classe supérieure .
· les bénéfices attendus : or ces bénéfices seront différents selon le milieu social . Suivant la théorie des groupes de référence , on peut faire l’hypothèse que lorsque la famille définit plus ou moins confusément le statut qu’elle considère que le jeune peut légitiment chercher à obtenir ,elle le définit dans une large mesure par rapport à son propre statut .Un instituteur sera satisfait si son fils devient professeur du secondaire , un professeur de faculté sera déçu .
conséquences : Ainsi le choix du type de scolarité dépend du calcul rationnel des individus :
· ils comparent le coût d’une année de scolarité supplémentaire avec son bénéfice .
· Pour 2 enfants de réussite scolaire identique médiocre , il est rationnel pour l’enfant de classe supérieure de continuer des études longues ; et pour un enfant de classe populaire , de faire des études courtes .
Conclusion : Pour R.Boudon , les inégalités scolaires sont dues :
· au fait que les coûts et avantages de l’investissement scolaire sont appréciés de façon variable selon les milieux sociaux
· et non à des différences culturelles qui rendraient les enfants des classes populaires moins préparés aux exercices proposés par l’école .
· Il est donc nécessaire selon Boudon de différencier deux dimensions :
- La sur-sélection correspond à un traitement inégal opéré par l’école et la société qui vont sanctionner plus fortement les enfants issus de milieu défavorisés , par exemple en ne leur accordant pas les même chances qu’aux enfants issus des classes supérieures.
- L’auto sélection correspond quant-à elle à une situation où l’enfant et sa famille vont limiter leurs ambitions, non pas du fait d’un traitement injuste opéré par l’école , mais parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de poursuivre des études plus longues, du fait de leur position sociale.
2° ) ORIGINE SOCIALE OU COUT D’INVESTISSEMENT ?
critique des théories déterministes : Selon les actionnalistes
· l’erreur des analystes déterministes tient au fait qu’ils opèrent des études instantanées .
· Or , au fur et à mesure où on avance dans le cursus et donc dans le temps , la relation entre classe sociale et réussite tend à disparaître : par le jeu de la différence d’appréciation des coûts , des avantages et des risques , l’autosélection est d’autant plus forte qu’on descend plus bas dans l’échelle sociale :
· pour les élèves moyens faibles , l’orientation est différente selon l’origine sociale les individus des classes populaires se sélectionnent plus . Les différences de réussite en fonction du milieu ont donc tendance à s’atténuer puisqu’il ne reste que les meilleurs des classes populaires .
· Il faut donc mener une analyse temporelle d’autant plus que l’influence de la position sociale a des effets exponentiels .
Conséquences : plus il y a des points de bifurcation , plus l’influence du choix aura un effet important : il a un effet démultiplié .
3° ) LES SOLUTIONS PRECONISEES PAR R. BOUDON
La cause de l’inégalité est la combinaison de deux facteurs :
· un système scolaire doit au delà du tronc commun proposer des choix et sélectionner les meilleurs
· les vœux et choix des familles sont influencés par leur position sociale.
· Résultat : l’effet exponentiel de l’autoselection .
trois solutions sont alors proposées par R Boudon :
· substituer à des choix irrémédiables ( filière longue/courte) des choix qui engagent moins l’avenir . Mais aucun choix n’est réellement doux : dès qu’ils prennent une valeur stratégique , ils engagent beaucoup l’avenir .
· agir sur les coûts qui pèsent davantage sur les familles défavorisées que sur les autres : mettre en oeuvre des systèmes de bourses .
· la plus efficace est de relier de manière plus stricte l’orientation aux résultats scolaires ..L’influence de la famille doit être réduite pour tenir compte de facteurs objectifs : les performances .
C ) LES EFFETS PERVERS DE LA DEMOCRATISATION DU SYSTEME SCOLAIRE .
1° ) LE LIEN ENTRE DIPLOME ET CSP .
Constat : On remarque que le diplôme influence la position sociale :
· les diplômés de l’enseignement supérieurs sont massivement cadres supérieurs ,
· ceux qui n’ont aucun diplôme ouvriers ou agriculteurs .
· en effet nous nous trouvons dans une société où « l’école attribue des qualifications scolaires possédant une certaine utilité sociale dans la mesure où certains emplois, positions ou statuts sont réservés aux diplômés »
2° ) UNE DEMOCRATISATION DU SYSTEME SCOLAIRE .
La démocratisation, comme l’indiquait A de Tocqueville (cf. chapitre précédent) résulte du fait que « les idéaux démocratiques dont était porteuse la révolution de 1789 ne pouvaient s’arrêter à l’exercice formel d’une égalité politique (…) ainsi à l’égalité politique du citoyen devait pouvoir correspondre une égalité sociale, non pas des situations elles-mêmes, mais des conditions de leur accès ».
Définition ( 18 p 161): Le terme démocratisation scolaire a 2 sens :
· quantitatif : c’est le développement de la scolarisation : il signifie qu’un nombre croissant d’élèves poursuit des études plus longues. on peut alors parler de massification scolaire
· qualitatif : réaliser l’égalité des chances , c’est la conception méritocratique .
Constat : il y a eu développement de la scolarisation :
· le nombre de personnes scolarisés augmente ; la croissance est d’autant plus rapide que le niveau d’enseignement est élevé .
· Mais celle ci n’a pas véritablement permis d’assurer un égalité des chances , on peut , plus sûrement parler de translation vers le haut des inégalités.
3° ) LE PARADOXE D’ANDERSON
Postulat de base : Théoriquement , comme le diplôme influence la position sociale , la démocratisation de l’enseignement devrait se traduire par une augmentation des possibilités de mobilité .
Constat : Or , c’est le contraire que l’on remarque Ainsi, on remarque que « 70 % des fils ont un niveau de diplôme supérieur à celui de leur père, mais seulement 39 % ont un statut social supérieur . » Ces chiffres indiquent que, étant donné les catégories considérées, la structure sociale s’est déplacée vers les catégories supérieurs mais avec une intensité moins grande que la structure éducationnelle »
Conséquences : c’est le paradoxe d’Anderson . Les fils ont un niveau d’éducation supérieur à leur père mais une position sociale inférieure . Ce paradoxe s’explique par le fait que la structure éducative s’est modifiée plus rapidement que la structure sociale .
Conclusion : Le résultat : on constate une inflation des diplômes .
4° ) L’INFLATION DES DIPLOMES .
Constat : L’inflation ou la dévaluation des diplômes signifie la baisse du rendement du diplôme):
· Un homme possédant un diplôme supérieur à bac + 2 percevait un salaire 4.76 fois plus fort qu’une femme sans diplôme en 1970 , et seulement 3.26 fois 1993.
· le pourcentage des diplômés d’une licence dans les 5% les mieux payés décroît régulièrement depuis 1970 .
Explications : Pour J.C.Passeron , cette analogie avec la monnaie est pertinente :
· la baisse du pouvoir d’achat d’une monnaie résulte d’une augmentation plus rapide de la masse monétaire par rapport à la quantité de biens disponibles .
· De même ,la baisse du rendement professionnel d’un diplôme découle de l’évolution différentielle de deux structures : la répartition hiérarchique des diplômes se modifie plus rapidement que la répartition hiérarchique des positions sociales .
· Comme les positions sociales élevées ne se sont pas multipliées , l’accroissement du nombre de diplômés se traduit par une dévaluation : un même diplôme ne permet pas d’obtenir le même emploi .
· Cette dévaluation ne touche pas tous les diplômes : les diplômes qui n’ont pas connu une croissance rapide , c’est-à-dire qui restent rares , conservent la même valeur réelle : c’est le cas des diplômes des Grandes Ecoles où l’entrée est restreinte par rapport aux Universités .
Conséquences : Face à cette dévaluation des diplômes , le comportement des étudiants va être rationnel ;
· ils vont tenter de se protéger de la dévaluation . Arrêter ses études n’est pas rationnel puisque , comme le dit L.Levy-Garboua « avec le diplôme on n’a presque rien , mais sans diplôme rien du tout » .
· Ils vont donc continuer leurs études pour arriver à des niveaux de diplôme encore non touchés par la dévaluation
· Mais comme tous les étudiants agissent de la même manière , il y a une augmentation du nombre d’individus à ce niveau de diplôme et donc dévalorisation de ce niveau de diplôme .
Conclusion : L’inflation des diplômes est donc un effet pervers de l’action rationnelle des individus :
· il est rationnel pour les individus de continuer leurs études ;
· mais de ce fait , ils réduisent la valeur de leur diplôme .
· on observe un effet d’agrégation des comportements individuels qui génère un résultat non attendu et non souhaité de la part d’individus pourtant rationnels : on parle alors d’effets pervers ou contra-productifs.
III ) LES THEORIES CULTURALISTES .
INTRODUCTION
Définition : La conception républicaine considère que le savoir est en soi un facteur de promotion :
· l’école ,en tant qu’institution chargée de dispenser le savoir à tous les citoyens , sans distinction d’origine ni d’appartenance , devait contribuer à la disparition des inégalités sociales et des privilèges .
· L’école devait récompense les meilleurs .
Remarque : Cette croyance s’est d’autant plus enracinée que l’on connaît de nombreux exemples de réussite .
Bourdieu conteste 2 conceptions théoriques :
· une conception strictement déterministe dans laquelle l’individu n’a aucune liberté de choix , il est manipulé par des forces qui lui échappent
· une conception actionnaliste dans laquelle l’individu est supposé être un acteur conscient qui opère des choix sous contrainte mais en pleine connaissance de cause .
· Bourdieu peut alors en conclure que les conceptions déterministes et actionnalistes paradoxalement conduisent à des résultats comparables : les individus n’ayant finalement pas plus la capacité d’exprimer des choix dans l’une que dans l’autre
A ) LA REMISE EN CAUSE DU POSTULAT DE L’EGALITE DES CHANCES .
1 ) LA THEORIE CULTURALISTE DU LANGAGE DE BERSTEIN.
Constat : Bernstein a mis en évidence 2 types de langage utilisés par deux catégories de population :
· le langage formel , utilisé par la classe bourgeoise : riche en qualifications personnelles et individuelles ; sa forme implique des ensembles d’opérations logiques ; l’intensité et le ton sont secondaires . Il y a une élaboration grammaticale complexe due à l’utilisation de subordonnées , de conjonctions et de prépositions qui permet de traduire les relations logiques
· le langage public , propre à la classe populaire : l’accent est mis sur les termes émotifs ; il emploie un symbolisme concret , descriptif , et visuel dont la nature tend à limiter l’expression verbale du sentiment dans la mesure où l’expression de celui-ci est opérée par des moyens non verbaux : gestes , expressions corporelles . Les phrases sont courtes , pauvres en adjectifs et en adverbes .
Conséquences : Selon Bernstein :
· le niveau linguistique est indépendant du potentiel intellectuel;
· mais il y a supériorité du langage formel sur le langage public du point de vue des normes scolaires .
Conclusion : Les enfants des classes populaires sont donc désavantagés car ils ne disposent pas du langage utilisé par l’école (le langage formel) : pour réussir , il faut qu’ils en apprennent un nouveau
2° ) LES INEGALITES DE CAPITAL
Selon P Bourdieu le niveau social résulte de la combinaison de plusieurs espèces de capital : économique , culturel et social . Chaque espèce de capital peut se transmettre d’une génération à une autre et peut être convertie en une autre espèce de capital .
· le capital économique : outils de production mais aussi les placements de toute nature , les biens d’usage , voire le revenu du père .
· le capital culturel : P.Bourdieu distingue le capital culturel incorporé : le diplôme du père ou de la mère et non incorporé : les biens culturels : livres , oeuvres d’art .
· le capital social : ensemble des relations sociales dont dispose un individu .
Mais ces trois types de capital ne sont pas obligatoirement corrélés :
· les professeurs ne disposent que du capital culturel . Les artisans essentiellement du capital économique.
Ces trois types de capital n’ont pas la même influence sur la réussite scolaire :
· Selon P Bourdieu c’est le capital culturel qui explique principalement l’inégale réussite scolaire .
· P. Clerc a ainsi montré que , à diplôme égal , le revenu n’exerce aucune influence propre sur la réussite scolaire . A revenu égal , la réussite dépend d’abord des diplômes du père et de la mère.
· Le capital culturel a donc un rôle plus important que le capital économique : c’est le niveau culturel global de la famille qui est important .
Ces trois types de capital sont inégalement distribués :
Bourdieu considère que :
· les enfants originaires des classes supérieures héritent de savoirs et de savoir-faire , de goûts , dont la rentabilité scolaire est grande .
· La culture « libre » ( celle qui n’est pas apprise à l’école : musique , théâtre , ..) qui est la condition implicite de réussite dans certaines carrières scolaires , est inégalement répartie .
La stucture du capital peut évoluer :
Au cours des 30 dernières années on a pu assister à un mouvement de :
· crise du monde des indépendants avec la disparition de nombreuses PME de l’artisanat et du commerce
· un mouvement de concentration des entreprises
· les fils de patrons de l’industrie et du commerce ne peuvent donc plus compter uniquement sur la possession d’un capital économique afin de maintenir sa position sociale
· ils ont donc reconvertis , au moins en partie, leur capital économique en capital culturel : grace aux diplômes acquis , ils peuvent espérer occuper des positions élevées voire dirigeantes dans les grands groupes.
Cette reconversion a un second avantage pointé par Bourdieu : ils peuvent ainsi « prélever une part des bénéfices des entreprises sous forme de salaires , mode d’appropriation mieux dissimulé,et sans doute plus sur que la rente » . La possession d’un diplôme apparaît dans une société démocratique et égalitaire un mode de sélection plus juste que l’héritage d’un capital économique »
Selon l’origine sociale , le type de culture est différent :
· les enfants des classes supérieures disposent de la culture classique , celle qui est valorisée à l’école . Il y a donc totale adaptation entre culture scolaire et culture d’origine. La culture scolaire renforce donc la culture d’origine .
· En revanche , pour les enfants des classes populaires , le mode de pensée , les centres d’intérêt , le type de langage sont différents de ceux valorisés à l’école : pour réussir , ils doivent donc abandonner leur propre culture pour en adopter une autre ; c’est un processus d’acculturation (cf A Ernaux).
Bourdieu peur alors en conclure que l’individu n’est pas un acteur rationnel qui décide de la poursuite d’études en fonction d’une analyse coût-bénéfice opérée sous contraintes . En effet , il écrit : « Les attitudes à l’égard de l’école , de la culture scolaire et de l’avenir proposé par les études sont pour une grande part l’expression du système de valeurs implicite ou explicite qu’ils doivent à leur appartenance sociale . En fait , tout se passe comme si les attitudes des parents ( … ) étaient avant tout l’intériorisation du destin objectivement assignée à l’ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent » .
· Bourdieu oppose , sur ce point , les enfants d’ouvriers à ceux qui sont issus des classes moyennes :
· les familles ouvrières ont ,selon Bourdieu , intériorisé même si elles ne les connaissent pas , les forts risques d’échec de leurs enfants qui cherchent à accéder à l’enseignement supérieur ( seulement 2 % réussissent ) . Les parents ne sont pas alors incités à valoriser une poursuite longue d’études , craignant les déceptions futures .
· inversement , les enfants issus des classes moyennes ont des probabilités d’accès aux études supérieures beaucoup plus importantes . Ils vont donc développer un ethos de classe , basé sur l’ascension sociale et l’aspiration à la réussite à l’école par l’école . Ils vont donc pousser leurs enfants à réussir leurs études .
· Sur le même principe , le groupe des pairs joue un rôle essentiel : les jeunes , du fait de l’homogénéité sociale assez importante des collèges et lycées , ont une forte probabilité de se retrouver avec des enfants issus de leur groupe social d’origine qui vont redoubler l’influence du milieu familial , en incitant leurs membres à développer par rapport à l’école des espérances raisonnables : « c’est-à-dire , bien souvent , au renoncement espéré » .
Conclusion : Selon l’origine sociale , les enfants ne sont donc pas dans la même situation : il y a donc inégalité de départ face à l’école
B ) L’ECOLE N’EST PAS NEUTRE
1° ) LES TITRES SCOLAIRES , DE NOUVEAUX TITRES DE NOBLESSE
Rappel de la conception méritocratique : La vision méritocratique et neutre de l’école fait que ceux qui réussissent scolairement le doivent à leurs seuls mérites .
Conséquences : Il y a donc une grande légitimité accordée à ceux qui détiennent les postes clés : ils sont seuls responsables de leurs résultats . Cette approche est partagée par toute la population : des exemples de déchéance sociale ou au contraire d’ascension sociale sont toujours mis en exergue pour montrer la neutralité de l’école .
Critiques de la conception méritocratique :
- Bourdieu oppose l’apparence et la réalité :
· en apparence depuis la Révolution française , la reproduction sociale basée sur les droits du sang et sur l’idée d’une culture de naissance a disparu avec l’aristocratie .
· mais on constate , qu’en réalité , même si la bourgeoisie a refusé d’invoquer les droits du sang ou les droits de la nature afin de justifier sa place dans la hiérarchie , elle a développer un système de reproduction basé sur une conception apparemment méritocratique : « l’héritier des privilèges bourgeois doit en appeler aujourd’hui à la certification scolaire qui atteste à la fois ses dons et ses mérites »
- l’école occupe donc dans le système de reproduction une place essentielle . L’école apparaît d’autant plus neutre qu’elle dispose d’une autonomie grande et qu’elle a mis en place une démocratisation qui assure à tous ( au moins , en apparence ) les mêmes chances . L’école confère donc à la bourgeoisie , selon Bourdieu , à la fois :
· « le privilège suprême de ne pas s’apparaître comme privilégié »
· et de « convaincre les déshérités qu’ ils doivent leur destin scolaire et social à leurs défauts de dons ou de mérites »
ainsi , le système scolaire est , comme l’indique le dessin , « l’outil de légitimation sociale et de transmission héréditaire des privilèges » dans nos sociétés démocratiques : ou comment , en démocratie , l’aristocratie prend le visage de la méritocratie
Conclusion : Le rôle de l’école est donc de transformer selon P.Bourdieu « ceux qui héritent en ceux qui méritent »
2° ) LE RACISME DE L’INTELLIGENCE.
Constat : On remarque que :
· plus la CSP est élevée , plus le QI moyen est fort ;
· de même plus la CSP des enfants est élevé est forte et plus la part des enfants au QI restreint est faible .
Conséquences : De cette différence , va naître un racisme de l’intelligence :
· qui est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend , pour une part , de la transmission du capital culturel , capital hérité qui a pour propriété d’être incorporé , donc apparemment naturel , inné .
· Le racisme de l’intelligence est le fait d’une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres scolaires . Ces titres sont une garantie d’intelligence , puisque les résultats scolaires sont conformes aux tests du QI .
Critiques :
- Bourdieu constate que les tests d’intelligence sont apparus au moment où les enfants de classes populaires commençaient à poursuivre des études qui avaient une forte probabilité de déboucher sur un échec . 2 solutions étaient alors applicables :
· soit l’école développe un enseignement qui n’est pas neutre et qui valorise la culture bourgeoise ; elle doit alors se réformer afin d’assurer une réelle égalité des chances
· soit l’échec quasi systématique des enfants des classes populaires s’explique par une insuffisance de capacités naturelles , c’est-à-dire d’intelligence
- selon Bourdieu , c’est le second choix qui a été opéré ; les tests d’intelligence ne peuvent être donc considérés comme des outils neutres et objectifs , puisque : « l’intelligence c’est ce que mesurent les tests d’intelligence , c’est-à-dire ce que mesure le système scolaire » .
- Bourdieu peut alors en conclure que les tests d’intelligence sont une forme de manipulation qui permet aux privilégiés dont « le pouvoir repose , en partie , sur la possession de titres qui , comme les titres scolaires , sont censés être des titres d’intelligence » de justifier leur position en se sentant d’une naissance supérieure . On peut alors parler d’un racisme de classe : « le classement scolaire est un classement social euphémisé , donc naturalisé , un classement social qui a déjà subi une censure ( … ) tendant à transformer les différences de classe en différences d’intelligence , de dons , c’est-à-dire en différence de nature » .
- Ces tests ne mesurent donc pas l’intelligence mais la capacité d’adaptation à l’école . Or cette capacité est différente selon l’origine sociale : forte pour les enfants des classes supérieures , faible pour les enfant des classes populaires qui doivent opérer une acculturation . Cela expliquerait donc les résultats du QI sans mettre en cause l’intelligence des classes populaires .
C ) UNE DEMOCRATISATION APPARENTE DU SYSTEME SCOLAIRE
1° ) L’OBJET DE LA DEMOCRATISATION
Mesures préconisées pour lutter contre les inégalités : Pour démocratiser le système scolaire , les instruments employés sont la réduction des inégalités de revenu : c’est le système de bourses qui permet de compenser la faiblesse des revenus des classes populaires .
Critiques de ces mesures :
· Or selon P.Bourdieu , la réduction des inégalités économiques ne remet pas en cause la perpétuation des inégalités scolaires , car l’origine n’est pas financière mais culturelle .
· Au contraire , elle pourrait même renforcer les inégalités scolaires : les mécanismes qui assurent l’élimination des enfants des classes inférieures ( le handicap culturel) agiraient presque aussi efficacement ( et plus discrètement ) dans le cas où une politique systématique de bourses rendrait formellement égaux devant l’Ecole les sujets de toutes les classes sociales .
· On pourrait alors , avec plus de justifications que jamais , imputer à l’inégalité des dons ou à l’aspiration inégale de la culture les résultats scolaires inégaux selon l’origine sociale .
Solutions préconisées : Selon P.Bourdieu, la solution pour réellement démocratiser le système scolaire est :
· de traiter inégalement des enfants inégaux .
· Donner à tous des chances égales devant l’enseignement consiste à prendre en compte l’origine sociale . Il faut prendre conscience que l’échec scolaire provient en grande partie d’éléments culturels ;
· l’école doit donc compenser , de la maternelle à l’Université ce handicap culturel , autrement dit l’enseignement doit être différencié selon les apports personnels des élèves .
2° ) LES EFFETS DIFFERENCIES DE LA DEVALUATION DES DIPLOMES.
Constat : La dévaluation des diplômes ne touche pas uniformément tous les types de diplômes :
· les plus rares sont mieux protégés mais aussi les diplômes nouveaux , peu connus qui répondent à une demande du marché du travail .
· Pour se protéger de cette dévaluation , il faut donc connaître parfaitement le système scolaire et ses différentes orientations .
Conséquences : Or , cette connaissance est inégalitairement répartie dans la population :
· un critère géographique joue ( Paris est le lieu où le système universitaire est le plus différencié )
· ainsi qu’un critère social ( les classes supérieures ont une meilleure connaissance des différentes possibilités du système scolaire ) .
conclusion : Les enfants des classes populaires sont donc désorientés face à cet univers brouillé de filières multipliées :
· ils sont donc contraints à s’abandonner aux conseils de conseillers d'orientation professionnels ou bénévoles qui ne font , le plus souvent , que renforcer leurs inclinations (socialement constituées) à choisir les voies les plus sûres à leurs yeux , c’est-à-dire les plus courtes et les plus scolaires .
· Or ce choix ne les laisse pas à l’abri d’une dévaluation de leur diplôme pour un investissement scolaire souvent fort
3° ) VOIES DETOURNEES ET ECOLES REFUGES
constat : La stratégie des enfants des classes supérieures est différente car ils disposent d’une meilleure connaissance du système :
· soit ils disposent des compétences scolaires nécessaires pour faire des études « nobles » et donc rares : on constate qu’entre 1981 et 1991 :
- les fils de cadres supérieurs et assimilés représntent80% des admis au concours externe(la voie royale ) et seulement 16 % des jeunes.
- Les fils d’ouvriers au contraire représentent 38% des jeunes et seulement 1.5 % des reçus.
· soit ils vont contourner l’obstacle scolaire pour un résultat nettement plus efficace que celui des enfants des classes moyennes et inférieures :
- Ils vont s’orienter vers les formations les moins autonomes et les moins contrôlés scolairement de l’espace scolaire , c’est-à-dire vers les écoles refuges qui se sont multipliées au cours des 20 dernières années , surtout dans le domaine de la gestion ( où simultanément la pression de la demande se faisait aussi sentir )
- La naissance de ces écoles résulte de l’accroissement du nombre de diplômés , qui tend à déterminer l’exclusion des non -diplômés et des autodidactes . Pour les enfants des classes supérieures en échec scolaire , ces écoles sont la solution pour obtenir un diplôme et éviter la déchéance sociale .
conséquences :
· La caractéristique de ce type d’enseignement est d’être a-scolaire : il est bien adapté à la population qui se présente dans ces écoles car ils sont en échec scolaire; on s’intéresse à la personnalité du candidat et non à ses performances scolaires
· Les diplômés de ce type d’école vont être en concurrence avec les diplômés traditionnels (BTS , IUT ) .. Malgré des performances scolaires moins bonnes , ils sont mieux armés pour trouver un emploi et éviter la dévaluation de leur diplôme : leur diplôme est rare et surtout ils disposent d’un capital social important .
D ) LE ROLE DU CAPITAL SOCIAL .
Constat : l’obtention d’un diplôme élevé est une condition nécessaire mais insuffisante pour participer à l’élite : un fils d’instituteur qui accède à Polytechnique n’en tirera pas le même profit que le polytechnicien , fils de pdg .
Explications : par le rôle du capital social:
· selon J.C.Passeron , toute dévaluation réévalue les valeurs qui échappent .
· En période d’inflation universitaire, la baisse du rendement professionnel du diplôme est inégalement sévère selon les caractéristiques sociales du porteur d’un titre scolaire .
· Quand les diplômes deviennent de moins en moins rares , la sélection ne se fait plus uniquement sur les compétences scolaires mais sur des éléments extrascolaires : le capital social (les relations , le piston), ou l’aisance à se mouvoir dans le monde (manières de tables, etc ;) .
Conséquences :
· Ainsi , la démocratisation de l’enseignement a plus servi aux mauvais élèves des classes supérieures ( qui peuvent maintenant obtenir un diplôme et le convertir en position sociale grâce à leurs relations )
· qu’aux bons élèves des classes moyennes et populaires ( qui ont fait des investissements scolaires , qui ne se traduisent pas forcément par de la mobilité sociale ) .
E ) LE CONFLIT CULTUREL .
Constat :
· Les enfants des classes populaires ont donc des difficultés pour réussir leur scolarité : ils doivent opérer une déculturation ( abandonner leur culture d’origine ) pour réussir leur acculturation ( apprentissage d’une autre culture )
· En revanche , pour les enfants des classes supérieures , la scolarité est facilitée par un processus d’enculturation ( renforcement de leur propre culture ) .
Explications : Les enfants des classes populaires qui réussissent scolairement sont confrontés à une dualité culturelle . Comme le dit R.Hoggart dans « La culture du pauvre » , le boursier appartient à deux mondes à la fois :
· il subit , plus que tout autre élève, l’influence de l’école et des valeurs scolaires ,
· mais il n’en reste pas moins attaché à la vie du groupe familial et à ses valeurs .
Conclusion : Cette dualité culturelle aboutit souvent à des difficultés d’intégration dans un groupe social : il est difficile de rester dans son milieu d’origine et l’insertion franche dans le milieu social d’accueil est à la fois perçue comme impossible et délibérément refusée (cf. l’exemple d’A Ernaux)
F ) L’HABITUS .
L’influence du groupe familial sur l’individu est développé par P.Bourdieu à travers son concept d’habitus .
Définition :
· Il désigne un système de dispositions durables et transposables à beaucoup de situations qui fonctionne comme une guide de perceptions , d’appréciations ou d’actions .
· L’habitus montre donc, que contrairement aux visions déterministes de type marxistes et durkheimienne, l’individu n’est pas totalement passif, qu’il contribue par sa liberté d’action , à la construction de son histoire ;
· Mais le rôle du mileu social et familial reste essentiel : l’habitus est en effet élaboré dans le cadre de la famille et surtout lors de la prime enfance (socialisation primaire)
· Il est variable selon la classe d’appartenance ( populaire , moyenne ou supérieure )
· et trouve sa source dans l’expérience passée des générations .
· L’individu agit mais il n’est pas libre de ses actions : elles sont influencées par son son habitus et par sa socialisation au sein d’une classe sociale qui sont largement intériorisés donc inconscient
Critiques :
· Si cette thèse a le mérite de mettre en valeur une socialisation différentielle selon les classes ,
· elle apparaît démunie quant à l’approche du changement social : le changement social modifie l’horizon des possibilités objectives des enfants . Ces derniers peuvent trouver ainsi des marges de manœuvre que l’intériorisation des valeurs et des normes parentales ne supprime pas totalement
Remarque : a partir des années 80, pour tenir compte de l’évolution de la société, P Bourdieu a amendé la notion d’habitus afin d’insister davantage sur la liberté de l’individu, particulièrement quand celui-ci connaît une mobilité sociale qui l’éloigne de son groupe d’origine, ou quand la société connaît des bouleversements ( ex la chute du mur de Berlin et ses répercussions sur la culture communiste), mais Bourdieu contrairement à Boudon rejette toujours l’idée que l’individu serait un acteur social totalement libre et agissant uniquement en fonction de son intérêt personnel par un calcul rationnel.
CONCLUSION GENERALE DU CHAPITRE : proposée par JP Simmonet sur le site du lycée d’Arsonval :
Raymond Boudon reconnaît l’importance de la structure sociale sur l’explication de la reproduction sociale à partir de l’influence du milieu social d’origine dans la démarche rationnelle des familles mais aussi à partir de l’effet de dominance qui se traduit par le fait qu’à diplôme égal, la position sociale diffère suivant le groupe social d’appartenance (un médecin fils de médecin a souvent une position sociale plus élevée qu’un médecin fils d’ouvrier alors même que ce dernier a franchi des obstacles plus difficiles). A niveau de diplôme équivalent , des positions sociales valorisées sont réservées à des individus issus des milieux favorisés (importance du capital social).
Finalement, Raymond Boudon développe une analyse multi-factorielle de l’inégalités des chances sociales. Celle-ci s’explique par l’inégalité des chances à l’école mais aussi par une évolution trop lente de la structure des emplois ainsi que par l’effet de dominance. Pour ce qui concerne l’inégalité des chances à l’école, il faut prendre en compte les décisions prises au sein des familles ainsi que certaines caractéristiques du système scolaire. Il s’agit d’une analyse systémique de l’inégalité des chances dans laquelle les acteurs agissent rationnellement (perspective interactionniste) tandis que Bourdieu ramène l’inégalité des chances à l’inégalité des chances à l’école (perpective holiste).
Un débat renouvellé : "Inégalités devant l’école : le rôle du revenu".
La publication dans la synthèse annuelle de l’INSEE "France portrait social" (édition 2000-2001) d’un article intitulé "La persistance du lien entre pauvreté et échec scolaire" a suscité une discussion intéressante. Les auteurs, Dominique Goux et Éric Maurin il s’agit de montrer que « Plus le revenu d’une famille sont élevés, plus les parents sont à même d’offrir à leurs enfants des conditions de vie favorables à leur développement et il s’agit d’un déterminant fondamental. Le revenu des parents n’est sans doute pas le seul facteur de réussite scolaire, ni même peut-être le plus important, mais il n’en a pas moins un effet considérable sur la qualité des scolarités dans le primaire et au collège, effet plus important et stable dans le temps que ne le suggèrent les corrélations habituellement analysées dans la littérature sur l’inégalité des chances. » Les données sont éloquentes : « Tout se passe comme si les enfants naissant dans les familles appartenant aux 20% les plus riches partaient avec une ou deux années de maturité supplémentaires sur les enfants naissant dans les familles appartenant aux 20% les plus pauvres. » C’est ainsi que « 62% des enfants de 15 ans appartenant aux 20% des familles les plus modestes sont en retard en troisième, contre seulement 17% des adolescents appartenant aux 20% des familles les plus aisées. » La conclusion de cette étude ramène le lecteur aux positions qui étaient défendues avant la publication des travaux de Bourdieu et Passeron : « une réduction de l’inégalité des chances entre enfants passe sans doute d’abord par une amélioration des conditions de vie matérielles de ces enfants, avant d’être une question d’organisation du système scolaire et de l’effort pédagogique. » Cette conclusion est assez forte pour que la méthode soit discutée.
Il est évident qu’il y a un lien entre le niveau de diplôme des parents et leurs revenus. Comme la sociologie de l’inégalité des chances établit un lien entre niveau de diplômes des parents et réussite scolaire, on peut penser que la corrélation entre revenus des parents et réussite scolaire est la simple traduction des corrélations traditionnelles. Conscients de cette difficultés, Dominique Goux et Éric Maurin cherchent à éliminer le biais en travaillant sur l’hypothèse suivante : il faut comparer les résultats d’enfants différant selon le statut social des grands-parents, parce que c’est un facteur déterminant le revenu des parents, mais qui n’a pas en soi d’effets directs importants sur les performances actuelles des enfants. L’indicateur de réussite scolaire retenu est le taux de redoublement au collège.
L’utilisation des PCS est mal adaptée aux études de l’inégalité des chances parce que ce classement traduit mal les écarts de revenu.
Application : il existe des corrélations assez fortes entre réussite scolaire des enfants et diplômes des parents (corrélation positive) ou nombre de frères et sœurs (corrélations négatives). Ces corrélations ne sont pas forcément interprétables comme des causalités : le chopix du n ombre d’enfants peut-être lié au désir de mieux soutenir le travail scolaire - ce n’est pas une cause de la réussite c’est un élément d’une même stratégie.
En utilisant des tests statistiques les auteurs tentent de repérer la part des "effets vrais" du revenu, des diplômes des parents et de la taille de la famille. L’effet du revenu domine largement celui du capital scolaire des parents, et le nombre de frères et sœurs reste une cause importante de la réussite scolaire des enfants.
Dans une analyse critique de cette étude Arnaud Parienty insiste sur deux faiblesses :
Si le redoublement au collège concerne souvent des enfants vivant dans des familles pauvres, cette pauvreté est fréquemment associée à d’autres éléments (instabilité familiale et résidentielle, difficultés psychologiques des parents...) dont il ne semble pas que les auteurs aient pris la précaution de contrôler l’éventuelle influence. Les auteurs ne cherchent à aucun moment à fournir une explication, un mécanisme reliant pauvreté et échec scolaire, comme si la "causalité" statistique pouvait suffire.
Il propose alors une explication de cette influence. Derrière le revenu il y a une autre variable susceptible d’influencer la réussite scolaire : le lieu de résidence. « La qualité des établissements scolaires joue un rôle croissant dans la détermination des prix de l’immobilier. En matière de réussite scolaire, l’argent sert d’abord à habiter au "bon" endroit, pour bénéficier de "bons" établissements (c’est-à-dire d’établissements fréquentés par des élèves de bonne famille !) ; à défaut, à échapper aux établissements à mauvaise réputation par le recours au privé. »
Conclusion :
Les études plus récentes montrent que les analyses de Bourdieu et de Boudon doivent être prises en compte toutes les deux, mais surtout qu’elles doivent être complétées. La perspective de Bourdieu s’appliquerait bien au niveau primaire tandis que celle de Boudon concernerait plutôt la suite du cursus scolaire. Dans un livre récent, Les Inégalités sociales à l’école : genèse et mythes, (PUF, 2002), Marie Duru-Bellat fait le point. prenant acte du maintien des inégalités devant l’école, l’auteur indique que l’origine sociale n’explique qu’une partie de ces inégalités. Ainsi, 20 % des enfants d’ouvriers ont un diplôme de l’enseignement supérieur quand 15 % des enfants de cadres n’obtiennent même pas le baccalauréat. L’auteur insiste sur l’effet du contexte, la progression des élèves étant variable selon l’établissement et la classe fréquentés. Cette observation permet de penser que les inégalités scolaires peuvent et doivent être combattues. Des enquètes menées au niveau de la moyenne section sur les prérequis en lecture, vocabulaire, structuration spatiale ou temporelle, soulignent que les pratiques éducatives des familles, liées notamment à leurs conditions matérielles de vie et à leur niveau scolaire, sont inégalement stimulantes. Des situations d’inégalités qui vont aller en s’accroissant car on apprend d’autant mieux qu’on a déjà les instruments pour apprendre. Comme par un effet "boule de neige", les écarts se creusent, doucement, à travers les apprentissages puis, à partir du collège, par les options et les filières suivies. Les inégalités sont donc "cumulatives".
Le contexte est essentiel car les milieux scolaires sont aussi des milieux sociaux. On observe aujourd’hui - ce qu’on étudiait peu auparavant - que des élèves, à situation de départ comparable, progressent différemment selon leur contexte de scolarisation. Ce contexte peut être défini par deux types de dynamiques, l’une pédagogique, l’autre entre les élèves. La dimension pédagogique se caractérise par un "effet maître" et un "effet établissement". C’est surtout le premier qui joue en primaire. Les études mettent en évidence l’importance de la gestion du temps par les enseignants (avec une très grande variété) d’une part, et celle des "attentes" qu’ils ont vis-à-vis des élèves d’autre part. L’optimisation des temps d’apprentissage et la conviction de l’éducabilité de tous sont déterminantes. Il n’y a pas de profil type de l’enseignant "efficace", si ce n’est une certaine ancienneté.
À cela se conjuguent les relations entre élèves puisqu’ils apprennent aussi entre eux. La composition sociale et scolaire du milieu agit dans la création d’un groupe-classe avec ses normes, ses valeurs et ses comportements. Il apparaît clairement que l’homogénéité des origines sociales et/ou des niveaux scolaires des élèves accentue les inégalités. Elle a, en particulier, un effet très négatif sur les performances des élèves en difficultés. Ces derniers ont vraiment intérêt à l’hétérogénéité, à la mixité sociale et scolaire car ils y "gagnent" deux fois plus que ce que les très bons élèves perdent à ne pas rester entre eux.
Reproduction contre stratégies familiales, système contre acteur : l’opposition ancienne Bourdieu/Boudon est dépassée. Pour Marie Duru-Bellat, « Le système propose et les acteurs disposent », il faut des explications plus riches et plus complexes.
LES APPROCHES THEORIQUES CONTEMPORAINES
DE L’INEGALITE DES CHANCES: BOUDON-BOURDIEU.
SECTION I - L’INEGALITE DES CHANCES SELON BOUDON: UNE THEORIE ACTIONNALISTE.
INTRODUCTION :UNE CRITIQUE DES THEORIES CULTURALISTES.
DOCUMENT 1 :
Selon J.G. Padioleau.« le schéma de l'action met en relief les éléments suivants
— des acteurs, individus ou groupes,
— engagés dans une situation dont les caractéristiques sont plus ou moins contraignantes,
— poursuivent des buts et, pour ce faire,
— manipulent des ressources qui se traduisent en des
— comportements significatifs. » (J.G. Padioleau, 1986, 47)
L'atome logique de l'analyse sociologique est donc l'acteur individuel. Bien entendu cet acteur n'agit pas dans un vide institutionnel et social. Mais le fait que son action se déroule dans un contexte de contraintes, c'est-à-dire d'éléments qu'il doit accepter comme des données qui s'imposent à lui ne signifie pas qu'on puisse faire de son comportement la conséquence exclusive de ces contraintes. Les contraintes ne sont qu'un des éléments permettant de comprendre l'action individuelle. Plusieurs des analyses (déjà réalisées) suggèrent que la compréhension des relations de causalité que le sociologue décèle entre les propriétés des systèmes d'interaction et le comportement des individus n'est généralement possible que si ces comportements sont conçus comme des actions dotées de finalité.
L'individualisme méthodologique se dresse avec vigueur contre tous les courants sociologiques qui font, selon lui, la place trop belle aux contraintes et aux normes sociales et accuse ceux-ci de déterminisme sociologique. La critique porte autant sur le « despotisme des structures sociales » que sur l'intériorisation des normes, qualifiée de « conception hypersocialisée de l'homme » : « l'acteur social est souvent conçu comme une pâte molle sur laquelle viendraient s'inscrire les données de son environnement, lesquelles lui dicteraient ensuite son comportement dans telle ou telle situation » (R. Boudon, 1986 a, 57). Padioleau fustige à son tour l'homme unidimensionne! d'H. Marcuse ou « l'individu apparaît sous le visage d'un automate et d'une décalcomanie de la « société », carapaçonné et manipulé par le « système ». (Padioleau, 1986, 37).
En résumé, dans les limites autorisées par les contraintes, l'individu est un être agissant (Padioleau) dont l'action possède une finalité, ou plus précisément une rationalité (Boudon). Expliquer le comportement rationnel d'un acteur, « c'est mettre en évidence les bonnes raisons qui l'ont poussé à adopter ce comportement, tout en reconnaissant que ces raisons peuvent, selon les cas, être de type utilitaire ou téléologique, mais aussi bien appartenir à d'autres types » (R. Boudon, 1986 b, 25). Parmi ces bonnes raisons, R. Boudon privilégie très nettement le paradigme ulitariste hérité de Bencham selon lequel tout comportement obéit à un calcul des plaisirs et des peines; dans la recherche par l'individu, de ses intérêts les plus immédiats.
SOURCE : JP Durand et R Weil, sociologie contemporaine, Vigot, 1989
QUESTIONS :
- Caractérisez l’homo sociologicus des actionnalistes , en quoi se distingue t’il de l’homo économicus ?
- Quelles critiques émettent les théoriciens actionnalistes à l’encontre des culturalistes?
· Les actionnalistes ne reprennent pas toutes les hypothèses qui caractérisent l’homo oeconomicus. En particulier ils contestent l’idée que l’individu soit un être parfaitement rationnel qui ne subisse pas l’influence du contexte institutionnel et social dans lequel il vit.
· Par contre les actionnalistes rejettent le modèle de l’homo sociologicus passif tel qu’il est défini (selon eux) par les théoriciens déterministes et culturalistes : c’est à dire un individu hyper socialisé, qui agit sans comprendre les raisons qui le poussent à agir, qui lui sont imposée par sa culture, son milieu social : en un mot une pate à modeler ne disposant d’aucun libre arbitre.
· Les actionnalistes vont alors définir le modèle de l’homo sociologicus actif : un individu dont la rationalité est réelle mais limitée qui va définir librement des objectifs à atteindre , en fonction des contraintes qui pèsent sur lui en mobilisant les ressources dont il dispose
· Il est donc nécessaire , selon les actionnalistes , afin de comprendre quelles sont les raisons qui ont motivé l’action de l’individu, de l’interroger, et non d’opérer une analyse objectiviste visant à prendre en compte de pseudo structures sociales qui l’aurait déterminé.
DOCUMENT 2 : 9 p 537.
QUESTIONS :
- Quel est selon Boudon le facteur déterminant de la réussite scolaire ?
- Comment explique t’il l’erreur des théoriciens culturalistes ?
· Selon Boudon les théoriciens culturalistes font de l’héritage culturel , inégalement réparti dans la polpulation, le facteur discriminant essentiel de la réussite scolaire.
· Mais cette analyse est très contestable , car selon Boudon et plus largement selon les actionnalistes, le facteur primordial est la position social de l’individu qui exerce des effets exponentiels (cf. supra)
· L’erreur des culturalistes s’explique par le type d’analyse qu’ils mettent en œuvre : une analyse synchronique qui conduit à surestimes le rôle de l’héritage. Alors qu’il faudrait mettre en œuvre une analyse diachronique qui conduit à relativiser l’influence de l’héritage, certes importante en début de cursus scolaire , mais dont les effets se dissipent au fur et à mesure de la scolarité.
· La meilleure preuve en est, selon Boudon, que les réformes visant à éliminer l’influence de l’héritage social ont échoué à réduire les inégalités de réussite scolaire.
I - LES DETERMINANTS DE L’INEGALITE DES CHANCES SCOLAIRES.
A - LES STRATEGIES SCOLAIRES.
DOCUMENT 3 :
A : 10 p 538..
B :
D'où proviennent donc ces effets inexplicables par les handicaps culturels et cognitifs des classes défavorisées ? La réponse la plus simple à cette question, celle qui permet de retrouver ces effets dans leur complexité et notamment de comprendre les effets d'interaction (i.e. le fait que l'influence de l'origine sur l'orientation soit plus ou moins intense selon la réussite ou selon l'âge), peut être commodément présentée à l'aide de l'exemple suivant.
Supposons que l'on numérote les statuts sociaux du plus bas au plus élevé comme s'ils formaient un conitinuum. Le niveau social S 1 serait plus bas que le statut social S 2. Faisons de même pour les niveaux scolaires où le niveau N 1 représenterait un niveau plus bas que N 2.
Considérons maintenant deux individus : l'un, I 1, est d'origine sociale S 1 et a atteint le même niveau scolaire N 1 ; l'autre, 1 2. est d'origine sociale S 2 et a atteint le même niveau scolaire N 1. L'un et l'autre (eux-mêmes et/ou leur famille) sont confrontés au problème de savoir s'ils doivent s'arrêter au niveau scolaire N 1 ou s'ils doivent au contraire chercher à atteindre le suivant, soit N 2.
Leur décision va d'abord dépendre des risques tels qu'ils les perçoivent. Si la chance de décrocher le niveau N 2 est faible, l'on hésitera davantage que si elle est forte. L'hésitation sera par ailleurs d'autant plus grande que les coûts sont plus grands. Or. les coûts ont toutes chances d'être plus lourds dans des milieux défavorisés.
Il existe donc une première raison, celle qu'indiquent les économistes, pour que 1 1 ait moins de chances de tenter d'aller en N" 2 que 1 2. même si ses chances sont égales.
Mais la théorie économique est impuissante à expliquer le détail des effets statistiques observés. Pour les retrouver, il est indispensable de faire appel à une théorie sociologique classique, la théorie des groupes de référence. Suivant cette théorie, l'on peut faire l'hypothèse que
lorsque la famille définit plus ou moins confusément . le statut qu'elle considère que le jeune peut légitimement chercher à obtenir, elle se détermine dans une large mesure par référence à son propre statut. Il en va de même du jeune lui-même : pour un individu donné, l'intérêt relatif de tel ou tel statut est normalement déterminé, dans une certaine mesure du moins, à partir du statut provisoire que sa famille lui confère Un instituteur sera normalement satisfait si son Fils est professeur du secondaire ; un professeur de faculté risque d'en être déçu.. De même, une fille d'instituteur aura facilement l'impression d'avoir réussi si elle devient elle-même professeur dans le secondaire. Cela
ne sera pas le ça. pour le fils d'un professeur d'université. Ces analyses sont si évidentes qu’il est peu utile d’y insister : comme il n’existe pas de façon objective de déterminer le staut de destination qu’il est bon de redhercher, le statut d’origine s’impose presque de lui même comme un statut naturel.
Supposons maintenant que le niveau scolaire N 1 conduise avec une probabilité forte — par exemple 6, 7 ou 8 chances sur 10 — à l'ensemble des statuts sociaux compris entre.S 1 et S 2 et que nos individus 1 1 et 1 2 aient une connaissance plus ou moins confuse de ce fait. Dans ce cas, l'individu 1 1 (I 1 et/ou sa famille : plutôt sa famille au début du cursus, plutôt lui à la fin) risque de se tenir un discours comme le suivant : « Avec le niveau scolaire N 1, j'ai une très fone chance d'avoir un statut social aussi enviable que celui de ma famille. Donc, je ne continue que si les risques ne sont pas trop grands. Une manière de mesurer ces risques consiste à prendre comme indicateur la réussite présente. Mon niveau présent de réussite étant bon, je prends des risques limités en continuant. Je tente donc d'atteindre N 2. » « Mon niveau de réussite étant moyen et le pronostic incertain, mieux vaut peut-être s'arrêter », dira un autre 1 1. « Mon niveau actuel de
réussite étant mauvais et mon retard scolaire déjà important, arrêtons les frais », dira un troisième 1 1. En revanche, toutes choses égales d'ailleurs, un 1 2 se dira : « Même si ma réussite présente n'est pas très bonne, de route façon les coûts sont supportables. D'un autre côté (et ce point de l'argumentation que je prête à mon 1 2 est sans doute le plus important), le statut que j'ai des chances d'obtenir en m'en tenant à N 1 a toutes chances d'être moins enviable que celui dont je bénéficie dans ma famille. Celle-ci risque de m'en vouloir, de me regarder de haut. Je suis exposé à avoir un mode de vie moins intéressant que celui auquel i'ai été habitué, etc. Donc, même si les risques ne sont pas négligeables, je continue. » Bien sûr, un autre 1 2, dont le niveau de réussite serait très médiocre et qui serait très en retard, se dira peut-être que les risques sont trop grands et qu'en dépit de l'intérêt d'aller en N 2, il est préférable de s'arrêter.
Ces analyses psychologiques sont bien sûr très élémentaires ec doivent: être prises comme des caricatures de processus de décision concrets. J'utilise en recourant a ces simplifications une méthodologie traditionnelle : celle que recommande Max Weber et qui consiste à se donner des acteurs sociaux idéal-typiques et à rechercher les raisons les plus plausibles qu'ils ont de se comporter comme ils le font.
En tout cas, si l'on reprend à la théorie économique son hypothèse très acceptable d'une variation des cours en fonction de l'origine (je suis. Je le confesse, plus sceptique sur la réalité de la variation de l'escompte du temps avec le milieu), si d'autre part on tire de la théorie des groupes de référence les hypothèses que Je viens d'esquisser, l'on reconstitue sans difficulté la raison expliquant le fort degré d’inégalité.
Pour résumer, ces études font apparaître deux mécanismes fondamentaux :
1) d'une part, le milieu social dans lequel est élevé le jeune produit des avantages/désavantages cognitifs et culturels qui se traduisent
par des distributions plus ou moins favorables en termes de réussite et de retard ;
2) d'autre part et indépendamment, la situation sociale des familles fait qu'elles apprécient différemment les risques, les coûts et les avantages de l'investissement scolaire.
SOURCE : R Boudon, les causes de l’inégalité des chances scolaires, pbs économiques, n°2221.
QUESTIONS :
- A partir du doc A , indiquez quels sont les 3 paramètres à prendre en compte pour expliquer la réussite scolaire.
- Explicitez à partir du doc B la théorie des groupes de référence en différenciant les I1 et les I2.
- En utilisant le doc B indiquez à quels courants Boudon fait référence.
- Selon Boudon la réussite scolaire est fonction de 3 déterminants :
· le coût et le bénéfice anticipé de la décision prise par l’individu et sa famille (cf. analyse coût-bénéfice des libéraux) qui sont fonction de la position sociale d’origine ( plus on est pauvre, plus le coût anticipé d’une poursuite de scolarité est fort)
· le risque d’échec associé à une poursuite d’étude qui varie avec chaque individu ( en particulier en fonction de ses capacités)
· enfin l’utilité de la poursuite d’étude qui est la synthèse du risque et de l’analyse cout-bénéfice
- Selon Boudon , la décision d’orientation d’un individu est fonction du groupe de référence auquel il appartient , en effet il va déterminer ses vœux en fonction du statut social de sa famille , plus celui ci sera élevé , plus l’individu aura une probabilité élevée de poursuivre des études longues.
- Boudon pour mener ces analyses s’appuie sur deux écoles :
· celle des néo classiques qui considèrent que les individus qui sont des homo oeconomicus réalisent une analyse de typer coût bénéfice. Mais Boudon conteste la rationalité parfaite postuler par les néo-classiques et s’appuie sur le modèle de l’homo sociologicus actif
· Il fait donc référence à weber, et à son modèle de l’idéal-type.
B - LE DETERMINANT ESSENTIEL DE LA REUSSITE SCOLAIRE : ORIGINE SOCIALE OU STRATEGIE INDIVIDUELLE ?
DOCUMENT 4 :
A :
L'on peut alors .se poser la question de savoir lequel des deux facteurs est le plus important : les inégalités scolaires reflètent-elles surtout l'influence du fait que les élèves des milieux défavorisés sont — d'un point ce vue cognilif et culturel — moins préparés aux exercices que leur propose l'école ? Ou bien sont-elles dues surtout à ce que les coûts et avantages de l'investissement scolaire sont appréciés de façon variable selon les milieux sociaux ?
L'on peut répondre à cette question en se livrant à des expériences de simulation simples. Elles consistent dans leur principe à supposer que par un coup de baguette magique l'on peut éliminer le premier de ces deux facteurs sans toucher au second, puis le second sans toucher au premier et à se demander ensuite laquelle des deux hypothèses correspond à une réduction plus grande des inégalités. Ainsi, l'on supposera que les différences dans la réussite et l'âge dues à l'origine sociale sont abolies et que, par exemple, les fils d'ouvriers oni la même distribution en madère de réussite que les fils de cadres supérieurs.
Prenons un exemple arithmétique fictif pour faire apparaître la nature de ces simulations. Dans la réalté, lorsqu'on compare les enfants d'ouvriers et de cadres supérieurs du point de vue de la réussite, on observe, selon l'enquête de l'INED, les distributions vivantes :
Tableau 1. La réussite scolaire en fonction de l'origine et du milieu social d'origine
Ouvriers
Cadres supérieurs
Bons
Moyens
Faibles
Bons
Moyens
Faibles
35%
35%
30 %
62%
28%
10 %
D'autre part, les fréquences de passage dans le secondaire long et court (première ligne du tableau suivant), et dans le seul secondaire long (deuxième ligne) pour les élèves de chacun des niveaux de réussite sont grossièrement les suivantes (ces chiffres stylisent les données de l'enquête de l'INED, respectant seulement les ordres de grandeur, mais non le détail numérique) :
Tableau 2. L'orientation en fonction de la réussite scolaire et de l'origine sociale (représentation stylisée de données tirées de l'enquête INED)
Ouvriers Cadres supérieurs
Secondaire Bons Moyens Faibles Bons Moyens Faibles
Long/court 80 % 50% 10 % 95% 90 % 70 %
.Long 30 % 20% 2 % 70% 60 % 40 %
En effectuant les calculs, on voit qu'en donnant aux ouvriers le niveau de réussite des cadres supérieurs, l'on fait passer le pourcentage de ceux qui rentrent dans le secondaire (long ou court) de 48,5 % à 64,6 %, et le nourceniage de ceux qui rentrent au lycée de 18,1 % à 25.8 %. Mais l'on peut aussi faire l'opération symétrique et supposer :
- que le niveau de réussite reste différent entre ouvriers et cadres supérieurs ;
2) que l'on a réussi à éliminer les différences entre classes sociales dans l'appréciation des risques, des coûts et des avantages de l'investissement scolaire. Dans ce cas, le pourcentage des enfants d'ouvriers rentrant dans le secondaire passe de 48,5 % à 85,75% , le pourcentage de ceux qui rentrent au lycée passant de son coté de 18,1% à 57,5 %.
On voit donc que le second mécanisme est beaucoup plus important que le premier.
Un mécanisme exponentiel
II y a plus. Il importe de voir que la différence d'importance entre les deux types de mécanismes est sensiblement plus marquée dans le temps que dans l'instant : elle apparaît encore plus grande lorsqu'on considère, non comme je l'ai fait jusqu'ici, l'orientation à un moment donné, mais la carrière scolaire d'un ensemble d'élèves.
Pourquoi ? Parce que, au fur et à mesure qu'on avance dans le cursus, la relation enire classe sociale et réussite tend à disparaître pour une raison simple : par le jeu de la différence d'appréciation des coûts, des avantages et des risques, l'autosélection est d'autant plus forte qu'on descend plus bas dans l'échelle des classes. Les différences de réussite en fonction du milieu ont donc tendance à s'atténuer ei éventuellement à s'inverser à mesure qu'on considère des points plus avancés du cursus.
En revanche, l'autre mécanisme ne s'éteint pas dans le temps. A chaque fois que le système scolaire propose, à la fin de la cinquième (comme il le faisait encore naguère), de la troisième, après le bac, après le D.È.U.G., etc., aux enfants puis aux adolescents de décider s'ils veulent continuer ou arrêter, emprunter une voie longue ou une voie courte, une filière associée à de grandes ou à de petites espérances, etc., la différence dans les appréciations des risques, des coûts et des avantages que l'enquête de l'INED observe au début du secondaire réapparaît et exerce ses effets a tous ces points de bifurcation.
En France, un bel article de Marie Duru et Alain Mingat (« Facteurs institutionnels de la diversité des carrières scolaires », Revue française de sociologie, XXVHI, 1987, 3-16) étudie le palier d'orientation" de la cinquième a la quatrième à partir d'un échantillon important (2 500 élèves scolarisés observés en 82-83 dans le cadre d'une enquête longitudinale). Il montre bien que c'esi « dans le moment de l'orientation que se produit l'essentiel des différences en fonction de l'origine sociale et que les inégalités de réussite n'ont qu'un faible impact ».
SOURCE : op cité.
B : 12 p 539.
QUESTIONS :
- Comment Boudon procède t’il pour déterminer lequel des deux paramètres est le plus important ? Réexpliquez sa démarche .
- En utilisant le doc B expliquez ce qu’entend BOUDON Par : « un mécanisme exponentiel »(doc A)
- Quel est selon Boudon, des deux paramètres, celui qui influence le plus la réussite scolaire ?
- Boudon est donc conduit à différencier deux facteurs afin d’expliciter l’inégale réussite scolaire :
· un handicap cognitif et culturel résultant d’éducation familiale plus ou moins favorable selon le milieu social
· un investissement inégal selon le milieu familial fonction d’une analyse coût-bénéfice.
· A partir d’un exemple , il réussit à montrer que le second facteur joue un rôle plus important que le premier
- Les effets de ce second facteur joue de manière exponentielle :
· Boudon différencie deux facteurs :
° la sursélection : c’est à dire que le système scolaire par son enseignement ( les références culturelles implicites auxquelles il fait appel) favorise les classes sociales les plus aisées au détriment des classes populaires
° l’auto-sélection qui est le mécanisme par lequel les enfants de classes populaires à partir de l’analyse de leur situation s’auto-éliminent consciemment du système scolaire en décidant précocement de s’orienter vers des études courtes.
* Selon Boudon le premier mécanisme joue peu et seulement en début de cursus scolaire (il conduit à l’élimination des enfants de classe populaire les plus faibles) . Par contre le second mécanisme joue continuement et fait sentir ses effets de manière exponentielle car à chaque stade d’orientation les enfants de classe populaire en fonction de leurs résultats scolaires et de leur groupe de référence vont proportionnellement être beaucoup plus nombreux que les enfants de classes supérieures à s’orienter vers des études courtes.
II- LE MECANISME DE L’INFLATION DES DIPLOMES.
DOCUMENT 5 :
La structure des chances attachée à chaque niveau scolaire à une période donnée dépend de la structure sociale et de la distribution
des individus en fonction du niveau scolaire.
Toutes choses égales d'ailleurs, si la structure sociale (distribution des positions sociales disponibles) se déplace moins vite que la structure scolaire (distribution des individus en fonction du niveau scolaire), la structure des chances attachée à chaque niveau scolaire se modifie dans le temps. Or, lorsque la demande d'éducation est principalement déterminée par des facteurs endogènes on doit s'attendre à un déplacement plus rapide de la structure scolaire. [...]
Il en résulte que les bénéfices tirés par les individus des classes moyennes et inférieures de la lente démocratisation de l'enseignement
sont, dans une certaine mesure, rendus illusoires par l'augmentation générale de la demande d'éducation.
De façon générale, l'augmentation considérable des taux de scolarisation et la démocratisation de l'enseignement n'impliquent ni que la mobilité doive augmenter, ni que la structure soit modifiée dans le temps
SOURCE : R Boudon, l’inégalité des chances, op cité.
QUESTIONS :
- A quelles conditions le rendement d’un diplôme est-il élevé ?
- Pourquoi aboutit-on aujourd’gui à une inflation des diplômes ?
- Montrez que R Boudon fournit ici une interprétation du paradoxe d’Anderson .
· Le rendement d’un diplôme est élevé si celui ci est rare c’est à dire si son offre est inférieure à sa demande ( et ce quelque soit le niveau du diplôme)
· En raison de la démocratisation du système scolaire (de sa massification ?) on a constaté une augmentation du nombre de diplômés (la structure des diplômes s’est déformée vers le haut) plus rapide que l’accroissement des postes requérant les qualifications obtenues. Ainsi la rareté des diplômes a chuté. Ceux ci ne peuvent plus jouer leur rôle de filtre (cf. la théorie de Spence in chapitre marché du travail)
· La conséquence est le résultat obtenus par Anderson (cf cours) : du fait de l’autosélection qui les caractérise , les individus qui appartiennent aux classes populaires cessent plus précocement leurs études que les élèves issus des classes supérieures : ils sont alors proportionnellement plus victimes de la détérioration du pouvoir de mobilité du diplôme résultant de l’inflation . Ainsi avec un diplôme supérieur à celui de leurs parents ils ont un fort risque d’occuper une place inférieure.
· Contrairement aux espoirs soulevés , la démocratisation du système scolaire ne se traduit pas mécaniquement par un accroissement de la mobilité sociale.
CONCLUSION : LES SOLUTIONS PRECONISEES PAR BOUDON AFIN DE REDUIRE LES INEGALITES SCOLAIRES.
DOCUMENT 6 : 13 p 539.
QUESTIONS :
- Comment Boudon explique t’il l’inégalité scolaire dans ce passage ?
- Répondez à la question 2.
- La cause de l’inégalité est la combinaison de deux facteurs :
· un système scolaire doit au delà du tronc commun proposer des choix et sélectionner les meilleurs
· les vœux et choix des familles sont influencés par leur position sociale.
· Résultat : l’effet exponentiel de l’autoselection .
- trois solutions sont alors proposées par R Boudon :
· Rendre les choix d’orientation moins précoces et moins définitifs, intégrer les filières d’adaptation qui correspondent à des passerelles entre les voies professionnelles et générales ou techniques.
· Distribuer des bourses afin d’agir sur les coûts et de limiter ainsi les risques de l’autosélection .
· Mais surtout accroître la dépendance de l’orientation par rapport aux résultats scolaires des élèves afin de limiter l’influence de la famille et de l’environnement social
SECTION II - LA REPRODUCTION SELON BOURDIEU.
INTRODUCTION : LES LIMITES DES THEORIES ACTIONNALISTES.
DOCUMENT 7 :
En fait, les agents sociaux, élèves qui choisissent une filière ou une discipline, familles qui choisissent un établissement pour leurs enfants, etc., ne sont pas des particules soumises à des forces mécaniques et agissant sous la contrainte de causes; ils ne sont pas davantage des sujets conscients et connaissants obéissant à des raisons et agissant en pleine connaissance de cause, comme le croient des défenseurs de la Rational Action Theory (Je pourrais montrer, si J'en avais le temps, que ces philosophies, en apparence totalement opposées, se confondent en fait puisque, si la connaissance de l'ordre des choses et des causes est parfaite et si Je choix est complètement logique, on ne voit pas en quoi il diffère de la soumission pure et simple aux forces du monde, et en quoi, par conséquent, il reste un choix)
SOURCE : P Bourdieu, Raisons pratiques sur la théorie de l’action, Le seuil, 1994.
QUESTIONS :
- Quelles sont les deux conceptions théoriques que Bourdieu rejette ?
- Expliquez la dernière phrase.
- Bourdieu conteste 2 conceptions théoriques :
· une conception strictement déterministe dans laquelle l’individu n’a aucune liberté de choix , il est manipulé par des forces qui lui échappent
· une conception actionnaliste dans laquelle l’individu est supposé être un acteur conscient qui opère des choix sous contrainte mais en pleine connaissance de cause .
· Bourdieu peut alors en conclure que les conceptions déterministes et actionnalistes paradoxalement conduisent à des résultats comparables : les individus n’ayant finalement pas plus la capacité d’exprimer des choix dans l’une que dans l’autre
DOCUMENT 8 :
Si l'on accepte de se livrer à cet exercice de style consistant à comparer la sociologie de Boudon et la sociologie de Bourdieu [...1, on doit souligner très fortement que, contrairement à ce que répète Boudon, les deux sociologies sont, l'une comme l'autre, déterministes, holistes et constructivistes.
La sociologie des effets pervers est tout d'abord une sociologie déterministe et non une sociologie de la liberté. L'acteur rationnel de Boudon n'est évidemment pas libre, puisque son comportement est conditionné par la logique de la situation : l'acteur est pris dans une structure d'interaction qui lui laisse seulement l'illusion de la liberté. [...1 L'acteur apparaît d'ailleurs d'autant moins libre que le résultat de sa décision - Boudon le démontre surabondamment - est, dans la plupart des cas, contraire à ce qu'il recherchait, par la logique même de l'effet pervers. Quoique par des voies différentes, la sociologie de Boudon ne le cède donc en rien à celle de Bourdieu quant au déterminisme.
Toutes les deux sont également holistes, puisqu'elles tiennent pour assuré que la structure de l'ensemble qu'elles considèrent a des propriétés qui ne résident pas dans les éléments de l'ensemble, pris un à un. En ce sens, Boudon et Bourdieu pourraient être dits « structuralistes » : tous deux pensent que l'agencement des éléments d'un système a des effets déterminants [...), tous deux admettent que si un seul élément du système est modifié, l'ensemble du système l'est de ce seul fait.
Enfin, les deux sociologies sont - comme toute sociologie - constructivistes, dans la mesure où toutes deux vont - quoique là encore de manière extrêmement différente - du rationnel au réel. Elles ne donnent pas la primauté à l'observation ou à l'enregistrement passif du « réel » (ou de ce qui en apparaît...), mais elles s'imposent toutes deux de construire des systèmes de relations qui éclairent le fonctionnement du réel social sans avoir la prétention d'en fournir une description exhaustive.
SOURCE : P Favre: nécessaire mais non suffisante, la sociologie des effets pervers de R Boudon,revue française de sciences politiques, déc 1980.
QUESTIONS :
- Montrez que malgré les apparences les sociologies de Bourdieu et de Boudon ont des points communs .
- Quelle est le paradoxe de la sociologie de BoudoN ?
· Selon P Favre la sociologie de Boudon est au moins aussi déterministe que celle de Bourdieu . En effet la sociologie de l’effet pervers est une sociologie déterministe puisque l’agrégation de comportements individuels pourtant rationnels conduits à des effets non attendus et non souhaités par des pseudos acteurs qui sont donc conditionnés par des structures sociales qu’ils ne contrôlent pas.
I - LA CRITIQUE DU POSTULAT DE L’EGALITE DES CHANCES.
A - LE ROLE DU LANGAGE DANS L’INEGALE REUSSITE SCOLAIRES
DOCUMENT 9 :
Ayant dû réussir une entreprise d'acculturation pour satisfaire au minimum incompressible d'exigences scolaires en matière de langage, les étudiants des classes populaires et moyennes qui accèdent à l'enseignement supérieur ont nécessairement subi une plus forte sélection,
et selon le critère même de la compétence linguistique, les correcteurs étant le plus souvent contraints, à l'agrégation comme au baccalauréat, de rabattre de leurs exigences en matière de savoirs et de savoir-faire pour s'en tenir aux exigences de forme. Particulièrement manifeste dans les premières années de la scolarité où la compréhension et le maniement de la largue constituent le point d'application principal du jugement des maîtres, l'influence du capital linguistique ne cesse jamais de s'exercer : le style reste toujours pris en compte, implicitement ou explicitement, à tous les niveaux du cursus et, bien qu'à des degrés divers, dans toutes les carrières universitaires, même scientifiques. Plus, la langue n'est pas seulement un instrument de communication, mais elle fournit, outre un vocabulaire plus ou moins riche, un système de catégories plus ou moins complexe, en sorte que l'aptitude au déchiffrement et à la manipulation de structures complexes, qu'elles soient logiques ou esthétiques, dépend pour une part de la complexité de la langue transmise par la famille. II s'ensuit logiquement que la mortalité scolaire ne peut que croître à mesure que l'on va vers les classes les plus éloignées de la langue scolaire, mais aussi que, dans une population qui est le produit de la sélection, l'inégalité de la sélection tend à réduire progressivement et parfois à annuler les effets de l'inégalité devant la sélection : de fait, seule la sélection différentielle selon l'origine sociale, et en particulier la sur-sélection des étudiants d'origine populaire, permettent d'expliquer systématiquement toutes les variations de la compétence linguistique en fonction -de la classe sociale d'origine et, en particulier, l'annulation ou l'inversion de la relation directe (observable à des niveaux moins élevés du cursus) entre la possession d'un capital culturel (repéré à la profession du père) et le degré de réussite.
SOURCE : P Bourdieu, et JC passeron, la reproduction, minuit, 1970.
QUESTIONS :
- De quoi dépend le langage selon P Bourdieu ?
- Quel rôle joue le langage dans la détermination de la réussite scolaire ?
- Explicitez le terme sursélection , comment les enfants de classes populaires compensent-ils leur handicap de départ, à quel résultat paradoxal arrive t’on en fin de cursus scolaire ?
- Selon Bourdieu le langage représente un capital qui est influencé par le milieu familial et social (cf. l’analyse vue en cours de Bernstein). Il détermine :
· les capacités de l’individu à déchiffrer des textes
· à manipluler des structures complexes (figures de styles par exemple)
· à s’exprimer dans un styles requis par le système scolaire.
- Tout ceci détermine une mortalité scolaire très inégale suivant la distance de la famille par rapport au langage requis par l’école.
- On est donc confronté selon Bourdieu à un mécanisme de sursélection :
· la majorité des enfants de classes populaires qui manient une langue éloignée de celle utilisée à l’école sont éliminés car ils ne correspondent pas aux attentes des enseignats ( par rapport au style, au vocabulaire, etc.)
· un minorité qui se sont acculturés obtiennent eux des résultats très bons , voire meilleures que ceux des enfants issus des classes supérieures car ils ont subi une sélection beaucoup plus sévère.
B - LES INEGALITES DE CAPITAL
1 - UN VOLUME DE CAPITAL DIFFERENT SELON LA CLASSE SOCIALE.
DOCUMENT 10 :
Les différences primaires, celles qui distinguent les grandes classes de conditions d'existence, trouvent leur principe dans le volume global du capital comme ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement utilisables, capital économique, capital culturel, et aussi capital social : les différentes classes (et fractions de classe) se distribuent ainsi depuis celles qui sont les mieux pourvues à la fois en capital économique et en capital culturel jusqu'à celles qui sont les plus démunies sous ces deux rapports.
Les membres des professions libérales qui ont de hauts revenus et des diplômes élevés, qui sont issus très souvent (52,9 %) de la classe dominante (professions libérales ou cadres supérieurs), qui reçoivent beaucoup et consomment beaucoup, tant des biens matériels que des biens culturels, s'opposent à peu prés sous tous les rapports aux employés de bureau, peu diplômés, souvent issus des classes populaires et moyennes, recevant peu, dépensant peu et consacrant une part importante de leur temps à l'entretien de leur voiture et au bricolage et, plus nettement encore, aux ouvriers qualifiés ou spécialisés, et surtout aux manœuvres et salariés agricoles, dotés des revenus les plus faibles, dépourvus de titres scolaires et issus en quasi-totalité (à raison de 90,5 % pour les salariés agricoles et de 84,5 % pour les manœuvres) des classes populaires
SOURCE : P Bourdieu, la distinction, minuit.
QUESTIONS :
- Quels sont les différents types de capital ?
- Sont-ils également répartis dans la population ?
- Bourdieu considère contrairement aux actionnalistes que tous les individus ne sont pas placés sur un pied d’égalité au départ .En effet contrairement à la conception méritocratique qui fait dépendre essentiellement de ses mérites et capacité, Bourdieu constate que :
· Les individus sont inégalement dotés en volume global de capital c’est à dire en « l’ensemble des ressources et des pouvoirs effectivement utilisables.
· Il distingue trois types de capital :
+ le capital économique qui consiste en moyens matériels qui favorisent la réussite scolaire par l’achat de livres , le recours aux cours particuliers aux voyages linguistiques , etc.
+ le capital culturel c’est à dire le capital linguistique, culturel accumulé par la famille qui va être transmis continuement aux enfants au cours de la vie quotidienne, mais aussi par la visite de musées, etc.
+ Enfin le capital social c’est à dire l’ensemble des relations sociales dont la famille dispose et qui va lui permettre de favoriser l’insertion des enfants dans des écoles privées dont le recrutement est basé sur la cooptation ou dans le milieu professionnel.
· Ces 3 types de capital sont corrélés selon Bourdieu qui oppose les professions libérales ayant de hauts revenus et des diplômes élevés aux employés de bureaux peu diplômés souvent issus des classes populaires.
2 - LES EFFETS DE LA STRUCTURE DU CAPITAL FAMILIAL SUR L’INVESTISSEMENT SCOLAIRE.
DOCUMENT 11 :
La propension à investir en travaile et en zèle scolaires ne dépend pas exclusivementdu volume du capital scolaire possédé : les fractions des classes moyennes les plus riches en capital culturel (les instituteurs) ont une-propension à investir sur le marché scolaire imcomparablement plus forte que les fractions dominantes de la classe dominante, qui ne sont pourtant pas moins riches en capital culturel. A,la différence des fils d'instituteurs qui tendent à concentrer tous leurs investissements sur le marché scolaire, les fils de patrons de l'industrie et du commerce qui, ayant d'autres moyens et d'autres voies de réussite, ne dépendent pas au même degré de la sanction scolaire, investissent moins d'intérêt et de travail , dans leurs études et n'obtiennent pas le même rendement scolaire (la même réussite) de leur capital culturel.
C'est dire que la propension à l'investissement scolaire, : un des facteurs de la réussite scolaire (avec le capital culturel), dépend non seulement de la réussite actuelle ou escomptée (i.e. des chances de réussite promises à la catégorie dans son ensemble étant donné son capital culturel) mais aussi du degré auquel la reproduction de la position de cette classe d'agents dépend - dans le passé comme dans l'avenir - du capital scolaire comme forme socialement certifiée et garantie du capital culturel. L'intérêt qu'un agent ou une classe d'agents porte aux "études" dépend de sa réussite scolaire et du degré auquel la réussite scolaire est, dans son cas particulier, condition nécessaire et suffisante de la réussite sociale. La propension à investir dans le système scolaire qui, avec le capital culturel dont elle dépend partiellement, commande la réussite scolaire, dépend donc elle-même du degré où la réussite sociale dépend de la réussite scolaire. Ainsi, étant donné d'une part qu'un groupe dépend d'autant moins complètement du capital scolaire pour sa reproduction qu'il est plus riche en capital économique et d'autre part que le rendement économique et social du capital scolaire dépend du capital économique et social qui peut être mis à son service, les stratégies scolaires (et plus généralement l'ensemble des stratégies éducatives, même domestiques) dépendent non seulement du capital culturel possédé, un des facteurs déterminant de la réussite scolaire et par là de la propension à l'investissement scolaire, mais du poids relatif du capital culturel dans la j structure du patrimoine, et ne peuvent donc être isolées , de l'ensemble des stratégies conscientes ou inconscientes , par lesquelles les groupes essaient de maintenir ou d 'améliorer leur position dans la structure sociale.
SOURCE : P Bourdieu, Avenir de classe et causalité du probable, RFS, 1974.
QUESTIONS :
- Quel est le rôle qu’occupe la structure du capital dans la réussite scolaire inégale des enfants d’enseignants et de patrons, explicitez votre raisonnement.
- Néanmoins selon Bourdieu l’étude du volume du capital doit être complété par une analyse de sa structure :il oppose alors le comportement des fils d’instituteurs à celui des fils de patrons :
· les fils d’instituteurs qui sont seulement bien dotés en capital culturel se caractérisent par une forte propension à investir sur le marché scolaire sur lequel ils concentrent tous leurs efforts
· les fils de patrons sont bien dotés en capital culturel comme les fils d’instituteurs , mais ils se distinguent de ces derniers par une forte dotation en capital économique. Ayant d’autres voies de réussite que l’école ils ne vont pas concentrer tous leurs efforts dans la réussite scolaire
· Bourdieu peut alors en conclure que : « ainsi étant donné d’une part qu’un groupe (…) d’améliorer leur position dans la structure sociale »
3- LA RECONVERSION DU CAPITAL ECONOMIQUE EN CAPITAL CULTUREL .
DOCUMENT 12 : 6 p 536.
- Le texte précédent de Bourdieu date de 1974 . Hors au cours des 30 dernières années on a pu assister à un mouvement de :
· crise du monde des indépendants avec la disparition de nombreuses PME de l’artisanat et du commerce
· un mouvement de concentration des entreprises
· les fils de patrons de l’industrie et du commerce ne peuvent donc plus compter uniquement sur la possession d’un capital économique afin de maintenir sa position sociale
· ils ont donc reconvertis , au moins en partie, leur capital économique en capital culturel : grace aux diplômes acquis , ils peuvent espérer occuper des positions élevées voire dirigeantes dans les grands groupes.
· Cette reconversion a un second avantage pointé par Bourdieu : ils peuvent ainsi « prélever une part des bénéfices des entreprises sous forme de salaires , mode d’appropriation mieux dissimulé,et sans doute plus sur que la rente » . La possession d’un diplôme apparaît dans une société démocratique et égalitaire un mode de sélection plus juste que l’héritage d’un capital économique »
C- LE ROLE DE L’ETHOS DE CLASSE.
DOCUMENT 12 :
Les attitudes des memores des différentes classes sociales, parents ou enfants, et, tout particulièrement les attitudes à l'égard de l'École, de la culture scolaire et de l'avenir proposé par les études sont pour une grande part l'expression du système de valeurs implicites ou explicites qu'ils doivent à leur appartenance sociale. (...) En fait, tout se passe comme si les attitudes des parents à l'égard de l'éducation des enfants, attitudes qui se manifestent dans le choix d'envoyer les enfants dans un établissement d'enseignement secondaire ou de les laisser dans une classe de fin d'études primaires, de les inscrire dans un lycée (ce qui implique le projet d'études longues, au moins jusqu'au baccalauréat) ou dans un collège d'enseignement général1 (ce qui suppose que l'on se résigne à des études courtes, jusqu'au brevet par exemple), étaient avant tout l'intériorisation du destin objectivement assigné (et mesurable en termes de chances statistiques) à l'ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent. Ce destin leur est sans cesse rappelé par l'expérience directe ou médiate et la statistique intuitive des échecs ou des demi-réussites des enfants de leur milieu. (...)
Les ouvriers peuvent tout ignorer de la statistique objective qui établit qu'un fiis d'ouvrier a deux chances sur cent d'accéder à l'enseignement supérieur, leur comportement se règle objectivement sur une estimation empirique de ces espérances objectives, communes à tous les individus de leur catégorie. Aussi comprend-on que la petite bourgeoisie, classe de transition, adhère plus fortement aux valeurs scolaires, puisque l'École lui offre des chances raisonnables de combler toutes ses attentes en confondant les valeurs de la réussite sociale et celles du prestige culturel.
À la différence des enfants originaires des classes populaires, qui sont doublement désavantagés, sous le rapport de la facilité à assimiler la culture et de la propension à l'acquérir, les enfants des classes moyennes doivent à leur famille non seulement des encouragements et des exhortations à l'effort scolaire, mais un etbos de l'ascension sociale et de l'aspiration à la réussite à l'École et par l'École. (...)
De façon générale, les enfants et leur famille se déterminent toujours en fonction des contraintes qui les déterminent. Lors même que leurs choix leur paraissent obéir à l'inspiration irréductible du goût et de la vocation, leurs choix trahissent l'action transfigurée des conditions objectives. (...)
Si l'on sait en outre "que les idéaux et les actes de l'individu dépendent du groupe auquel il appartient et des buts ou des attentes de ce groupe' (Lewin), on voit que l'influence du groupe des pairs, qui tend toujours à être relativement homogène sous le rapport de l'origine sociale - puisque, par exemple, la distribution des enfants entre les collèges d'enseignement général1, les collèges techniques et les lycées, et, à l'intérieur de ceux-ci, entre les sections, est très étroitement fonction de la classe sociale des enfants - vient redoubler le handicap des
plus défavorisés. Lorsqu'on prend en compte l'influence du groupe des pairs,,on oublie souvent d'en considérer la composition sociale. Or on sait qu'un enfant a toutes les chances de-participer à des groupes composés d'enfants de son milieu puisque les enfants d'un-même milieu ont les mêmes chances d'être dans un lycée ou un collège, d'être internes ou externes, de faire des études classiques ou des études modernes et tout semble en outre suggérer que les groupes électifs se constituent toujours sur la base d'affinités de goûts et de style de vie liées à l'origine commune : on voit que les influences de ces groupes ne peuvent que redoubler l'influence du milieu d'origine.
Ainsi, tout concourt à rappeler ceux qui n'ont pas comme on dit, d'avenir, à des espérances "raisonnables", ou, comme- dit Lewin, « réalistes », c'est-à-dire, bien-souvent, au renoncement à espérer.
SOURCE : P Bourdieu, le partage des bénéfices , minuit, 1966.
QUESTIONS:
- les attitude à l’égard de l’école présentées dans ce texte sont elles rationnelles ?
- Quelles sont selon l’auteur le rôle de la famille, celui du groupe des pairs ?
- Selon Bourdieu , l’individu n’est pas un acteur rationnel qui décide de la poursuite d’études en fonction d’une analyse coût-bénéfice opérée sous contraintes . En effet , il écrit : « Les attitudes à l’égard de l’école , de la culture scolaire et de l’avenir proposé par les études sont pour une grande part l’expression du système de valeurs implicite ou explicite qu’ils doivent à leur appartenance sociale . En fait , tout se passe comme si les attitudes des parents ( … ) étaient avant tout l’intériorisation du destin objectivement assignée à l’ensemble de la catégorie sociale à laquelle ils appartiennent » .
- Bourdieu oppose , sur ce point , les enfants d’ouvriers à ceux qui sont issus des classes moyennes :
· les familles ouvrières ont ,selon Bourdieu , intériorisé même si elles ne les connaissent pas , les forts risques d’échec de leurs enfants qui cherchent à accéder à l’enseignement supérieur ( seulement 2 % réussissent ) . Les parents ne sont pas alors incités à valoriser une poursuite longue d’études , craignant les déceptions futures .
· inversement , les enfants issus des classes moyennes ont des probabilités d’accès aux études supérieures beaucoup plus importantes . Ils vont donc développer un ethos de classe , basé sur l’ascension sociale et l’aspiration à la réussite à l’école par l’école . Ils vont donc pousser leurs enfants à réussir leurs études .
- Sur le même principe , le groupe des pairs joue un rôle essentiel : les jeunes , du fait de l’homogénéité sociale assez importante des collèges et lycées , ont une forte probabilité de se retrouver avec des enfants issus de leur groupe social d’origine qui vont redoubler l’influence du milieu familial , en incitant leurs membres à développer par rapport à l’école des espérances raisonnables : « c’est-à-dire , bien souvent , au renoncement espéré » .
CONCLUSION :
Bourdieu peut alors en conclure : « lors même que leurs choix paraissent obéir à l’inspiration irréductible du goût et de la vocation , leurs choix trahissent l’action transfigurée des conditions objectives » .
II - L’ECOLE N’EST PAS NEUTRE.
A - LES TITRES SCOLAIRES DE NOUVEAUX TITRES DE NOBLESSES
DOCUMENT 13 :
A :
Si, pour éliminer les classes les plus éloignées de la culture scolaire, les systèmes d'enseignement recourent de plus en plus souvent aujourd'hui à la « manière douce », pourtant plus coûteuse en temps et en moyens, c'est que, au titre d'institution de police symbolique, vouée à décevoir chez certains les aspirations qu'elle encourage chez tous, le système d'enseignement doit se donner les moyens d'obtenir la reconnaissance de la légitimité de ses sanctions et de leurs effets sociaux, en sorte que des instances et des techniques de manipulation organisée et explicite ne peuvent manquer d'apparaître lorsque l'exclusion ne suffit plus par soi à imposer l'intériorisation de la légitimité de l'exclusion.
Ne pouvant invoquer le droit du sang — que sa classe a historiquement refusé à l'aristocratie — ni les droits de la Nature — arme autrefois dirigée contre les distinctions nobiliaires qui risquerait de se retourner contre la « distinction » bourgeoise — ni les vertus ascétiques qui permettaient aux entrepreneurs de première génération de justifier leur succès par leur mérite, l'héritier des privilèges bourgeois doit en appeler aujourd'hui à la certification scolaire qui atteste à la fois ses dons et ses mérites. L'idée contre nature d'une culture de naissance suppose et produit la cécité aux fonctions de l'institution scolaire qui assure la rentabilité du capital culturel et en légitime la transmission en dissimulant qu'elle remplit cette fonction. Ainsi, dans une société où l'obtention des privilèges sociaux dépend de plus en plus étroitement de la possession de titres scolaires, l'Ecole n'a pas seulement pour fonction d'assurer la succession discrète à des droits de bourgeoisie qui ne sauraient plus se transmettre d'une manière directe et déclarée. Instrument .privilégié de la sociodicée bourgeoise qui confère aux privilégiés le privilège suprème de ne pas s’apparaître comme privilégiés, elle parvient d’autant plus facilement à convaincre les déshérités qu’ils doivent leur destin scolaire et social àleurs défauts de dons ou de mérites qu’en matière de culture la dépossession absolue exclut la conscience de la dépossession.
SOURCE : P BOURDIEU, La reproduction, op cité.
B :3 p 535
QUESTIONS :
- Peut-on dire que la reproduction a disparu dans les sociétés démocratiques ? Explicitez.
- Quel rôle occupe l’autonomie du système scolaire dans la légitimation de la réussite scolaire ?
- Bourdieu oppose l’apparence et la réalité :
· en apparence depuis la Révolution française , la reproduction sociale basée sur les droits du sang et sur l’idée d’une culture de naissance a disparu avec l’aristocratie .
· mais on constate , qu’en réalité , même si la bourgeoisie a refusé d’invoquer les droits du sang ou les droits de la nature afin de justifier sa place dans la hiérarchie , elle a développer un système de reproduction basé sur une conception apparemment méritocratique : « l’héritier des privilèges bourgeois doit en appeler aujourd’hui à la certification scolaire qui atteste à la fois ses dons et ses mérites »
- l’école occupe donc dans le système de reproduction une place essentielle . L’école apparaît d’autant plus neutre qu’elle dispose d’une autonomie grande et qu’elle a mis en place une démocratisation qui assure à tous ( au moins , en apparence ) les mêmes chances . L’école confère donc à la bourgeoisie , selon BOURDIEU , à la fois :
· « le privilège suprême de ne pas s’apparaître comme privilégié »
· et de « convaincre les déshérités qu’ ils doivent leur destin scolaire et social à leurs défauts de dons ou de mérites »
· ainsi , le système scolaire est , comme l’indique le dessin , « l’outil de légitimation sociale et de transmission héréditaire des privilèges » dans nos sociétés démocratiques : ou comment , en démocratie , l’aristocratie prend le visage de la méritocratie .
B - LE RACISME DE L’INTELLIGENCE
DOCUMENT 14 :
Ce racisme est propre à une classe dominante dont la reproduction dépend, pour une part, de la transmission du capital culturel, capital hérité qui a pour propriété d'être un capital incorporé, donc apparemment naturel, inné. Le racisme de l'intelligence est ce par quoi les dominants visent à produire une «théodicée de leur propre privilège», comme dit Weber, c'est-à-dire une justification de l'ordre social qu'ils dominent. Il est ce qui fait que les dominants se sentent justifiés d'exister comme dominants ; qu'ils se sentent d'une essence supérieure. Tout racisme est un essentialisme et le racisme de l'intelligence est la forme de sociodicée caractéristique d'une classe dominante dont le pouvoir repose en partie sur la possession de titres qui, comme les titres scolaires, sont censés être des garanties d'intelligence et qui ont pris la place, dans beaucoup de sociétés, et pour l'accès même aux positions de pouvoir économique, des titres anciens comme les titres de propriété et les titres de noblesse.
L'intelligence, c'est ce que mesurent les tests d'intelligence, c'est-à-dire ce que mesure le système scolaire. Voilà le premier et le dernier mot du débat qui ne peut pas être tranché aussi longtemps que l'on reste sur le terrain de la psychologie, parce que la psychologie elle-même (ou, du moins, les tests d'intelligence) est le produit des déterminations sociales qui sont au principe du racisme de l'intelligence, racisme propre à des «élites» qui ont partie liée avec l'élection scolaire, à une classe dominante qui tire sa légitimité des classements scolaires.
Le classement scolaire est un classement social euphémisé, donc naturalisé, absolutisé, un classement social qui a déjà subi une censure, donc une alchimie,une transmutation tendant à transformer les différences de classe en différences d'«intelligence», de «don», c'est-à-dire en différences de nature. Jamais les religions n'avaient fait /aussi bien. Le classement scolaire est une discrimination ' sociale légitimée et qui reçoit la sanction de la science. C'est là que l'on retrouve la psychologie et le renfort qu'elle a apporté depuis l'origine au fonctionnement du , système scolaire. L'apparition de tests d'intelligence comme le test de Binet-Simon est liée à l'arrivée dans le système d'enseignement, avec la scolarisation obligatoire, d'élèves dont le système scolaire ne savait pas quoi faire, parce qu'ils n'étaient pas «prédisposés», «doués», c'est-à-dire dotés par leur milieu familial des prédispositions que présuppose le fonctionnement ordinaire du système scolaire : un capital culturel et une bonne volonté à l'égard des sanctions scolaires.- Des tests qui mesurent la prédisposition sociale exigée par l'école -d'où leur valeur prédictive des succès scolaires- sont bien faits
pour légitimer à l'avance les verdicts scolaires qui les légitiment.
SOURCE : P Bourdieu, questions de sociologie .
QUESTIONS :
- Quand sont apparus les tests d’intelligence, quelle est leur raison d’être, pourquoi peuvent-ils être assimilés à une forme de racisme de l’intelligence ?
- Bourdieu constate que les tests d’intelligence sont apparus au moment où les enfants de classes populaires commençaient à poursuivre des études qui avaient une forte probabilité de déboucher sur un échec . 2 solutions étaient alors applicables :
· soit l’école développe un enseignement qui n’est pas neutre et qui valorise la culture bourgeoise ; elle doit alors se réformer afin d’assurer une réelle égalité des chances
· soit l’échec quasi systématique des enfants des classes populaires s’explique par une insuffisance de capacités naturelles , c’est-à-dire d’intelligence
- selon Bourdieu , c’est le second choix qui a été opéré ; les tests d’intelligence ne peuvent être donc considérés comme des outils neutres et objectifs , puisque : « l’intelligence c’est ce que mesurent les tests d’intelligence , c’est-à-dire ce que mesure le système scolaire » .
- Bourdieu peut alors en conclure que les tests d’intelligence sont une forme de manipulation qui permet aux privilégiés dont « le pouvoir repose , en partie , sur la possession de titres qui , comme les titres scolaires , sont censés être des titres d’intelligence » de justifier leur position en se sentant d’une naissance supérieure . On peut alors parler d’un racisme de classe : « le classement scolaire est un classement social euphémisé , donc naturalisé , un classement social qui a déjà subi une censure ( … ) tendant à transformer les différences de classe en différences d’intelligence , de dons , c’est-à-dire en différence de nature » .
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