CHAPITRE III - LA SOCIALISATION
INTRODUCTION - A LA DECOUVERTE DE LA SOCIALISATION : ESSAI DE DEFINITION
Guy Rocher définit la socialisation comme : « étant le processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socio-culturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expérience et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre »
Guy Rocher peut alors distinguer trois aspects essentiels de la socialisation :
· La socialisation est un processus d’acquisition :
- de modèles de comportements, de normes et de valeurs c’est à dire d’éléments composant une culture.
- Il est donc spécifique et fonction de la société, du groupe auquel l’individu appartient
- C’est un processus ininterrompu puisqu’il débute à la naissance et ne se termine qu’à la mort de l’individu.
· la socialisation intègre la culture et la structure sociale de la société à la personnalité psychique de l’individu :
- de telle façon que les règles, les obligations définies par la société paraissent naturelles et influencent les manières de penser, d’agir et de sentir.
- C’est grâce à cette intégration des éléments socio-culturels que le poids du contrôle social n’est en définitif que peu ressenti consciemment. L’individu n’a pas le sentiment d’obéir à la pression d’une autorité extérieure, c’est de sa propre conscience que jaillit la source de sa conformité.
· L’individu est ainsi adapté à son environnement social et peut communiquer avec les autres membres de la société dont-il partage avec les idées, les goûts et les aspirations qui lui permettent de s’identifier au nous collectif.
SECTION I - LES PROCESSUS DE SOCIALISATION .
I - LES METHODES TRADITIONNELLES DE SOCIALISATION (doc7 p123 jusqu’à prescriptions)
Le point commun à toutes les méthodes traditionnelles de socialisation est qu’elles considèrent que :
· l’enfant est un être imparfait
· qui doit donc être réformé et subir un conditionnement
· qui lui est imposé ( l’enfant est considéré comme passif)
· afin de pouvoir être intégré à la société.
A ) LA SOCIALISATION PAR L’APPLICATION DE RECOMPENSES ET DE PUNITIONS
Traditionnellement, les parents recourent :
· à l’application de sanctions ou de punitions quand leur enfant ne se conforme pas aux comportements souhaités.
· Par contre dès lors que l’enfant respecte les attentes des parents ceux ci vont le récompenser afin de lui démontrer leur satisfaction.
B – LA SOCIALISATION PAR LA REPETITION
L’enfant que ses parents entraînent à la propreté, aux bonnes manières subit un apprentissage par la répétition des mêmes gestes qui est destinée à développer en lui des réflexes conditionnés et des habitudes qui se perpétueront tout au long de sa vie.
C - LA SOCIALISATION PAR LA COERCITION : l’EXEMPLE DE LA SOCIALISATION PAR LA MORTIFICATION : LE CAS DE L’ARMEE.
EXEMPLE DE COMPREHENSION :
· La négation de toute singularité
L'identité personnelle est affectée notamment à travers les modes de présentation de soi : prénom censuré au profit du seul nom, situé au sein d'une classe d'appartenance («Chasseur X», «Dragon Y»...), elle-même incluse dans une hiérarchie légitime située au-dessus des individus («mon colonel» à comparer avec «mon père», la «mère supérieure», le «camarade-secrétaire»...); perte des effets personnels en échange d'un uniforme doté d'une fonction patente de nivellement à quoi s'ajoute la coupe de cheveux «réglementaire». La sphère privée est mesurable par ce qui reste : quelques photographies, un colis de victuailles, un transistor, un livre (non «subversif»)... mais le volume est, de toutes façons, limité par l'espace strictement octroyé dans l'armoire standardisée qui doit être rangée réglementairement et qui est constamment à la merci d'une inspection.
· La dépossession du temps et de l'espace
L'organisation du temps et la limitation des déplacements dans l'espace interne de l'institution marquent la «perte d'autonomie» de l'individu: l'institution s'emploie à occuper à plein temps — surtout dans la phase initiale de socialisation — un individu qui ne doit plus s'appartenir. D'où ces successions de moments précipités (appels impromptus, punitions exceptionnelles, corvées régulières, marches, courses) et de moments d'attente interminables (queues, gardes...) : elles contribuent à entretenir cette disponibilité permanente en vue des missions éventuelles dont le sacrifice personnel constitue plus ou moins le fond permanent. (… )
· L'obéissance inconditionnelle.
L'ordre absurde ou contradictoire a une fonction de dressage d'autant plus éminente qu'il ne vaut pas pour son contenu
impossible à réaliser mais uniquement pour sa qualité formelle d'ordre («il le faut», «il n'y a pas à discuter»...). L'ordre, digne d'être exécuté du seul fait d'avoir été émis par un agent autorisé de l'institution, révèle sous forme extrême et épurée la relation de dépendance hiérarchique: «A Saint-Cyr, pour nous imprégner de cette idée que tout ordre, quel qu'il soit, même s'il paraît idiot — ce dont l'inférieur n'est pas juge — surtout s'il paraît idiot et même s'il l'est carrément, doit être exécuté « sans hésitation » ni murmure, on a inventé les brimades». (Lt-Col. Federphil, Nos vingt ans à Saint-Cyr , Paris , 1933
Source : L Pinto, initiation à la pratique sociologique, Dunod, 1989.
Questions :
- Quel est l’objectif essentiel recherché par l’armée , selon vous , quand elle applique des techniques de mortification ?
- Montrez que les techniques de mortification peuvent être assimilées à une socialisation visant à adapter le civil au domaine militaire.
- Caractériser les techniques de mortification, indiquez pour chaque technique l’objectif recherché.
II - LES ORIENTATIONS CONTEMPORAINES : UNE VISION MOINS DIRIGISTE DES PROCESSUS DE SOCIALISATION.
Les points communs à toutes les modes modernes de socialisation est qu’ils :
· n’ont plus une vision aussi négative de l’enfant ( au contraire sa pureté et son innocence sont valorisées)
· la socialisation ne doit plus être imposé à l’individu qui n’est pas passif
· mais qui au contraire est considéré comme étant un acteur social qui, par les relations qu’il va entretenir avec son environnement, va participer au processus de socialisation
A - LA SOCIALISATION PAR L’OBSERVATION ET L’IMITATION
· L’enfant apprend en observant les conduites des adultes, en les imitant et en les reproduisant.
· Mais l’enfant ne reproduit pas systématiquement le comportement observé : on ne peut postuler que l’enfant va imiter tous les modèles qui lui sont présentés
· Car l’enfant ne fait pas qu’assimiler bêtement ce qu’il reçoit de son environnement, il réfléchit, il intègre, il donne un sens à ce qu’il perçoit de la vie adulte.
· L’enfant à d’autant plus de chances de s’identifier à l’adulte et à reproduire les comportements souhaités qu’il s’est établi une relation affective avec la personne de référence (le père, la mère, l’éducateur, etc .), que le socialisé l’admire.
· Dans le cas contraire le risque de rejet est important. On voit donc que les conceptions traditionnelles, qui préconisaient l’imposition de modèles par des adultes devant garder leurs distances et imposer leur autorité, ne sont pas sans accroître le risque d’échec de la socialisation par l’imitation.
B – LA SOCIALISATION PAR L’EXPERIMENTATION (doc 13 p128 à partir de le modèle ancien et 7 p 123 à partir de il faut rappeler)
L’enfant qui est confronté à une nouvelle situation ( par exemple un jeu) va :
· opérer une série d’essais qui vont lui permettre de tester son comportement
· et en fonction des erreurs qu’il aura commis, il se corrigera et progressera.
· La socialisation par essai et erreurs est d’autant plus valorisé aujourd’hui qu’elle donne un rôle actif à l’individu qui n’assimile plus bêtement des règles dont il ne comprend pas forcément l’utilité
III – LES ETAPES DE LA SOCIALISATION (11 p126)
P Berger et T Luckmann différencient socialisation primaire et secondaire :
· la socialisation primaire est la première socialisation que l’individu subit dans son enfance, et grâce à laquelle il devient un membre de la société
· la socialisation secondaire consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans de nouveaux secteurs de la société :
Source : P 105 DU BREAL TABLEAU EN HAUT
Remarque :
· Traditionnellement on considérait que la socialisation primaire exercée pendant l’enfance jouait un rôle essentiel puisque l’enfant étant plus malléable, intériorisait les modèles de comportement qui étaient souhaités. La socialisation secondaire occupait alors une place d’autant plus réduite que la mobilité sociale était faible et que les individus reproduisaient (par le mariage, par le travail) le modèle de leurs parents.
· Aujourd’hui on accorde de plus en plus d’importance à la socialisation secondaire, en particulier car nous vivons dans une société plus complexe, en évolution rapide qui n’attend pas seulement des individus qu’ils reproduisent tout au long de leur vie des modèles appris durant l’enfance. Au contraire les individus doivent être capables de s’adapter.
IV – LES AGENTS DE SOCIALISATION
Traditionnellement on distingue :
· les agents de socialisation dont l’action est directe et dont c’est une des fonctions explicites : la famille, l’école.
· des milieux de socialisation dont l’influence est indirecte et qui contribue à la formation de l’individu sans qu’une volonté explicite de socialisation soit mise en œuvre : le groupe des pairs ( 12 p 126), l’entreprise, les média, le milieu social.
Alors que les premiers visent une socialisation de la totalité de la personne , les seconds s’intéressent essentiellement à une partie de la personne : celle qui est en rapport avec le groupe en question .
SECTION II - DES MODELES DE SOCIALISATION VARIABLES .
I – DES MODELES DE SOCIALISATION DIFFERENTS SELON LE SEXE(documents 1 à 5 p 120-122)
EXERCICE D’APPLICATION – EXEMPLE DE QUESTION DE SYNTHESE A L’ISSU D’UN TRAVAIL PREPARATOIRE : EN TD
DOSSIER DOCUMENTAIRE :
DOCUMENT 1 :
Longtemps l'espace est resté partagé. Les lieux de culte, les places et voies publiques, les emplacements privés ou domestiques se divisaient selon la séparation des sexes. La distribution de l'espace urbain ou des localités rurales reproduisait la symbolique de la division sociale. Au xix° siècle, les cabarets, les places de village, les espaces de jeu et par ailleurs, les cercles, les associations et les terrains de sport ont continué de dessiner un domaine spécifiquement masculin.
Ces nouveaux territoires, où s'expriment les qualités distinctives de la virilité, ne sont pas dénués d'une certaine misogynie. La conscription consacre le culte voué au soldat et aux valeurs viriles. Au café et au cabaret, où retentissent propos graveleux et égrillards, les débordements des buveurs traduisent une sociabilité de refuge, à l'abri des femmes. Menacée par des forces hostiles, la fidélité que se doivent les hommes entre eux s'éprouve. Au pensionnat, les chahuts contre un maître abhorré donnent cohésion et dignité au groupe.
Le développement des loisirs s'accompagne d'un engouement pour la culture physique .Semblables aux soins de la toilette féminine, des attentions inédites à la musculature sont encouragées par la publicité de certains catalogues. La mise en scène des corps masculins illustre le courage, le sang-froid, la force ou l'adresse.
Durant des siècles, les jeunes gens ont appris les rôles masculins dans des lieux éloignés du foyer maternel. Le principe de la séparation est tenu pour un acte initial et initiatique. Devenir homme revient à découvrir le désir par la privation de l'autre sexe, en apprenant pendant ce temps les gestes masculins : une arrogance du regard, une moue des lèvres ou un haussement de la tête, une manière de serrer les poings, un geste pour retrousser ses manches, une façon de se débrailler pour pisser. Chacune de ces disciplines a charnellement marqué les individus et écarté ce qui pouvait entraîner la confusion avec l'autre sexe, tenu à l'écart. Ces initiations ne sont pas seulement symboliques, elles introduisent réellement le garçon dans la société. Et les hiérarchies entre hommes et femmes ne marquent pas simplement une ségrégation arbitraire: elles sont constitutives d'un ordre.
Lorsque la femme a agi sur l'ordre social, elle a attiré l'homme hors des cercles masculins. Dans la séduction, celui-ci s'exposait; s'il se laissait aller à la tendresse, son indépendance pouvait être dévorée. Pour ceux qui se font ainsi dévoyer, c'est la honte, l'abandon des solidarités naturelles, le reniement des obligations fondées sur les rapports virils. Les connivences, le rappel des complicités dans les lieux réservés aux hommes, l'usage des codes masculins de la communication gestuelle ont signalé les fidélités au clan du sexe fort. Ainsi se conjuraient les puissances maléfiques du sexe féminin, soupçonné de vouloir soutirer leur force aux hommes pour les attendrir et les dominer.
Avec la reconnaissance de l'égalité, la base de cet ancien monde s'est effritée. Les persiflages contre la fille vierge, la célibataire revêche ou la femelle insatiable paraissent désormais déplacés dans les conversations masculines. Lorsque la mixité scolaire associe garçons et filles, les défis du bizutage deviennent les expressions d'une barbarie brutale. Aujourd'hui, dans les cours de récréation et les campus universitaires, la mode vestimentaire a confondu les repères traditionnels et les images de soi n'obéissent plus à la loi des sexes. Miroitent à présent des codes d'élégances, des formes de civilité intégratives, que peuvent partager jeunes gens et jeunes filles au travail, dans le loisir, pour la séduction, insouciants du rappel au genre originel.
SOURCE : A Rauch, culte et déclin de la virilité, sciences humaines, janv 2001.
DOCUMENT 2 :tableau distribué en cours
Duret, on ne naît pas homme on le devient , op cité.
DOCUMENT 3 :tableaux distribués en cours
A :
A :
Source : DUuet , Les jeunes et l’identité masculine , PUF , 1999
B :
L'image du corps viril offre également quelques différences socialement construites. Pour les jeunes d'origine populaire, le muscle recherché est le muscle utile opposé à la pure apparence et à la figure exécrée du boy's band. Dans des milieux plus favorisés, on ne retrouve guère cette opposition entre investissement de force et investissement de forme. Pour les premiers, se muscler sert à faire peur et à intimider, pour les seconds, à charmer et à séduire.
Ainsi, en milieu populaire et dans les cités, la force reste une source d'autorité sacralisée, car elle constitue in fine l'ultime ressource qui puisse être mise en avant pour se définir. La virilité est alors une assise sur laquelle s'appuyer pour croire en soi. Il s'agit, grâce à sa virilité, d'essayer de s'en sortir individuellement. Arnold Schwarzenegger ou David Douillet représentent pour eux les hommes forts d'aujourd'hui, autant grâce à leurs muscles que parce qu'ils ont réussi leur vie, sont perçus comme des «malins» et gagnent beaucoup d'argent. Les valeurs masculines comme le «respect» ou «l'honneur» s'apprennent donc dans l'affrontement physique et sont si présentes chez les jeunes des cités qu'elles viennent envahir l'univers féminin.
C'est au mouvement inverse que l'on assiste dans les milieux plus aisés, où les valeurs masculines se transforment. Sans forcément abandonner les stéréotypes de la virilité, ces jeunes trouvent d'autres terrains d'expression que l'affrontement physique. Le corps n’est pas dénié mais il prend le statut de parure. En outre, un trait physique est plus souvent présent dans les réponses de fils de cadres que de fils d'ouvriers: la puissance sexuelle, qui arrive par ordre de fréquence immédiatement après le muscle. Pour eux, les deux ne vont pas forcément de pair. «J'ai pas besoin de me mettre en maillot de bain pour plaire aux filles, il me suffit de parler» ; « Ce qui compte pour séduire, c 'est pas le tour de bras, c 'est l'intelligence. »
L'homme peut être viril physiquement, mais aussi par son caractère. Lorsqu'on les interroge, les jeunes garçons et filles utilisent une grande diversité de traits pour définir le caractère de l'homme viril. Le noyau commun est celui du «protecteur courageux».
D'une manière générale, les filles distinguent trois types de personnages virils: les virils qui rassurent, les virils qui font peur et les virils qui cumulent beauté et virilité. En milieu populaire, le physique viril est régulièrement privilégié au nom de la protection qu'il offre: «Pouvoir sortir sans crainte quand on se promène au bras d'un garçon, ça compte»; «Mon mec, il doit avoir peur ni des flics ni des dealers»…
Cette protection physique est bien sûr paradoxale, car elle se manifeste dans les cités essentiellement par des interdits. Les filles des cités oscillent donc entre une valorisation de la protection comme signe de virilité et un rejet de sa face oppressive: la surveillance. Les filles de milieux sociaux plus aisés s'expliquent mal ce souci de protection physique : «J'ai pas besoin de sortir avec un garde du corps»; «Mon mec, il faut pas qu’il me colle. J’ ai pas besoin qu 'il vienne m'attendre à la sortie des cours parce qu'il fait nuit»; «Mon chéri, c'est pas mon père.»
Cette protection, décriée à un premier niveau comme un inacceptable paternalisme, et comme inutile, renvoie aussi de manière plus profonde à la volonté d'instaurer un lien fondé sur une totale interchangeabilité des rôles. C'est bien parce qu'elles ne peuvent pas offrir une protection physique qu'elles refusent de la recevoir. Exiger de l'autre quelque chose que l'on ne pourrait soi-même lui apporter passe pour un non-sens quand on est engagée dans une quête illusoire de réciprocité absolue. Ces filles entretiennent pourtant un double jeu de justification subtil entre le refus de la protection physique (revendication égalitariste oblige, leur sécurité, ça les regarde!) et l'exigence d'une protection d'ordre psychologique (parce que cette égalité là serait déjà acquise).L'homme viril est donc promu psychologue par les filles de milieux aisés. La virilité passe par le contrôle de soi, mais cette impassibilité ne doit jamais être le fruit d'un manque de sensibilité. L'imperméabilité aux émotions peut en fait être interprétée comme une infirmité.
Source : op. cité.
DOCUMENT 4 :
D'autres différences sont très présentes et viennent redoubler les différences sociales: celles des origines ethno-culturelles. Ainsi, plus que tout autres, les jeunes garçons d'origine méditerranéenne sont pointilleux sur leur honneur.
La menace que l'infidélité fait porter à l'honneur semble viser prioritairement la femme qui en est dépositaire . Ces jeunes fonctionnent selon un double standard «permissif» pour le garçon et «interdicteur» pour la fille, et se montrent d'autant plus tolérants pour eux-mêmes qu'ils sont sévères pour leurs partenaires. Tout mâle incapable de veiller à la droiture de sa femme est le seul responsable des «cornes» qu'il porte. A cette anthropologie de la honte .de l'homme dépossédé répond symétriquement celle de la gloire de l'homme conquérant: le «cocufieur». Le jeune homme séducteur, dans le pourtour du bassin méditerranéen, est non seulement disculpé du désordre causé par son charme, mais ses conquêtes lui servent en outre à se tailler une réputation virile.
A Marseille, on célèbre encore l'héroïsme du désir de l'homme qui a « de gros besoins», est «un gros consommateur», et peut éblouir par son «tableau de chasse».Séduire prend alors l'allure d'une compétition. Dans le sud de la France, les séducteurs accomplis sont admirés parce qu'ils confortent l'idée qu'il faut vivre dans l'excès. Excès qui se manifeste autant à travers la démesure du nombre des conquêtes que par la transgression qui arrache les femmes à leurs liens légitimes. L'infidélité masculine, d'abord perçue comme un débordement de l'être qui nie ses limites, résonne comme un oui permanent à la vie, alors que l'infidélité féminine reste une source de honte. Dans le nord de la France, on assiste au contraire à une montée (certes très progressive) de la norme de réciprocité, faisant que garçons et filles se montrent malgré tout d'autant plus permissifs envers leur partenaire qu'ils le sont pour eux-mêmes.
En matière de virilité, les mêmes attitudes peuvent donc être recherchées par les uns et rejetées par les autres comme source de gloire ou de ridicule. Chaque jeunesse semble précisément valoriser ce que dévalorise l'autre. Il n'y a sur la question ni accord ni légitimité à sens unique. Il faut donc constater que la virilité exacerbe la dualisation des valeurs des «deux jeunesses»: celle des quartiers et celle des milieux plus favorisés.
SOURCE op. cité.
Partie I - travail préparatoire :
Question 1 :Vous montrerez que le modèle et les lieux de socialisation spécifiquement masculins, traditionnellement définis en France,visent à transmettre une sous-culture masculine dont vous présenterez les caractéristiques(document 1)
Question 2 : Précisez comment l’évolution du système de valeurs de notre société conduit à une remise en cause des modèles traditionnels de socialisation sexués et sexistes (document 1)
Question 3 : Quels sont les traits de caractère associés à la virilité sur lesquels garçons et filles s’accordent (aussi bien par la citation que par la place dans le tableau) ? Quelle image de la virilité donnent-ils ? (document 2 )
Question 4 : Quels sont les traits associés à la virilité sur lesquels garçons et filles sont en désaccord ? La remise en question de la virilité vous paraît-elle plutôt masculine ou féminine (justifiez) ? (document 2)
Question 5 : Complétez le tableau suivant en appuyant vos affirmations sur des données statistiques tirées du tableau , quelles conclusions pouvez vous en tirer ? (document 3) :
classes populaires classes aisées
Statut de l’homme
Rôle de l’homme
Système de valeurs
Normes de comportement
Question 6 : Montrez, à partir de l’exemple de la virilité, que l’uniformisation culturelle de la société française voulue par plusieurs siècles de politiques centralisatrices n’est pas complète.
QUESTION DE SYNTHESE : Dans la première partie vous montrerez que les pré-notions qui sont généralement avancées afin de justifier la virilité et la domination masculine qui en résulte sont contestables. Une analyse, mettant en évidence les modèles de comportements sexués intériorisés au cours du processus de socialisation, semble plus adaptée afin d’expliciter non seulement les raisons pour lesquelles hommes et femmes les reproduisent mais aussi les véritables fonctions de la virilité . Dans une seconde partie vous vérifierez que ces modèles sont aujourd’hui remis en cause, aussi bien par les garçons que par les filles, en raison de leur inadaptation à l’évolution de notre société , mais à des rythmes différents suivant le sexe, les origines sociale et ethno-culturelle.
II – DES MODELES DE SOCIALISATION DIFFERENTS SELON L’APPARTENANCE SOCIALE
Exercices de compréhension :
Document 1 : 8 p 124
Questions :
1. Expliquez qu’en apparence les façons d’être sont naturelles
2. répondez à la question 1 et expliquez comment ces codes sont transmis
3. répondez à la question 3
Document 2 : 1 p 133
Questions :
répondez à la question 1
Document 3 :6 p 128
Questions :
Apriori s’attend- on à ce que la bourgeoisie reproduise les modèles culturels et de socialisation de la noblesse, pourquoi ?
Qu’en est-il en réalité, explicitez votre réponse.
Document 4 : 3 p 133
Questions :
justifiez la première phrase du texte, pouquoi peut-on observer cette évolution
ne mérite t’elle pas d’être relativisée selon M de Saint-Martin ?
Expliquez la dernière phrase du texte.
SECTION III - LES APPROCHES THEORIQUES DE LA SOCIALISATION.
I - LES CONCEPTIONS DETERMINISTES DE LA SOCIALISATION
A -UN PRECURSEUR : DURKHEIM
E Durkheim (comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents) inscrit son analyse dans une perspective holiste qui le conduit à poser que :
- la culture est un tout relativement cohérent et homogène
- qui préexiste aux individus qui composent la société (« or , les coutumes et les idées --- antérieures »)
- ceux ci ne peuvent s’intégrer que s’ils maîtrisent et appliquent le système de valeurs et de normes définies par la société(« il y a des coutumes --- harmonie »)
- si les individus ne respectent pas la culture de la société parce qu’ils ne l’ont pas intérioriseé , alors ils seront rejetés : « si nous y dérogeons—elle se venge sur nos enfants »
Donc la socialisation aura pour fonction de constituer en chaque individu l’être social qui exprime non pas la personnalité individuelle mais le groupe dont-il fait partie.
La conception de la socialisation développée par Durkheim repose donc sur le postulat que :
- l’enfant est un être vierge et passif donc très malléable
- que la société (et non pas seulement la famille : « il est vain – nos enfants comme nous le voulons ») doit socialiser en lui inculquant méthodiquement un système de normes qu’il intériorisera et respectera
A Percheron peut alors écrire : « la conception de la socialisation chez Durkheim est extrêmement autoritaire et découle de la fonction essentielle qu’il lui prête, perpétuer et renforcer l’homogénéité de la société »
B - LA CONCEPTION CULTURALISTE DE LA SOCIALISATION .
Les théoriciens culturalistes s’inscrivent dans la filiation durkheimienne (cf. chapitre précédent)
Constat : Pour les culturalistes la psychologie génétique permet certes d’éclairer certains mécanismes essentiels qui font du nouveau né , égocentrique et totalement dépendant , un adulte membre coopératif et relativement autonome de la société. Mais cette approche est beaucoup trop restreinte car trop centrée sur l’individu. Elle ignore donc les fortes variations que l’on peut observer dans les produits de la socialisation selon les époques, les milieux sociaux ou les lieux.
Conséquences : A partir des multiples enquêtes que les culturalistes ont mené dans les sociétés traditionnelles, ils peuvent en conclure quels adultes produits par les diverses sociétés sont aussi différents que les procédés éducatifs qui leur étaient appliqués quand ils étaient enfants et que ces procédés ne peuvent être facilement ramenés à des mécanismes universel (cf. dans le chapitre précédent l’ étude de M Mead sur le comparaison des cultures Arapesh, Mundugomor et Chambuli).
Conclusion : Les théoriciens culturalistes vont alors affirmer que :
- la personnalité des individus est le produit de la culture dans laquelle ils sont nés c’est à dire selon Lefort que : « les institutions avec lesquels l’individu est en contact au cours de sa formation produisent en lui un type de conditionnement qui , à la longue, finit par créer un certain type de personnalité »
- Il est donc nécessaire selon les culturalistes (comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent) d’opérer un analyse de chaque société et de son modèle de socialisation afin d’appréhender les modèles de comportement apparemment incompréhensibles.
C – LA SOCIALISATION VUE COMME INCORPORATION DES HABITUS (16 - 17 p130-131)
Bourdieu se définit comme un sociologue qui essaie d’opérer une synthèse des auteurs clés de la sociologie que sont Durkheim, Weber et Marx. Pour cela il va forger un concept l’habitus qui selon lui vise à :
· « dépasser les alternatives du déterminisme et de la liberté, du conditionnement et de la créativité, de la conscience et de l’inconscient ou de l’individu et de la société .
· parce que l’habitus est une capacité infinie d’engendrer en toute liberté (contrôlée) des produits – pensées, actions- qui ont toujours pour limite les conditions historiquement déterminées et socialement située de sa production. La liberté conditionnée et conditionnelle qu’il assure est aussi éloignée d’une création d’imprévisible nouveauté que d’une simple reproduction mécanique des conditionnements initiaux » ( le sens pratique)
· Bourdieu pense donc grâce à ce concept avoir dépassé les critiques faites aux théoriciens déterministes dont on est contestée la vision d’un individu conditionné par la société , sans véritable liberté d’action. Mais aussi aux théoriciens individualistes et actionnalistes qui surestiment la capacité de l’acteur social à agir sans contrainte.
Explicitons donc la notion d’habitus :
· Chaque individu va au cours de sa socialisation primaire intérioriser un système relativement cohérent de dispositions durables et transposables à beaucoup de situations qui va fonctionner comme un guide d’appréciations , de perceptions influençant ses actions. P Cabin peut écrire : « l’habitus est un sorte de matrice à travers laquelle nous voyons le monde et qui guide nos comportements » . Ainsi nos goûts qui sont apparemment d’ordre naturels et qui dés lors ne peuvent être discutés sont au moins en partie influencés par la socialisation que nous avons reçu durant notre enfance.
· Les habitus sont différents suivant le milieu social et donc la sous-culture dans laquelle l’individu a été socialisé. Mais Bourdieu cherche surtout à montrer qu’il permettent aux individus de se distinguer : « les goûts sont l’affirmation pratique d’une différence inévitable. Ce n’est pas par hasard que lorsqu’ils ont à se justifier, ils s’affirment de manière toute négative, par le refus opposé à d’autres goûts. En matière de goûts plus que partout toute détermination est négation ; et les goûts sont sans doute avant tout des dégoûts, faits d’horreur ou d’intolérance (c’est à vomir) pour les goûts des autres. Des goûts et des couleurs on ne discute pas : non parce que tous les goûts sont dans la nature mais parce que chaque goût se sent fondé en nature, et il l’est quasiment étant habitus,ce qui revient à rejeter les autres dans le scandale du contre nature » (la distinction, p 61) car comme l’écrit L Mucchielli : « le jeu social où qu’il s’exerce repose toujours sur des mécanismes structurels de concurrence et de domination »
EXEMPLE DE COMPREHENSION :
On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler. Le repas est placé sous le signe de
l'abondance (qui n'exclut pas les restrictions et les limites) et, surtout, de la liberté : on fait des plats « élastiques », qui « abondent », comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre ( presque toujours associées aux légumes) et qui, servies à la louche ou à la cuiller, évitent d'avoir à trop mesurer et compter – à l'opposé de tout ce qui se découpe, comme les rôtis. Cette impression
d'abondance, qui est de règle dans les occasions extraordinaires et qui vaut, dans les limites du possible, pour les hommes, dont on remplit l'assiette deux fois (privilège qui marque l'accès du garçon au statut d'homme), a souvent pour contrepartie, dans les occasions ordinaires, les restrictions que s'imposent les femmes - en prenant une part pour deux, ou en mangeant les restes de la veille -, l'accès des jeunes filles au statut de femme se marquant au fait qu'elles commencent à se priver. Il relève du statut d'homme de manger et de bien manger (et aussi de bien boire). ( … )
Au « franc-manger » populaire , la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes .Les formes , ce sont d’abord des rythmes , qui impliquent des attentes , des retards , des retenues ; on n’a jamais l’air de se précipiter sur les plats , on attend que le dernier à se servir ait commencé à manger , on se sert et se ressert discrètement .On mange dans l’ordre , et toute coexistence de mets que l’ordre sépare , rôti et poisson , fromage et dessert , est exclue : par exemple , avant de servir le dessert , on enlève tout ce qui reste sur la table , jusqu’à la salière , et on balaie les miettes .Cette manière d’introduire la rigueur de la règle jusque dans le quotidien ( …) est l’expression d’un habitus d’ordre , de tenue et de retenue qui ne saurait être abdiqué . A travers toutes les formes et les formalismes qui se trouvent imposées à l’appétit immédiat , ce qui est exigé – et inculqué- , ce n’est pas seulement une disposition à discipliner la consommation alimentaire par une forme qui est aussi une censure douée, indirecte, invisible (en tout opposée à l'imposition brutale de privations) et qui est partie intégrante d'un art de vivre, le fait de manger dans les formes étant par exemple une manière de rendre hommage aux hôtes et à la maîtresse de maison, dont on respecte les soins et le travail en respectant l'ordonnance rigoureuse du repas. C'est aussi une manière de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires, essentiellement communes, en faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation de tenue éthique et de raffinement esthétique.
SOURCE : P. Bourdieu,La Distinction , Minuit 1979
QUESTIONS :
Montrez qu’aussi bien dans les classes populaires que dans la bourgeoisie , le repas est une cérémonie sociale ( un rite d’entretien de la relation ) dont vous définirez les caractéristiques en l’opposant les pratiques des différentes catégories.
Montrez qu’un individu qui ne serait pas socialisé dans les classes populaires commettrait des impairs qui le ridiculiseraient aux yeux de ses hôtes.
Peut-on en conclure qu’il existe des manières de table qui s’imposent comme étant la norme ?
II - LE REJET DES CONCEPTIONS DETERMINISTES : UNE CONCEPTION INTERACTIVE DE LA SOCIALISATION .
A - UNE CRITIQUE DES CONCEPTIONS DETERMINISTES
Deux critiques essentielles sont émises à l’encontre de la conception culturaliste :
· Elle considère la formation de l’enfant sur le modèle du dressage ou du conditionnement. Ce qui conduit à poser :
- comme modèle de référence celui de l’individu automate déterminé ou programmé par ses expériences passées
- très éloigné de l’acteur libre de ses choix et responsable de ses actes dont le modèle semble plus représentatif de nos sociétés selon des auteurs comme R Boudon.
· Elle privilégie les expériences de la petite enfance et les disciplines imposées par la culture social du groupe d’origine et donc sous-estime l’influence des agents de socialisation secondaire (31 p 129). L’individu est déterminé une fois intériorisé les normes et valeurs inculquées au cours de la socialisation primaire, c’est donc une conception de la socialisation statique à laquelle il manque une approche dynamique.
Selon les théoriciens de ce courant même si P Bourdieu :
· fait de l’habitus non pas le produit uniquement de la condition sociale d’origine (je me comporte ainsi car je sui ouvrier fils d’ouvrier), mais d’une trajectoire sociale définie sur plusieurs générations ( un fils d’ouvrier fils de paysan tendu vers l’ascension sociale ne sera pas élevé de la même façon qu’un fils d’ouvrier lui même fils d’ouvrier persuadé qu’on ne peut sortir de la condition ouvrière )
· Il n’en reste pas moins son analyse cède finalement au travers de l’inculcation et de l’individu passif. Et donc qu’ elle se trouve très démunie pour expliciter le changement social qui occupe une place centrale dans nos sociétés
B ) UNE ANALYSE INTERACTIONNISTE DE LA SOCIALISATION ( 13-15 p 128-129)
Les interactionnistes proposent en conséquence une définition de la socialisation comme acquisition d’un code symbolique résultant de transactions entre l’individu et la société :
· A Percheron est ainsi conduite à distinguer deux processus différents et complémentaires de socialisation :
- l’assimilation par laquelle l’individu cherche à modifier son environnement afin de le rendre plus conforme à ses désirs et donc à diminuer son insatisfaction et l’anxiété qui en résulte
- l’accommodation par laquelle l’individu tend à se modifier pour répondre aux contraintes et pression de son environnement
· la socialisation ne peut dès lors :
- plus être assimilée à une simple transmission de valeurs de normes et de règles,
- elle vise à développer une certaine représentation du monde qui n’est pas imposée toute faite par la famille ou l’école
- mais construite par l’individu qui se la compose lentement en empruntant certaines images aux diverses représentations existantes mais en les réinterprétant pour en faire un tout original et neuf
· la socialisation est donc avant tout un processus de construction dynamique d’une identité permettant à l’individu d’appartenir à des groupes multiples et parfois contradictoires, d’y développer des relations .
· Mais ce processus d’identification est d’autant plus complexe qu’il n’y a pas d’identification unique de l’individu :
- l’individu s’identifie à plusieurs groupes auxquels il appartient ou fait référence
- Mais il veut tout à la fois s’intégrer dans un groupe, être accepté par les membres, tout en ne se fondant pas dans le groupe , en se différenciant.
Conclusion : on pourrait à titre de conclusion citer la phrase de Lacan (célèbre psychanalyste) : « le moi est un objet fait comme un oignon : on pourrait le peler et on trouverait les identification successives qui l’ont constitué »
EXERCICE DE COMPREHENSION : l’exemple de la socialisation religieuse et politique
Document 1 : 9 p 124
Questions :
1. Répondez aux Questions 4 et 5
2. Répondez à la question 1
3. Comment l’auteur explique t’il les ratés de la transmission , sont-elles identiques suivant les classes sociales?
Document 2 :
Longtemps la compréhension du processus de la socialisation politique est restée marquée - et gêné dans ses progrès - par trois postulats. Le premier: les opinions et les comportements politiques se fixent, une bonne fois pour toutes, au cours de l'enfance. L'idée d'une socialisation continue n'est pas envisagée.
Deuxième postulat: la socialisation politique est un processus unidirectionnel de transmission automatique d'attitudes et de comportements «prêts à porter». Le socialisé est conditionné par une socialisation intentionnelle. Il reproduit les préférences idéologiques-partisanes de ses parents. Ce raisonnement qui ne fait pas de place au changement social, sauf comme pathologie, porte les empreintes du béhaviorisme et du fonctionnalisme le plus «dur».
Dernier postulat: la socialisation politique primaire se déroule selon un schéma universel Les politistes D. Easton et J. Dennis, ont conçu ce _schéma à la fin des années 1960 .
Au sortir de l'adolescence, est-on socialisé pour la vie comme l'affirme le postulat numéro un ? Certainement pas.Les identifications idéologiques et partisanes de l'enfance manquent à la fois de substance et de stabilité pour que cela soit le cas. L'identité politique qui se construit pendant l'enfance n'est jamais achevée. Elle est destinée à se compléter et peut-être à se transformer à l'âge adulte sous l'effet de changements des conditions de vie (mobilité sociale, mariage...) et d'expériences fortes (guerres, révolutions). Pour autant, cela ne signifie pas que les acquis de la socialisation primaire sont de simples résidus. Ils constituent plutôt, pour reprendre l'heureuse formule d'A. Percheron, un fond de carte. De cette socialisation initiale, ce qui a le plus de chance de persister, c'est l'identité nationale, l'intérêt et la compétence politiques.
Le socialisé est-il passif? Non, la socialisation est un processus interactif. L'enfant ne fait pas qu'accommoder , il assimile. Ce qui veut dire qu'il est l'opérateur pratique de sa propre éducation politique. Il hérite et il gère. La socialisation ne saurait donc se réduire à une simple transmission, elle est aussi acquisition. Par conséquent, le processus peut comporter une part de résistance et d'innovation. Deux mécanismes soutiennent la transmission: l'imprégnation ,synonyme d'imposition sourde par répétition, et l'inculcation qui est aussi imposition, mais à l'aide de discours délibérés.
_IL faut savoir à ce sujet que la socialisation politique ne résulte pas seulement d'apprentissages étroitement politiques, certaines pratiques sociales, c'est le cas notamment des pratiques religieuses jouent un rôle important dans le processus.De nombreuses recherches empiriques sont venues, au fil des ans, nuancer l'idée d'une transmission automatique des préférences idéologiques-partisanes à l'intérieur de la famille. Que nous ont-elles révélé ? On sait désormais que la transmission a quelque chance de se faire, si les parents manifestent de l'intérêt pour la politique et si leurs préférences sont fortes, homogènes, fixes et transparentes (tableau). Mais on sait ,aussi, que ces conditions pédagogiques ne sont pas suffisantes. En effet, dans les cas de socialisation intentionnelle à une tradition politique familiale particulièrement forte, on a pu constater qu'il n'y avait jamais simple reproduction .
SOURCE : J.P.Lacam , La socialisation politique : l’acteur et le contexte , Ecoflash , n°100 , septembre 1995 .
QUESTIONS :
Quels sont dans l’analyse de Easton et Denis les postulats sur lesquels repose la socialisation politique ? A quelle analyse se rattache-t-elle ?
Quelles critiques peuvent être émises à l’égard de cette théorie ?
Quels apports ont fourni à la compréhension de la socialisation politique les théoriciens interactionnistes ?
Quels résultats ont fourni les enquêtes ? En quoi ont-elles relativisé la conception déterministe de la socialisation politique ?
B :
L'image du corps viril offre également quelques différences socialement construites. Pour les jeunes d'origine populaire, le muscle recherché est le muscle utile opposé à la pure apparence et à la figure exécrée du boy's band. Dans des milieux plus favorisés, on ne retrouve guère cette opposition entre investissement de force et investissement de forme. Pour les premiers, se muscler sert à faire peur et à intimider, pour les seconds, à charmer et à séduire.
Ainsi, en milieu populaire et dans les cités, la force reste une source d'autorité sacralisée, car elle constitue in fine l'ultime ressource qui puisse être mise en avant pour se définir. La virilité est alors une assise sur laquelle s'appuyer pour croire en soi. Il s'agit, grâce à sa virilité, d'essayer de s'en sortir individuellement. Arnold Schwarzenegger ou David Douillet représentent pour eux les hommes forts d'aujourd'hui, autant grâce à leurs muscles que parce qu'ils ont réussi leur vie, sont perçus comme des «malins» et gagnent beaucoup d'argent. Les valeurs masculines comme le «respect» ou «l'honneur» s'apprennent donc dans l'affrontement physique et sont si présentes chez les jeunes des cités qu'elles viennent envahir l'univers féminin.
C'est au mouvement inverse que l'on assiste dans les milieux plus aisés, où les valeurs masculines se transforment. Sans forcément abandonner les stéréotypes de la virilité, ces jeunes trouvent d'autres terrains d'expression que l'affrontement physique. Le corps n’est pas dénié mais il prend le statut de parure. En outre, un trait physique est plus souvent présent dans les réponses de fils de cadres que de fils d'ouvriers: la puissance sexuelle, qui arrive par ordre de fréquence immédiatement après le muscle. Pour eux, les deux ne vont pas forcément de pair. «J'ai pas besoin de me mettre en maillot de bain pour plaire aux filles, il me suffit de parler» ; « Ce qui compte pour séduire, c 'est pas le tour de bras, c 'est l'intelligence. »
L'homme peut être viril physiquement, mais aussi par son caractère. Lorsqu'on les interroge, les jeunes garçons et filles utilisent une grande diversité de traits pour définir le caractère de l'homme viril. Le noyau commun est celui du «protecteur courageux».
D'une manière générale, les filles distinguent trois types de personnages virils: les virils qui rassurent, les virils qui font peur et les virils qui cumulent beauté et virilité. En milieu populaire, le physique viril est régulièrement privilégié au nom de la protection qu'il offre: «Pouvoir sortir sans crainte quand on se promène au bras d'un garçon, ça compte»; «Mon mec, il doit avoir peur ni des flics ni des dealers»…
Cette protection physique est bien sûr paradoxale, car elle se manifeste dans les cités essentiellement par des interdits. Les filles des cités oscillent donc entre une valorisation de la protection comme signe de virilité et un rejet de sa face oppressive: la surveillance. Les filles de milieux sociaux plus aisés s'expliquent mal ce souci de protection physique : «J'ai pas besoin de sortir avec un garde du corps»; «Mon mec, il faut pas qu’il me colle. J’ ai pas besoin qu 'il vienne m'attendre à la sortie des cours parce qu'il fait nuit»; «Mon chéri, c'est pas mon père.»
Cette protection, décriée à un premier niveau comme un inacceptable paternalisme, et comme inutile, renvoie aussi de manière plus profonde à la volonté d'instaurer un lien fondé sur une totale interchangeabilité des rôles. C'est bien parce qu'elles ne peuvent pas offrir une protection physique qu'elles refusent de la recevoir. Exiger de l'autre quelque chose que l'on ne pourrait soi-même lui apporter passe pour un non-sens quand on est engagée dans une quête illusoire de réciprocité absolue. Ces filles entretiennent pourtant un double jeu de justification subtil entre le refus de la protection physique (revendication égalitariste oblige, leur sécurité, ça les regarde!) et l'exigence d'une protection d'ordre psychologique (parce que cette égalité là serait déjà acquise).L'homme viril est donc promu psychologue par les filles de milieux aisés. La virilité passe par le contrôle de soi, mais cette impassibilité ne doit jamais être le fruit d'un manque de sensibilité. L'imperméabilité aux émotions peut en fait être interprétée comme une infirmité.
Source : op. cité.
DOCUMENT 4 :
D'autres différences sont très présentes et viennent redoubler les différences sociales: celles des origines ethno-culturelles. Ainsi, plus que tout autres, les jeunes garçons d'origine méditerranéenne sont pointilleux sur leur honneur.
La menace que l'infidélité fait porter à l'honneur semble viser prioritairement la femme qui en est dépositaire . Ces jeunes fonctionnent selon un double standard «permissif» pour le garçon et «interdicteur» pour la fille, et se montrent d'autant plus tolérants pour eux-mêmes qu'ils sont sévères pour leurs partenaires. Tout mâle incapable de veiller à la droiture de sa femme est le seul responsable des «cornes» qu'il porte. A cette anthropologie de la honte .de l'homme dépossédé répond symétriquement celle de la gloire de l'homme conquérant: le «cocufieur». Le jeune homme séducteur, dans le pourtour du bassin méditerranéen, est non seulement disculpé du désordre causé par son charme, mais ses conquêtes lui servent en outre à se tailler une réputation virile.
A Marseille, on célèbre encore l'héroïsme du désir de l'homme qui a « de gros besoins», est «un gros consommateur», et peut éblouir par son «tableau de chasse».Séduire prend alors l'allure d'une compétition. Dans le sud de la France, les séducteurs accomplis sont admirés parce qu'ils confortent l'idée qu'il faut vivre dans l'excès. Excès qui se manifeste autant à travers la démesure du nombre des conquêtes que par la transgression qui arrache les femmes à leurs liens légitimes. L'infidélité masculine, d'abord perçue comme un débordement de l'être qui nie ses limites, résonne comme un oui permanent à la vie, alors que l'infidélité féminine reste une source de honte. Dans le nord de la France, on assiste au contraire à une montée (certes très progressive) de la norme de réciprocité, faisant que garçons et filles se montrent malgré tout d'autant plus permissifs envers leur partenaire qu'ils le sont pour eux-mêmes.
En matière de virilité, les mêmes attitudes peuvent donc être recherchées par les uns et rejetées par les autres comme source de gloire ou de ridicule. Chaque jeunesse semble précisément valoriser ce que dévalorise l'autre. Il n'y a sur la question ni accord ni légitimité à sens unique. Il faut donc constater que la virilité exacerbe la dualisation des valeurs des «deux jeunesses»: celle des quartiers et celle des milieux plus favorisés.
SOURCE op. cité.
Partie I - travail préparatoire :
Question 1 :Vous montrerez que le modèle et les lieux de socialisation spécifiquement masculins, traditionnellement définis en France,visent à transmettre une sous-culture masculine dont vous présenterez les caractéristiques(document 1)
Question 2 : Précisez comment l’évolution du système de valeurs de notre société conduit à une remise en cause des modèles traditionnels de socialisation sexués et sexistes (document 1)
Question 3 : Quels sont les traits de caractère associés à la virilité sur lesquels garçons et filles s’accordent (aussi bien par la citation que par la place dans le tableau) ? Quelle image de la virilité donnent-ils ? (document 2 )
Question 4 : Quels sont les traits associés à la virilité sur lesquels garçons et filles sont en désaccord ? La remise en question de la virilité vous paraît-elle plutôt masculine ou féminine (justifiez) ? (document 2)
Question 5 : Complétez le tableau suivant en appuyant vos affirmations sur des données statistiques tirées du tableau , quelles conclusions pouvez vous en tirer ? (document 3) :
classes populaires classes aisées
Statut de l’homme
Rôle de l’homme
Système de valeurs
Normes de comportement
Question 6 : Montrez, à partir de l’exemple de la virilité, que l’uniformisation culturelle de la société française voulue par plusieurs siècles de politiques centralisatrices n’est pas complète.
QUESTION DE SYNTHESE : Dans la première partie vous montrerez que les pré-notions qui sont généralement avancées afin de justifier la virilité et la domination masculine qui en résulte sont contestables. Une analyse, mettant en évidence les modèles de comportements sexués intériorisés au cours du processus de socialisation, semble plus adaptée afin d’expliciter non seulement les raisons pour lesquelles hommes et femmes les reproduisent mais aussi les véritables fonctions de la virilité . Dans une seconde partie vous vérifierez que ces modèles sont aujourd’hui remis en cause, aussi bien par les garçons que par les filles, en raison de leur inadaptation à l’évolution de notre société , mais à des rythmes différents suivant le sexe, les origines sociale et ethno-culturelle.
II – DES MODELES DE SOCIALISATION DIFFERENTS SELON L’APPARTENANCE SOCIALE
Exercices de compréhension :
Document 1 : 8 p 124
Questions :
1. Expliquez qu’en apparence les façons d’être sont naturelles
2. répondez à la question 1 et expliquez comment ces codes sont transmis
3. répondez à la question 3
Document 2 : 1 p 133
Questions :
répondez à la question 1
Document 3 :6 p 128
Questions :
Apriori s’attend- on à ce que la bourgeoisie reproduise les modèles culturels et de socialisation de la noblesse, pourquoi ?
Qu’en est-il en réalité, explicitez votre réponse.
Document 4 : 3 p 133
Questions :
justifiez la première phrase du texte, pouquoi peut-on observer cette évolution
ne mérite t’elle pas d’être relativisée selon M de Saint-Martin ?
Expliquez la dernière phrase du texte.
SECTION III - LES APPROCHES THEORIQUES DE LA SOCIALISATION.
I - LES CONCEPTIONS DETERMINISTES DE LA SOCIALISATION
A -UN PRECURSEUR : DURKHEIM
E Durkheim (comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents) inscrit son analyse dans une perspective holiste qui le conduit à poser que :
- la culture est un tout relativement cohérent et homogène
- qui préexiste aux individus qui composent la société (« or , les coutumes et les idées --- antérieures »)
- ceux ci ne peuvent s’intégrer que s’ils maîtrisent et appliquent le système de valeurs et de normes définies par la société(« il y a des coutumes --- harmonie »)
- si les individus ne respectent pas la culture de la société parce qu’ils ne l’ont pas intérioriseé , alors ils seront rejetés : « si nous y dérogeons—elle se venge sur nos enfants »
Donc la socialisation aura pour fonction de constituer en chaque individu l’être social qui exprime non pas la personnalité individuelle mais le groupe dont-il fait partie.
La conception de la socialisation développée par Durkheim repose donc sur le postulat que :
- l’enfant est un être vierge et passif donc très malléable
- que la société (et non pas seulement la famille : « il est vain – nos enfants comme nous le voulons ») doit socialiser en lui inculquant méthodiquement un système de normes qu’il intériorisera et respectera
A Percheron peut alors écrire : « la conception de la socialisation chez Durkheim est extrêmement autoritaire et découle de la fonction essentielle qu’il lui prête, perpétuer et renforcer l’homogénéité de la société »
B - LA CONCEPTION CULTURALISTE DE LA SOCIALISATION .
Les théoriciens culturalistes s’inscrivent dans la filiation durkheimienne (cf. chapitre précédent)
Constat : Pour les culturalistes la psychologie génétique permet certes d’éclairer certains mécanismes essentiels qui font du nouveau né , égocentrique et totalement dépendant , un adulte membre coopératif et relativement autonome de la société. Mais cette approche est beaucoup trop restreinte car trop centrée sur l’individu. Elle ignore donc les fortes variations que l’on peut observer dans les produits de la socialisation selon les époques, les milieux sociaux ou les lieux.
Conséquences : A partir des multiples enquêtes que les culturalistes ont mené dans les sociétés traditionnelles, ils peuvent en conclure quels adultes produits par les diverses sociétés sont aussi différents que les procédés éducatifs qui leur étaient appliqués quand ils étaient enfants et que ces procédés ne peuvent être facilement ramenés à des mécanismes universel (cf. dans le chapitre précédent l’ étude de M Mead sur le comparaison des cultures Arapesh, Mundugomor et Chambuli).
Conclusion : Les théoriciens culturalistes vont alors affirmer que :
- la personnalité des individus est le produit de la culture dans laquelle ils sont nés c’est à dire selon Lefort que : « les institutions avec lesquels l’individu est en contact au cours de sa formation produisent en lui un type de conditionnement qui , à la longue, finit par créer un certain type de personnalité »
- Il est donc nécessaire selon les culturalistes (comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent) d’opérer un analyse de chaque société et de son modèle de socialisation afin d’appréhender les modèles de comportement apparemment incompréhensibles.
C – LA SOCIALISATION VUE COMME INCORPORATION DES HABITUS (16 - 17 p130-131)
Bourdieu se définit comme un sociologue qui essaie d’opérer une synthèse des auteurs clés de la sociologie que sont Durkheim, Weber et Marx. Pour cela il va forger un concept l’habitus qui selon lui vise à :
· « dépasser les alternatives du déterminisme et de la liberté, du conditionnement et de la créativité, de la conscience et de l’inconscient ou de l’individu et de la société .
· parce que l’habitus est une capacité infinie d’engendrer en toute liberté (contrôlée) des produits – pensées, actions- qui ont toujours pour limite les conditions historiquement déterminées et socialement située de sa production. La liberté conditionnée et conditionnelle qu’il assure est aussi éloignée d’une création d’imprévisible nouveauté que d’une simple reproduction mécanique des conditionnements initiaux » ( le sens pratique)
· Bourdieu pense donc grâce à ce concept avoir dépassé les critiques faites aux théoriciens déterministes dont on est contestée la vision d’un individu conditionné par la société , sans véritable liberté d’action. Mais aussi aux théoriciens individualistes et actionnalistes qui surestiment la capacité de l’acteur social à agir sans contrainte.
Explicitons donc la notion d’habitus :
· Chaque individu va au cours de sa socialisation primaire intérioriser un système relativement cohérent de dispositions durables et transposables à beaucoup de situations qui va fonctionner comme un guide d’appréciations , de perceptions influençant ses actions. P Cabin peut écrire : « l’habitus est un sorte de matrice à travers laquelle nous voyons le monde et qui guide nos comportements » . Ainsi nos goûts qui sont apparemment d’ordre naturels et qui dés lors ne peuvent être discutés sont au moins en partie influencés par la socialisation que nous avons reçu durant notre enfance.
· Les habitus sont différents suivant le milieu social et donc la sous-culture dans laquelle l’individu a été socialisé. Mais Bourdieu cherche surtout à montrer qu’il permettent aux individus de se distinguer : « les goûts sont l’affirmation pratique d’une différence inévitable. Ce n’est pas par hasard que lorsqu’ils ont à se justifier, ils s’affirment de manière toute négative, par le refus opposé à d’autres goûts. En matière de goûts plus que partout toute détermination est négation ; et les goûts sont sans doute avant tout des dégoûts, faits d’horreur ou d’intolérance (c’est à vomir) pour les goûts des autres. Des goûts et des couleurs on ne discute pas : non parce que tous les goûts sont dans la nature mais parce que chaque goût se sent fondé en nature, et il l’est quasiment étant habitus,ce qui revient à rejeter les autres dans le scandale du contre nature » (la distinction, p 61) car comme l’écrit L Mucchielli : « le jeu social où qu’il s’exerce repose toujours sur des mécanismes structurels de concurrence et de domination »
EXEMPLE DE COMPREHENSION :
On pourrait, à propos des classes populaires, parler de franc-manger comme on parle de franc-parler. Le repas est placé sous le signe de
l'abondance (qui n'exclut pas les restrictions et les limites) et, surtout, de la liberté : on fait des plats « élastiques », qui « abondent », comme les soupes ou les sauces, les pâtes ou les pommes de terre ( presque toujours associées aux légumes) et qui, servies à la louche ou à la cuiller, évitent d'avoir à trop mesurer et compter – à l'opposé de tout ce qui se découpe, comme les rôtis. Cette impression
d'abondance, qui est de règle dans les occasions extraordinaires et qui vaut, dans les limites du possible, pour les hommes, dont on remplit l'assiette deux fois (privilège qui marque l'accès du garçon au statut d'homme), a souvent pour contrepartie, dans les occasions ordinaires, les restrictions que s'imposent les femmes - en prenant une part pour deux, ou en mangeant les restes de la veille -, l'accès des jeunes filles au statut de femme se marquant au fait qu'elles commencent à se priver. Il relève du statut d'homme de manger et de bien manger (et aussi de bien boire). ( … )
Au « franc-manger » populaire , la bourgeoisie oppose le souci de manger dans les formes .Les formes , ce sont d’abord des rythmes , qui impliquent des attentes , des retards , des retenues ; on n’a jamais l’air de se précipiter sur les plats , on attend que le dernier à se servir ait commencé à manger , on se sert et se ressert discrètement .On mange dans l’ordre , et toute coexistence de mets que l’ordre sépare , rôti et poisson , fromage et dessert , est exclue : par exemple , avant de servir le dessert , on enlève tout ce qui reste sur la table , jusqu’à la salière , et on balaie les miettes .Cette manière d’introduire la rigueur de la règle jusque dans le quotidien ( …) est l’expression d’un habitus d’ordre , de tenue et de retenue qui ne saurait être abdiqué . A travers toutes les formes et les formalismes qui se trouvent imposées à l’appétit immédiat , ce qui est exigé – et inculqué- , ce n’est pas seulement une disposition à discipliner la consommation alimentaire par une forme qui est aussi une censure douée, indirecte, invisible (en tout opposée à l'imposition brutale de privations) et qui est partie intégrante d'un art de vivre, le fait de manger dans les formes étant par exemple une manière de rendre hommage aux hôtes et à la maîtresse de maison, dont on respecte les soins et le travail en respectant l'ordonnance rigoureuse du repas. C'est aussi une manière de nier la consommation dans sa signification et sa fonction primaires, essentiellement communes, en faisant du repas une cérémonie sociale, une affirmation de tenue éthique et de raffinement esthétique.
SOURCE : P. Bourdieu,La Distinction , Minuit 1979
QUESTIONS :
Montrez qu’aussi bien dans les classes populaires que dans la bourgeoisie , le repas est une cérémonie sociale ( un rite d’entretien de la relation ) dont vous définirez les caractéristiques en l’opposant les pratiques des différentes catégories.
Montrez qu’un individu qui ne serait pas socialisé dans les classes populaires commettrait des impairs qui le ridiculiseraient aux yeux de ses hôtes.
Peut-on en conclure qu’il existe des manières de table qui s’imposent comme étant la norme ?
II - LE REJET DES CONCEPTIONS DETERMINISTES : UNE CONCEPTION INTERACTIVE DE LA SOCIALISATION .
A - UNE CRITIQUE DES CONCEPTIONS DETERMINISTES
Deux critiques essentielles sont émises à l’encontre de la conception culturaliste :
· Elle considère la formation de l’enfant sur le modèle du dressage ou du conditionnement. Ce qui conduit à poser :
- comme modèle de référence celui de l’individu automate déterminé ou programmé par ses expériences passées
- très éloigné de l’acteur libre de ses choix et responsable de ses actes dont le modèle semble plus représentatif de nos sociétés selon des auteurs comme R Boudon.
· Elle privilégie les expériences de la petite enfance et les disciplines imposées par la culture social du groupe d’origine et donc sous-estime l’influence des agents de socialisation secondaire (31 p 129). L’individu est déterminé une fois intériorisé les normes et valeurs inculquées au cours de la socialisation primaire, c’est donc une conception de la socialisation statique à laquelle il manque une approche dynamique.
Selon les théoriciens de ce courant même si P Bourdieu :
· fait de l’habitus non pas le produit uniquement de la condition sociale d’origine (je me comporte ainsi car je sui ouvrier fils d’ouvrier), mais d’une trajectoire sociale définie sur plusieurs générations ( un fils d’ouvrier fils de paysan tendu vers l’ascension sociale ne sera pas élevé de la même façon qu’un fils d’ouvrier lui même fils d’ouvrier persuadé qu’on ne peut sortir de la condition ouvrière )
· Il n’en reste pas moins son analyse cède finalement au travers de l’inculcation et de l’individu passif. Et donc qu’ elle se trouve très démunie pour expliciter le changement social qui occupe une place centrale dans nos sociétés
B ) UNE ANALYSE INTERACTIONNISTE DE LA SOCIALISATION ( 13-15 p 128-129)
Les interactionnistes proposent en conséquence une définition de la socialisation comme acquisition d’un code symbolique résultant de transactions entre l’individu et la société :
· A Percheron est ainsi conduite à distinguer deux processus différents et complémentaires de socialisation :
- l’assimilation par laquelle l’individu cherche à modifier son environnement afin de le rendre plus conforme à ses désirs et donc à diminuer son insatisfaction et l’anxiété qui en résulte
- l’accommodation par laquelle l’individu tend à se modifier pour répondre aux contraintes et pression de son environnement
· la socialisation ne peut dès lors :
- plus être assimilée à une simple transmission de valeurs de normes et de règles,
- elle vise à développer une certaine représentation du monde qui n’est pas imposée toute faite par la famille ou l’école
- mais construite par l’individu qui se la compose lentement en empruntant certaines images aux diverses représentations existantes mais en les réinterprétant pour en faire un tout original et neuf
· la socialisation est donc avant tout un processus de construction dynamique d’une identité permettant à l’individu d’appartenir à des groupes multiples et parfois contradictoires, d’y développer des relations .
· Mais ce processus d’identification est d’autant plus complexe qu’il n’y a pas d’identification unique de l’individu :
- l’individu s’identifie à plusieurs groupes auxquels il appartient ou fait référence
- Mais il veut tout à la fois s’intégrer dans un groupe, être accepté par les membres, tout en ne se fondant pas dans le groupe , en se différenciant.
Conclusion : on pourrait à titre de conclusion citer la phrase de Lacan (célèbre psychanalyste) : « le moi est un objet fait comme un oignon : on pourrait le peler et on trouverait les identification successives qui l’ont constitué »
EXERCICE DE COMPREHENSION : l’exemple de la socialisation religieuse et politique
Document 1 : 9 p 124
Questions :
1. Répondez aux Questions 4 et 5
2. Répondez à la question 1
3. Comment l’auteur explique t’il les ratés de la transmission , sont-elles identiques suivant les classes sociales?
Document 2 :
Longtemps la compréhension du processus de la socialisation politique est restée marquée - et gêné dans ses progrès - par trois postulats. Le premier: les opinions et les comportements politiques se fixent, une bonne fois pour toutes, au cours de l'enfance. L'idée d'une socialisation continue n'est pas envisagée.
Deuxième postulat: la socialisation politique est un processus unidirectionnel de transmission automatique d'attitudes et de comportements «prêts à porter». Le socialisé est conditionné par une socialisation intentionnelle. Il reproduit les préférences idéologiques-partisanes de ses parents. Ce raisonnement qui ne fait pas de place au changement social, sauf comme pathologie, porte les empreintes du béhaviorisme et du fonctionnalisme le plus «dur».
Dernier postulat: la socialisation politique primaire se déroule selon un schéma universel Les politistes D. Easton et J. Dennis, ont conçu ce _schéma à la fin des années 1960 .
Au sortir de l'adolescence, est-on socialisé pour la vie comme l'affirme le postulat numéro un ? Certainement pas.Les identifications idéologiques et partisanes de l'enfance manquent à la fois de substance et de stabilité pour que cela soit le cas. L'identité politique qui se construit pendant l'enfance n'est jamais achevée. Elle est destinée à se compléter et peut-être à se transformer à l'âge adulte sous l'effet de changements des conditions de vie (mobilité sociale, mariage...) et d'expériences fortes (guerres, révolutions). Pour autant, cela ne signifie pas que les acquis de la socialisation primaire sont de simples résidus. Ils constituent plutôt, pour reprendre l'heureuse formule d'A. Percheron, un fond de carte. De cette socialisation initiale, ce qui a le plus de chance de persister, c'est l'identité nationale, l'intérêt et la compétence politiques.
Le socialisé est-il passif? Non, la socialisation est un processus interactif. L'enfant ne fait pas qu'accommoder , il assimile. Ce qui veut dire qu'il est l'opérateur pratique de sa propre éducation politique. Il hérite et il gère. La socialisation ne saurait donc se réduire à une simple transmission, elle est aussi acquisition. Par conséquent, le processus peut comporter une part de résistance et d'innovation. Deux mécanismes soutiennent la transmission: l'imprégnation ,synonyme d'imposition sourde par répétition, et l'inculcation qui est aussi imposition, mais à l'aide de discours délibérés.
_IL faut savoir à ce sujet que la socialisation politique ne résulte pas seulement d'apprentissages étroitement politiques, certaines pratiques sociales, c'est le cas notamment des pratiques religieuses jouent un rôle important dans le processus.De nombreuses recherches empiriques sont venues, au fil des ans, nuancer l'idée d'une transmission automatique des préférences idéologiques-partisanes à l'intérieur de la famille. Que nous ont-elles révélé ? On sait désormais que la transmission a quelque chance de se faire, si les parents manifestent de l'intérêt pour la politique et si leurs préférences sont fortes, homogènes, fixes et transparentes (tableau). Mais on sait ,aussi, que ces conditions pédagogiques ne sont pas suffisantes. En effet, dans les cas de socialisation intentionnelle à une tradition politique familiale particulièrement forte, on a pu constater qu'il n'y avait jamais simple reproduction .
SOURCE : J.P.Lacam , La socialisation politique : l’acteur et le contexte , Ecoflash , n°100 , septembre 1995 .
QUESTIONS :
Quels sont dans l’analyse de Easton et Denis les postulats sur lesquels repose la socialisation politique ? A quelle analyse se rattache-t-elle ?
Quelles critiques peuvent être émises à l’égard de cette théorie ?
Quels apports ont fourni à la compréhension de la socialisation politique les théoriciens interactionnistes ?
Quels résultats ont fourni les enquêtes ? En quoi ont-elles relativisé la conception déterministe de la socialisation politique ?
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