chapitre introductif (1)

INTRODUCTION GENERALE


CHAPITRE I : CROISSANCE, CHANGEMENT SOCIAL ET DEVELOPPEMENT

INTRODUCTION :

Remarque : le livre auquel ce cours fait référence est le manuel hachette (2003)

Selon les économistes libéraux :
· jusqu’à la Révolution Industrielle, les sociétés ne connaissaient ni progrès, ni croissance.
· Dans cette perspective, la Révolution Industrielle aurait engendré :
- un processus de rupture permettant de passer d’économies statiques pauvres, dominées par la nature
- à des économies dynamiques qui améliorent continûment le bien-être de leur population.
· Le modèle de croissance et de développement ayant été suivi par les actuels PDEM est, selon de nombreux économistes, généralisable à tous les pays quelque soit leur histoire, leur modèle culturel.
· Il devrait donc apporter à toutes les sociétés qui les suivent le bien-être économique et social.

Néanmoins, cette vision a été fortement critiquée car :
· elle assimile trop facilement la croissance au développement,
· elle sous-estime les effets pervers générés par le modèle productiviste de nos sociétés (cf la question du développement durable)
· et enfin elle apparaît comme ethnocentriste (cf. cours première sur la culture)


SECTION I – DEFINITION DE LA CROISSANCE DU CHANGEMENT SOCIAL ET DU DEVELOPPEMENT

I– DEFINITION ET ANALYSE DE LA CROISSANCE

Remarque : pour une meilleure compréhension de ce chapitre, il est nécessaire de maîtriser (ou alors il faut revoir) le chapitre sur la comptabilité nationale de première

INTRODUCTION :

L’étude des facteurs quantitatifs semble être le meilleur indicateur selon Rostow pour analyser les performances économiques d’un pays . Nous allons donc :
- définir dans un premier temps la croissance, la façon dont on peut la mesurer et son historique
- dans un second temps, conformément à la logique de Rostow, nous verrons que la croissance engendre des transformations structurelles .

A - UNE ETUDE EN TERME DE CROISSANCE .

1 – DEFINITION ( 1 p 16 )

F.Perroux caractérise la croissance par : « l’augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues (chacune de ces périodes comprenant plusieurs cycles quasi décennaux) d’un indicateur de dimension : pour une nation le produit global net en termes réels. Ce n’est pas l’augmentation du produit réel par habitant. » . Il ajoute « qu’elle s’accompagne de progrès économiques variables et réalisés dans des changements de structure. »
Cette définition comprend 4 éléments essentiels :
· la croissance se déroule dans le long terme : plusieurs années voire dizaine d’années (ex. les 30 glorieuses).
· la croissance est auto-entretenue : la croissance d’aujourd’hui contribue à la croissance de demain (cercle vertueux)
· la croissance se réfère à un indicateur quantitatif (principalement le PIB).
· la croissance n’est pas homothétique, c’est-à-dire qu’elle engendre des transformations structurelles ( l’évolution des structures de consommation , des secteurs de production, etc.).

Remarque : Il ne faut donc pas assimiler l’expansion (8 p 19) à la croissance : en effet :
§ l’expansion est une phase de la conjoncture, qui se caractérise par une élévation rapide de la richesse nationale sur une courte période ;
§ dont le taux de croissance est supérieur au trend, c’est-à-dire à la croissance de la longue période.

2 – DEFINITION DES INDICATEURS RETENUS AFIN DE MESURER LA CROISSANCE ( 1 p 406).

L’indicateur quantitatif qui a été retenu pour étudier la croissance est soit le PIB soit le PNB

Définition : Le PIB mesure la somme des valeurs ajoutées produites par les entreprises implantées dans le pays (la richesse créée) Il faut ajouter à cette somme des valeurs ajoutées, la TVA grevant les produits et les droits de douanes puisque ces données figurent dans la valeur des utilisations finales correspondantes (consommation et exportations).

Rappel : la valeur ajoutée est la différence entre :
· le chiffre d’affaires( valeur de la production : prix x quantité )
· et les consommations intermédiaires (valeur des biens et services détruits lors du processus de production), en prenant en compte la variation des stocks

VAB = CA - CI + D S

Le PNB mesure la valeur ajoutée réalisée par les entreprises ayant la nationalité du pays étudié quelle que soit leur lieu d’implantation.

Remarque : Le PIB est donc basé sur un critère géographique (le territoire), le PNB sur un critère de nationalité.

Définition : PNB = PIB - revenus versés par les entreprises étrangères implantées dans le pays à l’extérieur + revenus reçus des entreprises ayant la nationalité implantées à l’étranger.

Remarques : Pour pouvoir comparer la valeur du P.I.B. d'une année sur l'autre et voir si elle augmente, il est nécessaire d'enlever les effets de l'inflation sur la mesure du P.I.B., c'est-à-dire de le calculer à prix constants. En effet, comme le P.I.B. est calculé en utilisant les prix des produits, si ce prix augmente, on peut croire que le P.I.B. augmente alors que ce n'est pas vrai réellement. Le plus souvent, la croissance économique est donc mesurée par le taux de croissance annuel du P.I.B. réel (c'est-à-dire corrigé de l'inflation).


3 - L’HISTORIQUE DE LA CROISSANCE (2 et 3 p 16-17)

Constat : Nous avons vu plus haut que l’on peut opposer :

· les sociétés traditionnelles (dites aussi pré-capitalistes ou pré-industrielles) étaient des sociétés statiques qui ne généraient pas de croissance auto-entretenue.
· aux sociétés industrielles qui se sont avérées capables d’assurer une croissance de leurs richesses très importante . Ainsi dans le long terme , le taux de croissance annuel moyen de la France a été supérieur à 2 % entre 1870 et 1990 . Ces rythmes de croissance peuvent être généralisés à l’ensemble des pays industrialisés qui connaissent des profils approximativement semblables. Bien évidemment, cette croissance sur une longue période n’aurait pu être mise en oeuvre si elle avait eu un caractère extensif.

Distinction entre croissance extensive et croissance intensive ( 1 p 38):

· Une croissance extensive est une croissance qui résulte du seul accroissement quantitatif des facteurs de production. On produit 2 fois plus car on utilise deux fois plus de facteurs de production (main d’œuvre et capital). Cette croissance se produit donc sans gains de productivité. Dès lors, elle bute inéluctablement sur des goulots d’étranglement, comme ceux que connaissaient les sociétés traditionnelles.

· L’apparition puis le développement du progrès technique a permis de connaître une croissance intensive. La croissance intensive est une croissance qui économise les facteurs de production grâce aux gains de productivité générés en particulier par le progrès technique. Pour multiplier par 2 les quantités produites il n’est pas nécessaire d’augmenter proportionnellement la quantité de facteurs de production .Une innovation (cf. Schumpeter, chapitre investissement et progrès technique) telle qu’une meilleure organisation du travail (cf. Taylor ou Ford) permet au même nombre de travailleurs d’être plus efficaces et donc de produire plus.


B - LA CROISSANCE ENGENDRE DES TRANSFORMATIONS STRUCTURELLES ( 5 à 7 p 17-19)

« Si l’on peut mesurer la croissance économique grâce à un indicateur synthétique tel que le PIB :
· celui-ci ne rend compte cependant que d’un aspect de la croissance : l’accroissement des quantités produites.
· Or dans le processus de croissance, bien des transformations s’ opèrent. »
· Ainsi les 30 Glorieuses furent, selon J.Fourastié, l’âge de toutes les ruptures.

1 - L’EVOLUTION DES STRUCTURES DE PRODUCTION ( 17-18 p 91 )

un constat : Depuis 2 siècles , la répartition sectorielle du PIB comme celle de la population active ont fortement évolué :
- la part dans le PIB et dans la population active de l’agriculture n’a cessé de diminuer
- au profit, dans un premier temps, de l’industrie,
- puis dans un second temps, c’est le secteur tertiaire qui connaît le développement le plus rapide.

On est ainsi passé :
- d’une société agricole et rurale au XVIII° siècle
- à une société industrielle et urbaine jusqu’au milieu du XX° siècle.
- Depuis lors semble se développer une société postindustrielle.

Ceci résulte de 2 phénomènes dont les effets se sont complétés :

a – L’EFFET PRODUCTIVITE : LES LOIS DE FOURASTIE (rappel du cours de seconde et 5 p 17)

J.Fourastié a construit une théorie qui reprend la typologie sectorielle établie par C. Clark en insistant, comme critère de différenciation sur les rythmes différents de progrès technique et de productivité :
· le secteur primaire (rassemble l’ensemble des activités productrices de matières premières issues de la nature : agriculture et mines) se caractériserait par un progrès technique et des gains de productivité intermédiaires .
· le secteur secondaire (correspond à la transformation continue sur une grand échelle de matières premières en produits transportables : principalement le secteur industriel) se caractérise par un progrès technique et des gains de productivité très élevés
· le secteur tertiaire ( rassemble les services , c’est-à-dire les biens immatériels produits dans divers types d’activité :marchandes ( commerce , transport , ... ) ou non marchandes ( éducation , santé ) ) se caractérise par un progrès technique et des gains de productivité faibles : pour produire plus , il faut faire appel à davantage de main-d’œuvre ( croissance de type plutôt extensive ) .

b – L’EFFET DEMANDE : LES LOIS D’ENGEL (Rappel du cours de seconde et 5 et 7 p 19)

Ernst Engel a caractérisé l’évolution de la structure de la consommation en fonction du revenu des ménages .Il distingue 3 types de biens :
· les biens inférieurs ou de première nécessité : la part des dépenses consacrées à l’entretien physique ( la nourriture) est d’autant plus forte que le revenu est faible . Quand le revenu s’accroît, le coefficient budgétaire de l’alimentation diminue : l’élasticité-revenu de l’alimentation est donc inférieure à 1 .
· les biens dits normaux : la part des dépenses consacrée aux vêtements, à l’habitation, au chauffage et à l’éclairage est invariable , quel que soit le revenu . Le coefficient budgétaire de ces biens est donc constant, l’élasticité-revenu est égale à 1
· les biens supérieurs ou superflus : la part des dépenses consacrées à l’éducation , la santé , les loisirs s’accroît avec le revenu : le coefficient budgétaire s’élève avec le revenu , l’élasticité -revenu est supérieure à 1 .

Rappel du cours de seconde ( 3 p 402): l ‘élasticité revenu d’un poste de consommation (par exemple l’alimentation) mesure la sensibilité des dépenses alimentaires à une variation du revenu :

Elasticité revenu : h = (DQ/ Q)/ (DR/R)

R= revenu, Q = dépenses consacrées à un poste alimentaire, D= variation .

Conclusion : La croissance économique , par l’augmentation du revenu qu’elle va engendrer , va donc déterminer :
- un bouleversement de la structure de consommation des ménages ( 8 p 15 ).
- On observe alors, non seulement une élévation du niveau de vie mais aussi une transformation du mode de vie .

2 – NIVEAU ET MODE DE VIE .

constat : La croissance économique se traduit par :
- une élévation du niveau de vie
- et une transformation du mode de vie
- les deux termes ne sont pas synonymes.

a – LE NIVEAU DE VIE

Définition : Il correspond à la quantité de biens et de services dont peut disposer un individu, un ménage en fonction de ses ressources : le niveau de vie est donc un indicateur de type quantitatif.

Constat : L’élévation du niveau de vie, depuis deux siècles, a permis à la population de :
- satisfaire un nombre croissant de besoins,
- ce qui a permis dans un premier temps d’éloigner le spectre de la famine,
- et dans un second temps, de satisfaire des besoins qui étaient en apparence réservés à une minorité de la population.

Remarque : Néanmoins, cela ne signifie pas que les disparités de consommation aient totalement disparu .Des individus ayant des niveaux de vie comparables peuvent avoir des structures de consommation très différentes (1 p 16 : dernier paragraphe).

b –LE MODE DE VIE

Définition : En effet, le mode de vie qui désigne les façons de vivre , de se nourrir , de se vêtir , d’utiliser son temps , ses loisirs ne dépend pas seulement du revenu ( variable quantitative ) ; il est fonction aussi de variables qualitatives telle l’appartenance sociale ( le niveau d’éducation, la catégorie sociale d’appartenance , etc. .)

Remarque : En un certain sens, on pourrait dire que mode et niveau de vie peuvent être contradictoires ; l’individu pouvant se trouver confronter à un dilemme ou un choix :
- soit travailler plus pour pouvoir consommer et élever son niveau de vie ;
- soit travailler moins, réduire dès lors son niveau de vie mais améliorer subjectivement son mode de vie en prenant davantage de loisirs.

Conclusion : Selon Fourastié, cet arbitrage n’a pas réellement eu lieu depuis deux siècles grâce à la forte croissance économique
- le volume physique des biens produits a été multiplié par 60, ce qui a permis d’opérer un « changement radical du niveau de consommation qui a donné à l’ouvrier professionnel le pouvoir d’achat qu’avait en 1830 le conseiller d’Etat
- Cela a pu se faire avec une durée de travail par individu fortement réduite ! C’est en travaillant 300 jours par an et 12 heures par jour en moyenne, de sa huitième année à sa mort , que l’ouvrier avait en 1830 un niveau de vie de 38 ( base 100 en 1938 ) ; c’est en travaillant 237 jours et 8 heures par jour de 16 ans à 60 ou 65 ans que l’ouvrier d’aujourd’hui ( en 1975 ) a un niveau de vie de 315 . »


II- DEFINITION ET ANALYSE DU CHANGEMENT SOCIAL (complément de cours 1 à la fin du chapitre)

III – DEFINITION DU DEVELOPPEMENT : CROISSANCE ET DEVELOPPEMENT NE SONT PAS SYNONYMES .

A – LA DISTINCTION ENTRE CROISSANCE ET DEVELOPPEMENT ( 11 et 12 p 21 )

L’assimilation entre croissance et développement qui a souvent été faite par de nombreux auteurs, en particulier Rostow est très critiquable .
En effet, comme l’indique F.Perroux, « l’économiste à qui on demande qu’est ce que le développement doit à mon sens répondre : le développement est la combinaison de changements mentaux et sociaux d’une population qui la rendent apte à faire croître cumulativement et réellement son produit réel global. »

Conclusion : Dès lors, on peut en conclure que :
· la croissance est un phénomène économique et quantitatif ,
· alors que le développement est d’ordre social , culturel donc qualitatif .

Mais cette définition doit être complétée : Amartya Sen propose une autre définition dans laquelle le développement est le « processus d’expansion des libertés réelles dont jouissent les individus. Il ne fait aucun doute que la croissance du PNB ou des revenus revêtent une grande importance en tant que moyen d’étendre les libertés dont jouissent les membres d’une société. Mais d’autres facteurs déterminent ces libertés : les dispositions économiques ou sociales, par exemple (il peut s’agir de tous les moyens qui facilitent l’accès à l’éducation ou à la santé) et, tout autant, les libertés politiques et civiques. »
Ainsi, comme le constate P.Hugon : « le développement économique peut être défini comme :
· un processus endogène et cumulatif de long terme de progrès de la productivité et de réduction des inégalités permettant à un nombre croissant de passer d’une situation de précarité, de vulnérabilité et d’insécurité
· à une situation de plus grande maîtrise de l’incertitude et des instabilités, de satisfaction de besoins fondamentaux et d’expression des capacités
· grâce à l’acquisition de droits, à la mise en œuvre d’organisations et d’institutions et de modes de régulation permettant de piloter des systèmes complexes et de préserver les choix des générations futures. »

Dans ce passage , Hugon insiste sur 3 dimensions essentielles du développement :
· le développement doit assurer à tous une amélioration du bien-être ce qui passe nécessairement par une réduction des inégalités
· le développement nécessite l’application de nouveaux droits et libertés donc une démocratisation plus poussée des sociétés
· enfin, le développement doit s’inscrire dans une perspective de préservation des intérêts et choix des générations futures.

B - LE DEVELOPPEMENT DURABLE OU SOUTENABLE

Cette notion est , en particulier , mise en exergue dans le rapport Bruntland de 1987 qui indique que :
« le développement durable ou soutenable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre les générations futures de répondre aux leurs » (13 p 22et 19-20 p 48-49).
Il vise donc à :
· assurer les besoins essentiels des plus démunis à qui il convient d’assurer la priorité
· et à limiter les répercussions sur l’envirronnement de la croissance actuelle afin de répondre aux besoins actuels et à venir.

Ainsi, le rapport constate la nécessité de la croissance, mais il distingue deux cas :
· les pays dans lesquels les besoins essentiels ne sont pas satisfaits
· les pays qui ont atteint un niveau de croissance et de développement suffisant et qui doivent donc s’engager à respecter les principes de durabilité et de non exploitation d’autrui
Remarque : Du fait de son contexte historique et politique international, le développement durable est un compromis entre trois contradictions fondamentales :
· compromis entre les intérêts des générations actuelles et celui des générations futures, dans le contexte de l’équité intergénérationnelle
· compromis Nord/Sud entre les pays industrialisés et les pays en développement
· compromis entre les besoins des êtres humains et la préservation des écosystèmes (les habitats et les espèces).
Ce dernier problème renvoie à l’opposition entre durabilité forte ou faible :
· Selon la conception de la durabilité faible, on n’accorde aux biens naturels que la valeur des services qu’ils rendent, et non une valeur d’existence. Il conviendrait donc seulement de remplacer le capital naturel consommé par des éléments « fabriqués ». La question est de savoir jusqu’à quel point on peut substituer des éléments de patrimoine économique, financier, technologique ou de capacité aux ressources et aux équlibres naturels.
· Les tenants de la durabilité forte considèrent que certaines transformations globales peuvent conduire à des irréversibilités graves, du fait que le système naturel est instable. C’est pourquoi l’on doit préserver a priori certains équilibres, au nom du principe de précaution, y compris pour des raisons utilitaristes à long terme. Ce clivage recouvre en partie l’opposition entre une vision du monde anthropocentrique et utilitariste et une vision plus éco-centrée.


C – LES INDICATEURS DE DEVELOPPEMENT

Deux écoles s’opposent selon C.Bernard :
· ceux qui proposent de corriger le PIB tout en conservant les méthodes de la Comptabilité nationale : ils calculent alors des PIB en PPA par exemple.
· ceux qui proposent de construire un nouvel indicateur dont le PIB ne serait qu’un des éléments .P.Samuelson propose de calculer un bien-être économique net (BEN). F.Perroux un bonheur national brut ( BNB ) . Toute la difficulté est alors de traduire tous les indicateurs qualitatifs en valeurs monétaires

Solution :. C’est ce défi qu’a essayé de relever le PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) qui a construit 2 nouveaux indicateurs : l’Indicateur de Développement Humain ( IDH ) et l’ Indicateur de Pauvreté Humaine ( IPH ) .

1 ) DEFINITIONS

a – définition de l’ IDH ( 2 p 407 ET annexe 1)

Il veut être la mesure du développement humain entendu au sens où les besoins fondamentaux sont couverts . L’IDH se calcule à partir de la combinaison de 4 critères :

· l’espérance de vie , comprise entre 25 et 85 ans
· le taux d’alphabétisation des adultes
· le nombre moyen d’années d’études
· le niveau de PIB/habitant en PPA .

Conclusion : « L’ IDH résulte de leur combinaison puisque c’est la somme pondérée selon les coefficients fixés par le PNUD des 4 valeurs . Les indicateurs PIB réel par habitant ajusté et espérance de vie à la naissance pèse chacun pour un tiers dans l’IDH, le taux d’alphabétisation des adultes et la moyenne des années d’études respectivement pour 2/9 et 1/9 . »

b - définition de l’IPH ( 2 p 407)

L’indicateur de pauvreté humaine mesure le dénuement au niveau des quatre grands aspects de la vie humaine :
· la capacité de vivre longtemps et en bonne santémesurée par le pourcentage de personnes risquant de décéder avant un âge fixé
· le savoir mesuré par le pourcentage d’adultes analphabètes
· les moyens économiques mesurés par L’absence d’accès à des conditions de vie décentes qui se décompose en 3 variables :
- pourcentage d’individus privés d’eau potable
- pourcentage d’individus privés d’accès aux services de santé
- pourcentage d ’enfants de moins de 5 ans souffrant de malnutrition
· La participation à la vie sociale

Ces éléments sont les mêmes pour tous les pays qu’ils soient industrialisés ou en développement. Seuls les critères les mesurant varient, pour tenir compte des différences dans les réalités de ces pays . On calcule alors un IPH1(pour les PVD) et un IPH2 (pour les pays industrialisés) (cf. tableau ci dessous)

Remarque : Cet indicateur a l’avantage de révéler mieux que l’IDH la capacité redistributive des pays .

c – indicateur sexospecifique de developpement humain (ISDH) et indicateur de participation des femmes (IPF)

Introduits dans l’édition 1995 du rapport mondial sur le développement humain l’ISDH et L’IPF sont des indicateurs composites qui reflètent les inégalités entre les hommes et les femmes en terme de développement.
· Tandis que l’ISDH évalue les avancées du développement humain de base corrigées des inégalités entre hommes et femmes,
· l’IPF mesure les inégalités entre hommes et femmes sur le plan des opprtunités économiques et politiques.


2 - INTERETS ET LIMITES DES INDICATEURS

a - l’intérêt de l’IDH

Apports de l’IDH : Il permet de :
· dépasser la simple comptabilisation quantitative du PIB et il mesure donc mieux le niveau de développement atteint par un pays .
· Il établit donc une hiérarchie des pays différente de celle du PIB . Pour l’année 92 , le Canada occupe la 11° place au classement du PNB/habitant , mais la 1° à celui de l’IDH . Au contraire , la Guinée occupe le 139° rang pour le PNB/habitant , et le 173° rang pour l’IDH . De même , la hiérarchie des pays suivant le PIB réel par habitant et celle de l’IPH ne se recoupent pas . Les profils de la Suède et des Etats Unis sont ainsi très différents selon B.Stern .

b – les limites des indicateurs

Les limites : S’ils prennent en compte les critères socioculturels , ce qui est un progrès , ils ne sont pas capables de :
· rendre compte de la dynamique des structures économiques et sociales, qui seules permettraient de mesurer le développement car l’IDH et l’IPH sont des indicateurs statiques.
· l’IDH semble réduire le concept de développement humain aux progrès de la santé, de l’instruction et du niveau de vie, ce qui occulte la question des libertés politiques, de la participation à la vie sociale et à la sécurité physique . Or ces capacités sont aussi universelles et fondamentales que savoir lire, écrire ou que la santé. La faiblesse de l’IDH est qu’étant un indicateur chiffré synthétique, il se révèle incapable de prendre en compte des dimensions qualitatives comme le degré de liberté et de démocratie qui ne sont pas facilement mesurables.
SECTION II - LA CROISSANCE ECONOMIQUE GENERE DU DEVELOPPEMENT


I - LA CROISSANCE : UN PREALABLE AU DEVELOPPEMENT (14 p 22)

Selon les théoriciens libéraux , la croissance va mécaniquement assurer le développement :

· En effet , la forte augmentation de la richesse générée par la croissance économique va permettre aux pays ayant connu un décollage économique de prendre en charge les dépenses d’infrastructure ( d’éducation , de santé ) qui permettront d’assurer le bien-être de la population . Ainsi, on constate que les pays de l’OCDE qui sont les pays les plus riches sont aussi les pays les plus développés et qu’au contraire les pays n’ayant pas connu de croissance économique sont sous développés (13 p 18)
· Il est donc nécessaire de rechercher en priorité les mécanismes assurant le décollage économique, de les mettre en œuvre. Par la suite quasiment inéluctablement le développement apparaîtra.

Conclusion : Il faut alors se poser la question : les pays développés à économie de marché (PDEM) ne doivent-ils pas servir de modèle à l’ensemble des pays en développement ?
L’IDH donne un classement des États différent de celui qui est établi à partir du PIB par habitant mais il y a un rapport évident entre le « développement humain et le PIB par habitant.

L’axe des ordonnées mesure l’IDH*. L’* signifie que la mesure de l’IDH est corrigée en éliminant le PIB par habitant de sa définition. Ainsi la corrélation décrite ici concerne le PIB par habitant et les autres composantes du développement humain (éducation, santé).

II - LES SOCIETES TRADITIONNELLES BLOQUENT LE CHANGEMENT SOCIAL , LA CROISSANCE ET DONC LE DEVELOPPEMENT

A – PAR UN SYSTEME DE VALEURS INADAPTE …

1 - DES SOCIETES HOLISTES...

Constat : Par opposition aux nôtres, les sociétés traditionnelles ne reconnaissent pas l’individu ; elles valorisent selon L.Dumont « l’ordre, donc la conformité de chaque élément à son rôle dans l’ensemble, en un mot la société comme un tout. »

Conséquences : L’individu est, dès lors subordonné à la communauté à laquelle il appartient, qui certes le protége mais en même temps l’étouffe puisque, elle lui interdit tout projet d’avenir qui ne correspond pas aux besoins de la communauté.

2 – DANS LESQUELLES LA MOBILITE SOCIALE EST TRES REDUITE…

Constat : Dans les sociétés traditionnelles, le statut social de l’individu est hérité , il lui est assigné par la société en fonction de l’appartenance sociale de ses parents .

Exemples : On peut citer ainsi la société d’ordres d’Ancien Régime française ou la société à castes de l’Inde (cf. première) qui rendent tout projet d’élévation individuelle difficile , voire impossible en Inde


3 – ET QUI VALORISENT LES VALEURS HERITEES …

Constat :Comme l’indique E.Le Roy Ladurie : « Les sociétés traditionnelles sont des sociétés à histoire immobile . » , c’est-à-dire ce sont des sociétés qui valorisent la perpétuation d’un ordre établi et qui considèrent que toute transformation , par exemple un progrès technique remettrait en cause leur équilibre et leur continuité .

Conséquences : Elles vont donc mettre en avant les valeurs héritées des anciens qui assurent la perpétuation d’un ordre social qui semble immuable.


B – QUI BLOQUE LA CROISSANCE.

1 - UNE ABSENCE DE PROGRES TECHNIQUE .

Constat : Asselain écrit : « L’accroissement du nombre conformément au schéma de Malthus finit par se heurter à une sorte de butoir correspondant au maximum de subsistances disponibles, compte tenu de l’état des techniques agricoles. »

Explications : Le problème central est bien ici : les sociétés traditionnelles semblent incapables de générer du progrès technique.

Conséquences : Donc d’assurer une croissance économique et démographique forte et continue. Ceci semble résulter, apparemment,essentiellemment de déterminants naturels .

2 - DES SOCIETES DEPENDANTES DE LA NATURE

Constat : Les cataclysmes que connaissaient les sociétés traditionnelles résultaient essentiellement de trois facteurs que l’on dénommait les fléaux de Dieu et qui étaient repris dans la prière du laboureur : seigneur, protégez- nous de la guerre, des épidémies , des famines.

Explications : Les deux dernières causes semblent résulter de déterminants naturels(exemple : la dépendance des récoltes aux facteurs climatiques) contre lesquels l’homme ne peut lutter .
Critique des explications traditionnelles : Mais elles résultent en réalité de déterminants humains (si les sociétés sont aussi dépendantes du climat c’est parce que les hommes n’ont pas su accumuler des stocks en cas de mauvaise récolte).

3 - DES SOCIETES STATIQUES

Constat : Toutes les sociétés qui ont précédé celle issue de la révolution industrielle sont :
· des sociétés statiques, sans croissance économique . Elles n’ont au mieux pu assurer que la stabilité de la production sur le long terme.
· Mais elles ont été confrontées de manière récurrente à des facteurs qui ont conduit à un effondrement de la production, qui ont donc généré des crises de sous-production se traduisant par une forte augmentation des prix.

4 - UNE POPULATION STABLE SUR LONGUE PERIODE .

constat : Les fléaux de dieu ne permettent pas d’assurer une croissance démographique importante dans le long terme .

Explications : Chaque période de croissance est en effet remise en cause par une famine, une guerre ou une épidémie, qui éliminent les individus les plus faibles et remettent en cause les avancées de la population de la période précédente. Comme l’indique J.C.Asselain : « ce maximum (de population) demeure quasi invariable à travers les siècles, les mouvements à la hausse et à la baisse représentent un caractère essentiellement cyclique, l’état final tend à reproduire l’état initial. »


CONCLUSION :

Constat : La structure sociale et économique des sociétés traditionnelles semble rendre impossible la libération de l’homme des besoins fondamentaux.

Explications : Les philosophes des Lumières vont s’efforcer de démontrer que le responsable de cette situation est la société féodale qui, en entravant l’action individuelle, donc les droits naturels de l’individu interdit toute croissance économique.

Mesures préconisées : Il faut donc comme préalable à tout décollage économique remettre en cause l’échelle des valeurs imposée par la société traditionnelle en offrant aux individus des possibilités différentes de celles qui se présentaient aux générations précédentes

Conséquences attendues : il faut libérer l’individu de l’ordre social qui le contraint afin de le libérer du besoin .Dès lors , la croissance économique deviendra une fin en soi .


III - LA NECESSITE D ‘ UNE REMISE EN CAUSE DES SOCIETES TRADITIONNELLES

INTRODUCTION - L’EXPLICATION DU SOUS DEVELOPPEMENT PAR LES AUTEURS LIBERAUX

Postulat de base : Selon les libéraux, l’homo oeconomicus, est une caractéristique naturelle, il existe dans toutes les sociétés et à toutes les époques .

Contexte des sociétés traditionnelles : si l’homo oeconomicus paraît absent des sociétés traditionnelles, c’est parce que celles-ci se sont efforcées en imposant des ordres, des statuts, des corporations de contraindre l’individu qui est naturellement égoïste et rationnel à rechercher non pas son intérêt individuel mais à se conformer aux besoins de la société.

Solutions préconisées par les libéraux : Il est donc urgent, pour les libéraux, d’abolir cet héritage du vieux monde afin de laisser jouer les lois naturelles du marché. Le libre-accès au travail, l’institution d’un libre marché du travail marquent l’avènement d’un monde social rationnel par la destruction de l’ordre social arbitraire de l’ancienne société.

Conséquences attendues : la liberté du travail en libérant l’initiative privée, le goût du risque et de l’effort, le sens de la compétition va conduire l’individu à désirer une amélioration de sa condition qui sera source d’efficacité et de dynamisme économique .

A – LA THESE DE ROSTOW : LES 5 STADES

Rostow, dans une perspective libérale, va s’efforcer de montrer que la croissance économique nécessite une rupture avec l’ordre ancien ; il va développer un schéma en 5 phases qui reprend celui suivi par l’Angleterre depuis le 18° siècle.

1- PREMIER STADE : LES SOCIETES TRADITIONNELLES .

Constat : Les sociétés traditionnelles se caractérisent :
· par une proportion élevée des ressources affectées par l’agriculture, des fonctions de production stables, peu sujettes à des bouleversements technologiques (pas de progrès technique majeur) .
· Le caractère fondamentalement rural de l’activité conduit à une structure sociale très hiérarchisée, à faible mobilité.
· En outre, l’échelle des valeurs est telle que la gamme des possibilités offertes aux générations montantes n’est guère différente de celle qui se présentait aux générations précédentes.

Conséquences : les perspectives de croissance à long terme sont donc à peu près nulles .

2 -DEUXIEME STADE: LES CONDITIONS PREALABLES AU DECOLLAGE .
Caractéristiques : Ce stade se caractérise par une série de révolutions qui vont rendre possible le décollage qui suivra :
· une révolution agricole qui permet en augmentant la productivité de créer un surplus agricole nécessaire pour nourrir une population croissante.
· une révolution démographique qui en assurant le passage de l’Ancien Régime Démographique au Nouveau Régime Démographique libérera des ressources en main-d’œuvre nécessaires aux secteurs en croissance.
· une révolution commerciale : favorisée par la révolution des transports qui rend possible la création de marchés nationaux voire internationaux grâce à l’apparition de nouveaux moyens de communication (chemins de fer, canaux, etc.).
· une révolution entrepreneuriale : qui se caractérise par l’apparition d’un nouveau type d’homme animé de l’esprit d’entreprise, favorablement disposé à l’égard de la nécessaire prise de risques.
· une révolution politique et sociale : qui permet l’édification d’Etats centralisés et efficaces qui assurent, à terme, le passage à des sociétés démocratiques.

Conclusion : Tout ceci culminera dans une révolution industrielle, qui est fondamentale, car elle seule est susceptible de générer un processus auto-entretenu de croissance durable.

3 -TROISIEME STADE : LE DECOLLAGE OU TAKE OFF .

Caractéristiques : C’est la période centrale du schéma de Rostow : période pendant laquelle on passe des sociétés traditionnelles aux sociétés industrielles. 3 caractéristiques essentielles :
· phase de courte durée : deux à trois décennies : on retrouve ici l’idée de révolution comme rupture brusque.
· forte augmentation du taux d’investissement qui passe de 5 à 10-15%

Rappel : taux d’investissement = FBCFx 100
PIB

· apparition de branches motrices : textile , sidérurgie qui vont entraîner et dynamiser l’ensemble de l’économie .

4- QUATRIEME STADE : LA MATURITE .

Constat : C’est une longue période de progrès pendant laquelle les innovations technologiques qui ont permis le décollage se diffusent à l’ensemble de l’économie.

Conséquences : Une soixante d’années après le décollage, l’économie atteint le stade de la maturité, elle se révèle alors capable d’engendrer de nouvelles activités qui remplaceront celles qui ont permis le décollage.

5 - CINQUIEME STADE : LA PHASE DE CONSOMMATION DE MASSE .

Caractéristiques : Elle est atteinte quand :
· les normes de consommation sont articulées autour de biens standardisés ( auto ...) créés en grandes séries .
· la production de biens de consommation durables et de services deviennent le secteur économique dominant.
· les sociétés privilégient les fonctions d’assurance et de prévoyance, socialisent les risques de toute nature.

Conséquence : Ce stade est atteint lorsque les semblent avoir libérer l’homme du besoin ; on se dirige alors vers des sociétés postindustrielles.


B-LE SCHEMA DE ROSTOW : UN MODELE DE DEVELOPPEMENT POUR LES PVD .

Constat : Si l’on observe le chemin parcouru depuis 2 siècles par les pays industrialisés et si on le compare à la situation dans laquelle se trouvent aujourd’hui les PVD, on ne peut nier les aspects positifs de la croissance et douter du caractère souhaitable de sa généralisation .

Conséquences : Le modèle de Rostow semble dans cette perspective particulièrement intéressant :

· Rostow écrit : « que le pays le plus développé industriellement ne fait que révéler aux économies les moins développées l’image de leur propre futur. »
· En ce sens, les pays en développement ne sont pas différents des pays développés, ils sont seulement en retard ( théorie dite du retard ) .

Mesures préconisées par Rostow : Les PVD, pour connaître une croissance et un développement n’ont alors qu’à suivre un modèle de référence, considéré par Rostow comme la seule voie possible ( the one best way ) : c’est le modèle de l’Angleterre depuis le XVIII° siècle qui leur permettra de connaître une croissance économique forte et durable qui engendrera un développement économique à terme et rapprochera les PVD de la situation des PDEM aujourd’hui .

C – LA THESE DE F FUKUYAMA : LA FIN DE L’HISTOIRE.

F Fukuyama va s’inscrire dans la logique de Rostow, mais en intégrant les données issues du nouveau contexte dans lequel il se situe : Rostow rédige son ouvrage au début des années 60, Fukuyama au début des années 90.

La thèse développée par F. Fukuyama dans la fin de l’histoire est la suivante : « la démocratie libérale et l’économie de marché sont les seules solutions viables pour les sociétés modernes (…) l’histoire a donc un sens elle progresse et elle culmine dans l’Etat libéral moderne. »

Justification de la thèse : Fukuyama distingue deux moteurs essentiels alimentant le processus historique qui sont complémentaires :
- le premier est d’ordre économique : c’est la science qui permet à l’histoire d’avoir une direction et de progresser. Les progrès scientifiques et technologiques en ouvrant des perspectives de production infinies, engendrent un ordre économique. La modernisation économique est un processus cohérent, toutes les sociétés, qu’elles que soient leur histoire et leur culture, doivent en accepter le cadre de référence. Le marché est finalement le stimulant le plus efficace du développement économique.
- le second est d’ordre politique : les individus ne recherchent pas que leur bien-être matériel, ils veulent aussi que soient reconnus leur dignité et leur statut. La démocratie libérale n’est alors qu’une série d’institutions mises en place afin de garantir les droits universels reconnus aux hommes dans les constitutions des démocraties développées.

Fukuyama établit d’ailleurs une complémentarité entre les deux moteurs :
- le développement économique est le meilleur moyen de promouvoir la démocratie , il en est un préalable comme l’avait montré il y a 40 ans S.M. Lipset . A Prezeworski vient récemment de démontrer qu’au-dessus d’un PIB/habitant de 6000$/an il n’y a pas d’exemple de pays qui soit revenu à un régime autoritaire. L’Espagne, Taiwan, la Corée du Sud ont tous réussi leur transition démocratique autour de ce chiffre magique.
- Inversement le meilleur moyen de promouvoir la croissance économique dans un pays c’est de l’intégrer pleinement dans le système de commerce et d’investissement capitaliste. Le consensus de Washington établit au début des années 90 postule ainsi qu’un pays se développe plus rapidement s’il abaisse les tarifs douaniers, s’il met un terme aux subventions publics, s’il privatise les entreprises d’Etat.

Liberté économique et PIB per capital



Conclusion de la thèse de Fukuyama : « la libéralisation des politiques économiques devrait déboucher sur le développement des institutions démocratiques, qui devrait permettre d’élargir la zone de paix démocratique et de garantir la sécurité des nations qui y prennent part »(Fukuyama)

Remarque : Selon lui le processus de mondialisation qui est en œuvre confirme et peut même accélérer cette tendance qui lui paraît inéluctable pour trois raisons :
- il n’y a aucun modèle alternatif de développement qui puisse présenter de meilleurs résultats. Le modèle dit de développement asiatique principal concurrent de la mondialisation libérale a montré ses limites, plus personne n’osant faire aujourd’hui du Japon un modèle.
- - Avec la mondialisation la mobilité du capital a fortement augmenté condamnant les politiques d’intervention publique visant à réguler le marché . Celui ci s’avère aujourd’hui le système le plus efficace afin d’assurer la croissance et le développement.
- La mondialisation est , enfin, renforcée par la révolution des technologies de l’information qui s’étend jusqu’aux endroits les plus reculés de la planète. Aucun pays ne peut plus aujourd’hui se couper du commerce et des flux de capitaux internationaux sous peine de se heurter au mécontentement de sa population formée dans une large mesure par sa connaissance des richesses matérielles et culturelles existant au-delà de ses frontières.

Remarque : Néanmoins :
· une des faiblesses de la thèse de Rostow est qu’il n’explique pas véritablement les raisons qui conduisent les hommes à transformer leurs comportements afin de générer une croissance économique .
· L’un des apports majeurs de M. Weber va alors être de trouver les déterminants expliquant la modification des comportements et d’en tirer les conséquences

IV– LA THESE DE MAX WEBER (Complément de cours n°2)


SECTION III : LES LIMITES D’UNE ANALYSE EN TERME DE CROISSANCE


I – CROISSANCE ET DEVELOPPEMENT UNE ASSIMILATION DISCUTABLE

INTRODUCTION

si le développement rend certes la croissance irréversible ( il n’y a pas de développement sans croissance ) , la proposition inverse : la croissance génère inéluctablement le développement , ne se trouve pas toujours vérifiée .


A ) LA CRITIQUE DES INDICATEURS MESURANT LA CROISSANCE ET LE DEVELOPPEMENT ( 17-18 p 47-48 et 5 p 406).

Critique des indicateurs de croissance : Le PIB est un indicateur qui s’avère incapable de mesurer le développement ; il n’est pas sans poser de problèmes pour quantifier la croissance économique. De nombreuses critiques lui ont été adressées :


1 ) LE PIB N’EST MEME PAS UN BON INDICATEUR DE LA RICHESSE MATERIELLE

Constat : il laisse de côté bon nombre d’activités productives :
· toutes celles en fait qui échappent aux règles traditionnelles du marché (on parle alors d’économie informelle : troc , autoconsommation qui ne se font pas dans le cadre du marché ) .
· Ainsi, le travail des femmes au foyer n’est pas comptabilisé dans le PIB (« évitez de vous marier avec votre majordome ou votre femme de ménage, vous feriez baisser le PIB . » ) .
· Cette critique est particulièrement valable, lorsqu’on étudie le cas des PVD pour lesquels (l’économie informelle étant exclue de la comptabilisation) c’est 50 % de l’économie légale qui n’est pas prise en compte ( doc 22 p 41 ) .
· Mais c’est aussi vrai pour les pays développés ; selon Saba, en Italie, c’est 30 % du PNB qui n’est pas pris en compte , en raison de la fraude , du travail au noir ( économie souterraine ).

Remarque : Ce choix opéré par les comptables des pays occidentaux n’est pas neutre, il reflète la volonté de considérer comme productives uniquement les activités marchandes opéré dans le cadre d’un marché légal. Ceci conduit à la dévalorisation de toutes les activités non retenues considérées alors comme improductives (sous-entendues inutiles) telles que le travail de la femme au foyer, la participation à une association caritative, l’éducation publique.

2 ) LE PIB N’ASSURE PAS UNE BONNE QUALITE DE COMPARAISON ENTRE LES DIFFERENTS PAYS

Constat : D. Clerc écrit : « le PIB / tête était de 110 $ en Tanzanie en 90 , de 19500 $ en France ; il est clair que ces deux chiffres ne veulent rien dire : 110$ par an et par tête , cela représente au taux de change en vigueur 1,7 franc par jour . Comment vivre avec une somme qui représente moins que le prix d’un kilo de la moins chère des céréales ? La réponse est , évidemment , que cette somme représente un pouvoir d’achat plus élevé en Tanzanie qu ’en France . » .

D’où la nécessité de calculer un taux de change en parité de pouvoir d’achat ( PPA ) . Pour établir une comparaison, on doit :
· convertir toutes les monnaies dans une monnaie de référence (le dollar),
· mais il faut tenir compte des variations de pouvoir d’achat existant entre pays de niveaux de développement différents.
· On va alors prendre comme taux de change la valeur qui égalise les pouvoirs d’achat des monnaies dans les différents pays, c’est-à-dire qui égalise la valeur d’un panier de biens pris comme référence.

3 ) « ON COMPTE , SELON J.P.DELAS , COMME RICHESSE CE QUI EST NUISANCE OU REPARATION DES DEGATS DE L’ECONOMIE MONETAIRE .

Constat : « On a pu résumer cette idée par une formule lapidaire : nuisances + réparations = double progrès » En effet , la richesse dégagée par une usine qui pollue augmentera le PIB mais il en sera de même pour les appareils qui seront mis en place afin de lutter contre la pollution .

Solution : Il aurait fallu prendre en compte les effets externes ( tels que la pollution, cf. cours de 1° et chapitre politiques économiques de terminale ) générés par l’activité et comptabiliser les richesses négatives en les soustrayant du PIB.

4 ) LE PIB / HAB N’EST PAS UN BON INDICATEUR DU BIEN-ETRE DE LA POPULATION

F.Perroux écrivait : « la croissance ce n’est pas l’augmentation du produit réel par habitant » .
Plusieurs critiques ont donc été émises à l’encontre de cet indicateur::
· le PIB/habitant est une moyenne qui peut dissimuler des inégalités extrêmes (Brésil) . Or le développement doit permettre de satisfaire les besoins fondamentaux de toute la population ; il faut donc disposer d’indications sur la répartition du revenu national, sur la proportion de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté.
· il laisserait penser que certains pays ( les émirats producteurs de pétrole ) qui ont le PIB/habitant le plus élevé sont aussi ceux qui sont le plus développés mais il n’en est rien . Ces pays n’ont pas développé d’industrie ; ils vivent de la rente de matières premières. On peut dès lors douter de leur aptitude à générer une croissance durable.


5 ) LE PIB EST UN INDICATEUR BRUT ET NON PAS NET

Question : « Peut-on mettre sur le même plan un pays qui produit de la vraie valeur ajoutée et un autre qui ne s’enrichit qu’en dilapidant son patrimoine naturel ? Autrement dit, il considère comme une création de richesses, ce qui n’est en réalité qu’une exploitation (donc une dépréciation) du patrimoine naturel. » .

Solution : Il s’avère donc nécessaire de calculer un autre indicateur de développement : le développement durable ou soutenable qui : « est le développement qui répond aux besoins présents sans compromettre la capacité des générations à venir à satisfaire leurs propres besoins » ( Rapport Brundtland )





B) LA CROISSANCE SANS DEVELOPPEMENT ?

Constat : Certains pays tels que le Brésil, ont :

· connu une croissance économique très forte depuis les trente dernières années ; le Brésil est ainsi entré dans le club fermé des 10 premiers PIB mondiaux , (15 p 19 )
· sans pour autant atteindre le stade de pays développé. En effet, un certain nombre d’indicateurs montre que le Brésil reste très en retard par rapport aux pays développés : deux tiers de sa population sont sous-alimentés alors que le Brésil est l’un des premiers exportateurs agricoles mondiaux ; le Brésil est la 8 ° puissance économique du monde capitaliste mais le tiers de ses habitants habite dans des bidonvilles, 75 % des paysans sont sans terre.( 16 p 19 )

Conclusion : on peut alors parler de mal développement qui nécessite l’élaboration de nouveaux indicateurs ne se limitant pas à mesurer l’augmentation de la richesse matérielle.


II) LES CRITIQUES A L’ENCONTRE DES THEORIES DU RETARD .

Les présupposés théoriques de la thèse de Rostow sont, selon D.Clerc, au nombre de 2 , chacun est largement critiquable

A ) LA VISION LINEAIRE DE L’HISTOIRE EST CONTESTABLE

Postulat : La thèse de Rostow « repose sur une vision linéaire de l’histoire qui est contestable :
· les bons sont les américains qui montrent la voie, les Etats-Unis préfigurent donc ce que seront tôt ou tard l’ensemble des pays du monde.
· La théorie de Rostow est, dans le modèle du développement, l’équivalent de ce que soutenait F.W.Taylor dans le domaine de l’organisation du travail : pour chaque problème , il existe one best way , une seule bonne solution . » .

Critique : Ceci suppose que les différents pays sont dans des situations socio-économiques comparables, ce qui est loin d’être le cas. Les PVD ne sont pas en retard, ils sont différents.

B ) L’ HYPOTHESE QU’IL EXISTE DES ETAPES OBLIGATOIRES SE DISCUTE

Postulat :
· « L’histoire se déroule de façon implacable. On ne brûle pas les étapes dit Rostow, chaque pays doit passer par un même nombre de stades, un peu comme un homme avant d’être adulte . » .
· Cette vision de l’histoire est statique, elle suppose que l’ environnement international auquel sont confrontés les pays demeure identique .

Critique : Or, il n’en n’est rien :
· D Clerc écrit : « L’Inde des années 90 n’est pas analogue à la France des années 1750 », elle est confrontée à des défis différents (elle a par exemple subi la colonisation) .
· La simple répétition du modèle anglo-saxon conduirait donc inéluctablement à un échec,
· d’autant plus que les conditions économiques du démarrage sont aujourd’hui beaucoup plus difficiles à réunir qu’au siècle dernier .Clerc écrit : « le sous-développement se maintient parce que les conditions à réunir pour le démarrage s’éloignent au fur et à mesure que le pays tente de les maîtriser, un peu à la façon dont l’horizon s’éloigne au fur et à mesure qu’on essaye de l’atteindre. »

C - CRITIQUES D’A TOURAINE A L’ENCONTRE DE LA THESE DE FUKUYAMA

A Touraine écrit dans une réponse à F Fukuyama publiée dans le monde des débats de juillet 1999 :
« Fukuyama avait annoncé le triomphe du modèle américain :
· il pensait aussi avoir démontré que c’était le seul possible dans une économie mondialisée. En 10 ans sa thèse a été renforcée par la chute de tous les autres modèles, celui de l’Union Soviétique d’abord, celui du Japon ensuite, si longtemps respecté et si brutalement écroulé depuis la formation et l’éclatement de sa gigantesque bulle financière(…) Après 9 ans de croissance ininterrompue et sans inflation , les Etats-Unis disposent d’une hégémonie plus forte que jamais, face à une Europe incapable de croître et donc de venir à bout du chômage.(…) Mais il y a loin du fait à l’interprétation.
· Car Fukuyama ne se contente pas évidemment d’enregistrer ces réussites ; il affirme que le modèle américain est le seul possible car il existe une interdépendance étroite entre ses composantes : ouverture des marchés nationaux, technologies de l’information, démocratie libérale, paix. Il donne au mot globalisation son sens le plus fort qui va au-delà de la mondialisation des échanges.
· Un seul modèle, dit-il domine le monde, et les pays qui ne s’en approchent pas sont ceux qui sont encore écrasés par une accumulation de facteurs contraires au développement : protectionnisme arbitraire, corruption, pouvoir des grandes familles, etc. (…)Oui Fukuyama a raison de dire qu’aucun modèle , aucun régime n’est aujourd’hui capable de s’opposer au modèle triomphant dont les Etats-Unis sont l’inspiration et le centre.

- Mais non, il n’est pas vrai qu’une économie de marché internationalisée ne puisse avoir qu’une seule forme sociale possible. (…) enfin il me semble arbitraire d’identifier complètement la société d’information avec l’économie de marché mondialisée et avec la démocratisation »

III - LES LIMITES DE L’ANALYSE WEBERIENNE (Complément de cours n°3)

IV - IDEOLOGIE ET CHANGEMENT SOCIAL (complément de cours n°4)


SECTION IV - LE SOUS-DEVELOPPEMENT , ENVERS DU DEVELOPPEMENT ? (complément de cours n°5)

CONCLUSION

E. MORIN écrit dans « Terre - patrie » : « Au fondement de l’idée maîtresse de développement, il y a le grand paradigme (ensemble de notions et de méthodes caractérisant un courant de pensée) occidental du progrès, lequel doit assurer le développement » Or cette assimilation est loin d’être évidente : la notion de progrès présente l’inconvénient d’être ethnocentriste , car elle considère la situation des PDEM aujourd’hui en la comparant à celle qu’ils connaissaient avant la Révolution Industrielle ou à celle des PVD aujourd’hui .Bien évidemment , cela conduit à une dévalorisation des sociétés traditionnelles ou des sociétés des PVD .Or le développement , tel que le considère les pays développés présente deux aspects contradictoires selon Morin :
- « c’est un mythe global où les sociétés devenues industrielles atteignent au bien-être, réduisent leurs inégalités extrêmes et dispensent aux individus le maximum de bonheur que peut dispenser une société . »
- mais, c’est aussi « une conception réductrice où la croissance économique est le moteur nécessaire et suffisant de tous les développements sociaux, psychiques et moraux .Cette conception techno-économique ignore les problèmes humains de l’identité, de la communauté, de la solidarité, de la culture. »
Or, trop souvent, dans les modèles économiques, la deuxième dimension l’emporte sur la première

A ces critiques, les auteurs d’inspiration marxiste ajoutent une remise en cause plus fondamentale : le sous-développement ne serait que la résultante, le produit du développement du système capitaliste.








COMPLEMENTS DE COURS

COMPLEMENT DE COURS N°1
Calcul de l’IDH :


L’indicateur du développement humain (IDH)
PNUD (2004), Rapport sur le développement humain, Paris, Economica, p. 259, disponible @
http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/

L’IDH est un outil synthétique de mesure du développement humain. Il chiffre le niveau moyen atteint par chaque pays sous trois aspects essentiels :
• Longévité et santé, représentées par l’espérance de vie à la naissance.
• Instruction et accès au savoir, représentées par le taux d’alphabétisation des adultes (pour deux tiers) et par le taux brut de scolarisation, tous niveaux confondus (pour un tiers).
• Possibilité de disposer d’un niveau de vie décent, représentée par le PIB par habitant (en PPA).
Avant de calculer l’IDH lui-même, il faut établir un indice pour chacune de ces dimensions.
La détermination de ces indices dimensionnels – c’est-à-dire correspondant à l’espérance de vie, au niveau d’instruction et au PIB – passe à chaque fois par la définition d’une fourchette de variation, avec un minimum et un maximum.
L’IDH correspond à la moyenne arithmétique de ces indices dimensionnels. L’encadré ci-dessous illustre le calcul de l’IDH pour un pays témoin.
Les résultats obtenus dans chaque dimension sont exprimés par une valeur comprise entre 0 et 1 selon la formule générale suivante :
Calcul de l’IDH
Pour illustrer le calcul de l’IDH, nous utiliserons des données concernant le Costa Rica (données de 2002)
1. Calcul de l’indice d’espérance de vie
L’indice d’espérance de vie mesure le niveau atteint par le pays considéré en termes d’espérance de vie à la naissance. Pour le Costa Rica, l’espérance de vie était de 78,0 ans en 2002, soit un indice d’espérance de vie de 0,884.
2. Calcul de l’indice de niveau d’instruction
L’indice de niveau d’instruction mesure le niveau atteint par le pays considéré en termes d’alphabétisation des adultes et d’enseignement (taux brut de scolarisation combiné dans le primaire, le secondaire et le supérieur). La procédure consiste, tout d’abord, à calculer un indice pour l’alphabétisation des adultes et un autre pour la scolarisation. Ces deux indices sont ensuite fusionnés pour donner l’indice de niveau d’instruction, dans lequel l’alphabétisation des adultes reçoit une pondération des deux tiers et le taux brut de scolarisation d’un tiers. Au Costa Rica, où le taux d’alphabétisation des adultes atteignait 95,8 % en 2002 et le taux brut de scolarisation combiné 69 % pour l’année scolaire 2001/02, l’indice de niveau d’instruction est de 0,870.
Indice de niveau d’instruction = (2/3) (indice d’alphabétisation des adultes) + (1/3) (indice de scolarisation)
Soit = (2/3) (0,958) + (1/3) (0,690) = 0,870
3. Calcul de l’indice du PIB
L’indice de PIB est calculé sur la base du PIB par habitant corrigé (en PPA). Le revenu intervient dans l’IDH afin de rendre compte de tous les aspects du développement humain qui ne sont pas représentés par la longévité, la santé et l’instruction. Son montant est corrigé parce qu’un revenu illimité n’est pas nécessaire pour atteindre un niveau de développement humain acceptable. Le calcul s’effectue donc à partir d’un logarithme du revenu. Pour le Costa Rica, dont le PIB par habitant était de 8 840 dollars (PPA) en 2002, l’indice de PIB s’établit à 0,748.
4. Calcul de l’IDH
Une fois les trois indices dimensionnels calculés, il ne reste plus qu’à déterminer leur moyenne arithmétique pour parvenir à l’IDH.
IDH = 1/3 (indice d'espérance de vie)
+ 1/3 (indice de niveau d'instruction)
+ 1/3 (indice de PIB)
= 1/3 (0,884) + 1/3 (0,870) + 1/3 (0,748) = 0,834


Lien du PNUD pour approfondir le mode de calcul (en anglais) :
http:/hdr.undp.org/statistics/indices/hdi_calculator.cfm


LE MACDO comme référence de la PPA
McCurrencies
May 25th 2006From The Economist print edition
Happy 20th birthday to our Big Mac index
WHEN our economics editor invented the Big Mac index in 1986 as a light-hearted introduction to exchange-rate theory, little did she think that 20 years later she would still be munching her way, a little less sylph-like, around the world. As burgernomics enters its third decade, the Big Mac index is widely used and abused around the globe. It is time to take stock of what burgers do and do not tell you about exchange rates.
The Economist's Big Mac index is based on one of the oldest concepts in international economics: the theory of purchasing-power parity (PPP), which argues that in the long run, exchange rates should move towards levels that would equalise the prices of an identical basket of goods and services in any two countries. Our “basket” is a McDonald's Big Mac, produced in around 120 countries. The Big Mac PPP is the exchange rate that would leave burgers costing the same in America as elsewhere. Thus a Big Mac in China costs 10.5 yuan, against an average price in four American cities of $3.10 (see the first column of the table). To make the two prices equal would require an exchange rate of 3.39 yuan to the dollar, compared with a market rate of 8.03. In other words, the yuan is 58% “undervalued” against the dollar. To put it another way, converted into dollars at market rates the Chinese burger is the cheapest in the table.
In contrast, using the same method, the euro and sterling are overvalued against the dollar, by 22% and 18% respectively; the Swiss and Swedish currencies are even more overvalued. On the other hand, despite its recent climb, the yen appears to be 28% undervalued, with a PPP of only ¥81 to the dollar. Note that all emerging-market currencies also look too cheap.
The index was never intended to be a precise predictor of currency movements, simply a take-away guide to whether currencies are at their “correct” long-run level. Curiously, however, burgernomics has an impressive record in predicting exchange rates: currencies that show up as overvalued often tend to weaken in later years. But you must always remember the Big Mac's limitations. Burgers cannot sensibly be traded across borders and prices are distorted by differences in taxes and the cost of non-tradable inputs, such as rents.


Despite our frequent health warnings, some American politicians are fond of citing the Big Mac index rather too freely when it suits their cause—most notably in their demands for a big appreciation of the Chinese currency in order to reduce America's huge trade deficit. But the cheapness of a Big Mac in China does not really prove that the yuan is being held far below its fair-market value. Purchasing-power parity is a long-run concept. It signals where exchange rates are eventually heading, but it says little about today's market-equilibrium exchange rate that would make the prices of tradable goods equal. A burger is a product of both traded and non-traded inputs.
An idea to relish
It is quite natural for average prices to be lower in poorer countries than in developed ones. Although the prices of tradable things should be similar, non-tradable services will be cheaper because of lower wages. PPPs are therefore a more reliable way to convert GDP per head into dollars than market exchange rates, because cheaper prices mean that money goes further. This is also why every poor country has an implied PPP exchange rate that is higher than today's market rate, making them all appear undervalued. Both theory and practice show that as countries get richer and their productivity rises, their real exchange rates appreciate. But this does not mean that a currency needs to rise massively today. Jonathan Anderson, chief economist at UBS in Hong Kong, reckons that the yuan is now only 10-15% below its fair-market value.
Even over the long run, adjustment towards PPP need not come from a shift in exchange rates; relative prices can change instead. For example, since 1995, when the yen was overvalued by 100% according to the Big Mac index, the local price of Japanese burgers has dropped by one-third. In the same period, American burgers have become one-third dearer. Similarly, the yuan's future real appreciation could come through faster inflation in China than in the United States.
The Big Mac index is most useful for assessing the exchange rates of countries with similar incomes per head. Thus, among emerging markets, the yuan does indeed look undervalued, while the currencies of Brazil, Turkey, Hungary and the Czech Republic look overvalued. Economists would be unwise to exclude Big Macs from their diet, but Super Size servings would equally be a mistake

Analyse critique du calcul de la parité de pouvoir d’achat

La recherche sur les inégalitésQue savons-nous de la pauvreté dans le monde ?le 17 mai 2006

Les instruments que mobilise la Banque mondiale pour mesurer la pauvreté dans le monde sont-ils satisfaisants ? Réponse du philosophe Thomas Pogge (Columbia University, New York).
Depuis douze ans, la Banque mondiale fournit régulièrement des statistiques sur l’étendue, la répartition géographique et l’évolution de l’extrême pauvreté. Ces statistiques sont mille fois citées et utilisées comme des faits. L’ONU s’en sert pour démontrer de prétendus progrès dans la voie du premier « objectif de développement du millénaire » qui vise à réduire de moitié la pauvreté dans le monde de 1990 à 2015.
Or les méthodes de calcul de la Banque Mondiale sont extrêmement douteuses. Il y a des raisons de penser qu’avec une méthode plus plausible on observerait une tendance plus négative et une pauvreté beaucoup plus étendue.
La Banque Mondiale définit la pauvreté par le pouvoir d’achat que procure une certaine somme en dollars durant une année donnée (« année de réference »). Elle détermine cette somme selon les seuils de pauvreté domestique déjà en usage dans les différents pays étudiés. Elle a d’abord choisi le seuil de pauvreté intérieur le « plus typique » pour les pays en voie de développement, défini par un budget mensuel par personne possédant un pouvoir d’achat équivalent à celui de 31 dollars aux Etats-Unis en 1985. Plus tard, ce montant fut arrondi vers le bas à 30,42$, soit « un dollar par jour ».
Pour appliquer sa définition, la Banque Mondiale convertit d’abord ce seuil de pauvreté défini en dollars dans d’autres devises et le transpose ensuite de l’année de référence (1985) à d’autres années. Son procédé pour opérer cette double conversion est extrêmement problématique.
Pour la première conversion, la Banque mondiale utilise les parités de pouvoir d’achat publiées régulièrement par l’International Comparison Program (ICP). Selon le pays en voie de développement en question, ces parités sont trois à sept fois supérieures aux taux de change correspondants. La Banque Mondiale part donc de l’hypothèse selon laquelle, dans les pays en voie de développement, on peut acheter avec 4,50 à 10$ autant qu’avec 30,42$ aux Etats-Unis.
Cette hypothèse est pourtant intenable. Le rapport entre les prix dans les pays riches et les prix dans les pays pauvres varie énormément selon les marchandises. Les prix des biens facilement négociables par-delà les frontières sont à peu près les mêmes dans tous les pays. Les biens et les services qu’on ne peut pas exporter facilement peuvent coûter dans les pays riches jusqu’à cent fois plus que dans les pays pauvres. Lorsque l’ICP fixe le pouvoir d’achat de la roupie indienne à 5,3 fois son taux de change par rapport au dollar, l’ICP nous fournit donc une valeur moyenne dans le calcul de laquelle, en gros, chaque marchandise est prise en considération selon sa part moyenne dans la consommation domestique.
Ceci est judicieux lorsqu’on veut comparer le PNB de l’Inde à celui des USA. Pour ce faire, on estime par exemple que les biens et prestations de service produits en Inde en 2001 et qui y ont coûté 460 milliards de dollars au total, auraient coûté aux USA 2450 milliards de dollars.
C’est toutefois commettre une erreur grave que de multiplier les revenus des Hindous pauvres par cette valeur moyenne de 5,3. Car la consommation des pauvres ne reflète pas la consommation mondiale, mais se concentre sur les produits alimentaires de base et autres produits de nécessité vitaux. Ceux-ci sont certes meilleur marché dans les pays pauvres, mais leur prix n’est de loin pas aussi modique que ne le suggèrent les parités de pouvoir d’achat établies par l’ICP. La raison en est évidente. Ce n’est pas pour les prestations de service non exportables qu’il existe les plus grandes différences de prix entre pays riches et pays pauvres. Dans les pays très pauvres, on peut obtenir une aide ménagère, un chauffeur ou une coupe de cheveux pour seulement un centième de nos tarifs. Des différences de prix aussi gigantesques tirent les parités de pouvoir d’achat de l’ICP de ces pays vers le haut. Mais elles ne concernent absolument pas leurs pauvres, qui ne peuvent pas s’offrir de telles prestations de service. Le résultat de la première conversion, à savoir qu’on vit mieux en Inde avec 6$ par mois qu’avec 30,42$ aux USA, est donc absurde si on reçoit pour cette somme beaucoup moins de biens de première nécessité.
De fait, lorsqu’on convertit le seuil de pauvreté dans d’autres devises, on doit prendre en considération les prix locaux des biens et des prestations de service, non pas à proportion de leur part de la consommation mondiale, mais en fonction de leur importance pour la satisfaction des besoins fondamentaux de l’homme.
Nous n’avons pas encore les informations sur les prix qui nous seraient nécessaires pour entreprendre de manière plausible des comparaisons internationales entre les pouvoirs d’achat. Les informations existantes relatives aux prix des produits alimentaires dans leur ensemble, au pain et aux céréales, ainsi qu’à d’autres biens de première nécessité, montrent toutefois que dans les pays pauvres, ceux-ci sont en moyenne 30 à 40% plus chers que ne le suggèrent les parités de pouvoir d’achat de l’ICP (cf.
Center for International Comparisons (Université de Pennsylvanie) et Institute of Social Analysis). Si la Banque Mondiale basait sa conversion du seuil de pauvreté dans les devises des pays en voie de développement sur un index des prix des produits de première nécessité vitaux, elle devrait donc probablement réviser très considérablement à la hausse ses seuils de pauvreté domestiques, et par conséquent aussi ses estimations relatives au nombre de personnes vivant dans la pauvreté.
La Banque mondiale obtient de cette première conversion les seuils de pauvreté nationaux pour les différents pays pour l’année de référence (1985). Dans un second temps, on calcule pour ces pays les seuils de pauvreté nationaux pour d’autres années. La Banque Mondiale prend ici pour base pour chaque pays l’index national des prix à la consommation. Cet index prend en considération les variations de prix de tous les biens et prestations de service selon la part de la consommation nationale qu’ils représentent. Il est, par conséquent, complétement inapte à mesurer l’évolution du pouvoir d’achat des revenus extrêmement bas. A quoi cela sert-il aux Hindous pauvres que leur revenu augmente par rapport au prix des ordinateurs, des chaînes stéréo et des billets d’avion lorsqu’il décroît par rapport au prix du riz ? Pour juger de l’évolution du pouvoir d’achat réel de leur revenu, on devrait se concentrer sur le prix des biens de première nécessité vitaux. Or, ceux-ci représentent, même dans les pays pauvres, seulement une fraction de la consommation domestique des particuliers. Aussi l’évolution de leur prix peut-elle être entièrement différente de l’évolution du prix moyen de tous les biens de consommation. C’est pourquoi la deuxième conversion n’est pas crédible, elle non plus. En outre, il est significatif que ces deux conversions opérées par la Banque Mondiale ne s’accordent pas. Car dans le première, les marchandises sont prises en considération selon leur part dans la consommation internationale des particuliers, tandis que dans la seconde elles le sont selon leur part dans la consommation domestique des particuliers. Il en résulte que, plus une année est éloignée de l’année de référence, moins les seuils de pauvreté domestiques de l’année considérée correspondent aux parités de pouvoir d’achat de l’ICP valables pour cette année-là.
Si nous reconvertissons par exemple en dollars, au moyen des parités de pouvoir d’achat calculées par l’ICP pour 1993, les seuils de pauvreté domestiques calculés par la double conversion, il s’avère qu’ils diffèrent de manière considérable. Au seuil de pauvreté mauritanien correspond en 1993 le pouvoir d’achat de 78,20$ aux USA, au seuil de pauvreté nigérian le pouvoir d’achat de 21,30$, aux autres seuils de pauvreté domestiques le pouvoir d’achat d’un montant compris entre ces deux extrêmes. A un intervalle de seulement huit ans, on ne peut donc plus parler d’un seuil de pauvreté uniforme.
Pour remédier à ce problème, la Banque mondiale entreprend parfois une redéfinition en adoptant une année de référence plus récente. La fixation de seuil la plus récente choisit 1993 comme référence et définit le seuil de pauvreté international comme la somme médiane des dix plus bas seuils de pauvreté domestiques de cette année-là, à savoir comme représentant un budget mensuel par personne équivalent au pouvoir d’achat de 32,74$ aux USA cette année-là.
Ce nouveau seuil de pauvreté est-il supérieur ou inférieur aux anciens ? La réponse diffère d’un pays à l’autre. Aux USA, le niveau général des prix a augmenté de 34,3% de 1985 à 1993. L’ancien seuil de pauvreté équivalait donc en 1993 à un pouvoir d’achat de 41,63$, si bien que le nouveau seuil de pauvreté représente une considérable révision vers le bas. La même chose vaut pour plus de 80% des être humains et des pays pour lesquels des statistiques publiques sont disponibles. Qui révise ainsi le seuil de pauvreté international vers le bas restreint l’étendue officielle de la pauvreté mondiale, sans soulager la détresse en quoi que ce soit.
Dans ses dernières données sur les tendances actuelles, la Banque Mondiale adopte un nouveau seuil de pauvreté uniforme. Elle a ainsi déclaré que le nombre de personnes dont le budget mensuel représente un pouvoir d’achat inférieur à 32,74$ de l’année 1993 aux USA est tombé de 1,18319 milliards en 1987 à 1,17514 en 1998 (soit un cinquième de l’humanité).
Malgré leur impressionante précision, ces chiffres n’ont aucune valeur. Premièrement, parce que la Banque mondiale a utilisé pour sa conversion du montant en dollars en 1993 dans d’autres devises les parités de pouvoir d’achat de l’ICP qui surestiment fortement ce que les foyers pauvres peuvent acheter comme produits de première nécessité vitaux. Deuxièmement, parce que, dans la conversion depuis les seuils de pauvreté domestiques qui en résultent pour 1993 vers les années 1987 et 1998, la Banque Mondiale a pris en considération les prix de tous les produits selon leur part dans la consommation domestique des particuliers, au lieu de se limiter aux prix des produits de première nécessité qui sont les seuls à être pertinents dans le cas des foyers pauvres. Troisièmement, parce que les seuils de pauvreté domestiques pour 1987 et 1998 - années situées à un intervalle de respectivement cinq et six ans de la référence - ont perdu jusqu’à l’uniformité apparente (la parité des pouvoirs d’achat de l’ICP) de l’année de référence. A cela s’ajoute également le fait que la Banque Mondiale, en définissant ses seuils de pauvreté, part d’un montant en dollars qui est fixé assez arbitrairement et qui n’est guère compatible avec la signification normale du mot « pauvreté ». Nous disons d’une personne qu’elle est pauvre lorsqu’elle ne peut subvenir à ses besoins humains normaux de base. Il est naturellement judicieux de préciser davantage ce mot en le rapportant à un budget mensuel. Mais, ce faisant, il faut encore se demander ce dont les êtres humains ont besoin pour survivre. Le seuil de pauvreté de la Banque Mondiale le plus récent correspond aujourd’hui aux USA à un budget mensuel par personne de 41 dollars. Essayez donc de vous en sortir pendant un mois avec ce seul montant, accompagné de la consolation de ne pas faire officiellement partie des pauvres. Car, d’après la Banque Mondiale, seuls sont pauvres ceux qui disposent d’un revenu inférieur (en moyenne inférieur de 30%).
Ces quatre problèmes pourraient être résolus d’un seul coup. La détermination d’un concept de pauvreté plausible doit partir d’une conception des besoins fondamentaux des êtres humains, puis rechercher quels sont les différents produits à l’aide desquels nous pouvons satisfaire ces besoins. Nous devons alors considérer comme pauvres ceux qui ne peuvent pas s’offrir un assortiment suffisant de ces produits. Pour prendre une décision dans chaque cas concret, on aurait besoin avant tout de données précises sur les prix, en particulier sur les biens de première nécessité les moins chers, données qui pourraient être collectées aisément et sans surcoût notable dans le cadre des relevés de l’ICP qui ont lieu de toutes les façons.
Un tel concept de pauvreté est conforme à la signification usuelle du terme « pauvreté » et garantit en outre que les seuils de pauvreté calculés sur cette base pour différentes années et différents lieux ont une signification uniforme. C’est seulement en développant une telle méthode alternative que l’on peut étudier de manière fiable les dimensions chiffrées du problème de la pauvreté mondiale. Tant que la méthode actuelle de la Banque Mondiale et les données qui se basent sur elle conserveront leur monopole dans les organisations internationales et dans la recherche universitaire sur la pauvreté, on ne pourra pas prétendre prendre ce problème réellement au sérieux.


L’indicateur de la pauvreté humaine
PNUD (2004), Rapport sur le développement humain, Paris, Economica, p. 259, disponible @
http://hdr.undp.org/reports/global/2004/francais/
L’indicateur de la pauvreté humaine pour les pays en développement (IPH-1)
Alors que l’IDH mesure le niveau moyen atteint par un pays donné, l’IPH-1 s’attache aux carences ou manques observables dans les trois dimensions fondamentales déjà envisagées par l’indicateur du développement humain :
• Longévité et santé : risque de décéder à un âge relativement précoce, exprimé par la probabilité, à la naissance, de ne pas atteindre 40 ans.
• Instruction et accès au savoir : exclusion du monde de la lecture et des communications, exprimée par le taux d’analphabétisme des adultes.
• Possibilité de disposer d’un niveau de vie décent : impossibilité d’accéder à ce que procure l’économie dans son ensemble, exprimée par la moyenne non pondérée de deux indicateurs : le pourcentage de la population privée d’accès régulier à des points d’eau aménagés et le pourcentage d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale.
Le calcul de l’IPH-1 est plus direct que celui de l’IDH. En effet, les critères utilisés pour mesurer ces carences sont déjà normalisés entre 0 et 100 (puisqu’ils se présentent sous la forme de pourcentages). Il n’est donc pas nécessaire de passer par des indices dimensionnels. À l’origine, la mesure des manques en termes de niveau de vie comprenait également un indicateur de l’accès aux services de santé. Cependant, dans le rapport de cette année, le manque de données récentes et fiables concernant cet aspect nous a contraint à réduire à deux les variables prises en compte à cet égard : pourcentage de la population privée d’accès durable à des points d’eau aménagés et pourcentage d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale.
L’indicateur de la pauvreté humaine pour certains pays de l’OCDE (IPH-2)
L’IPH-2 mesure les carences sous les mêmes aspects que l’IPH-1, en y ajoutant l’exclusion. Il comporte donc quatre variables :
• Longévité et santé : risque de décéder à un âge relativement précoce, exprimé par la probabilité, à la naissance, de ne pas atteindre 60 ans.
• Instruction et accès au savoir : exclusion du monde de la lecture et des communications, exprimée par le taux d’illettrisme des adultes (âgés de 16 à 65 ans).
• Possibilité de disposer d’un niveau de vie décent : exprimé par le pourcentage de la population vivant en deçà du seuil de pauvreté monétaire (demi médiane du revenu disponible corrigé des ménages).
• Exclusion : exprimée par le taux de chômage de longue durée (au moins 12 mois).
Calcul de l’IPH-1
1. Mesure des manques en termes de niveau de vie
Les carences en termes de niveau de vie sont exprimées par une moyenne non pondérée de deux éléments :
Moyenne non pondérée = 1/2 (population privée d’accès régulier à des points d’eau aménagés)
+ 1/2 (enfants souffrant d’insuffisance pondérale)
Exemple de calcul : Cambodge
Population privée d’accès régulier à des points d’eau aménagés = 70 %
Enfants souffrant d’insuffisance pondérale = 45 %
Moyenne non pondérée = 1/2(70) + 1/2(45)= 57,5%
2. Calcul de l’IPH-1
La formule pour calculer l’IPH-1 est la suivante :
IPH-1 = [1/3 (p1 + p2 + p3)]1/
où :
P1 = probabilité, à la naissance, de décéder avant 40 ans (multipliée par 100)
P2 = taux d’analphabétisme des adultes
P3 = moyenne non pondérée des pourcentages de la population privée d’accès régulier à des points d’eau aménagés et d’enfants souffrant d’insuffisance pondérale
= 3
Exemple de calcul : Cambodge
P 1 = 24,0 %
P 2 = 30,6 %
P 3 = 57,5 %
IPH-1 = [1/3 (24,03+30,63+57,53)1/3 = 42,6

Calcul de l’IPH-2
La formule pour calculer l’IPH-2 est la suivante :
IPH-2 = [1/4 (p1 + p2 + p3 + p4)]1/
où :
P1 = probabilité, à la naissance, de décéder avant 60 ans (multipliée par 100)
P2 = taux d’illettrisme des adultes
P3 = population vivant en deçà du seuil de pauvreté monétaire (demi-médiane du revenu disponible corrigé des
ménages)
P4 = taux de chômage de longue durée (au moins 12 mois)
= 3
Exemple de calcul : Canada
P1 = 8,7 %
P2 = 16,6 %
P3 = 12,8 %
P4 = 0,7 %
IPH-2 = [1/4(8,73+16,63+12,83+0,73)]1/3= 12,2

Pourquoi = 3 dans le calcul de l’IPH-1 et de l’IPH-2
La valeur du coefficient a une incidence considérable sur celle de l’IPH. Si = 1, l’IPH correspond à la moyenne de ses trois variables. En revanche, faire augmenter revient à conférer une prépondérance à la composante dans laquelle le manque est le plus important. Ainsi, à mesure que tend vers l’infini, l’IPH se rapproche de la valeur de la variable la plus faible (pour le Cambodge, qui sert d’exemple pour le calcul de l’IPH-1, le chiffre serait 57,5 %, valeur qui correspond à la moyenne non pondérée de la population sans accès convenable à une source d’eau et aux enfants souffrant d’insuffisance pondérale. Dans ce Rapport, est fixé à 3, ce qui confère un poids supplémentaire, mais pas écrasant, aux composantes dans lesquelles le dénuement est le plus criant.





COMPLEMENT DE COURS N°2

DEFINITION ET ANALYSE DU CHANGEMENT SOCIAL

A - LE CHANGEMENT SOCIAL NE DOIT PAS ETRE ASSIMILE A UN EVENEMENT SOCIAL

Erreur à éviter pour définir le changement social : assimiler le changement social à un événement social :
· c’est à dire une élection, une grève , par exemple. Chacun de ces événements sociaux est un point d’orgue dans la vie d’une communauté, d’une entreprise.
· Mais cet événement peut, ou bien n’avoir aucun effet sur la vie de celles ci (remplacement d’un personnel politique par un autre , statu quo des positions des parties en conflit, etc.) , ou bien être la source de modifications lentes ou brutales d’une organisation par exemple ( modification des structures et des rapports de pouvoir, etc.).

Distinction introduite par Parsons entre changement d’équilibre et changement de structure :
· la première forme ne relevant pas du changement social. En effet, selon Parsons, dans le premier cas , un nouvel équilibre , après perturbations remplace l’ancien équilibre sans que soient modifiées les caractéristiques du système global. Autrement dit, seules les unités ou les parties d’un ensemble sont modifiées sans que sa structure soit affectée.
· Cette distinction opérée par les auteurs qui se sont préoccupés du changement social se caractérise par 4 points.

B -LES CARACTERISTIQUES DU CHANGEMENT SOCIAL (19 p 25):

· Le changement social doit donc être un changement de structure , c’est à dire qu’on doit pouvoir observer une modification de l’organisation sociale dans sa totalité ou dans certains de ses composants essentiels.
· le changement social est repérable dans le temps: c’est à dire que l’on peut désigner ce qui a été modifié entre deux moments. Le changement tend donc à être identifié par rapport à une situation de référence.
· le changement social est durable: c’est à dire que les transformations structurelles observées ont une certaine stabilité. On ne parlera donc de changement social qu’après s’être assuré de la pérennité des modifications étudiées.
· Le changement social est évidemment un phénomène collectif, il concerne une communauté, une organisation, une collectivité ou s’il s’agit par exemple d’un changement de représentations des individus pris collectivement

C - LES FACTEURS DU CHANGEMENT SOCIAL.

Après avoir défini le changement social, et surtout écarté ce qui n’en relève pas, le problème rencontré est celui de la démarche à suivre pour appréhender le changement social. Guy Rocher propose de poser six questions majeures :
· Qu’est ce qui change? : considérant qu’une société ne change pas dans sa globalité, le sociologue isole les secteurs en cours de transformation (culture, valeurs, etc.;).
· Comment s’opère le changement ? est il continu ou sporadique? Quelles résistances rencontre t’il? Avec quelle intensité?
· Quel est le rythme du changement ? Est-il lent progressif ou brutal ?
· Quels sont les facteurs expliquant le changement ? Quelles sont les conditions favorables ou défavorables au changement ?
· Quels sont les agents actifs du changement ? Quels sont les agents de résistance au changement ?
· Est-il possible de prévoir le cours futur des événements ?

CONCLUSION :

Ainsi les 3 premières questions s’attachent à décrire le changement tandis que les deux suivantes tentent de l’expliquer en l’interprétant. Un certain nombre de facteurs de changement revient en permanence sous la plume des auteurs. Nous allons en étudier certains rapidement tels que la démographie , le progrès technique pour nous intéresser plus particulièrement au rôle des valeurs dans le changement social .

REMARQUE :

· Il est important de noter que comme l’indique R Boudon, la sociologie moderne tend à répudier l’idée selon laquelle il existerait une cause dominante du changement social, elle tend même à reconnaître la pluralité des types de changement
· .En cela elle s’oppose aux grandes théories construites au 19 ème siècle , telles celle de Marx qui sont des théories dites monistes car elles accordent à un facteur (le matérialisme historique chez Marx) un rôle déterminant . Il ne faut pas oublier non plus que le changement social ne se fait jamais sans conflit (cf chapitre conflits sociaux).

1 - LE FACTEUR DEMOGRAPHIQUE.

a -LE ROLE DE LA DENSITE MATERIELLE DANS L’ANALYSE DURKHEIMIENNE .

Comme l’indique G Rocher c’est Durkheim qui a le premier et le plus poussé en avant l’analyse du facteur démographique dans le changement social. Nous verrons (chapitre changement social et solidarités ) que, pour Durkheim , le progrès de la division du travail a entraîné une transformation radicale des sociétés ( passage de la solidarité mécanique à la solidarité organique). Or, ce progrès de la division du travail, Durkheim l’attribue à l’accroissement démographique (qui est aussi à l’origine d’un accroissement de la densité morale de la population).

b -L’ANALYSE DE D RIESSMAN :

Le facteur démographique est aussi le fondement de la division des 3 types de société chez David Riessman:
· A la première phase de stabilité démographique correspond la société de subsistance ou prévaut une conformité conventionnelle appelée détermination traditionnelle (importance de la famille et faiblesse du changement).
· Dans la phase de croissance démographique transitoire, le caractère des individus est intro-déterminé , c’est à dire que la source de détermination est intérieure en ce sens qu’elle est inculquée très tôt par les aînés et orientée vers des buts généraux mais néanmoins inévitables (il s’agit de modeler le comportement de l’individu pour la vie entière). La transmission d’une morale et de guide de comportement précis régit donc toute la vie.
· Dans la dernière période qui est celle du déclin démographique, les individus sont extro-déterminés : leur attitude est orientée par leurs contemporains, les individus se conduisent en fonction des attentes émanant du ou des groupes auxquels ils appartiennent.. Cette influence leur est inculquée dés l’enfance. L’extro-déterminé désire être plus aimé qu’estimé. D’où une stricte conformité de comportement pour garder le contact avec les autres.

2- LE PROGRES TECHNIQUE (cf chapitre 2 )

Le progrès technique est considéré, en particulier depuis le 19 ème siècle, comme un facteur déterminant du changement social :
· il suffit de prendre pour exemple le déterminisme matérialiste cher à Marx (cf chapitre conflits sociaux) qui fait dépendre les rapports sociaux de l’évolution des forces productives (cf la célèbre phrase : « le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain, le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel »).
· Plus proche de nous , L Mumford a défini le concept de complexe technologique par quoi il entend qu’à chaque période de l’histoire de la technologie correspond un type de société et plus largement une véritable civilisation: « chaque phase à son origine dans certaines régions définies et tend à employer certaines ressources et matières premières spéciales. (...). Chacune fait apparaître des types particuliers d’ouvriers, les éduque suivant des méthodes particulières, développe certaines aptitudes et en décourage d’autres, supprime ou continue certains aspects de l’héritage social ».
· J.A.Schumpeter ( cf chapitre investissement et progrès technique ) insiste , quant à lui , sur le rôle des innovations et de l’entrepreneur dans le processus de croissance et de développement .Il n’en reste pas moins que toutes les théories accordant au progrès technique un rôle central ont une faiblesse majeure : comment expliquer son apparition , il faut alors ternir compte du contexte socioculturel (22 à 25 p 26-28)



COMPLEMENT DE COURS N°3


LA THESE DE MAX WEBER


A- L’ESSOR DU CAPITALISME ET L’ETHIQUE PROTESTANTE DU CAPITALISME.

1- LE CONTEXTE

constat : Comme l’écrit M Lallement, M Weber vit dans l’Allemagne de Guillaume II , celle des années 1890 aux années 1920 . Or « l’Allemagne du tournant du siècle vit en raccourci les mutations que connaissent alors toutes les sociétés de l’occident moderne:
· industrialisation, essor de l’Etat et laïcisation des mentalités.
· C’est un ordre social nouveau, en rupture avec toutes les sociétés traditionnelles, que Weber cherche à interpréter ».

Conclusion : Ce contexte dans lequel se trouve alors l’Allemagne n’est pas sans points communs avec celui que connaissent aujourd’hui de nombreux PVD.

2 - LA CRITIQUE DU MATERIALISME HISTORIQUE DE MARX .

a - PRESENTATION DE L’ANALYSE MARXISTE (rappel du cours de première)

La philosophie de l’histoire de Marx (cf. première) consiste à dire que :
· les infrastructures matérielles , c’est à dire les forces productives (outils, contexte technique et travail humain) et rapports de production (manière dont s’organise cette production de biens) constitués en modes de production (nature de la production en fonction du statut de la propriété et du travail)
· déterminent en dernière instance les superstructures de la société, parmi lesquelles, la religion, les institutions et les représentations politiques, les idéologies.

Conclusion : La théorie marxiste se caractérise donc par un déterminisme technologique moniste (ou unicausal) c’est à dire que Marx explique le passage d’un mode de production à l’autre et l’évolution des superstructures (des représentations du monde qui en résultent) par l’évolution des forces productives.

b - PRESENTATION DE LA CRITIQUE DE WEBER

Présentation de la critique wéberienne: Cette conception n’est pas vérifiée selon Weber qui, constate que: « s’il est vrai que certains facteurs structurels ont favorisé le progrès du capitalisme occidental moderne:
- accumulation de capitaux (cf. Marx) ,
- conditions démographiques (cf. Durkheim : cf chapitre travail),
- découverte de continents nouveaux (cf chapitre innovations et progrès technique), etc.
Encore fallait-il que les hommes soient motivés à utiliser rationnellement ces divers éléments en vue de la production de type capitaliste. Il fallait que les hommes soient animés par un esprit, une vision du monde et par des valeurs favorables à des conduites économiques rationnelles et pratiques » (G.Rocher)

Exemple vérifiant la critique wébérienne : On constate d’ailleurs à partir de l’exemple américain que :
- l’Etat des USA qui a développé le premier un esprit capitaliste n’est pas un des Etats du sud esclavagiste ayant pourtant réalisé précocement une accumulation du capital,
- mais au contraire le Massachusetts qui avait été fondé par les colons pour des raisons religieuses.

Conclusion : Weber est donc conduit :
- à inverser la relation de causalité énoncée par Marx : c’est la superstructure, en particulier la vision religieuse du monde et l’esprit qui en découle qui va déterminer l’infrastructure (l’accumulation du capital);
- encore faut-il préciser que Weber rejette le monisme de la théorie marxiste et considère que les idées religieuses ne déterminent pas à elles seules l’apparition du capitalisme (les conditions matérielles, démographiques, etc. jouent aussi un rôle non négligeable), ne le déterminent pas consciemment (c’est à dire que lorsque les pasteurs ont développé l’éthique protestante du protestantisme, ils n’avaient pas pour objectif affirmé de favoriser l’apparition d’une société capitaliste).

3 - LA SOCIETE CAPITALISTE : UNE SOCIETE SPECIFIQUE

a - LE CAPITALISME NE PEUT ETRE REDUIT A LA SEULE RECHERCHE DU GAIN :

Remarque :
- Selon Weber le désir d’acquisition a existé et existe déjà en dehors des structures capitalistes. En ce sens l’esprit du capitalisme n’est ni nouveau, ni récent : il a déjà existé à différentes périodes de l’histoire, en Chine, en Egypte, etc.
- Mais c’est dans le monde occidental qu’il s’est réalisé sous sa forme la plus avancée et la plus étendue.

Questions : Comment expliquer cela ? Comment expliquer par exemple que le capitalisme ne se soit pas développé dans la société italienne du 15° siècle qui avait pourtant inventé toutes les techniques bancaires qui vont être au fondement de l’accumulation du capital ? Comment expliquer que l’esprit capitaliste se développe dans les forêts pennsylvaniennes dans lesquelles pourtant par manque de circulation monétaire les affaires risquaient de dégénérer en troc.

b - LE CAPITALISME RESULTE DE LA COMBINAISON DE LA RECHERCHE DU PROFIT ET DE LA DISCIPLINE RATIONNELLE .

Explications : selon Aron :
- s’il existe bien des phénomènes capitalistes dans les civilisations extérieures à l’Occident,
- les traits spécifiques du capitalisme occidental, la combinaison de la recherche du profit, et de la discipline rationnelle du travail, ne sont apparus qu’une seule fois dans le cours de l’histoire.
- M Weber s’est donc demandé dans quelle mesure une attitude particulière à l’égard du travail, elle-même déterminée par les croyances religieuses aurait été le fait différentiel, présent en Occident et absent ailleurs, capable de rendre compte du cours singulier pris par l’histoire de l’Occident.

4 - L’ETHIQUE PROTESTANTE DU CAPITALISME .

a - LE CONCEPT DE PREDESTINATION

Constat : Comme l’indique G Rocher l’éthique protestante résulte principalement de la notion de prédestination développée par Calvin et adaptée par les pasteurs calvinistes.


Définition du concept de prédestination : cette notion repose sur l’idée :
- qu’il existe un dieu absolu, tout puissant et mystérieux qui a prédestiné chacun de nous à la damnation ou au salut sans que par nos oeuvres (c’est à dire par nos bonnes actions sur terre qui, pour le catholicisme, déterminent si l’on sera sauvé ou damné), nous puissions modifier un décret pris à l’avance.
- Ainsi le calviniste ne peut savoir a priori s’il sera sauvé ou damné, or c’est là une conclusion qui est intolérable pour les individus qui ne peuvent vivre dans une telle incertitude.
- Il semble donc normal que les pasteurs qui sont confrontés quotidiennement aux fidèles aient adapté la notion calviniste pour la rendre plus acceptable.

Conclusion : G Rocher en conclut que « c’est ainsi que , par un paradoxe qui n’est qu’apparent, , la doctrine de Calvin, toute axée sur la gloire de Dieu et sur la grâce, allait engager le croyant dans l’activité temporelle et économique plus que toute autre religion.

b - LES CONSEQUENCES DU CONCEPT DE PREDESTINATION

Explications : les pasteurs vont adapter la pensée de Calvin en expliquant aux fidèles que :
- rien ne pouvait leur garantir qu’ils appartiendraient au peuple des élus,
- par contre il semblait évident que s’ils adoptaient tout au long de leur vie un comportement qui plaît à Dieu, ils auraient plus de chances d’être élus que ceux qui ont mené une vie dissolue.

Conséquences : Ceci va développer chez les fidèles ce que M Weber dénomme l’ascétisme moral. Il comporte trois obligations essentielles auxquelles l’individu doit se conformer :
- le travail plaît à Dieu, la paresse est un vice, l’individu doit donc consacrer sa vie au labeur.
- les fruits du travail doivent être utilisés pour la plus grande gloire de Dieu. Le travail va enrichir le fidèle , mais il ne travaille pas pour lui , il travaille pour la plus grande gloire de Dieu, l’édification du royaume céleste. Les richesses que l’individu accumule donc ne lui appartiennent pas, elles sont la propriété de Dieu, le fidèle ne peut donc en jouir. Il doit donc mener une vie austère qui s’oppose à celle du noble catholique. Mais en même temps, il ne doit pas thésauriser ses richesses car si la prodigalité est un vice, l’avarice en est un autre. Le fidèle doit donc mettre en oeuvre ses richesses et développer de nouvelles activités.
- une valorisation de l’étude : contrairement au catholicisme qui a toujours été très sévère à l’encontre du savoir et de la science, le protestantisme considère que l’individu doit au minimum savoir lire et écrire (pour lire la bible, ce qui était interdit aux catholiques) et si possible posséder des connaissances scientifiques qui lui permettront d’apprécier la grandeur de Dieu, et d’être plus efficace dans leur travail.

5 - LES CONSEQUENCES ECONOMIQUES DE L’ETHIQUE PROTESTANTE .

a - L’ASCETISME PROTESTANT ROMPT AVEC LES DOGMES CATHOLIQUES

Conséquences : L’ascétisme protestant s’opposa ainsi aux comportements dominants dans les pays catholiques à l’époque en rejetant les dogmes qui les dominaient :
- il s’opposa à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation d’objets de luxe qui caractérisait le mode de vie noble, en France par exemple .
- il débarrassa des inhibitions de l’éthique traditionnelle le désir d’acquérir qui était condamné par le dogme catholique , ce qui conduisit d’ailleurs à une dévalorisation du travail qui était abandonné aux classes les plus viles : un honnête homme ne travaille pas.
-
b - ET PERMET AINSI L’APPARITION D’UN ESPRIT CAPITALISTE .

Remarque : Comme l’indique M. Weber, l’ascétisme protestant eut des répercussions :
- qui n’étaient pas du tout envisagées par les pasteurs qui l’ont développé
- et qui n’auraient sûrement pas été souhaitées puisqu’il favorisa l’apparition d’un esprit capitaliste.

Définition du concept d’esprit capitaliste : comme l’écrit Weber : « si pareil frein de la consommation s’unit à pareille poursuite débridée du gain, le résultat pratique va de soi: le capital se forme par l’épargne forcée ascétique. Il est clair que les obstacles qui s’opposaient à la consommation des biens acquis favorisaient leur emploi productif en tant que capital à investir » . Cette logique est encore renforcée par le fait que « sur le terrain de la production de biens privés l’ascétisme combattait à la fois la malhonnêteté et l’avidité purement instinctive ».

Conclusion : On retrouve bien ici la logique (dominante chez Smith, Ricardo et Say) qui condamne la consommation comme improductive pour valoriser l’épargne, l’accumulation du capital qui est à l’origine de la croissance économique . L’esprit capitaliste ne conduit pas à un pillage des richesses naturelles d’un pays (cf. certains PVD aujourd’hui), mais au contraire au développement rationnel d’un projet de long terme (cf. la notion de développement durable).

B - UNE REALITE CONTEMPORAINE : LE DESENCHANTEMENT DU MONDE.

1 - LE CONTEXTE.

Remarque : Comme Durkheim, Weber va s’intéresser à la sociologie du droit , mais pour des motifs différents :
- Durkheim veut étudier la division du travail social qui ne peut s’appréhender directement . Il va donc se demander si le droit n’est pas représentatif d’une certaine forme de solidarité. Il va constater que dans les sociétés à solidarité mécanique le droit répressif est dominant, alors qu’au contraire, dans les sociétés à solidarité organique, c’est le droit restitutif qui domine (cf. chapitre solidarités et changement social).
- Weber quant à lui va considérer que le droit est une des formes de la rationalité. Comme l’indique G Rocher : « le droit est le mode le plus rationnel d’institutionnalisation du pouvoir sous la forme de la domination : c’est en lui que la domination trouve sa légitimation la plus rationnelle ».

Explications de l’intérêt de Weber pour le droit : Si Weber s’est intéressé au droit c’est « qu’il avait, selon lui, des implications directes dans l’évolution de trois structures de domination auxquelles Weber accordait une importance de tout premier ordre pour l’avenir économique et politique de l’Allemagne »:
· la domination des junkers( grands propriétaires terriens ) qui correspond à la domination traditionnelle qui selon Weber ne peut qu’aggraver le retard économique de l’Allemagne.
· la domination de la classe ouvrière qui ne permettrait pas à l’Allemagne de rattraper son retard.
· la domination de la bureaucratie étatique qui ne s’intéressait pas suffisamment à la dimension économique.

Conclusion : Weber souhaite l’avènement de la domination juridico-rationnelle qui se substituerait à la domination traditionnelle ce qui faciliterait l’accession de la bourgeoisie à une position dominante permettant à l’Allemagne de rattraper le retard qu’elle avait accumulé à la fin du 19ème.

2 - LES CARACTERISTIQUES DES SOCIETES MODERNES

a- LA RATIONALITE : PRINCIPE DES SOCIETES MODERNES

a1- LES QUATRE TYPES D’ACTION .

Weber distingue 4 types d’actions :
- l’action traditionnelle dans laquelle l’acteur ne fait que se conformer aux normes et aux valeurs, aux coutumes qu’il a intériorisées depuis son plus jeune âge, qu’il considère comme naturelles. L’action individuelle est donc déterminée par des réflexes enracinés dans une longue pratique.
- L’action affective qui ne se définit « non pas par référence à un but ou à un système de valeurs, mais par la réaction émotionnelle de l’acteur placé dans des circonstances données ».
- L’action rationnelle par rapport à une valeur est celle de l’individu qui agit par la conviction qu’un certain comportement est souhaitable en raison de sa valeur intrinsèque, quels que soient les effets qui peuvent en découler. C’est le comportement du croyant convaincu qui fait passer ses principes moraux avant toute considération utilitaire, de l’officier qui se laisse tuer sur place plutôt que de se rendre. L’individu ne vise pas un but, ce qui ne veut pas dire qu’il n’est pas rationnel, au contraire puisqu’il assume les dangers qu’il encourt en se conformant à l’idée qu’il se fait de l’honneur.
- L’action rationnelle par rapport à un but (à une finalité) est celle du chef d’entreprise qui avant de réaliser un investissement coûteux va étudier le marché, la rentabilité de cet investissement , et n’investira que si le projet atteint le but qu’il lui a fixé : dégager un certain taux de profit. Cela ne veut surtout pas dire que dans l’action rationnelle l’agent atteint toujours son objectif, et que le but visé est rationnel pour l’observateur. Cela veut seulement dire que placé dans le contexte dans lequel il se trouve , par les anticipations du comportement des autres , en fonction des connaissances dont il disposait , l’agent à agi rationnellement en adoptant ses moyens aux fins qu’il poursuit.

a2 - L’INTERET DU CONCEPT DE RATIONALITE .

La rationalité : une spécificité des sociétés occidentales : Comme l’indique C Colliot-thelene : « les sociétés occidentales modernes se distinguent par un type spécial de rationalisation du style de vie qui se manifeste dans tous les aspects des pratiques sociales: la codification du droit, la régulation constitutionnelle de la domination politique, le développement de l’économie capitaliste sont des procès parallèles qui permettent une prévisibilité croissante de l’action des agents sociaux . Cette prévisibilité est synonyme d’objectivité, c’est à dire qu’elle exclut l’intervention de motivations arbitraires. »

Comme le précise JF Dortier le concept de rationalisation renvoie à trois aspects essentiels:
- à l’idée de calcul et d’efficacité d’abord, par exemple l’introduction de la comptabilité et de la gestion dans l’activité économique signifie que les critères de choix sont fixés en fonction de méthodes rigoureuses qui s’émancipent du jugement.
- à celle d’autonomisation et de spécialisation des fonctions sociales ensuite : pour que l’économie ou la sphère culturelle puissent introduire des procédures rigoureuses dans le mode de gestion, il faut qu’elles se soient émancipées des contraintes religieuses pour suivre leur propre logique.
- à celle d’universalisation et de formalisation des rapports sociaux enfin (cf. la bureaucratie ci après).

b - LES TROIS FORMES DE DOMINATION LEGITIME.

Weber distinguait quatre types d’action mais seulement trois types de rationalité, car Weber pensait que les valeurs morales rationnellement justifiées ne pouvaient constituer le fondement d’une domination politique stable. Elles ont certes une influence, en particulier durant les périodes révolutionnaires mais, ce ne sont pas les raisons pour lesquelles les simples citoyens respectent les lois et acceptent de se soumettre à la domination exercée au nom du droit.
Les trois types de rationalité distingués par Weber sont :

b1- LA DOMINATION TRADITIONNELLE (LA DOMINATION DE L’ETERNEL HIER SELON WEBER)

Définition : Elle repose sur la croyance en la sainteté des traditions valides de tout temps et en la croyance dans la légitimité de ceux qui sont appelés à exercer l’autorité par ces moyens.

Exemple : La figure type en est le monarque héréditaire à qui le peuple obéit en tant qu’héritier respectant une tradition.

b2 - LA DOMINATION CHARISMATIQUE

Définition : ( en grec charisma signifie don , grâce) repose sur la soumission à la vertu héroïque ou exemplaire d’une personne extraordinaire ou à des ordres révélés et émis par celle ci.

Exemple : La figure typique politiquement est le dictateur d’exception (équivalent politique de ce qu’est le prophète dans le domaine religieux) et le régime politique la dictature personnelle plébiscitaire. Selon D Colas : « Jésus et Hitler, Gandhi et Staline sont des chefs charismatiques. »

Caractéristiques essentielles de la domination charismatique :
- Le chef charismatique n’est pas obéi en fonction de ses qualités soi-disant éminentes: la possession de ses qualités est une croyance
- la seule qualité du chef charismatique est la compétence à persuader ceux dont il cherche à obtenir l’obéissance qu’il possède un ou des dons extraordinaires. (..).
- La reconnaissance du chef charismatique doit être libre au sens où les adeptes, affiliés, apôtres s’abandonnent au charme du héros non sous l’empire d’une menace ou en vue d’une récompense mais parce qu’ils se sentent attirés par une force irrépressible.
- Le groupe qui obéit au chef charismatique forme, selon Weber une communauté émotionnelle: les images abondent des mouvements d’amour adressés à Hitler.

Conclusion : Aux yeux de Weber, la dimension affective du charisme corrompt les régimes démocratiques car s’impose comme chef, en raison du caractère naturellement émotionnel de l’abandon au chef à qui on a confiance, celui qui suscite l’enthousiasme en promettant le plus, en excitant les passions ».

b3 - LA DOMINATION LEGALE EST DE CARACTERE RATIONNEL

Définition : elle a pour fondement la croyance en la validité de la légalité des règlements établis rationnellement et en la légitimité des chefs désignés conformément à la loi. Le chef légal ou les instances supérieures , y compris le président de la république élu, sont tenus de respecter l’ordre impersonnel du doit. Les citoyens ne sont d’ailleurs obligés de se soumettre que dans les conditions prévues par la loi.

Conclusion :
On peut résumer dans le tableau suivant les principales idées :


formes de domination
légitimité du pouvoir
régime politique type
traditionnelle
respect du caractère sacré de la tradition
pouvoir patriarcal
pouvoir seigneurial dans la société féodale
pouvoir royal dans les monarchies
charismatique
la personnalité exceptionnelle du chef, du prophète
le prophète
le tribun
légale-rationnelle
l’autorité impersonnelle de la loi
pouvoir fondé dans les organisations modernes sur la compétence et la rationalité du choix


3 - LE MODELE ORGANISATIONNEL DOMINANT DES SOCIETES MODERNES : LA BUREAUCRATIE.

Définition : la bureaucratie est, selon Weber, l’exemple le plus typique de la domination légale, en ce sens elle est bien caractéristique des sociétés occidentales. Elle repose sur les principes suivants selon J Freund :
« Pour Max Weber, la] domination légale est de caractère rationnel : elle a pour fondement la croyance en la validité de la légalité des règlements établis rationnellement et en la légitimité des chefs désignés conformément à la loi [...]. Le chef légal ou les instances supérieures, y compris le Président de la République élu, sont tenus de respecter l'ordre impersonnel du droit [...]. Les membres du groupement [politique] n'obéissent qu'au droit : ils sont des citoyens. Cela veut dire qu'ils ne sont obligés de se soumettre que dans les conditions prévues par la loi [...].
La bureaucratie est l'exemple le plus typique de la domination légale. Elle repose sur les principes suivants :
· 1° L'existence de services définis et donc de compétences rigoureusement déterminées par les lois ou règlements, de sorte que les fonctions sont nettement divisées et distribuées ainsi que les pouvoirs de décision nécessaires à l'accomplissement des tâches correspondantes ;
· 2° La protection des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, en vertu d'un statut (inamovibilité des juges par exemple) [...];
· 3° La hiérarchie des fonctions, ce qui veut dire que le système administratif est fortement strucuré en services subalternes et en postes de direction, avec possibilité de faire appel de l'instance inférieure à l'instance supérieure [...].
· 4° Le recrutement se fait sur concours, examens ou diplômes, ce qui exige des candidats une formation spécialisée. En général, le fonctionnaire est nommé (rarement élu) [...];
· 5° La rémunération régulière du fonctionnaire sous la forme d'un salaire fixe et d'une retraite lorsqu'il quitte le service de l'État [...];
· 6° Le droit qu'a l'autorité de contrôler le travail de ses subordonnés, éventuellement par l'institution d'une commission de discipline ;
· 7° La possibilité d'avancement des fonctionnaires sur la base de critères objectifs et non suivant la discrétion de l'autorité ;
· 8° La séparation complète entre la fonction et l'homme qui l'occupe, car aucun fonctionnaire ne saurait être propriétaire de sa charge ou des moyens de l'administration.
On admet, en général, que démocratisation et bureaucratisation vont de pair. »
Source : J Freund, sociologie de M Weber, Puf, 1983.

Exemple : E Friedberg indique que pour Weber, un tel mode d’organisation, caractérise bien sur les administrations publiques, mais aussi la plupart des organisations industrielles et commerciales d’une certaine taille.

Explications du développement du modèle bureaucratique : Ce mode d’organisation se développe et devient dominant pour deux raisons :
- il est supérieur aux organisations traditionnelles, parce que , grâce à la formalisation et à la standardisation des activités, il permet un fonctionnement régi par des règles plus objectives, donc plus régulier et plus prévisible . Il est donc appelé à se développer justement en raison de sa plus grande efficacité.
- il est légitime : l’efficacité ne suffit pas à assurer la domination d’un modèle organisationnel, encore faut-il que celui ci soit légitimé, or dans nos sociétés modernes la bureaucratie correspond à la forme de domination légitime.

Relativisation : Néanmoins ce mode d’organisation n’est pas sans générer des effets pervers.

4 - LE DESENCHANTEMENT DU MONDE.

a - LA RATIONALISATION DU MONDE VA A L’ENCONTRE DES CROYANCES RELIGIEUSES

Remarque : Weber n’est pas un admirateur béat de la rationalisation du monde moderne, il considère plutôt que celle ci à un caractère ambigu :
· En effet, la rationalisation des conduites sociales s’accompagne du développement des sciences et d’une représentation scientifique du monde.
· Or cette dernière, qui s’impose au détriment des mythes et des croyances religieuses, ne peut toutefois assumer toutes les fonctions symboliques des religions.
· Les religions donnent généralement un sens au monde et à l’action des hommes. La magie suppose que des forces surnaturelles peuvent être mobilisées par des moyens divers pour prévenir les malheurs, corriger l’injustice ou assurer la réalisation des souhaits des individus. Les formes plus élaborées de la religion comprennent des interprétations du monde (théodicées) qui indiquent aux hommes des voies de salut.

b - CE QUI CONDUIT A UN DESENCHANTEMENT DU MONDE

Conséquences : Les sciences modernes, au contraire, ne proposent aucune réponse à la question du sens du monde :
- Posséder une culture scientifique n’est certes pas le fait de tous, mais la plupart des membres des sociétés modernes (y compris les croyants) présupposent que les choses et les événements sont régis par des forces purement naturelles qui peuvent être connues et maîtrisées par la science,
- mais cette maîtrise ne va pas jusqu’à la suppression du mal, de la souffrance et de la mort, c’est à dire de tout ce qui, pour l’individu, constitue l’absurde inhérent à la condition humaine.
- Ce lien entre la rationalité spécifique des sociétés modernes et le manque de sens est ce que M Weber nomme le désenchantement du monde.

Remarque : Weber contrairement à ce que l’on pourrait penser :
- ne soutient pas que les pratiques et croyances religieuses sont condamnées à disparaître.
- Il constate simplement que l’éthique religieuse, qui était autrefois un facteur déterminant de la structuration des conduites sociales a perdu cette fonction dans les sociétés modernes.
- Ces conduites sont aujourd’hui déterminées par les contraintes mécaniques découlant du jeu des intérêts économiques et politiques si bien qu’il est illusoire d’espérer corriger le fonctionnement de nos sociétés par des mouvements religieux ou quasi-religieux. Nous vivons une époque « indifférente aux dieux et aux prophètes » ( M Weber , le savant et le politique) .

Répercussions négatives : Mais il semble que la rationalisation du monde ait des effets encore plus désastreux que le désenchantement du monde : Weber constate, selon Nisbet, que la rationalisation a un caractère paradoxal:
- Au départ c’est une force de progrès qui affranchit l’individu des contraintes qui pesaient sur lui dans la société traditionnelle.
- Mais quand la société traditionnelle s’est désintégrée, « la rationalisation finit par être à la racine d’une tyrannie plus forte, plus pénétrante et plus durable que toutes celles que l’homme n'a jamais connues. (...) La rationalisation menace alors de devenir une force non plus féconde et libératrice mais une source de mécanisation et d’embrigadement »

Conclusion : Ces effets pervers de la rationalisation ne conduisent néanmoins pas Weber à :
· souhaiter un retour de la société traditionnelle, il considère que l’évolution historique est irréversible (comme Durkheim)
· ce qu’il craint c’est que la rationalisation conduise à faire de l’homme une créature apathique, la personnalité individuelle ne pouvant résister au nivellement intellectuel et à l’uniformité culturelle.
· En cela, par son pessimisme foncier, il s’oppose à l’optimisme relatif de Durkheim.

Remarque : M. Weber , constate :
· avec les économistes libéraux une profonde transformation des sociétés ayant connu le décollage économique et la croissance.
· Mais contrairement à Rostow il n’en retient pas que les éléments favorables puisqu’il montre que la rationalisation du monde assure certes une plus grande efficacité économique mais qu’elle génère en contrepartie un désenchantement.







COMPLEMENT DE COURS N°4

LES LIMITES DE L’ANALYSE WEBERIENNE


B - UNE RELATIVISATION DE L’ANALYSE DE L’ETHIQUE DU CAPITALISME

1 - PRESENTATION DES CRITIQUES :

De nombreuses critiques ont été émises sur les conditions de la genèse du capitalisme moderne mises en avant par Weber. P Besnard les a recensées dans un livre consacré entièrement à la controverse. Les principaux reproches adressés à Weber sont les suivants :
· Genève à l’époque de Calvin est loin d’être un modèle de modernisation économique et politique ;
· la solidité de la corrélation établie par Weber entre affiliation religieuse et choix professionnel n’est pas établie.
· On peut trouver de nombreux contre-exemples historiques: l’Ecosse presbytérienne aurait dû en raison de la forte emprise calviniste connaître une croissance économique soutenue, ce qui n’a pas été le cas. Inversement certains états catholiques tels que Venise ou la ville de Cologne sont des pôles de développement économique.
· Le puritanisme ne saurait être tenu pour la condition sine qua non de l’émergence du capitalisme moderne : Weber aurait surestimé le facteur religieux et négligé le contexte historique.
· Selon Schumpeter (cf chapitre innovation) il existe bien avant Calvin des pôles de développement économique important et des entreprises de structures complexes et modernes. Ainsi la notion même d’un changement d’esprit qui serait apparu au seizième siècles est, selon Schumpeter, inutile et contraire aux faits.
· Selon T Roper, les entrepreneurs actifs dans les grandes zones européennes d’implantation du calvinisme ne sont pas seulement calvinistes ils sont aussi dans la plupart des cas des immigrés et étaient déjà chefs d’entreprise avant d’immigrer . Ainsi par exemple suite à l’abolition de l’édit de Nantes par Louis XIV de nombreux protestants industriels ont immigré vers les Etats protestants d’Europe du Nord emmenant avec eux leur savoir-faire industriel.
· RT Tawney va jusqu’à inverser la relation de causalité en arguant de la préexistence du capitalisme sur le protestantisme. Il explique ainsi le développement du capitalisme en Angleterre par le fait que l’île se trouve sur les routes des nouveaux courants commerciaux qui ont accompagné le basculement du centre de gravité économique de la Méditerranée vers la mer du nord.
· Frontani , quant à lui , considère que l’esprit capitaliste est immanent à chaque société quand il ne s’inscrit pas dans la nature de l’homme (on retrouve ici la logique libérale). Il serait donc vain d’aller en chercher la genèse dans un principe religieux.
· Braudel enfin considère que l’erreur de Weber est d’avoir « exagéré le rôle du capitalisme comme promoteur du monde moderne » . Les pays du nord n’ont rien inventé ni dans la technique, ni dans le maniement des affaires. » Amsterdam copie Venise, comme Londres copiera Amsterdam, comme New York copiera Londres ».


2 - UNE RELATIVISATION DU ROLE DU PROTESTANTISME : ISLAM ET BOUDDHISME NE SONT PAS DES OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT

La coïncidence géographique qui s’établit sur un atlas entre le monde musulman et le monde bouddhiste ou hindouiste incite à s’interroger sur les entraves que ces religions ont pu représenter pour le développement :

a - L’EXEMPLE DE L’ISLAM

Pré-notions sur l’Islam : L’islam est ainsi considéré, par de nombreux auteurs occidentaux , comme une religion fataliste privilégiant la soumission . L’application stricte de la charria (loi islamiste) dans les pays intégristes qui interdit notamment le taux à intérêt, qui rabaisse la condition féminine, conduit à penser que l’islam serait un frein au développement.

Critiques à l’encontre des pré-notions :
- Pourtant , historiquement , l’islam a été un facteur de progrès : en particulier entre le VIII° et le XII° siècle , période durant laquelle l’extension de l’islam s’est traduite par l’expansion du commerce et des échanges , par l’apport d’une puissance organisatrice , par l’introduction de techniques d’encadrement uniformes ( code coranique , langue arabe , ... ) , par le développement de l’éducation .
- Comme le constate M.Rodinson : « rien dans la philosophie de l’islam ne serait contraire au développement économique. »L’échange , l’entreprise individuelle , le commerce y sont encouragés ; si la thésaurisation est réprouvée , c’est parce qu’elle dispense le détenteur de richesses de tout effort , le développement économique étant conçu comme devant se faire au service du développement social .
- De surcroît, l’islam renferme un certain nombre de principes moteurs de la transformation économique dans l’histoire : propriété privée , , reconnaissance du caractère incitatif du profit , tradition du labeur . On y retrouve la place de choix accordée à l’activité de l’homme, caractéristique du calvinisme , laquelle selon M.Weber a contribué au développement du capitalisme .

Conclusion : La raison permettant de comprendre le sous-développement des pays islamistes est que :
· le mouvement intégriste, en niant toute autonomie à la société civile, en se donnant pour but la négation des modèles de production ou de consommation moderne, car de source occidentale, a abouti à une impressionnante stagnation économique
· . Mais on ne peut pas déduire que l’islam soit facteur d’arriération du fait de sa récupération par une classe de religieux passéistes qui l’utilisent comme prétexte et le détourne de sa fonction initiale, pour canaliser un mouvement de mécontentement populaire.

b - L’HINDOUISME ET LE BOUDDHISME

Pré-notions sur le Bouddhisme et l’Hindouisme : Les religions hindouistes et bouddhistes semblent totalement étrangères à la notion de développement, en raison de leurs caractéristiques :
- les valeurs dominantes sont le détachement des biens terrestres et le repli sur soi, la renonciation de tous les désirs pour atteindre la délivrance pour le bouddhisme.
- L’hindouisme, quant à lui, développe une conception cycliste de l’existence ; il est basé sur un système de castes bloquant la mobilité sociale : les postes clés n ‘étant pas occupés selon les mérites mais selon la naissance. Dès lors, ces deux religions ne peuvent donner en apparence que des sociétés statiques , où la notion d’harmonie avec le monde sensible l’emporte sur toute autre motivation , en particulier économique .

Critiques à l’encontre des pré-notions : Néanmoins, on constate que :
· le bouddhisme est très vivant dans le Japon actuel, comme en Corée du Sud, que Singapour compte 70% de bouddhistes. Dès lors, on ne peut considérer que ces religions constituent une entrave au développement économique et social.
· Selon S.Brunel : « l’existence de contre-exemples nombreux aux apparents blocages du développement liés à la religion s’expliquent par le fait que la religion ne doit pas être analysée en tant que telle , mais dans ses relations avec la société civile . »


3 - UNE RELATIVISATION DU ROLE DE FREIN AU DEVELOPPEMENT QUE REPRESENTERAIENT LES SOCIETES TRADITIONNELLES

Les pré-notions sur les sociétés traditionnelles : Les modes de fonctionnement des sociétés traditionnelles ont souvent été considérés comme incompatibles avec cette transformation :
- Fortement structurées , fondées sur le rituel , l’autorité et l’ordre , les sociétés traditionnelles enserrent , en effet , l’individu dans un réseau de contraintes et d’impératifs qui laissent peu de marge pour des comportements individuels propices à l’innovation .
- Ainsi, la vénération des ancêtres donne une représentation mentale de l’univers fondé sur une acceptation de l’ordre naturel des choses sur lesquelles on ne peut intervenir que par des pratiques magiques détenues par les prêtres et les sorciers.
- Ces populations ne répondent donc pas au modèle de l’homo oeconomicus développé par les néo-classiques : face à une augmentation des prix agricoles , la stratégie des paysans est non pas d’accroître leur travail pour augmenter leur profit mais de réduire leur activité pour avoir plus de temps libre, à revenu constant .
- D’après les économistes néo-classiques, ils sont irrationnels, ce qui est dû, en particulier , au poids des sociétés communautaires

Conclusion : De nombreux auteurs ont été ainsi amenés à considérer, en partant de l’exemple des pays européens, que la montée de l’individualisme était une condition nécessaire au développement.

Critiques à l’encontre des pré-notions :
- l’exemple du modèle asiatique : comme le constate S.Brunel : « le modèle de développement asiatique , celui du Japon d’abord , des autres pays en forte croissance de l’Extrême-Orient ensuite , semble indiquer que le poids attaché à la famille nucléaire relevait avant tout d’un réflexe européo-centriste . Le développement japonais s’est réalisé dans le contexte d’une société très rigide où le poids de la famille et des institutions pesait fortement sur l’individu. Encore aujourd’hui, dans leurs critères de recrutement, les japonais priment avant tout l’intégration à la communauté, la faculté à s’identifier à l’entreprise, l’obéissance aux chefs. Quelle différence par rapport au chasseur de tête américain pour lequel vont avant tout compter le tempérament de leader, l’aptitude à commander et à savoir prendre des décisions au nom de l’équipe ! »
- S.Brunel écrit : « La sociologie du développement a donné naissance à l’établissement d’une liste de critères sans lesquelles on pensait que le développement ne pouvait pas se produire. Ces critères avaient été établis au vu de l’expérience réussie des pays de souche européenne. Pourtant le décollage , depuis une vingtaine d’années , de quelques pays qui ne présentaient pas , pourtant , ces caractéristiques - et dont les experts pensaient par conséquent qu’ils n’avaient aucune chance de se développer- permet de remettre en question cette liste de critères . »
- « Le développement semble être avant tout un processus qui peut naître dans des conditions initiales très différentes d’un pays à l’autre, et les facteurs considérés comme induisant des blocages de développement n’apportent pas toujours des explications satisfaisantes. »


4 - LA NECESSAIRE RELATIVISATION DE CES CRITIQUES :

Toutes ces critiques sont fondées mais elles sont parfois imméritées. En effet M Weber avait pris ses précautions et avait été très prudent dans la relation qu’il faisait apparaître entre éthique du protestantisme et esprit capitaliste :
- D’une part il écrit : « il faudra nous défaire de l’idée que la réforme peut se déduire en tant qu’historiquement nécessaire à partir de transformations économiques » . Weber veut par-là souligner que rien n’est jamais écrit à l’avance qu’il n’existe pas de loi nécessaire (en quoi il s’oppose avec raison à Marx).
- D’autre part il considère que « il est hors de question de soutenir une thèse aussi déraisonnable et doctrinaire qui prétendrait que l’esprit du capitalisme ne saurait être le résultat de certaines influences de la réforme , jusqu’à affirmer même que le capitalisme en tant que système économique est une création de celle ci ». Weber conclut qu’il s’efforcera seulement de rechercher s’il n’existe pas certaines affinités électives entre les formes de la croyance religieuse et l’éthique protestante qui auraient influencé le développement de la civilisation matérielle.


B - UNE RELATIVISATION DE L’ANALYSE WEBERIENNE DE LA RATIONALITE

1 - LES DANGERS DE LA RATIONALISATION : L’EXEMPLE DE LA BUREAUCRATIE.

Constat : M Weber considérait que le développement de la bureaucratie est inéluctable (ce pessimisme fataliste se retrouvera dans le désenchantement du monde) car « la bureaucratisation est désormais consubstantielle à toutes les formes de la vie moderne: elle accompagne la rationalisation croissante de notre vie comme notre ombre invisible » (G Busino).

Présentation des critiques : Ce que Weber critique dans la bureaucratisation de nos sociétés modernes :
- ce n’est pas tant ce que l’on dénomme le bureaucratisme , c’est à dire l’inefficacité de ce mode d’organisation
- qu’une généralisation à toutes les relations sociales des comportements bureaucratiques (formalisme , etc.) et une bureaucratisation de la vie politique. En effet comme le note C Colliot-thelene :
· la codification juridique et la constitution d’un corps d’administrateurs professionnels qualifiés soustraient l’exercice de la gestion des affaires publiques aux puissances irrationnelles de la tradition ou du charisme personnel du chef.
· Mais le fait de substituer à une légitimation du pouvoir par la tradition ou le charisme une légitimation par sa conformité aux lois ne rend pas ce pouvoir mieux contrôlable par ceux sur lesquels il s’exerce; (...)
· Au contraire ce que l’on appelle la bureaucratisation de la politique se traduit concrètement par la substitution de fonctionnaires salariés , recrutés sur la base d’un examen sanctionnant une connaissance acquise par une formation spécialisée, aux notables de jadis ( qui exerçaient les fonctions publiques gratuitement, et sans compétence spécifique, parce que leur fortune ou leur revenu personnel privé leur en donnaient le loisir ( cf. sur ce point l’analyse de Tocqueville : chap. démocratie et égalité)).
· La réalité du pouvoir n’appartient pas aux élus, mais à ces fonctionnaires salariés qui maîtrisent les techniques de l’administration. La rationalisation de la politique est donc synonyme de bureaucratisation.
· A mesure que se consolident les systèmes, techniquement efficaces (cette efficacité constitue leur rationalité), de gestion de l’économie ou des affaires publiques, les espaces ouverts à la liberté se réduisent inexorablement.

Conclusion : Les analyses wébériennes aboutissent ainsi à une représentation de l’histoire occidentale empreinte de fatalisme, très différente de celle de Marx :
- Tandis que Marx pensait possible une rupture avec la logique que l’on dirait aujourd’hui systémique (c’est à dire indépendante de la volonté et de l’action des individus qui y sont impliqués ) de l’économie capitaliste, grâce à l’action révolutionnaire des classes exploitées,
- Max Weber considère que la bureaucratisation , qui affecte aussi bien les appareils politiques (partis et syndicats révolutionnaires compris) que le fonctionnement de l’économie , est un processus irréversible. Selon lui , l’abolition de la propriété privée des moyens de production, loin de rendre aux hommes la maîtrise de leur action collective, ne ferait que porter à un point extrême la bureaucratisation de l’administration politique et économique.

Critiques de M Crozier : La critique que M Crozier énonce dès 1963 dans le phénomène bureaucratique est différente :
· Crozier considère que le respect des résultats de la tradition bureaucratique prussienne avait conduit Weber a imposé l’idée de la supériorité absolue du modèle hiérarchique réglementaire et bureaucratique en matière d’efficacité.
· Or l’analyse des faits démontre que plus ce modèle prévaut , moins l’organisation est efficace. En effet le système bureaucratique développe un cercle vicieux caractérisé par quatre traits essentiels :
- L’aspect positif du développement des règles impersonnelles est qu’elles visent à éliminer l’arbitraire mais la face négative est qu’elles limitent l’initiative individuelle. Or aucune organisation n’a jamais pu et ne pourra jamais fonctionné comme une machine, son rendement dépend en grande partie de la capacité dont disposent des individus de pouvoir influencer son fonctionnement
- La centralisation des décisions permet d’éliminer l’arbitraire, mais elle accroît la rigidité de l’organisation
- les deux précédents traits déterminent un isolement des catégories hiérarchiques qui réduit la communication , et fait que les membres d’une catégorie hiérarchique font corps par rapport à tout ce qu’ils considèrent comme une agression extérieure. En même temps les pairs font pression sur l’individu pour qu’ils se conforment aux règles non écrites mais contraignantes.
- La multiplication des règles , leur opacité rend , contrairement à ce qui était attendu , une liberté aux agents de la bureaucratie, qui peuvent alors développer des relations de pouvoir parallèle qui limitent les relations de pouvoir officiel.

Conclusion de M Crozier :M Crozier en concluait en 1953 que « la bureaucratie au sens où le grand public l’entend (c’est-à-dire le climat de routine, de rigidité, de contrainte et d’irresponsabilité qui caractérise les organisations dont on se plaint ) n’est pas du tout la préfiguration de l’avenir et n’a pas tendance à augmenter avec la concentration des entreprises, mais constitue le legs paralysant d’un passé où prévalait une conception étroite et bornée des moyens de coopération entre les hommes »; Cette vision est donc opposée à celle de Weber qui anticipait un développement inéluctable de la bureaucratisation dans nos sociétés.


2 - UNE RATIONALITE LIMITEE : L’ANALYSE DE HH SIMON ;

critiques à l’encontre de la thèse de Weber : L’analyse de HH Simon permet de relativiser la notion de rationalité forgée par Weber sur plusieurs points :
- les analyses empiriques semblent montrer que dans de nombreux cas la rationalité des individus, ou des entreprises s’avère beaucoup plus limitée que ne le pensait Weber qui aurait ici péché par excès.
- La rationalité s’avère limitée dans le temps, contrairement à ce qu’avançaient les auteurs libéraux (et Weber dans une moindre mesure) les capacités d’anticipation des agents ne sont pas rationnelles au sens ou l’individu serait capable même dans le long terme d’anticiper l’évolution du marché.

Solution forgée par Simon : il propose donc de développer le concept de rationalité limitée , c’est à dire une rationalité qui ne surestime pas les capacités d’anticipation et de compréhension des individus et des organisations et qui laisse d’avantage de place à l’irrationnel.

3 - UNE RATIONALITE DEFAILLANTE : L’ANALYSE DE M.MAUSS

Constat : Comme l’indique M Mauss « nos sociétés ont fait de l’homme un animal économique » .

Critique du concept de rationalité :
· Analyse comparative des sociétés : Mais ce phénomène est relativement récent par rapport à l’histoire de l’humanité. En effet , toutes les sociétés que le monde a connu , si l’on excepte nos sociétés de marché moderne ne connaissaient pas le rationalisme que les libéraux (Smith et consorts ) attribuent si imprudemment à la nature de l’homme.
· Mais la critique de Mauss va encore plus loin puisqu’il écrit « l’homo oeconomicus n’est pas derrière nous, il est devant nous », c’est à dire que l’individu de la société de marché n’est pas encore un individu rationnel et égoïste.
· Mauss se demande d’ailleurs s’il le deviendra un jour « ses dépenses de luxe (au bourgeois), d’art, de folie, de serviteurs ne le font-elles pas ressembler aux nobles d’autrefois ou aux chef barbares dont nous avons décrit les mœurs ».
En particulier, on peut constater que la sécularisation des sociétés (toute limitée qu’elle soit) qu’anticipait Weber ne semble pas complètement vérifiée : si l’on en croit ce texte de I Ramonet pour le monde diplomatique :
« Comment ne pas se tourner vers Dieu quand tout s'effondre autour de soi ? Quand les « sciences » économiques elles-mêmes se révèlent incapables d'apporter des corrections logiques aux furieux dérèglements de l'économie mondiale ? Dérèglements et distorsions que les spécialistes n'hésitent pas à qualifier d'« irrationnels ».[...]
Alors, on se remet à espérer en la Providence et, littéralement, à croire aux miracles. Mais on croit encore plus fortement aux vieux mythes païens du destin, de la fortune ; et, trois mille ans après les Chaldéens, on invoque le pouvoir des astres « qui règlent,
d'une volonté inflexible, tout dans l'univers ». Tout en sachant ces croyances incompatibles avec l'esprit scientifique, les citoyens, intimidés par les risques des temps nouveaux, adhèrent à leur raisonnement parfaitement illogique et à d'abracadabrantes superstitions. Ils défient ainsi, sans se l'avouer, les critères d'une rationalité technologico-scientifique qui ne répond pas toujours à leurs hantises immédiates (chômage, SIDA, solitude...).
Dans des sociétés modernes ayant érigé en emblème le slogan « que le meilleur gagne », chacun cherche à se prouver [...] qu'il peut être un gagnant, un battant. Et cela au moyen des jeux de hasard. Le hasard prend ainsi aujourd'hui la place du sacré. Il est à la fois fascinant et terrifiant. Autour de nous prolifèrent toutes sortes de loteries comme le Loto, le Tac-0-Tac, le Tapis vert... ; ou les jeux de pronostics comme, outre le tiercé, le quarté, le Loto sportif, Télémago, Portfolio... Et l'on assiste à l'explosion proprement délirante des jeux-concours proposés par tant de magasins, de marques de produits, de publications et de journaux. Sans parler des nombreuses émissions de télévision qui déversent — sous les yeux ébahis de tant d'exclus — une insolite pluie de millions sur les heureux élus... [...] Mais, pour gagner, il faut avoir de la chance. Ce qui est, astrologiquement parlant, une affaire de bonne étoile. L'incertitude du futur et la frénésie des jeux ont donc conduit les hordes de prétendants à la fortune vers les nouvelles générations de mages, de voyants et d'extralucides. Par téléphone, par minitel ou simplement devant les caméras de la télévision (exemple : « Voyons ça ensemble », sur M6), ils prédisent l'avenir, précisent les chiffres porte-bonheur ou les couleurs de la chance... Plus de vingt mille modernes sorciers, voyants, astrologues et autres — avec l'aide de quelques dizaines de marabouts venus d'Afrique — suffisent à peine, en France, à répondre aux angoissantes demandes de quelque quatre millions de clients réguliers. [...] La moitié des Français consultent régulièrement leur horoscope, et le tirage des revues d'astrologie ne cesse d'augmenter (deux d'entre elles dépassant les cent mille exemplaires). Le boom de cette industrie divinatoire — tarots, cartes, talismans, chiromancie, guérisseurs, radiesthésie — correspond à une régression profonde de l'individu. Celui-ci en vient à admettre que le « ciel de naissance » peut déterminer, de manière absolue, sa biographie. Ainsi, le destin astral interprété par le voyant remplace en ces temps de superstitions la lecture des voies de la Providence effectuée naguère par le prêtre.[...]
L'obscurantisme séduit de plus en plus certains esprits rebutés par la complexité des realités nouvelles, choqués par l'irrationnelle débâcle économique. A la faveur de cet obscurantisme se sont déjà épanouis à travers le monde les « révolutions conservatrices » et les divers fondamentalismes : islamique en Iran, puritain aux États-Unis, catholique en France, ultra-orthodoxe en Israël, etc.
La déraison se nourrit d'ignorance et de peur, de crainte et d'espoir. Ce sont les nourritures de toute religion, de toute superstition. Et le traumatisme économique que subissent actuellement des sociétés malades de leur culture risque de transformer ces nourritures en élixirs. Pour une nouvelle barbarie. »
SOURCE : I Ramonet, le retour des magiciens, le monde diplomatique, manière de voir, avril 1988.

On peut constater , à la lecture de ce texte , que le développement de l’irrationnel que l’on peut discerner aujourd’hui résulte en partie de la méfiance envers la rationalité technologico-scientifique qui est à l’origine du chômage, de la solitude, etc.

4 - UNE RATIONALITE DIFFERENTE : L’ANALYSE DE N ELIAS :

Comme l’indique N Elias, quand il oppose le comportement de la bourgeoise industrielle à celui de la noblesse d’Ancien Régime : « ce que nous appelons par un souci d’objectivation, la raison n’est pas autre chose que notre effort pour nous adapter à une société donnée, nous y maintenir par des calculs et des mesures de précaution, et y parvenir en dominant provisoirement nos réactions affectives immédiates. La prévision quantitative ou rationalité n’est qu’un cas particulier d’un phénomène plus général ».
P d’Iribarne constate que contrairement à ce que l’on aurait pu penser a priori les entreprises des différents pays développés adoptent des modes de gestion de leur personnel radicalement différents, qui n’ont que peu à voir avec le modèle néo-classique, mais qui peuvent aisément se comprendre si l’on fait appel à la culture et à l’histoire qui sont propres à chaque pays.
































COMPLEMENT DE COURS N° 5

L’IDEOLOGIE

A - UNE IMAGE NEGATIVE DE L’IDEOLOGIE

INTRODUCTION :

· Une apostrophe célèbre de Napoleon à l’endroit des idéologues donne très tôt à la notion un caractère péjoratif.
· Ce caractère est renforcé par le fait que bien des définitions étudient l’idéologie à partir des notions de vrai et de faux.
· Cela est encore accentué par le déterminant de l’adhésion à une idéologie qui semble relever de la passion ou de l’affectivité, en un mot de l’irrationnel.
· Or nos sociétés entrent dans l’ère de la rationalité (cf Weber), elles vont donc voir la fin des idéologies qui ont eu des conséquences tellement catastrophiques (cf fascisme).
· D’autant plus que les sociétés démocratiques, c’est tout du moins ce que l’on pensait dans les années 50 , sont des sociétés consensuelles.

1 - LA DEFINITION DE L’IDEOLOGIE PAR RAPPORT AU CRITERE DU VRAI ET DU FAUX.

Nous allons comparer 2 définitions célèbres de l’idéologie :
· celle de Marx : « l’idéologie est un processus que le prétendu penseur accomplit bien avec conscience mais avec une fausse conscience. Les forces motrices qui le meuvent réellement lui demeurent inconnues, sinon ce ne serait sûrement pas un processus idéologique » . Marx traite la religion (l’opium du peuple) et par extension toute idéologie comme une illusion et comme une illusion qui n’est pas véritablement innocente mais plus exactement frauduleuse.
· Dans une optique différente, R Aron écrit : « les idéologies mêlent toujours avec plus ou moins de bonheur des propositions de fait et des jugements de valeur. Elles expriment une perspective sur le monde et une volonté tournée vers l’avenir. Elles ne tombent pas directement sous l’alternative du vrai et du faux. Elles n’appartiennent pas non plus à l’ordre des goûts et des couleurs ».

CONCLUSION :

Selon R Boudon, ces deux définitions se caractérisent par le fait que directement (pour Marx) ou indirectement (pou Aron) elles font référence au critère du vrai et du faux. Ce type de définition conduit à mettre en avant l ’idée que l’idéologie est une erreur. Dès lors, toute la difficulté devient de savoir pourquoi les individus adhèrent à des systèmes qui sont caractérisés par l’erreur. Pour le comprendre, il semble nécessaire de faire référence au critère de l’irrationalité. Boudon va donc croiser les définitions vrai-faux avec les définitions caractérisées par l’opposition rationnel-irrationnel.

2 - LA DEFINITION DE L’IDEOLOGIE PAR RAPPORT AU CRITERE RATIONNEL-IRRATIONNEL.

On va ici aussi partir de deux définitions :
· La première est celle de Shiltz : les idéologies sont fermées, rigides, résistent à l’innovation. Elles sont promulguées et endossées avec des accents fortement affectifs. Elles requièrent une adhésion complète de la part de ceux qui y souscrivent.
· La seconde fait à nouveau appel à Marx : les hommes épousent à leur insu des idées fausses car ils y sont poussés par des forces inconscientes, échappant à leur contrôle et qui les asservissent soit à leurs intérêts, soit aux intérêts des dominants.

Finalement croiser le caractère de fausseté à celui de l’irrationalité conduit à mettre l’adhésion aux idéologies au compte des passions, du fanatisme. Dés lors il semble normal de souhaiter la fin des idéologies.

3- VERS LA FIN DES IDEOLOGIES ?

a - L’ IDEOLOGIE VA ETRE REMISE EN CAUSE PAR LES PROGRES DE LA RATIONALITE.

Postulat : La conception qui conduit à définir l’idéologie par rapport au critère de l’irrationalité peut amener à penser que l’idéologie va disparaître à mesure que la science progresse.
Mise en application : si l’on prend comme exemple la loi des 3 états d’A Comte :
· on peut penser que l’idéologie pourrait être classée dans l’état métaphysique qui est caractérisé par le recours à des entités abstraites, à des idées grâce auxquelles on croit pouvoir expliquer la nature des choses et la cause des événements.
· Mais cet état est un stade intermédiaire qui doit être dépassé par ce que Comte appelle l’état positif qui est l’état dans lequel l’homme cherchera par l’observation et le raisonnement à saisir les relations.
· Or cet état est caractéristique des sociétés industrielles qui sont dominées par les mentalités scientifiques (cf aussi Weber).
Conséquence : Selon Ferdinand Dumont on a même soutenu l’idée que grâce au développement des sciences naturelles l’idéologie était devenue le résidu d’un monde en voie de disparition.

b - IDEOLOGIE ET TOTALITARISME.

Présentation de la thèse d’H.Arendt : Selon H Arendt, les idéologies sont des ismes qui, à la grand satisfaction de leurs partisans peuvent tout expliquer jusqu’au moindre événement en les déduisant d’une seule prémisse. Elles traitent l’enchaînement des événements comme s’ils obéissaient à la même loi que l’exposition de son idée. Or les idéologies peuvent conduire à des résultats totalitaires pour 3 raisons essentielles selon H Arendt :
· Par leur prétention à tout expliquer: le passé, le présent, l’avenir.
· or par ce pouvoir de tout expliquer la pensée idéologique s’émancipe de la réalité et affirme l’existence d’une réalité plus vraie, qui se dissimule derrière les choses visibles, les gouverne.
· La pensée idéologique ordonne les faits en une procédure absolument logique qui part d’une prémisse tenue pour axiome (vérité d’évangile) et en déduit tout le reste. Elle procède donc avec une cohérence qui n’existe nulle part dans la réalité.

Répercussions : Selon H Arendt, les mouvements totalitaires se sont mis en devoir de déployer les implications idéologiques jusqu’à l’extrême d’une cohérence logique qui semblait absurde et irrationnelle primitivement. :
· Ainsi une classe agonisante est une classe objectivement condamnée (en URSS : les koulaks, c’est-à-dire les paysans riches)
· les races qui sont définies comme inaptes à vivre doivent être exterminées (nazisme : le génocide juif).

Conséquences : les répercussions désastreuses des totalitarismes fascistes et soviétique ont amené une remise en cause des idéologies dont les conséquences ont été considérées comme structurellement négatives. Ce mouvement a encore été renforcé par la forte croissance économique d’après guerre qui a été à l’origine de l’idée consensuelle.

c - LA SOCIETE DU CONSENSUS

Constat : R Boudon note qu’au début des années 60 un débat s’est instauré autour de la question de la fin des idéologies . Cela suite à :
· la débandade des idéologies fascistes.
· La croissance économique régulière dont les sociétés occidentales faisaient preuve n’indiquait-elle pas que les sociétés étaient capables d’évoluer à la satisfaction générale en s’appuyant plus sur les experts (cf A Comte) que sur les doctrinaires et les prophètes.

Conséquences : Pour arriver à ce résultat, il faut , écrit Boudon , que les experts puissent expulser les prophètes et la technique , évincer l’idéologie, donc qu’il existe un consensus sur les valeurs. Or les théories dominantes aux USA puis en France dans les années 50 et 60 virent, dans la démocratisation des relations du travail, dans la forte croissance qui assurait une progression du pouvoir d’achat, la clé du consensus social qui autorisait l’expert à tracer les voies les plus appropriées par lesquelles les valeurs peuvent être utilisées.

Limites : Mais il ne peut s’agir que d’une prétention, car :
· l’incertitude sur les moyens à mettre en oeuvre pour réaliser les fins collectives dès que ces fins sont complexes suffit à rendre les idéologies indispensables.
· Il y toutes les chances pour que l’expert soit tenté d’asseoir son action et son autorité sur ce que Pareto a nommé les dérivations qui sont nous dit Boudon : « toutes ces constructions intellectuelles que les hommes produisent pour démontrer le bien fondé de leurs sentiments. Elles tendent donc à légitimer les voies scientifiques de la réforme sociale. »
· Mais quand les valeurs communes s’effritent ou donnent le sentiment de s’effriter, alors l’expert tend à perdre sa situation de monopole. Son audience est alors concurrencée par celle d’un autre type d’intellectuel qui ne suggère plus de décrets et projets de loin mais dénonce le caractère insidieusement vicieux des structures sociales.

Conclusion : On ne peut donc parler de fin des idéologies. Tout au plus peut-on, selon Lipset, parler dans certaines conjonctures, de l’accalmie des idéologies totales.
Il semble maintenant nécessaire de dépasser la vision de l’idéologie présentée jusqu’à maintenant afin de montrer que l’idéologie est un phénomène beaucoup plus complexe.

B- L’IDEOLOGIE UNE NOTION COMPLEXE.

F Dumont écrit que la « thèse de la fin des idéologies est aussi vieille que la reconnaissance du phénomène idéologique. »

1 -IDEOLOGIE ET CONFLIT SOCIAL.

Distinction utopie – idéologie : A Touraine distingue deux niveaux dans les conflits sociaux , il écrit : « le conflit peut-il être compris hors du sens qu’il a pour les acteurs, sens qui ne se réduit pas à leur conscience mais qui suppose que chaque acteur vise à contrôler le mouvement d’ensemble de la société , c’est à dire à ne pas s’identifier à un des termes du conflit mais à prendre en charge le mouvement qui se réalise à travers les conflits ». Ainsi tout acteur est porteur d’une utopie et d’une idéologie:
· d’une utopie, c’est à dire d’une vision de la société par laquelle il s’identifie lui même à la totalité,
· d’une idéologie aussi, c’est à dire d’une représentation qui réduit le mouvement de la société au conflit entre des acteurs opposés.

Conséquences : Le conflit social est toujours dominé par ce heurt des utopies et des idéologies :
· L’utopie de la classe dirigeante est l’affirmation que la croissance économique assure par elle même la résolution des problèmes sociaux.
· L’utopie de la classe dominée est l’identification du développement à la satisfaction des besoins de la collectivité.

Le choc des idéologies : est alors, selon A Touraine, celui des classes qui ne se saisissent que dans leur antagonisme. Ce qui caractérise un conflit chargé de lutte des classes c’est qu’il déborde le combat de l’adversaire, de la rupture et cela de deux manières conjointes:
· d’un coté, il est l’affirmation d’un acteur historique, la création d’une conscience collective, le sens d’une mission historique,
· de l’autre, il est l’affirmation d’un nouveau modèle de société.
Dès lors que l’utopie s’est réalisée, il n’est plus besoin d’idéologie car l’acteur qui a réalisé son utopie s’identifiant à la totalité ne peut plus comprendre l’existence des conflits : confère en URSS le PCUS qui ne peut accepter une déviation par rapport à sa ligne car il considère qu’il travaille pour le bien être de la collectivité, ce qui lui donne sa légitimité, et le légitime donc à éliminer ceux qu’il définit comme déviationnistes (cf les procès de Moscou).

2- L’ IDEOLOGIE NAIT DE LA CONFRONTATION DES IDEOLOGIES.

· Comme l’écrit F Dumont : « l’idéologie c’est la société comme polémique, c’est la société tachant de se définir dans des luttes et dans des contradictions : l’idéologie est une pensée qui combat et qui parle pour combattre ».
· Mais pour combattre, il faut avoir un adversaire, F Dumont en conclut que « l’idéologie se révèle dans le pluralisme des idéologies, c’est la confrontation qui fait de l’idéologie une réalité ».
· Tout le problème est que chacun des adversaires dénie l’idéologie : « officiellement l’idéologie c’est la pensée de l’autre, elle est donc dévalorisée ». Il n’est pas possible de lui accorder une qualité (selon Marx en particulier) du moment où on n’ y adhère pas, et quand on y adhère, elle n’est plus idéologique. F Dumont prend l’exemple de la technocratie qui cherche à liquider les idéologies mais qui en réalité veut imposer une seule idéologie: « le point zéro de l’idéologie ce n’est pas l’évanouissement des idéologies mais une idéologie triomphante »

CONCLUSION :

Les définitions de l’idéologie par rapport au critère vrai-faux, rationnel -irrationnel ne sont pas opératoires, l’idéologie loin d’être une vue idéaliste des phénomènes sociaux, se trouve au contraire aux racines de la société qui avant d’être une chose est un débat, une action de la société sur elle même.













COMPLEMENT DE COURS N°6

LE SOUS DEVELOPPEMENT ENVERS DU DEVELOPPEMENT ?

Toutes les analyses qui vont suivre ont pour point commun de rompre avec la vision libérale :
- elles considèrent, en particulier, que les PVD sont dans une situation radicalement différente de celle des PDEM au XVIII°siècle. F.Perroux, en 1952, écrit un article dans lequel il définit le sous-développement comme un phénomène historique et daté, produit d’une histoire et non pas étape naturelle normale de l’histoire, un phénomène original que n ’ont jamais connu les pays aujourd’hui développés ( il s’oppose en cela à la thèse du retard de Rostow ).
- Le sous-développement ne peut plus alors être considéré comme un phénomène conjoncturel (un retard), mais comme un phénomène structurel, un blocage de la croissance .M.Byé et C.Destanne de Bernis peuvent alors écrire : « Le sous-développement est le produit de la domination ( influence asymétrique et irréversible exercée par les Europe sur les pays périphériques ),
- cette domination qui fut une agression économique véritable a entraîné la destruction de l’équilibre ancien, de ces économies et s’y est traduite par un phénomène de désarticulation des structures, manifestations dans les structures internes de ces pays de la domination externe qu’ils subissent ».


I - UNE SITUATION SPECIFIQUE .

Constat : Selon M.Byé et G.Destanne de Bernis, les travaux historiques sur le fonctionnement des économies des PVD avant le XIX° siècle conduisent à 3 certitudes :
- ces économies , à la veille de la conquête coloniale , fonctionnaient de manière parfaitement cohérente . Elles avaient pu atteindre un degré de civilisation hautement élaborée, souvent en avance sur l’Europe. Ceci rompt donc avec la vision ethnocentriste des colonisateurs qui les a conduit à considérer les sociétés colonisées comme relevant soit de la barbarie, soit du mythe du bon sauvage.
- même si certaines de ces économies connaissaient au XIX°siècle une stagnation , le degré de civilisation qu’elles avaient atteint prouvait d’une part que la stagnation économique n’avait pas toujours été la règle , qu’elle n’était donc pas inéluctable ; d’autre part , que cette stagnation ne tenait pas tant à une faible productivité qu’ à la consommation de surplus , soit par les villageois à l’occasion de fêtes ou de temps libre , soit par le groupe dirigeant .IL faut donc selon M.Sahlins , abandonner l’analyse faite par les économistes libéraux visant à assimiler les économies primitives à des économies de subsistance .
- les sociétés des PVD pouvaient conserver , à la veille de la colonisation , la capacité d’une évolution future ; mais il semble que les conditions du développement du capitalisme ne s’y trouvaient pas réunies , non pas parce que ces sociétés en étaient inaptes , mais parce qu’elles ne le désiraient pas . Comme l’écrit P.Clastres, en préface au livre de M.Sahlins : « si l’homme primitif n’est pas un entrepreneur, c’est parce que le profit ne l’intéresse pas ; s’il ne rentabilise par son activité , comme aident le dire les pédants , c’est non pas parce qu’il ne sait pas le faire , mais parce qu’il n’en a pas envie » .

Conclusion : Selon G.Destanne de Bernis et M.Byé : « en Europe , c’est par la destruction en particulier de l’artisanat corporatif et des circuits marchands traditionnels que le capitalisme a élargi progressivement sa base . Mais, en Europe, cette destruction se faisait au fur et à mesure du développement du processus d’accumulation capitaliste. Or, à la périphérie, les conditions du développement du capitalisme n’étant pas réunies, la destruction des rapports sociaux pré capitalistes ne pouvait conduire qu’à une crise profonde, une déstructuration brisant la cohérence intérieure, sans permettre aucun développement économique ».


II - LA COLONISATION , RESPONSABLE DU SOUS-DEVELOPPEMENT ?

Constat :
· P.Bairoch constate que « avant les bouleversements de la Révolution Industrielle, les pays du futur Tiers-Monde n’étaient pas probablement moins riches en moyenne que les régions comparables dans les futurs pays développés ».
· Or, selon S.Brunel : « à partir du XIX° siècle , un fossé croissant va se creuser entre les pays occidentaux et les autres . Or l’élargissement de ce fossé coïncide avec l’existence d’un phénomène de domination de l’Europe sur le reste du monde. Y-a-t-il un lien de cause à effet entre le développement des uns et le sous-développement des autres ? » .

A - Présentation des thèses des auteurs tiers mondistes :

Selon les théoriciens tiers-mondistes, la colonisation peut être tenue comme responsable du sous-développement : le sous-développement des uns ( PVD ) est alors analysé comme le produit du développement des autres . Les raisons avancées sont diverses mais complémentaires :
- la colonisation a visé à imposer de gré ou de force aux colonisés « la civilisation de la métropole » aussi bien du point de vue religieux que culturel, ce qui a généré des phénomènes d’acculturation produisant dans les sociétés des PVD des problèmes identitaires. Or, l’on sait bien que les conditions nécessaires afin d’assurer un développement ne sont pas seulement quantitatives (hausse du taux d’investissement) mais aussi qualitatives (sociétés structurées, cohérentes, ..) .
- il ne faut pas pour autant, selon les auteurs tiers-mondistes, sous-estimé le véritable pillage des richesses économiques dont ont été l’objet les pays colonisés. Leur économie a été subordonnée aux intérêts de la métropole qui les a obligés à développer des productions répondant à ses besoins ( production de matières premières : cultures d’exportation , ressources minières , ... ) .Les pays colonisés ont alors été spécialisés dans des productions complémentaires à celles des pays industrialisés ; ils ont été insérés dans la Division Internationale du Travail ( DIT ) traditionnelle de façon à produire et exporter les ressources naturelles dont avaient besoin les industries des pays riches .
- En contrepartie, ils servaient de débouchés aux industries de biens de consommation et d’équipement. Cette spécialisation n’a pas permis d’assurer une croissance économique équilibrée :,
- L’économie a été désarticulée. On peut alors parler de dualisme qui oppose les secteurs exportateurs de matières premières à la majorité de la population qui réalise une production vivrière. De surcroît, cette spécialisation va à l’encontre d’un développement durable puisqu’elle nécessite la destruction des ressources naturelles.


B - Relativisation de ces thèses :

Néanmoins pour d’autres auteurs , dont J.Marseille , la colonisation ne peut être tenue responsable du sous-développement . En effet , en particulier dans le cas français , on constate que :
· les colonies servant de débouchés captifs aux industries nationales , il n’était pas de l’intérêt de la métropole d’appauvrir les colonies .
· J.Marseille considère même : « les termes de l’échange , qui s’étaient maintenus pour les pays d’outre-mer pendant la période coloniale ont commencé à se dégrader précisément après les indépendances , comme si l’abandon progressif du système de préférence coloniale avait été l’antichambre d’une meilleure exploitation des ressources primaires des pays de la zone » .

III - L’ANALYSE CENTRE-PERIPHERIE DE SAMIR AMIN

Présentation de la théorie : S.Amin considère ( doc 1 et 5 p 286-288 ) que les économies des PVD , comme celles des PDEM sont intégrées dans le système économique mondial . Mais leur insertion y est très différente:
- les PDEM produisent des biens d’équipement et des biens de consommation , principalement pour leur marché interne , et à un moindre degré , pour leurs partenaires des pays du Nord ( plus de 60 % des échanges de la CEE est un commerce intracommunautaire ) .Les pays du Nord n’ont donc pas un besoin essentiel du débouché fourni par les pays du Sud
- Au contraire , les pays du Sud exportent la majorité de leur production vers les pays du Nord ( échanges Sud-Sud minoritaires ) ; ils ont donc un besoin impérieux des marchés du Nord .
- les PDEM sont principalement spécialisés dans la production de biens industriels ( qui les caractérise ) , mais il n’en reste pas moins que les principaux pays exportateurs de produits agricoles sont les Etats-Unis et la France . Les pays du Nord ne sont donc pas dépendants des exportations des pays du Sud .
- Au contraire , les PVD sont spécialisés uniquement sur la production et l’exportation de matières premières ou de biens bas de gamme nécessitant beaucoup de main-d’œuvre . Par contre , ils ont un besoin vital des biens d’équipement qui leur permettent de mettre en valeur leurs richesses naturelles .

Conclusion : les relations entre les PVD et les PDEM sont donc marquées par une inégale capacité à influencer l’autre :
· Les PVD , ayant un besoin impérieux des PDEM ,
· alors qu’ils ne sont , pour les pays industriels , qu’un partenaire marginal , sont obligés d’accepter les conditions fixées par les pays riches .
· Ils entrent alors dans la sphère de domination des pays industrialisés , les pays riches étant au centre , les pays pauvres à la périphérie . L’échange est donc forcement inégal , selon les auteurs tiers-mondistes , ce qui se traduit par l’exploitation par les pays développés des pays sous-développés ( S.. Amin parle de Division Impérialiste du Travail , doc 5 p 288) .


IV - L’ECHANGE INEGAL .

Postulat de base : A.Emmanuel considère que les relations entre les pays riches et les pays pauvres sont basées sur un échange inégal . En effet , en partant d’une logique ricardienne et marxiste, , Emmanuel considère que la valeur d’un bien est fonction en dernière instance des quantités de travail nécessaires pour assurer sa production .

Conséquences du postulat : Or , il remarque que :
· quand un produit du Centre s’échange contre un produit de la Périphérie au même prix ( ce qui rend l’échange en apparence équitable ) , le premier incorpore une heure de travail , le second beaucoup plus , du fait des énormes différences de salaire .
· Dès lors , le premier bien ( en provenance des PDEM ) s’échange contre un bien ( des PVD ) qui a beaucoup plus de valeur que lui .
· Selon Emmanuel , le transfert de valeur ainsi opéré vers le Centre bénéficie aux capitalistes sous forme de sur profit , mais aussi à la classe ouvrière sous forme de sursalaire . Les capitalistes et les ouvriers des pays riches sont donc associés afin d’exploiter le Tiers-Monde .
· L’échange ne sera véritablement égal que si un produit issu d’un PVD nécessitant 5 fois plus d’heures de travail a une valeur 5 fois supérieure et est donc échangé contre 5 biens en provenance des pays développés .
·
Critiques à l’encontre de la théorie de A Emmanuel : Cette théorie a été critiquée aussi bien par les marxistes que par les auteurs libéraux :
- selon les auteurs marxistes , les écarts de salaire entre les PVD Et les PDEM ne traduisent pas un échange inégal , mais sont imputables aux écarts de productivité , résultant des ressources inégalement réparties dans chaque pays , en capital technique et humain . Amin complète donc alors la théorie de l’échange inégal en introduisant les différences de productivité : « Il y a échange inégal lorsque l’écart des salaires est supérieur à celui des productivités . » Ainsi , en 1990 , le salaire horaire moyen en Corée était 10 fois plus faible qu’en France , alors que la productivité du travail n’était que 3 fois plus faible , l’échange pouvait , selon Amin être considéré comme inégal .
- les auteurs libéraux , quant à eux , considèrent que si l’on ramenait artificiellement les salaires du Sud au niveau de ceux du Nord sans qu’il y ait une augmentation comparable des niveaux de productivité , cela engendrerait une augmentation considérable du coût de production et donc du prix des biens réalisés dans les PVD . Ceux-ci n’étant plus compétitifs au point de vue des prix , la demande et donc les exportations s’effondreraient , ce qui bloquerait la croissance économique et le développement .

Conclusion : La thèse de l’échange inégal ne semble plus réellement être d’actualité aujourd’hui , puisque l’on considère , dans les pays du Nord , que la faiblesse des salaires du Sud engendre des délocalisations,, des suppressions d’emplois , qui nécessitent , selon certains , des mesures de rétorsion ( mise en place d’une politique protectionniste ) . Au contraire , les npi sont les premiers à revendiquer le libre-échange et la nécessité de conserver des écarts de salaire , afin de favoriser la croissance économique et le développement . On est donc aux antipodes de la théorie d’Emmanuel .




V - LA THEORIE DE LA DEGRADATION DES TERMES DE L’ECHANGE .

A – DEFINITION DES TERMES DE L’ECHANGE

Les termes de l’échange comparent l’évolution du prix des produits exportés à celle du prix des produits importés . Pour cela , on pose le calcul suivant :

prix des produits exportés en T1 x 100
termes de l’échange nets = prix des produits exportés en TO . x 100
prix des produits importés en T1 x 100
prix des produits exportés en T0

TEn = Indice des prix des produits exportés x 100
Indice des prix produits importés

Cette indice s’étudie par rapport à 100 :
- si Ten <100>100 , alors le pays connaît une amélioration de ses termes de l’échange : pour obtenir la même quantité d’importations , il peut diminuer les volumes exportés .

ATTENTION : la dégradation des termes de l’échange n’est pas forcement mauvais signe ; elle peut traduire une augmentation des gains de productivité du pays plus rapide que celle de ses partenaires qui lui permettra de baisser ses prix , donc d’améliorer sa compétitivité-prix et donc de gagner des parts de marché .

B – UNE VISION OPTIMISTE - LA VISION DES ECONOMISTES LIBERAUX( cf. chapitre commerce international et mondialisation)

Postulat de base : Les économistes classiques comme Ricardo ou Mill considéraient que l’évolution des termes de l’échange ne pouvait être que favorable aux pays producteurs de matières premières .

Justifications du postulat : En effet , la faiblesse des gains de productivité dans le secteur agricole ( due à l’absence de progrès technique et à la loi des rendements décroissants ) comparée à ceux de l’industrie aurait dû engendrer une chute du prix des produits industriels relativement au prix des produits agricoles . Selon Mill , cette tendance devrait être renforcée par des évolutions de la demande dissemblables dans les pays riches et les pays pauvres(cf aussi chap. commerce international et mondialisation) :
- les pays riches se caractérisant par un revenu élevé vont émettre une demande de biens en provenance des PVD élevée , à laquelle les pays pauvres ne pourront répondre du fait de la loi des rendements décroissants : l’offre étant inférieure à la demande , le prix des produits du Sud devrait augmenter .
- - au contraire , les pays pauvres , du fait de la faiblesse de leurs revenus , sont peu demandeurs de biens en provenance des pays riches qui , grâce à leurs gains de productivité , inondent les marchés . L’offre des PDEM est donc supérieure à la demande des PVD , d’où baisse du prix .

Conclusion : On peut donc , selon Ricardo et Mill , s’attendre à ce que les prix du Sud augmentant et ceux du Nord baissant , les PDEM subissent une détérioration de leurs termes de l’échange .

C - PREBISCH et SINGER : LA DETERIORATION DES TERMES DE L’ECHANGE DES PVD

1 – UN CONSTAT

Mais, si l’on en croit R.Prebisch et H.Singer , la dégradation des termes de l’échange concerne, non pas les PDEM, mais les pays du Sud producteurs de matières premières : entre 1876 et 1938, les matières premières auraient subi une dégradation des termes de l’échange de 60 %. Entre 1910 et 1991, l’indice des termes de l’échange des matières premières passe de 196,1 à 69,5.

Conséquences : L’analyse libérale de RICARDO et MILL semble donc difficilement défendable.

2 – CRITIQUES A L’ENCONTRE DES VISIONS OPTIMISTES DE RICARDO ET DE MILL

Ceci s’explique, selon Prebisch et Singer , par les raisons suivantes :
- contrairement à ce qu’attendait Ricardo, les gains de productivité dans le secteur des matières premières ont été presque aussi importants que dans le secteur industriel ( le progrès technique a compensé la loi des rendements décroissants ). Mais la répartition de ces gains entre prix, salaires et profits a été opérée de manière très différente dans les pays du Sud et du Nord :
- les gains de productivité dans les activités primaires se traduisent par des baisses de prix pour les PVD, car l’excédent de main d’œuvre et l’absence d’organisations syndicales entravent une redistribution des gains de productivité sous forme de salaires .
- au contraire, dans les PDEM, les prix, malgré les forts gains de productivité, se maintiennent ou augmentent, en raison de la rareté du travail ( durant les 30 Glorieuses ) et de l’existence de syndicats puissants qui demandent et obtiennent des augmentations de salaire. Les gains de productivité des pays du Sud profitent donc uniquement aux pays du Nord.
- les marchés des PDEM sont caractérisés par une structure oligopolistique qui freine la concurrence par les prix. Au contraire, les producteurs de matières premières se livrent une concurrence acharnée afin d’exporter leur production, ce qui se traduit par une baisse des prix des matières premières, relativement aux biens industriels. Cette tendance est encore accrue par le monopole dont bénéficient les pays développés dans le domaine de la recherche et de l’innovation, qui leur permet de fixer les prix, alors que les produits primaires, étant des biens traditionnels, peuvent être réalisés par n’importe quel producteur, pourvu que les conditions naturelles soient propices.
- cette baisse des prix est encore renforcée par la faiblesse de l’élasticité-prix des matières premières. On constate, en effet, qu’une baisse des prix n’entraîne pas une augmentation comparable de la demande.

Rappel : l’élasticité-prix : h = (D Q / Q ) / ( DP / P )

- Ceci s’explique, en particulier, par les lois d’Engel : d’après les lois d’Engel, les élasticités-revenu des produits industriels sont plus fortes que celles des produits primaires. En effet, on constate, que, quand le revenu augmente
· la part du revenu consacrée aux produits primaires diminue en raison d’un phénomène de saturation de la demande, qui est donc peu dynamique. Pour les pays producteurs de biens primaires, la demande étant inférieure à l’offre, les prix baissent. Ils chutent d’autant plus que les pays industrialisés substituent aux matières premières des biens issus du progrès technique plus résistants et plus légers ( ex : le carbone à la place de l’acier pour les coques de bateaux )
· la part du revenu consacrée aux produits industriels augmente, la demande étant dynamique, cela permet aux producteurs d’accroître leur prix.

rappel : l’élasticité revenu = h = (DQ / Q ) / ( DR / R )

Conclusion : On peut donc en conclure, selon Prebisch, que les PVD ne retirent aucun avantage du commerce international, qui se traduit pour eux par une croissance appauvrissante. Ce qui amène Prebisch à considérer que le développement des PVD passe par une rupture ( déconnexion ) avec le marché international.

C - CONCLUSION

1– CRITIQUES A L’ENCONTRE DE LA THESE DE PREBISCH -SINGER

Mais, de nombreux auteurs, en particulier les libéraux, critiquent la thèse de PREBISCH- SINGER : ils considèrent que ceux-ci ont commis un certain nombre d’erreurs qui rendent leur analyse discutable :
- le choix de l’année de référence peut entraîner de très fortes distorsions : si l’on retient comme année de départ, une période durant laquelle le prix des matières premières est à son maximum, on a d’autant plus de chances d’observer une dégradation des termes de l’échange pour les producteurs de matières premières.
- l’analyse des prix suppose que le panier de référence, à partir duquel on raisonne, conserve une structure fixe. Or, il n’en est rien, en particulier on sait que si la qualité des matières premières évolue peu, les innovations très nombreuses dans le secteur industriel permettent simultanément d’améliorer la qualité tout en baissant les prix.
- la détérioration des termes de l’échange peut être plus voulue que subie, c’est en particulier le cas des NPI qui maintiennent artificiellement bas le cours de leur monnaie pour conserver des prix compétitifs. Ce dont se plaignent les PDEM qui considèrent cette concurrence comme déloyale.


2 – RELATIVISATION DES CRITIQUES

Il n’en reste pas moins, comme le note J.Brasseul : « les analyses les plus récentes semblent confirmer finalement la thèse Prebisch-Singer, après qu’elle ait été abandonnée par la plupart des économistes, qui concluaient à l’absence de trend significatif dans l’évolution des termes de l’échange produits primaires produits manufacturés. »

VI) LES THEORIES RADICALES DE L’INDUSTRIALISATION .

INTRODUCTION :Malgré leur relative hétérogénéité , ces théories ont un point commun : elles ont pour objectif d’appliquer une stratégie de rupture avec le modèle libéral dont elles remettent en cause les hypothèses fondamentales :

· si pour les théoriciens libéraux , à la suite de Smith et de Ricardo , le développement doit résulter de l’ouverture de l’économie et de l’intégration au commerce mondial , « la solution tiers-mondiste idéale consiste dans le développement autocentré ou self reliance . Comme les échanges internationaux sont perçus comme la cause unique du sous-développement , le développement ne peut être assuré qu’avec la rupture des pays industrialisés » . Cette analyse sera à l’origine de l’application des stratégies d’industrialisation par substitution d’importations .
· une stratégie complémentaire est celle des technologies appropriées qui repose sur le constat que l’importation de techniques et de capital en provenance des PDEM est , non seulement inadaptée aux besoins des PVD , mais de surcroît génératrice de dépendances .
· dans la logique libérale , la croissance la plus forte est obtenue par la régulation par le marché qui assure une allocation optimale des ressources . A contrario , pour les théories radicales , laisser jouer les règles du marché revient à bloquer le processus de développement : le marché étant absent et ne disposant pas des capacités d’autorégulation , la nécessité de l’intervention de l’Etat s’impose donc .
· elle apparaît d’autant plus nécessaire que l’augmentation des taux d’investissement n’apparaît pas en soi porteuse de développement , certains secteurs étant considérés comme plus moteurs que d’autres . C’est la stratégie des industries industrialisantes ( largement influencée par le modèle soviétique ) .
·
· A ) L’INDUSTRIALISATION PAR SUBSTITUTION D’IMPORTATIONS ( ISI )

Causes du sous-Développement : « Un certain nombre de pays du Tiers-Monde ont tenté de sortir du sous-développement ,en brisant ce qu’ils pensaient être les causes de leur situation : la dépendance , les blocages , l’extraversion.

Solutions préconisées : Le modèle de développement autocentré fondé sur la création d’industries de base susceptibles d’engendrer un tissu industriel complet par ses effets industrialisants devrait , en théorie , déboucher sur la constitution d’un véritable marché intérieur dynamique » . La stratégie d’ISI qui visait à remplacer les importations de biens de consommation , puis de biens d’équipement par des productions nationales devait , selon ses promoteurs , permettre d’assurer un développement économique cohérent ( de mettre un terme au dualisme ) , autonome , répondant aux besoins de la population .Pour cela , un certain nombre de mesures doivent être prise :
· il faut mettre en place une protection douanière , qui vise à
- permettre à une industrie naissante de croître , à l’abri de barrières protectrices lui permettant , alors qu’elle n’est pas encore compétitive , de ne pas avoir à subir les effets dévastateurs de la concurrence des PDEM ( ceci répond à la théorie du protectionnisme éducateur de List , cf section sur le protectionnisme).
- Au fur et à mesure du développement de ces industries , les barrières douanières devraient être réduites pour inciter les entreprises à devenir compétitives .
· il faut appliquer une politique de surévaluation de la monnaie permettant à la fois de
- rendre les importations de biens d’équipement moins coûteuses ( afin de faciliter l’acquisition de capital importé , nécessaire durant une première phase , pour équiper les industries ) ,
- d’augmenter le prix des exportations agricoles ( ce qui rend la spécialisation dans les productions agricoles d’exportation moins rentable pour le capital national ) ,
- de rendre les produits industriels plus coûteux à l’exportation ( afin de bien faire comprendre aux entrepreneurs qu’ils produisent avant tout pour le marché national ) .
· il faut appliquer une politique de redistribution de la richesse nationale : l’ industrialisation est financée par un prélèvement opéré à la fois sur les agriculteurs ( par la hausse des prix et des prélèvements fiscaux ) et sur les consommateurs ( qui doivent accepter d’acquérir aujourd’hui des biens plus coûteux de qualité médiocre , afin d’assurer demain un développement économique et un mieux-être de la population) .


B ) LES INDUSTRIES INDUSTRIALISANTES.

Remarque : Cette stratégie présente de nombreux points communs avec celle de l’ISI , dont elle est fréquemment complémentaire .

Présentation des causes du sous-développement : Elle dénonce selon A Lipietz :
· « la spécialisation de la périphérie dans l’exportation de biens primaires qui soumet son économie aux fluctuations de la demande externe et traduit les gains de productivité de ce secteur en baissant les termes de l’échange et en créant du chômage »
· Dés lors on ne peut espérer de l’insertion des PVD dans la DIT traditionnelle du dans le secteur des matières premières qu’elle assure une réelle croissance économique tirant l’ensemble du tissu productif .

Solutions préconisées : Il faut donc appliquer une stratégie alternative visant à favoriser le développement de secteurs moteurs . :
· Partant de l’expérience de l’Allemagne , à la fin du XIX° siècle , ou de l’URSS de Staline , les partisans de cette stratégie ont préconisé l’investissement dans les industries de biens d’équipement qui sont considérés comme des industries industrialisantes , permettant d’assurer la propagation du processus d’industrialisation à l’ensemble de la structure productive de l’économie .
· Ces industries présentent de surcroît l ’avantage d’assurer un développement autonome , puisque le pays n’est plus à terme dépendant des importations de biens d’équipement en provenance des PDEM
· Comme la stratégie précédente , celle-ci nécessite un prélèvement opéré sur les consommateurs et le secteur agricole , afin de financer l’effort d’investissement qui est extrêmement coûteux .
·
· C ) LA THESE DES TECHNOLOGIES APPROPRIEES .

Postulat libéral : Les économistes libéraux considèrent que les pays pauvres bénéficient du privilège du retard au développement ( Gerschenkron ) :
· ils peuvent utiliser une technologie déjà fiable et à moindre coût car ils n’ont pas à l’inventer .
· Ils ont donc tout intérêt à opérer des transferts de technologies qui leur permettront , grâce aux techniques des pays du Nord de réaliser un bond en avant .

Critique de la thèse libérale :Mais d’autres considèrent que l’utilisation de la technologie importée des pays industrialisés n’est pas efficace car elle n’est pas adaptée aux besoins des PVD :
· une technologie n’est réellement efficace que si les structures culturelles sont prêtes à la recevoir et à l’accepter , c’est-à-dire si elle répond à une demande de la population . Dans le cas inverse , la greffe risque de ne pas prendre .
· les technologies des PDEM sont dites labour saving , c’est-à-dire qu’elles ont pour objectif , le coût du travail étant élevé dans les pays industrialisés , de substituer du capital au travail ( hausse de l’intensité capitalistique ) . Mais les PVD sont dans une situation radicalement différente : en raison de leur forte fécondité ( cf chap croissance démographique et développement ) ils disposent d’une main d’oeuvre nombreuse et peu coûteuse . L’importation des technologies du Nord va donc augmenter le chômage , sans améliorer la rentabilité des entreprises .
· la population ne dispose pas d’un niveau de qualification suffisant pour utiliser ou réparer des technologies performantes
· le transfert de technologies nécessite , pour être efficace , des débouchés très importants , afin de bénéficier d’économies d’échelle , générant des gains de productivité . Or , nombre de pays du Sud disposent d’une population réduite et la majorité ne peut compter sur une demande solvable générant des débouchés croissants en raison de la faiblesse des revenus . Dès lors , les usines clés en mains achetées aux PDEM ont un taux d’utilisation des capacités de production très réduit , donc des coûts de production et des prix élevés .
· le transfert de technologie renforce la dépendance des pays du Sud envers ceux du Nord : ils doivent s’endetter pour acquérir des machines qui généralement ne sont pas à la pointe du progrès , pour ne pas concurrencer les industries du Nord . Dès lors , les exportations sont peu compétitives , les rentrées de devises faibles , d’où des difficultés de remboursement .

Solutions préconisées : Aussi , de nombreux pays ont-ils :
· préféré utiliser des technologies qui présentent l’avantage d’être appropriées aux conditions spécifiques du pays (culturelle, économique et sociale)
· tout en leur permettant de rompre avec le modèle de développement des pays industrialisés .

Exemple : Un exemple de programme pris souvent comme référence est celui dit : basic industry strategy, appliqué par la Tanzanie à partir de 1974, qui cherchait à établir des synergies entre secteur agricole et industrie : l’agriculture étant le principal débouché des produits industriels (engrais, houes), et la principale source d’approvisionnement .
D ) L’IRREMPLACABLE ETAT .
Les répercussions négatives d’un Etat-Gendarme :
· une analyse historique démontre que , si la Révolution industrielle anglaise a laissé au second plan l’Etat ( qui n’était pourtant pas un Etat-Gendarme au sens libéral ) , les modèles de développement de la fin du XIX°siècle ( Allemagne , Japon ) ont été impulsés par l’Etat qui était le seul à pouvoir assurer un investissement suffisamment massif pour assurer un décollage .
· contrairement à la vision libérale , le marché et l’homo oeconomicus ne sont pas des données naturelles , présentes dans toutes les sociétés ( cf chap croissance et développement + changement et valeurs ) . Dans la majeure partie des PVD , il n’existe pas de classe d’entrepreneurs ayant réalisé une accumulation permettant de financer l’investissement . L’Etat est donc obligé de se substituer aux entrepreneurs pour compenser la défaillance du secteur privé .
· dans les PVD , les infrastructures ( écoles , hôpitaux , routes ) sont inexistants ou insuffisants . Or elles représentent un préalable au développement (cf l’IDH et l’IPH). L’Etat est donc obligé de les financer .
· contrairement à ce qu’énoncent les théoriciens libéraux , il n’est pas du tout certain que le marché soit le plus apte à allouer les ressources rares ( d’autant plus que le pays est plus pauvre ) vers les secteurs répondant le mieux aux besoins du développement .
Conséquences : L’Etat doit alors élaborer une stratégie globale , mobilisant si cela est nécessaire un organe de planification : de nombreux pays du Sud qui avaient choisi de rompre avec le modèle capitaliste , ont été influencés par l’exemple soviétique et ont dès lors conféré à l’Etat et au Plan un rôle central
E ) L’ECHEC DE CES STRATEGIES .
Ces stratégies ont généralement débouché sur de relatifs échecs , car elles avaient :
· sous-estimé les contraintes qui pesaient sur elles :
- les partisans des technologies appropriées considéraient que les pays pouvaient choisir , en toute liberté ,des technologies qui leur semblaient les plus adaptées à leurs besoins . Or , comme l’écrit M.Ikonicoff: « ce choix n’existe pas . En effet , quels que soient les facteurs qui provoquent le démarrage de l’industrialisation , le processus s’oriente en fonction de la demande d’un certain type de biens ( produits dans les pays industrialisés ) et qui correspond aux attentes des minorités locales ( ...) L’élection de la technologie utilisée au même moment dans les pays industrialisés pour la production d’un même type de biens est la seule démarche rationnelle pour l’entrepreneur . » L’erreur commise par les PVD a été de considérer que la technologie était un stock de connaissances définies une fois pour toutes , alors que c’est un flux qui se renouvelle perpétuellement . Ainsi , en choisissant des technologies qui auraient été compétitives à des époques passées , les pays ont accumulé un retard qui a freiné d’autant plus leurs capacités à innover et a accru leur retard par rapport aux PDEM
- de même , les stratégies d’ISI et d’industries industrialisantes ont vu leurs produits confrontés en qualité et prix à ceux des PDEM ; et ils n’ont pu satisfaire les consommateurs . Malgré cela , les entrepreneurs n’ont pas été incités à modifier leur offre , car ils disposent , en raison du protectionnisme , d’une situation de monopole qui ne les incite pas à innover .
- la stratégie d’ISI qui recherchait un développement autocentré a paradoxalement rendu les pays plus dépendants des PDEM . En effet , pour lancer l’industrialisation il faut faire appel aux technologies des pays du Nord , donc s’endetter ( puisque les capacités d’épargne sont limitées ). . Mais la surévaluation des monnaies rend les produits moins compétitifs ,donc réduit les capacités exportatrices des pays , donc les entrées de devises qui leur permettraient de rembourser la dette .
· ces stratégies se sont aussi souvent révélées inadaptées aux besoins de pays :
- en effet , les stratégies d’industries industrialisantes ont supposé qu’un développement des capacités de production résultant d’un effort d’investissement très élevé engendrerait un cercle vertueux ( une croissance économique tirant l’ensemble du tissu productif ) . Or , les capacités d’absorption des PVD sont limitées , et les projets souvent pharaoniques qui ont été lancés sous-utilisés , ce qui engendre des déséconomies d’échelle , une hausse des coûts et donc des prix . Une solution envisageable aurait pu être de réorienter les capacités de production vers l’exportation . Mais ceci n’est guère réaliste , non seulement car ces stratégies voulaient rompre avec l’extraversion , mais aussi parce qu’elles étaient implantées dans des secteurs dits industrialisants ( sidérurgie , métallurgie , ... ) qui se caractérisent par une surproduction au niveau mondial , résultant d’une stagnation de la demande
- les industries industrialisantes se caractérisent par un investissement massif dans les secteurs hautement capitalistiques , qui ne permettent pas d’absorber l’excédent de main-d’oeuvre et génèrent donc du chômage .

· ces stratégies ont surestimé les capacités des Etats des PVD à gérer et à organiser le développement . En effet :
- comme l’indique G.Myrdal : « les pays sous-développés sont tous à des degrés variables des Etats mous ( soft states ) » .Ainsi, on constate que les PVD se caractérisent généralement par un manque d’autorité de l’Etat , une législation déficiente , un non respect des lois qui peuvent s’accompagner de phénomènes de collusion et de corruption qui sont inconnus à ce degré en Occident .
- Par exemple , parlant de la Tunisie , H.BejI écrit : « les moeurs du pouvoir sont celles des pressions engagées par la masse contradictoire d’intérêts particuliers de ceux qui détiennent une responsabilité . Tout le reste de la vie sociale est ignorée . Ainsi un droit légitime ne sera jamais octroyé en tant que tel à cause de son inviolabilité : le droit d’être soigné , d’être défendu , ... Mais il sera presque toujours octroyé comme une faveur ... La privatisation de la vie politique est à la base de la déchéance du droit . Les groupes dominants y sont tellement accoutumés que la notion de vie publique a perdu toute signification pour eux . »
- Dès lors , on ne peut pas considérer que les Etats des PVD soient aptes à lancer des stratégies de développement cohérentes , et l’on comprend mieux l’échec des politiques menées dans la plupart des PVD .

Conclusion : Les résultats très décevants obtenus par ces stratégies expliquent le désintérêt croissant pour les analyses tiers-mondistes et le recours aux idées libérales qui ont d’autant plus le vent en poupe , qu’elles semblent à première vue à l’origine des stratégies de développement des pays d’Asie (cf chapitre mondialisation)

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