Max Weber : la rationnalisation des activités sociales

THEME I : MAX WEBER : LA RATIONALISATION DES ACTIVITES SOCIALES

PARTIE I – L’ANALYSE DE WEBER

INTRODUCTION : PRESENTATION GENERALE .

I ) BIOGRAPHIE .

DOCUMENT 1 :
Max Weber est né en 1864, en Prusse. La précision est importante : en effet, la Prusse n'est alors qu'un des Etats
allemands issus de l'ancien empire de Charles Quint. A un moment où l'idée nationale progresse un peu partout en Europe, l'Etat prussien rêve de fédérer autour de lui les autres Etats allemands. Mais l'Autriche-Hongrie de Metternich a les mêmes ambitions : le choc est inévitable. Il prendra corps en 1866, avec le conflit entre les deux puissances germaniques : c'est Bismarck qui en sort vainqueur et qui, dans la foulée, va réaliser l'unité allemande.
C'est dire que l'enfance de Weber se déroule dans un climat politiquement passionné. D'autant que son père est député, en Prusse, puis au Reichstag, après que la Confédération des Etats germaniques ait pris corps sous la houlette de Bismarck et de Guillaume 1er qui, de roi de Prusse, devient empereur de la Confédération. Weber père est, bien sûr, partisan de cette Confédération, mais il se méfie quelque peu de Bismarck, qu'il juge trop autoritaire.Il faut dire que, fils d'industriel textile, il estime que le nationalisme ne doit pas se transformer en étatisme. Bref, il est ce que nous appellerions aujourd'hui un centriste. On ne vit pas pauvrement chez les Weber, mais on y travaille beaucoup : Weber père ne plaisante pas avec l'éthique. Protestant pratiquant, et plutôt rigide, il pense que les « riches » doivent donner l'exemple et que l'action humaine n'a de sens qu'au service de la collectivité.
C'est dans ce climat un peu rigide, mais travaillé par le ferment nationaliste naissant, que les sept enfants Weber sont élevés. Max est l'aîné : autant dire qu'il doit donner l'exemple. La famille vit alors à Berlin, où se trouve le Reichstag. Chez son père, défilent quelques-uns des grands intellectuels allemands engagés de l'époque. La bibliothèque familiale est riche en ouvrages de qualité : Max Weber, par osmose, se passionne vite pour les sciences sociales. Aussi, après son bac, c'est tout naturellement qu'il se dirige vers des études supérieures de droit, d'économie, d'histoire et de philo. Il se lie d'amitié avec son oncle maternel, professeur d'histoire à Strasbourg (alors ville allemande : nous sommes en 1883). C'est décidé, il deviendra historien. A 25 ans, il soutient sa thèse (sur l'histoire des sociétés commerciales au Moyen-Age).
Max Weber est un brillant intellectuel. Il est donc recruté à l'Université de Berlin en 1892 et y devient professeur de droit commercial. Mais l'histoire le passionne bien davantage. La politique aussi : c'est que l'unité allemande est loin d'être une affaire entendue. D'une construction douanière, il n'est pas aisé de faire émerger une construction politique. D'autant que se pose la question de la succession de Bismarck — le chancelier de fer — et de l'accession au trône du jeune GuillaumeII.Weber est nationaliste, comme son père, mais un nationalisme ouvert et progressiste : il a flirté un temps, lors de ses études à Berlin, avec les « socialistes de la chaire » et les chrétiens sociaux.
C’est d'ailleurs dans le cadre d'un cercle universitaire influencé par les socialistes de la chaire (Verein für Sozialpolitik) qu'il effectue une étude socio-économique sur les territoires allemands à l'est de l'Elbe.
Nous sommes loin du droit commercial : aussi, lorsqu'un poste d'économie politique se libère à l'Université de Fribourg (en Brisgau), il s'y précipite. Sa leçon inaugurale sera tirée de l'étude mentionnée ci-dessus. On y trouve, mêlées, des considérations économiques, historiques, socioiogiques et juridiques. Weber est un touche-à-tout : il estime qu'on ne peut analyser un problème de société qu'en mixant ces différentes approches. Il rompt avec le socialisme de la chaire : l'économie n'est pas le seul déterminant de la vie sociale, estime-t-il. Il rompt aussi avec le nationalisme : le racisme et l'impérialisme y trouvent un terreau trop propice. Cela fait beaucoup de ruptures. Weber déprime. Au point de devoir quitter l'Université, gravement malade : durant six ans, il ne pourra pas faire un seul cours.
De cette longue parenthèse émerge un Weber sociologue. En 1903, il reprend son activité universitaire et devient codirecteur, avec Werner Sombart, de la revue Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik (Archives pour l'économie et la politique sociales). A la suite d'un court séjour aux Etats-Unis en 1905, il achève et publie son Ethique protestante et l'esprit du capitalisme qui lui vaut une très grande notoriété. En 1909, il commence Economie et société qui demeurera son œuvre maîtresse... et inachevée. En 1910, il fonde avec Simmel et Tônnies la société allemande de sociologie, qu'il quitte deux ans plus tard avec fracas. Weber est toujours un écorché vif et il ne supporte pas les pensées trop simples
et les affirmations trop rapides trop tranchées .
SOURCE :.Max Weber et l’origine du capitalisme , fiche n°7 Alter éco
QUESTIONS :
- Peut-on dire que WEBER est le MARX de la bourgeoisie ?


II ) LE CONTEXTE .

DOCUMENT 2 :
Au travers les vastes études comparatives qu’il mène sur l’histoire des religions , le droit , l’organisation économique , les formes de pouvoir ou encore sur la structure des villes , Max Weber poursuit une seule et même interrogation : comprendre la nature du monde moderne . Ce questionnement prend un sens si l’on veut bien se rappeler que l’Allemagne de Guillaume II , celle des années 1890 aux années 1920 , est une nation jeune qui est parvenue en quelques dizaines d’années à accéder aux rangs des premières puissances européennes . Le dynamisme économique est exceptionnel .L’émergence d’une économie capitaliste a été très rapide .Des grands centres industriels , des concentrations ouvrières et urbaines ont vu le jour .Le calcul , la gestion et l’oraganisation rationnelle de la prouction prennent le pas sur les techniques traditionnelles .Plus généralement , l’économie marchande bouleverse l’ensemble des relations sociales .Industrialisation , essor de l’Etat et laïcisation des mentalités : l’Allemagne du tournant du siècle vit en raccourci des mutations que connaissent alors toutes les sociétés de l’ Occident moderne . C’est un ordre social nouveau , en rupture avec toutes les sociétés traditionnelles , que Weber cherche à interpréter .
Sur le plan du pouvoir , la jeune nation allemande est marquée par deux tendances contradictoires .D’une part , elle connaît la tentation universelle des Etats modernes à la centralisation administrative , à la norma&lisation juridique et à l’installation d’une démocratie représentative .D’autre part , elle reste marquée par le pouvoir aristocratique , autoritaire et patriarcal du gouvernement de l’Empire ainsi que par l’existence de forts particularismes des Etats fédérés sous la houlette de la Prusse
Au plan des mentalités , la déchristianisation qui progresse dans toute l’Europe n’épargne pas l’Allemagne même si elle prend des formes particulières du fait de l’importance du protestantisme .Le « Dieu est mort » de Nietzsche est l’expression philosophique d’une crise générale des valeurs religieuses .L’esprit rationnel et positif se substitue aux croyances traditionnelles .Aussi un des grands volets de l’œuvre weberienne porte-t-il sur l’analyse des attitudes religieuses , leurs rapports avec les comportements économiques , leur déclin au profit de « l’esprit rationnel » .
SOURCE : M.Lallement , Histoire des idées sociologiques , tome 1 , NATHAN , 1993 .
QUESTIONS :
- Quelle est la caractéristique commune à tous les sociologues du XIX° siècle ?
- Quelle rupture a engendré l’oeuvre de WEBER ?


SECTION I – LA RATIONALISATION DES ACTIVITES SOCIALES

I – LES DIFFERENTS MODES D’ACTION SOCIALE : VERS LA PREDOMINANCE DE L’ACTION RATIONNELLE

DOCUMENT 3 :
A :
Max Weber, nous l'avons vu, porte intérêt aux activités sociales qui font sens pour l'individu. Économie et société s'ouvre ainsi sur une étude très générale des actions humaines, actions qui peuvent être analysées à partir de quatre idéal-types fondamentaux :
· L'action traditionnelle se rattache à la coutume, à l'habitude.Pour Weber, la plupart des activités quotidiennes familières appartiennent à ce type.
· L'action affective est guidée par les passions ; la gifle donnée impulsivement, par exemple, rentre dans ce type d'activité.
· L'action rationnelle en valeur (wertrational) n'est pas mue par la tradition ou les pulsions mais par des valeurs d'ordre éthique, esthétique ou religieux. L'aristocrate qui se bat pour son honneur, le chevalier qui part en croisade ou le capitaine qui sombre avec son bateau agissent rationnellement en valeur, même s'ils doivent y perdre la vie.
· L'action rationnelle en finalité (zweckrational), enfin, est une action instrumentale tournée vers un but utilitaire et qui implique l'adéquation entre fins et moyens. L'entreprise capitaliste qui gère ses biens en vue du profit maximum, le stratège militaire qui organise son armée et son plan de bataille, le savant qui expérimente et recherche des preuves, etc. fonctionnent suivant cette logique.
Ces différentes orientations ne constituent en aucune manière une classification rigide et cloisonnée des modes de l'activité sociale. Elles ne sont que de purs types construits pour servir les fins de la recherche sociologique. Dans la réalité, l'activité se rapproche plus ou moins de l'un de ces types idéaux ; bien souvent, elle les combinent. Plus encore, Weber constate que la vie sociale est faite d'interactions, qu'elle déborde d'oppositions, de conflits et de compromis.
Au cœur de relations sociales pétries par les luttes, le sociologue allemand perçoit en fait la domination, domination assise sur une constellation d'intérêts (comme le monopole économique) ou domination fondée sur l'autorité (pouvoir de commander). C'est pourquoi, Weber adjoint à chaque type d'activité (traditionnelle, affective, rationnelle) un type de domination particulier.
Weber définit la domination comme la « chance de trouver une personne déterminée prête à obéir à un ordre de contenu déterminé ». Mais tout pouvoir, tout avantage a besoin d'être justifié. La domination s'accompagne nécessairement d'une forme de légitimité dont la fonction est de normaliser ce qui est. Cette légitimité n'est en fait qu'une croyance sociale : celle qui valide le pouvoir détenu par le (s) dominant(s).
SOURCE : M.Lallement , op cité
B : 1P 18 DU BORDAS
SOURCE : J.Etienne , Dictionnaire de la sociologie , Hatier 1995
QUESTIONS :
- Quels sont , selon Weber , les quatre différents types d’action que l’on peut distinguer
- Ces types d’action correspondent-ils au comportement moyen des individus ? A quelle démarche pouvez-vous ici faire référence ?
- Quels sont , selon Weber , les types d’action les plus représentatifs de la société moderne ? Pourquoi ?
- Quels liens peut-on établir entre les concepts d’action , de domination et de légitimité ?

II – LES DIFFERENTS TYPES D’ACTION LEGITIME

DOCUMENT 4 :
Max Weber propose la célèbre distinction entre domination traditionnelle, domination légale-rationnelle et domination charismatique. Ce qui les distingue c'est le mode de légitimation mis en œuvre.
· La domination traditionnelle se fonde sur «des coutumes sanctionnées par leur validité immémoriale et par l'habitude enracinée en l'homme de les respecter», (cf. Le savant et le politique de M. Weber.) Dans une communauté de type Gemeinschaft, caractérisée par des relations fortement personnalisées et soudée par des croyances communes, se trouve valorisée la stabilité plutôt que l'innovation, le respect des hiérarchies établies ainsi que la conformité de chacun au rôle qui lui est assigné dans la société. Tout système de gouvernement qui peut se prévaloir d'une tradition fortement ancrée dans des croyances communes y puise une légitimité considérablement accrue.Il devient en quelque sorte une autorité «naturelle», c'est-à-dire dont l'origine et les fondements ne sont plus remis en cause. Ainsi en allait-il des monarchies d'Ancien Régime. Mais cette forme de légitimité traditionnelle subsiste et se manifeste chaque fois que l'on observe des comportements d'allégeance fondés sur la déférence ou le souci de se conformer sans examen à un rôle assigné.
· La domination légale-rationnelle est liée à la prééminence de l'État moderne. Associée à l'idée de GeselIschaft, ou de société c'est-à-dire à la conception d'une communauté fondée sur l'adhésion contractuelle et l'égalité juridique de ses membres (sociation plutôt que communalisation), elle se caractérise par un fort degré d'institutionnalisation du pouvoir politique. L'élément de gouvernement bureaucratique lui paraît le trait décisif, impliquant le triomphe de la règle générale et impersonnelle sur la faveur ou le privilège, le recrutement des agents sur une base de compétence plutôt que de clientélisme, l'absence d'appropriation personnelle des positions de pouvoir occupées. Ainsi les gouvernés comme les dirigeants, confrontés à des règles claires, se trouvent-ils portés à adopter un comportement de type zweckrational; c'est-à-dire qu'ils chercheront à atteindre leurs objectifs par un calcul rationnel adapté aux règles du jeu effectivement en vigueur.
· La domination charismatique se situe à un niveau de plus forte implication affective. La force de l'emprise des dominants sur les assujettis repose en effet, nous dit Weber, sur une «communauté émotionnelle». Le leader, démocratique ou traditionnel, peut compter, pour s'imposer, sur cette «remise de soi» qui pousse les assujettis à «un abandon [...] né de l'enthousiasme ou de la nécessité et de l'espoir». La domination charismatique, qui se fonde sur d'intenses projections des dominés et mobilise les ressources de la séduction, perturbe les mécanismes routiniers de la domination traditionnelle ou légale-rationnelle. Elle peut transformer par exemple le leader politique ou religieux en prophète / conducteur de peuple, faire basculer la démocratie en régime plébiscitaire aboutissant à la suspension de l'application normale des règles juridiques établies. Alors que la domination traditionnelle tend, historiquement en Occident, à céder le pas à la domination légale-rationnelle, la domination charismatique revêt davantage le caractère d'une situation exceptionnelle, fragile à long terme.
SOURCE : G.Hermet et alii , Dictionnaire de sciences politiques , Cursus , Armand Colin , 1994
QUESTIONS :
- La domination , selon Max Weber , s’impose-t-elle par la force ou la contrainte ?
- A partir du texte , complétez le tableau suivant :


Domination traditionnelle
Domination légale - rationnelle
Domination charismatique
Type de communauté



Fondements de la légitimité



Type de comportement dominant



Régime politique représentatif



Type de dominés



- Quel est , selon Weber , la forme de domination qui , en Occident , devient dominante ?

III – LA BUREAUCRATIE , INSTRUMENT DE LA RATIONALITE

A- LA BUREAUCRATIE , UN PHENOMENE IRREVERSIBLE ?

DOCUMENT 5 :
D’un point de vue a une typologie pure des formes de domination, la bureaucratie répond à sa manière à deux préoccupations permanentes de l'activité sociale : le souci de continuité et celui d'efficacité. Cependant, dans le monde contemporain, elle connaît une expansion sans précédent ; ces tendances nouvelles appellent donc une explication spécifique, que Weber trouve dans la conjonction de trois séries de phénomènes : la rationalisation de l'économie, incamée notamment par le capitalisme moderne, la multiplication des buts assignés à l'action rationnelle et, enfin, le développement de la démocratie (au sens tocquevillien de l' « égalité des conditions »).
Si le développement du capitalisme s'accompagne toujours d'une certaine expansion de la bureaucratie, c'est d'abord parce que, même et surtout dans ses phases les plus libérales, il ne peut se passer d'une certaine « rationalisation » de la domination, sous la double forme de la systématisation du droit et de l'affaiblissement des solidarités traditionnelles ; le capitalisme appelle ainsi une transformation du droit et de l'État qui est éminemment favorable à la bureaucratie étatique. [...]
Même dans l'hypothèse de l'État minimal, une certaine expansion de la bureaucratie fait donc partie de ce que Marx appelait les « préconditions historiques de l'essor du Capital », qui n'aurait jamais eu lieu, sans l'imposition de l'ordre de marché, au détriment des solidarités traditionnelles. Ce n'est pas là, néanmoins, ce qui explique la bureaucratisation de l'économie et de la production elles-mêmes (fussent-elles « privées) ; celle-ci traduit le fait que le capitalisme moderne incarne le même principe qui est à l'origine de l'expansion universelle de la bureaucratie dans la société : la recherche de l'efficacité par l'organisation des activités humaines selon des règles calculables. A l'opposé d'une certaine vulgate « libérale », Weber insiste donc sur les similitudes entre les administrations publiques et la hiérarchie des entreprises privées ; mais, surtout, il montre que, loin de se limiter à fixer un cadre formel aux activités économiques, le développement du capitalisme moderne se traduit par une transformation complète de l'organisation du travail et du type d'autorité dominant dans la production, et par un renforcement de la contrainte sur les travailleurs.
SOURCE : P.Raynaud , Max Weber et les dilemmes de la raison moderne , PUF , 1987
QUESTIONS :
- Quels sont , selon l’auteur , les deux déterminants majeurs qui permettent de justifier l’existence de la bureaucratie ?
- Comment l’auteur explique-t-il que la bureaucratie se développe dans les sociétés occidentales contemporaines ?
- Weber considère-t-il , avec les libéraux , que le développement du capitalisme et celui de la bureaucratie soient antagonistes ?

DOCUMENT 6 :
L’ administration purement bureaucratique [...] par sa précision, sa permanence, sa discipline, son rigorisme et la confiance qu'elle inspire, par conséquent par son cararactère de prévisibilité pour le détenteur du pouvoir comme pour les intéressés, par l'intensité et l'étendue de sa prestation, par la possibilité formellement universelle qu'elle, a de s'appliquer à toutes les tâches, perfectible qu'elle est du point de vue technique afin d'atteindre le maximum de rendement, est, de toute expérience, la forme de pratique de la domination la plus rationnelle du point de vue formel. Dans tous les domaines (Etat, Eglise, armée, parti, entreprise économique, groupement d'intérêts, association, fondation, etc.), le développement des formes « modernes » de groupement s'identifie tout simplement au développement et à la progression constante de l'administration bureaucratique : la naissance de celle-ci est, pour ainsi dire, la spore de l'Etat occidental moderne. [...] Notre vie quotidienne toute entière est tendue dans ces cadres. Car si l'administration bureaucratique est sans restriction — ceteris paribus * — la plus rationnelle du point de vue formel et du point de vue technique, elle est aujourd'hui tout bonnement inévitable de par les besoins de l'administration de masse (des personnes ou des biens). On n'a que le choix entre la « bureaucratisation » et la « dilettantisation » de l'administration, et le grand instrument de supériorité de l'administration bureaucratique est le savoir spécialisé dont le besoin absolu est déterminé par la technique moderne et l'économie de la production des biens, que celle-ci soit organisée par le capitalisme ou — ce qui, si une prestation technique égale devait être obtenue, signifierait un accroissement formidable de la bureaucratie spécialisée — par le socialisme. [...]
Le besoin d'une administration permanente, rigide, intensive et prévisible telle que le capitalisme — non seulement lui, mais indéniablement lui par-dessus tout - l'a historiquement créée (il ne peut exister sans elle) [...) conditionne ce destin inéluctable de la bureaucratie en tant que noyau de toute administration de masse. [...] De même que, à son stade de développement actuel, le capitalisme requiert la bureaucratie —bien que l'un et l'autre soient issus de racines historiques différentes — de même le capitalisme représente le fondement économique le plus rationnel grâce auquel la bureaucratie peut exister sous sa forme la plus rationnelle parce qu'il lui permet, par la fiscalité, de disposer des moyens financiers nécessaires.
* Toutes choses égales par ailleurs.
SOURCE : M.Weber , Economie et société , 1922 , Presses pocket , 1995
QUESTIONS :
- Quelles sont les raisons qui selon M. Weber justifient la supériorité de l’administration bureaucratique ?
- Quels en sont les conséquences selon Weber ?
- Weber s’oppose-t-il à Marx sur le rôle de la bureaucratie dans une société socialiste ?
- Weber considère-t-il que la bureaucratie publique soit généralisable aux différentes organisations dont les entreprises publiques ?

B- LE FONCTIONNEMENT DE L’ADMINISTRATION BUREAUCRATIQUE

DOCUMENT 7 :
Le type le plus pur de domination légale est la domination par le moyen de la direction administrative bureaucratique. Seul le chef du groupement occupe la position de détenteur du pouvoir soit en vertu d'une appropriation, soit en vertu d'une élection ou d'un successeur désigné. Mais ses attributions de détenteur du pouvoir elles-mêmes constituent des «compétences» légales. La totalité de la direction administrative se compose, dans le type le plus pur, de fonctionnaires individuels [...], lesquels,
1) personnellement libres, n'obéissent qu'aux devoirs objectifs de leur fonction,
2) dans une hiérarchie de la fonction solidement établie,
3) avec des compétences de la fonction solidement établies,
4) en vertu d'un contrat, donc sur le fondement d'une sélection ouverte selon
5) la qualification professionnelle; dans le cas le plus rationnel, ils sont nommés (non élus) selon une qualification professionnelle révélée par l'examen, attestée par le diplôme;
6) sont payés par des appointements fixes en espèces, la plupart donnant droit à retraite, le cas échéant (en particulier dans les entreprises privées) résiliables de la part des patrons, mais toujours résiliables de la part des fonctionnaires; ces appointements sont avant tout gradués suivant le rang hiérarchique en même temps que suivant les responsabilités assumées, au demeurant suivant le principe de la «conformité au rang»;
7) traitent leur fonction comme unique ou principale profession;
8) voient s'ouvrir à eux une carrière, un «avancement» selon l'ancienneté, ou selon les prestations de service, ou encore selon les deux, avancement dépendant du jugement de leurs supérieurs ;
9) travaillent totalement «séparés des moyens d'administration» et sans appropriation de leurs emplois;
10) sont soumis à une discipline stricte et homogène de leur fonction et à un contrôle.
SOURCE : Max WEBER, Économie et Société, Pocket, 1995 (1922).
QUESTIONS :
- Définissez le statut des fonctionnaires
- Quelles sont les qualités et les devoirs qui sont attendus des fonctionnaires ?
- Quels sont les instruments et les procédures qui limitent leurs pouvoirs ?

IV – LE DESENCHANTEMENT DU MONDE

DOCUMENT 8 :
A : 5p505
B :
On retrouve chez Weber une note tragique et un paradoxe. Au départ force de progrès, instrument indispensable à l'affranchissement de l'homme des fers de la tradition, la rationalisation finit par être à la racine d'une tyrannie plus forte, plus pénétrante et plus durable que toutes celles que l'homme a jamais connues. Elle n'est pas simplement un processus politique, ses effets ne se limitent pas à l'émergence d'une bureaucratie politique. De même qu'elle affecte la structure de l'économie et de l'État moderne, elle affecte la culture toute entière , et pénètre jusqu’à l’esprit humain .Tant qu'elle pouvait se nourrir de la structure de la société et de la culture traditionnelle qui s'était constituée au Moyen Age, la rationalisation représentait un processus fécond et libérateur. Mais à présent que cette structure s'est progressivement désintégrée, que l'homme est de plus en plus désenchanté par rapport aux valeurs qu'elle recouvrait, la rationalisation menace de devenir une force non plus féconde et libératrice mais une source de mécanisation et d'embrigadement qui finira par détruire la raison. « Le destin de notre époque caractérisée par la rationalisation , par l’intellectualisation et surtout par le désenchantement du monde, a conduit les humains à bannir les valeurs suprêmes les plus sublimes de la vie publique. Elles ont trouvé refuge soit dans le royaume transcendant de la vie mystique soit dans la fraternité des relations directes et réciproques entre individus isolés » (M. Weber).
Weber observe un changement dans la personnalité humaine elle- même, changement qui résulte du fait que l'homme moderne est de plus en plus dominé , protégé dans les moindres détails de son existence . mais , cela ne le conduit pas à se dresser aveuglèment conre les forces de la modernisation et du progrès. Il perçoit tout ce que l'égalitarisme et la rationalisation ont accompli de grandiose au cours de l'histoire de l'Europe moderne en affranchissant l'homme des cadres qui, du fait de leur caractère étroit et personnel, étaient trop souvent tyranniques, de valeurs dont la sacralité
même avait étouffé toute vie et toute créativité.
Malgré tout le désespoir que lui inspirent les conséquences de la rationalisation, Weber prône-t-il un retour au passé ? Non, [.,.] il reconnaît que, par sa dimension même, l'évolution historique est irréversible et que s'il est du devoir de l'intellectuel deregarder l'histoire en face, d'un œil lucide et impitoyable, de lui appliquer le qualificatif qui lui convient, il est également de son devoir de ne pas se laisser aller à trouver refuge et apaisement dans les faux dieux de l'archaïsme. [...]
Ce n'est, pas la désorganisation ni la catastrophe que craint Weber, mais plutôt la surorganisation, la stérilisation future de tous les cadres informels et de tous les us et coutumes qui permettent à la personnalité de résister au nivellement
intellectuel et à l'uniformité culturelle, La rationalisation, qui a assuréle triomphe de la démocratie et du capitalisme sur les systèmes sociaux antérieurs, conduira, si on Jie renouvelle pas son inspiration, à une société dans laquelle la démocratie et le capitalisme eux-mêmes périront ou ne survivront qu'à l'étal de caricatures et où l'homme, perdant la dimension faustienne que lui donne la société moderne, ne sera plus qu'une créature apathique et hantée par la peur des vieux démons.
SOURCE : R Nisbet, la tradition sociologique, PUF, 1984.
QUESTIONS :
- Quelle erreur est fréquemment commise quant à la compréhension de la rationalisation intellectualiste ?
- Comment Weber définit-il l’intellectualisation et la rationalisation ?
- Quels sont les effets positifs mais aussi pervers générés par le processus de rationalisation ?


PARTIE II – ACTUALITE DE L’ANALYSE DE WEBER

I – LES LIMITES DE LA RATIONALITE

A – CRITIQUE DU MODELE DE L’HOMO OECONOMICUS : LE MODELE DE L’HOMO OECONOMICUS COMME IDIOT RATIONNEL

DOCUMENT 9 :
La théorie économique de l'utilité, en rapport avec la théorie du comportement rationnel, est parfois critiquée pour
son excès de structure ; les êtres humains seraient en réalité «plus simples». Si notre argumentation est correcte, c'est
précisément le contraire qui semble vrai :la structure de la théorie traditionnelle est insuffisante. On attribue à la personne un seul classement des préférences et, au gré des besoins, ce classement est supposé refléter les intérêts de la personne, représenter son bien-être, résumer son opinion sur ce qu'il convient de faire, et décrire ses choix et son comportement effectifs. Un seul classement des préférences peut-il remplir tous ces rôles? Une personne ainsi décrite peut être «rationnelle» au sens limité où elle ne fait preuve d'aucune incohérence dans son comportement de choix, mais si elle n'utilise pas ces distinctions entre des concepts très différents, elle doit être un peu niaise. L'homme purement économique est à vrai dire un demeuré social. La théorie économique s'est beaucoup occupée de cet idiot rationnel, drapé dans la gloire de son classement de préférences unique et multifonctionnel. Pour prendre en compte les différents concepts relatifs à son comportement, nous avons besoin d'une structure plus complexe.
SOURCE : Amartya SEN, Éthique et économie, PUF, 1993 (1987).
QUESTIONS :
- Rappelez la définition de l’homo oeconomicus
- En quoi le modèle de l’homo oeconomicus ne paraît pas refléter la réalité
- Expliquez la phrase soulignée

B- RATIONALITE LIMITEE ET PRINCIPE DE SATISFACTION : LA THEORIE DE MARCH ET SIMON

DOCUMENT 10 : 13 p 508
QUESTIONS :
- Sur quels postulats repose la théorie néo-classique ?
- Quelles critiques H.Simon adresse-t-il au modèle néo-classique ?
- Quel modèle de comportement propose-t-il de lui substituer ?

C- LA RATIONALITE FACE A L’INCERTITUDE RADICALE DE L’AVENIR SELON KEYNES

DOCUMENT 11 :
Notre connaissance de l'avenir est fluctuante, vague et incertaine. [...] Par l'expression de connaissance « incertaine », mon intention n'est pas simplement de distinguer ce qui est su avec certitude de ce qui est seulement probable. Le jeu de la roulette n'est pas sujet à l'incertitude, en ce sens, ni la perspective de tirer un bon numéro au loto. Ou encore, l'espérance de vie n'est soumise qu'à une légère incertitude. Même le temps qu'il fait n'est que modérément incertain.
Le sens dans lequel j'utilise ce terme est celui selon lequel la perspective d'une guerre européenne était incertaine, ou encore le prix du cuivre et le taux d'intérêt dans vingt ans, ou la date d'obsolescence d'une invention nouvelle, ou la position des détenteurs de fortunes privées dans le système social de 1970. En ces matières, il n'y a pas de fondement scientifique sur lequel on puisse formuler, de façon autorisée, quelque raisonnement probabikste que ce soit. Nous ne savons pas, tout simplement. [...]
Comment, dans de telles circonstances, arrivons-nous à nous comporter d'une façon qui nous permet de sauver la face et d'apparaître comme des hommes économiques rationnels? Nous avons inventé, à cet effet, une palette de techniques variées, dont les plus importantes sont les trois suivantes.
1. Nous admettons que le présent est un guide de l'avenir bien plus utilisable que ne le montrerait jusqu'ici un examen candide de l'expérience passée. Autrement dit, nous ignorons largement quelles sont les perspectives de changements futurs, et nous ne savons rien de la forme réelle que prendront ces changements.
2. Nous admettons que l'état actuel de l'opinion, en tant qu'il est exprimé par les prix et par la production courante, est fondé sur une sommation correcte de prévisions quant à l'avenir, de sorte que nous pouvons l'accepter comme tel à moins que et jusqu'à ce que n'apparaisse quelque chose de nouveau et d'important.
3. Sachant que notre opinion propre et individuelle est dénuée de valeur, nous nous efforçons de retomber sur l'opinion du reste du monde, qui est peut-être mieux informé. C'est-à-dire que nous nous efforçons de nous conformer au comportement de la majorité ou au comportement moyen. La psychologie d'une société d'individus où chacun s'efforce de copier les autres suscite ce que nous sommes en droit de nommer très exactement un jugement conventionnel.
Or, une théorie pratique de l'avenir fondée sur ces trois principes présente certaines caractéristiques bien marquées. En particulier, puisqu'elle repose sur des fondements si peu solides, elle est sujette à des changements soudains et violents. La pratique établie, faite de tranquillité et d'immobilité, de certitude et de sécurité, peut s'effondrer tout à coup. Des craintes et des espoirs nouveaux se mettent alors à guider la conduite des hommes. Les forces de la désillusion peuvent brusquement imposer un nouveau barème d'appréciation par convention. Toutes ces jolies techniques très raffinées, faites pour une salle de conseil d'administration richement lambrissée et pour un marché réglé à merveille, risquent de s'écrouler. En tous temps, les peurs paniques les plus vagues ainsi que les espoirs sans fondement et tout aussi vagues ne sont jamais vraiment endormis et reposent juste en dessous de la surface.
SOURCE : J.M Keynes, « La théorie générale de l'emploi ', Quaterly Journal of Economies, traduit par Nicolas Jabko dans la Revue française d'économie
QUESTIONS :
- En quoi la conception de l’avenir de Keynes se distingue-t-elle de celle des néo-classiques ?
- Quelles répercussions l’incertitude va-t-elle avoir sur le comportement des individus ? Keynes accepte-t-il le modèle de l’homo oeconomicus ?
- Expliquez la dernière phrase du texte .Keynes considère-t-il que le plein emploi est la situation caractéristique de l’économie ?

DOCUMENT 12 :
II est peu de milieux de travail où le calcul soit aussi généralisé que dans les salles de marché : calcul des équivalences, des arbitrages, des taux de change, des actualisations, des profits instantanés, mais aussi des efforts, des investissements, des coups et des opportunités politiques' au sein de la salle. Les salles de marché sont donc un lieu privilégié pour étudier sociologiquement (et non logiquement) la rationalité ou, plus exactement, le raisonnement avec ses trouvailles et ses imperfections, ses raccourcis, ses associations et ses computations. Car celui-ci n'est pas spontané, il est le fruit de contraintes qui incitent au calcul. [...]
La caractéristique des marchés financiers, du point de vue de la rationalité, ne consiste pas uniquement en un niveau élevé de calcul, mais aussi en une pluralité de stratégies gagnantes déployées par les acteurs. Incités à maximiser le profit de la banque, les opérateurs ne trouvent pas de « one best way », et ils sont obligés de choisir une des stratégies gagnantes (ou de les cumuler, ce qui est une forme de choix). [...] On peut donc considérer l'ensemble des stratégies gagnantes comme un véritable bazar de la rationalité, et les opérateurs s'y orientent non seulement en fonction de leur position et des contraintes associées mais aussi en fonction de leurs dispositions acquises au cours de leur socialisation primaire dans la famille, secondaire au sein de l'institution scolaire, ou encore professionnelle. [...]Il est possible de classer [...] les stratégies gagnantes sur les marchés financiers [...] [en] distingu [ant] entre les techniques d'arbitrage et les techniques de spéculation. [...]
Il existe toutes sortes d'arbitrages, dont certains sont assez simples mathématiquement (comme l'arbitrage [...] des devises), mais, toutefois, l'arbitrage le plus rentable ces dernières années est l'arbitrage de produits dérivés (options [...]) en fonction de leurs sous-jacents (actions, obligations, titres monétaires), technique qui repose sur des savoirs mathématiques fort complexes.La spéculation, qui consiste à acheter (ou vendre) un titre à une date donnée pour le revendre (ou le racheter) pour empocher la différence de cotation à deux moments du temps, nécessite, plus qu'une bonne modélisation [mathématique], une bonne prévision de l'avenir des cours. On peut distinguer plusieurs manières de prévoir l'avenir : certains agissent au « feeling » et à l'intuition.D'autres utilisent des techniques graphiques, et essayent à partir des maxima et des minima du passé de prévoir les maxima et les minima du futur, c'est ce qu'on appelle le chartisme. D'autres encore utilisent l'analyse économique fondamentale : ils considèrent que les cours sont déterminés par de grandes variables macroéconomiques (taux d'intérêt, cours des changes, taux de chômage, etc.) ou microéconomiques (profit de l'entreprise, endettement, évolutions sectorielles, etc.) et la prévision des valeurs macroéconomiques et microéconomiques et leurs conséquences sur les cours leur permet de prévoir le futur et d'acheter ou de vendre en fonction de cette prévision.
[...] Les économistes ont souvent signalé que [...] le raisonnement économique en vigueur sur le marché était plutôt spontanément néo-classique. Certains économistes ont même étudié le caractère autoréalisateur des prédictions de l'économie néo-classique par l'entremise des marchés financiers, du fait de l'adhésion des opérateurs à ses verdicts. [...]
La plupart des économistes [...] considèrent que l'analyse technique [ou chartiste] fait partie des phénomènes autoréalisateurs, dont le modèle le plus simple est la « bulle rationnelle », où la bulle se produit parce que tout le monde la prévoit. Sans doute une grande partie du succès de l'analyse technique vient-elle de là. Et si jamais l'astrologie, actuellement introduite sur les marchés financiers comme technique de prévision, arrive à connaître le même succès prédictif, il faudra alors y voir une confirmation de la possibilité durable de phénomènes autoréalisateurs lesquels sont uniquement fondés sur la commune adoption de techniques non fondées.
SOURCE : Olivier Godechot, Les Traders : essai de sociologie des marchés financiers, La Découverte, 2001.
QUESTIONS :
- Pourquoi l’auteur s’intéresse-t-il au cas particulier des salles de marché ?
- Que veut dire l’auteur par l’expression « bazar de la rationalité » ?
- Définissez le processus autoréalisateur et donnez –en un exemple personnel .
- Ce texte vous paraît-il entrer en contradiction avec la logique keynésienne ?

II- LES LIMITES DE L’ANALYSE DU DESENCHANTEMENT

DOCUMENT 13 :
Daniel Boy, directeur de recherches au Centre d'études de la vie politique française, souligne la relative stabilité des croyances aux parasciences depuis 1982, date à laquelle la Sofres a commencé à prendre ce paramètre en considération. Les cinq enquêtes réalisées depuis lors - dont la dernière, conduite auprès de 1 000 personnes de plus de dix-huit ans, date de novembre 2000 -, montrent qu'environ un tiers de la population croit à l'explication des caractères par les signes astrologiques, tandis qu'un quart donne crédit aux prédictions fournies par les horoscopes. Les Français croient plus volontiers aux guérisons par imposition des mains (50 % environ) et à la transmission de pensée (entre 40 et 55 °/o).
Un des paradoxes mis en évidence par ces sondages est que l'intérêt pour la science est corrélé positivement au degré de croyance aux parasciences. « Contrairement à ce que laisserait présager une vision positiviste des choses, l'amour de la science ne détourne pas des "fausses sciences", écrit Daniel Boy De même, la frange de la population ayant un degré de connaissances scientifiques « très faible » est en moyenne moins «crédule » que celle ayant un niveau de connaissance « très bon ». Les sondages révèlent aussi que les parasciences ne se sont pas développées « en réaction
ou contre l'institution scientifique ».
SOURCE : « La croyance des Français dans les parasciences est stable », LeMonde, 5 mai 2001.
QUESTIONS :
- A quelle évolution aurait on dû s’attendre d’après la thèse du désenchantement ?
- Quelles informations apporte le sondage ?
- Quel paradoxe est mis en évidence dans le texte ? En quoi relativise-t-il l’analyse de Weber ?

III – LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA BUREAUCRATIE

A- L’ANALYSE DE MERTON

DOCUMENT 14 :
Cornme Weber l'a montré, la bureaucratie implique une division bien tranchée des activités, chacune d'entre elles représentant la fonction particulière d'un bureau, sous la surveillance d'un système unique de contrôles et de sanc-
tions. La répartition des fonctions se fait sur la base des compétences techniques au moyen d'une procédure impersonnelle (c'est-à-dire des examens). Toutes les activités des « experts salariés et qualifiés » se déroulent au sein de la structure hiérarchisée, ce qui rend inutiles des instructions spécifiques à chaque cas. La généralité des règles entraîne un constant recours à la «catégorisation» où les problèmes et les cas particuliers sont classés et traités conformément à des critères préétablis. La nomination du bureaucrate dépend soit d'un supérieur soit d'un concours, non d'une élection.
[...] La structure bureaucratique, exerçant une pression constante sur le fonctionnaire, l'oblige à être «méthodique, prudent et discipliné». Dans une véritable bureaucratie, on est donc en présence d'une grande régularité de comportement et d'un haut degré de conformité aux types d'action prescrits. Il s'ensuit qu'on donne une importance fondamentale à la discipline, aussi développée dans une bureaucratie religieuse ou économique que dans l'armée. La discipline, pour être effective, doit être étayée par un fort attachement sentimental aux modèles idéaux, ce qui rend l'individu assidu à son travail, conscient des limites de son autorité, compétent et méthodique dans ses activités routinières. [... ]
On pourrait dire que dans la pression exercée sur le bureaucrate pour qu'il se conforme à ses obligations, il y a une
marge de sécurité semblable à celle que l'ingénieur prévoit dans la construction d'un pont, en calculant la charge maximum. Mais cet excédent entraîne un transfert des sentiments des buts de l'organisation vers les formes de comportement requis par les règles. L'adhésion aux règles, conçue à l'origine comme un moyen, devient une fin en soi , « 'instrumentales les valeurs deviennent finales ».
Cette surestimation peut transformer le bureaucrate en un être rigide et incapable d'adaptation rapide. Il en découle un
formalisme et même un ritualisme pointilleux.
SOURCE : Robert Merton, Éléments de théorie et de méthode sociologique, Armand Colin, 1997 (1940).
QUESTIONS :
- Comment la bureaucratie s’attache-t-elle ses membres et les rend-elle efficace ?
- Quels effets pervers cela risque-t-il d’engendrer ? Appuyez-vous , en particulier , sur la phrase soulignée .

B- L’ANALYSE DE CROZIER

DOCUMENT 15 :
Malgré l'autorité infaillible de Max Weber, que le respect trop instinctif des résultats de la tradition bureaucratique
prussienne avait conduit à imposer l'idée de la supériorité absolue du modèle hiérarchique réglementaire et bureaucratique en matière d'efficacité, l'analyse des faits démontre que plus ce modèle prévaut, moins l'organisation est efficace.
En fait la bureaucratie, au sens où le grand public l'entend (c'est-à-dire le climat de routine, de rigidité, de contrainte et d'irresponsabilité qui caractérise les organisations dont on se plaint), n'est pas du tout la préfiguration de l'avenir et n'a pas tendance à augmenter particulièrement avec la concentration des entreprises, mais constitue le legs paralysant d'un passé où prévalait une conception étroite et bornée des moyens de coopération entre les hommes.
Aucune organisation en effet n'a jamais pu et ne pourra jamais fonctionner comme une machine. Son rendement dépend de la capacité de l'ensemble humain qu'elle constitue à coordonner ses activités de façon rationnelle. Cette capacité dépend à son tour des développements techniques mais aussi et parfois surtout de la façon dont les hommes sont capables de jouer entre eux le jeu de la coopération.
Un tel jeu n'est pas un jeu harmonieux. Il peut être considéré tout autant comme un jeu de conflit que comme un jeu de coopération. L'analyse empirique démontre qu'il est dominé par des problèmes de pouvoir; non pas le pouvoir au sens politique et plus ou moins mythique du terme, cette entité qui réside au sommet et que l'on pourrait un jour capturer, mais les relations de pouvoir, ces relations que tout le monde entretient avec tout le monde pour savoir qui perd, qui gagne, qui entraîne, qui influence, qui dépend de qui, qui manipule qui et jusqu'où.
La leçon de mes enquêtes sociologiques, on le verra, c'est que dans ses relations avec autrui - même au bas de l'échelle – le pouvoir de chaque individu dépend de l'imprévisibilité de son comportement et du contrôle qu'il exerce sur une source d'incertitude importante pour la réalisation des objectifs communs. D'où la tendance irrésistible à se rendre indispensable, à garder secrets des arrangements particuliers, à maintenir incertain, inaccessible à autrui, irrationnel même ce qui devient le fondement de son pouvoir. D'où cette lutte complexe, incompréhensible autrement, des individus, des groupes et des clans pour valoriser le type d'expertise qui est le leur aux dépens de l'organisation tout entière.
SOURCE :Michel CROZIER, Le Phénomène bureaucratique, Le Seuil, 1971 (1963).
QUESTIONS :
- Quelle analyse de la bureaucratie fait Weber ? En quoi dépend-elle du contexte dans lequel il vit ?
- Pourquoi M.Crozier considère-t-il que Weber fait preuve d’un optimisme excessif ?
- Quelle analyse Crozier propose-t-il des relations de pouvoir au sein de la bureaucratie ?

DOCUMENT 33 : 12 p 508 ( hachette , à partir du second paragraphe )
QUESTIONS :
- Présentez les cercles vicieux bureaucratiques définis dans le texte .

C – LA CRITIQUE DE P.BOURDIEU

DOCUMENT16 :
Je reviens, pour finir, sur la bureaucratie, un de ces univers qui, avec le droit, se donne pour lui la soumission à l'universel, à l'intérêt général, au service public et qui se reconnaît dans la philosophie de la bureaucratie comme classe universelle, neutre, au-dessus des conflits, au service de l'intérêt public, de la rationalité (ou de la rationalisation).
Les groupes sociaux qui ont construit la bureaucratie prussienne inventer l'universel (le droit, l'idée de service public, etc.) et, si l'on peut dire, la domination au nom de l'universel pour accéder à la domination. Une des difficultés de la lutte politique aujourd'hui, c'est que les dominants, technocrates ou épistémocrates de droite ou de gauche, ont partie liée avec la raison et l'universel : on se dirige vers des univers dans lesquels il faudra de plus en plus de justifications techniques, rationnelles, pour dominer et dans lesquels les dominés , eux aussi , pourront et devront de plus en plus se servir de la raison pour se défendre contre la domination, puisque les dominants devront de plus en plus invoquer la raison, et la science, pour exercer leur domination. Ce qui fait que les progrès de la raison iront sans doute de pair avec le développement de formes hautement rationalisées de domination (comme on voit, dès aujourd'hui,avec l'usage qui est fait d'une technique comme le sondage ) , et que la sociologie , seule en mesure de porter au jour ces mécanismes , devra plus que jamais choisir entre le parti de mettre ses instruments rationnels de connaissance au sqervice d’une domination toujours plus rationnelle ou d’analyser rationnellement la domination et tout spécialement la contribution que la connaissance peut apporter à la domination .
SOURCE : P.Bourdieu , Raisons pratiques sur la théorie de l’action , Le Seuil , 1994
QUESTIONS :
- Quels sont les postulats par lesquels se caractérise la bureaucratie selon Bourdieu ?
- Comment les dominants exercent-ils leur domination ?
- Quels sont alors les choix auxquels la sociologie devra répondre dans l’analyse de la domination ?



COMPLEMENTS DE COURS



COMPLEMENT I - LA METHODE .

A – UNE SOCIOLOGIE DE L’ACTION SOCIALE

DOCUMENT 1 :
Evénements, données singulières, régularités statistiques, plus généralement toutes les catégories de phénomènes sociaux que les sociologues se proposent d'expliquer résultent de la composition d'actions individuelles, ainsi que
l'indique clairement le texte de Weber cité [en encadré] (...).
Dans une lettre à Robert Liefmann datée du 9 mars 1920, années de sa mort. Max Weber écrit : « Si je suis finalement
devenu sociologue (comme l'indique mon arrêté de nomination) c'est essentiellement afin de mettre un point final à ces exercices à base de concepts collectifs dont le spectre rôde toujours. En d'autres termes : la sociologie, elle aussi, ne peut procéder que des actions d'un, de quelques, ou de nombreux individus séparés. C'est pourquoi elle se doit d'adopter des méthodes strictement individualistes. »
[Mais] si les actions élémentaires des individus sont seules capables de rendre compte des phénomènes macrosociologiques, il n'en résulte pas qu'elles soient le produit du « libre arbitre » ou d'une liberté conçue comme absolue. L'action d'un individu se développe toujours à l'intérieur d'un système de contraintes plus ou moins clairement définies, plus ou moins transparentes pour le sujet, plus ou moins rigoureuses.
Considérons par exemple la manière dont Weber explique la prolifération des sectes protestantes aux États-Unis à la fin du xix' siècle : le pays est, à ce moment, peuplé d'individus dont les origines ethniques sont très diverses. La mobilité géographique y est grande. Le commerce, les échanges et transactions de toutes sortes y sont très développés. Mais les transactions , surtout lorsqu'elles sont étalées dans le temps (par exemple les transactions reposant sur le crédit), supposent la confiance. Or la confiance ne peut s'établir qu'entre personnes qui se connaissent, entre personnes qui, sans se connaître, se reconnaissent comme appartenant « au même monde », ou entre personnes capables d'exhiber des signes d'honorabilité susceptibles d'être reconnus pour tels. Les voyageurs de commerce et autres offreurs de biens et services ne pouvant compter (en raison de l'hétérogénéité ethnique et de la mobilité de la population) sur les deux premières « solutions » se trouvèrent par là même incités à recourir à la troisième : en affichant leur appartenance à une secte protestante ils détenaient un moyen sûr d'acquérir à peu de frais un brevet d'honorabilité indispensable à l'exercice de leur activité (...). '
SOURCE :R.Boudon et F.Bourricaud , Dictionnaire critique de sociologie , PUF ,1982
QUESTIONS :
- Comment les sociologues , et en particulier Durkheim , expliquent-ils les faits sociaux ?
- Comment Weber s’oppose-t-il à cette démarche ?
- Quel est , selon lui , l’objet de la sociologie ?
- Montrez , à partir de l’exemple du développement des sectes protestantes aux Etats – Unis , quelle est la méthode suivie par Weber

B- UNE SOCIOLOGIE COMPREHENSIVE

DOCUMENT 2 :
Expliquer un phénomène social suppose toujours qu'on rende compte des actions individuelles qui le composent. Mais qu'est-ce que « rendre compte » d'une action ? On peut continuer de suivre Weber sur ce point. Rendre compte d'une action, dit-il, c'est, la « comprendre » ( Verstehen). Ce qui veut dire que le sociologue doit pouvoir être capable de se mettre à la place des acteurs auxquels il s ‘intéresse . « Comprendre » l'action du voyageur de commerce americain qui fréquente le service religieux du dimanche , c'est être capable de conclure : « si j’avais été dans la même situation , j’aurais sans doute fait la même chose.» Naturellement « se mettre à la place » de l’acteur (...) suppose généralement de la part de l’observateur un travail d’information et un souci de distanciation ;
SOURCE : op cité
QUESTIONS :
- Pourquoi la sociologie de Weber est-elle qualifiée de compréhensive ?
- Quelle est la démarche préconisée par Weber ?

DOCUMENT 3 :
Le sociologue qui pratique une sociologie compréhensive ne peut se contenter de faire l'introspection de ses propres structures de conscience mais doit aussi trouver un accès à la conscience d'autrui, en évitant de confondre la méthode
qu’il suit avec une simple supputation des états de conscience d'autrui. Or ce risque de supputation paraît dramatiquement lié au projet de compréhension du sens visé subjectivement. On ne peut l'éviter,selon Weber, que par la construction de concepts idéaltypiques dont on chercherait à tester l'adéquation à la réalité à l'aide des différentes res-
sources qu'offre l'analyse empirique : observation des régularités, expériences mentales de ce qui se serait passé si tel sens hypothétique n'avait pas été en jeu, etc.
SOURCE : P.Pharo , Le sens de l’action et la compréhension d’autrui , L’harmattan , 1993
QUESTIONS :
- Quels sont , selon les auteurs , les risques qu’encourt la méthode préconisée par M.Weber ?
- Quelles sont les solutions préconisées par M.Weber pour les éviter ?


C- UNE DEMARCHE BASEE SUR LA RECHERCHE DE TYPES IDEAUX

DOCUMENT 4 :
Weber récuse les théories qui établissent une stricte correspondance entre les concepts et le réel, soit qu'elles conçoivent le concept comme simple copie du réel, soit, au contraire, qu'elles veuillent déduire la realité du système conceptuel. Pour Max Weber, il existe toujours un décalage insurmontable, un «hiatus irréductible» entre le concept et la réalité qu'il est vain et inutile de vouloir combler. Les concepts ne constituent donc pas un but en soi pour la recherche mais visent simplement à fournir au chercheur un instrunent d'intelligibilité du réel afin d'organiser, de clarifier, de mettre de l'ordre dans l'enchevêtrement inextricable des faits. L'idéaltype répond à ce besoin . Loin d'être une simple reproduction de la réalité, c'est une construction théorique, «un tableau idéal» au sens logique du terme, dont le concept d’homo oeconomicus forgé par des économistes classiques , représente un bon modèle . L'élaboration de l'idéaltype met en œuvre trois procédés. D'abord, un processus d'abstraction, de sélection et recomposition des faits : loin de regrouper tous les caractères communs aux phénomènes étudiés, on isole, au contraire, unilatéralement quelques traits significatifs en fonction de l'orientation que l'on donne à la recherche. Ensuite ne sont retenus que les éléments susceptibles de se combiner en un ensemble logiquement cohérent, non contradictoire, car ce qui est recherché, avant tout, ce sont des concepts clairs, univoques. Enfin, on grossit certains traits : il s'agit d'accentuer les différences pour donner à voir la singularité, la spécificité, l'originalité du phénomène étudié. Cette amplification du trait est un procédé bien connu en littérature : le personnage de L'Avare de Molière peut être considéré, d'une certaine manière, comme un bon exemple d'idéaltype. L'idéaltype ne correspond donc pas au type moyen, mais représente plutôt un cas limite, que l'on ne rencontre
jamais dans sa pureté, mais à l'aune duquel on peut comparer les comportements réels qui s'en approcheront toujours plus ou moins.En faisant apparaître, l'écart entre le cours réel des événements et celui construit à partir de l'idéaltype, on pourra déterminer ainsi les motifs réels de l'action.

L 'homo œconomicus : prototype de l'idéaltype
«À cette fin (pour "décrire les phénomènes les plus élémentaires de la vie de l'homme ayant pleinement accédé à l'économie") elle [la science économique] se fonde sur un sujet économique qu'elle a construit et à propos duquel, au contraire de l'homme empirique :
a. Elle choisit d'ignorer toutes les motivations qui ne sont pas spécifiquement économiques, c'est-à-dire qui ne décou-
lent pas du souci de pourvoir aux besoins matériels, et qui exercent une influence sur l'homme empirique - elle les
traite comme si elles n'existaient pas;
b. Imagine la présence de certaines qualités que l'homme empirique possède ou pas du tout ou imparfaitement, c'est-
à-dire :
-une vision parfaite de la situation du moment - l'omniscience économique;
-la maîtrise complète du moyen le plus approprie à la réalisation du but du moment - une "économicité" absolue;
- un usage parfait de toutes ses forces au service de l'acquisition économique des biens - "un effort d'acquisition
sans inertie".
Elle argumente donc à partir d'un homme irréel, analogue à une figure idéale en mathématiques.»
Max Weber, Esquisse de Heidelberg, 1898, traduit dans La Problématique de Max Weber, Wilheim Hennis.
SOURCE : H.Mendras et J.Etienne , les grands auteurs de la sociologie , Hatier , 1996
QUESTIONS :
- Weber pense-t-il qu’une description complète de la réalité et des motivations des acteurs soient possibles ? Pourquoi ?


D- LE REJET DES ANALYSES TELEOLOGIQUES ET LA RECHERCHE DE LA NEUTRALITE AXIOLOGIQUE

DOCUMENT 5 :
Max Weber se distingue de nombreux pionniers des sciences sociales (Comte, Marx...) par son refus constant d'intégrer à toute force les phénomènes sociaux dans le cadre de philosophies évolutionnistes ou déterministes. Le propre de ces philosophies est d'envisager l'histoire universelle soit comme déploiement d'une logique propre soit comme simple résultante d'un élément déterminant (économe, religion...). Dans son Histoire économique, Weber réfute ainsi les théories qui s'enracinent dans la croyance indéfectible en une évolution économique à étapes obligées. Il montre, par exemple, l'inanité des schémas qui fondent tout développement économique à partir de ce point de départ obligé que serait le communisme primitif agraire.
La socioogie n'a pas pour but de réformer la société ou d'engendrer une quelconque théorie révolutionnaire. La neutralité axiologique dont loit faire preuve le savant signifie que celui-ci doit éviter de transforner les valeurs qui le guident dans son appréhension du réel en jugement de valeur. Autrement dit, il lui faut suspendre ses convictions personnelles dans le regard critique qu'il porte sur les événements. Dans un cas, l'on a des croyances (jugements de valeur), dans l'autre des hypothèses de travail qui sont soumises aux faits (jugements de fait). En distinguant ainsi normes et réalités, Weber
assigne la sociologie dans un territoire clairement démarqué : celui des réalités.
Si les actions sociales sont empreintes de valeurs contradictoires, si concurremment l'histoire est complexe et indéterminée, comment le sociologue peut-il, dans ces conditions, faire œuvre de science ? Afin de répondre à ce vrai problème épistémologique, Max Weber souligne d'abord qu'aucune science empirique ne peut dire quelles doivent être les fins de l'action. Cela est affaire de morale. Une science empirique ne peut édicter ce qu'il convient de faire mais
seulement ce que l'individu peut ou veut faire.
SOURCE : M.Lallement , op cité
QUESTIONS :
- Après avoir recherché la définition du terme téléologique , vous montrerez que les analyses de Comte ou Marx en sont de bons exemples
- Quelles sont les faiblesses des analyses téléologiques ?
- En quoi conduisent-elles Weber à les rejeter et à appliquer le principe de neutralité axiologique ( que vous définirez )
- Quelle doit être la démarche suivie par un scientifique ?


E – UNE SOCIOLOGIE COMPARATISTE

DOCUMENT 6 :
Pour comprendre les formes d'organisation sociale particulières à ce monde occidental moderne, Weber les compare systématiquement à celles des civilisations qui les ont précédées. L'œuvre se présente donc en une série d études de sociologie religieuse, de sociologie juridique ou de sociologie économique, autant d'angles d'attaque pour une méthodologie historique et comparative.
L'ampleur et la diversité de ces travaux ne doivent pourtant pas faire oublier que ceux-ci sont guidés par une question majeure :comprendre la singularité de l'Occident. Le projet weberien apparaît d'autant plus original lorsque l'on sait qu'au moment où écrit Weber, l'ensemble des débats allemands relatifs à l'évolution sociétale se focalise autour d'une alternative : capitalisme ou socialisme ? Weber considère que cette opposition n'est pas pertinente. Ce qu'il cherche
à dégager grâce au travail comparatif qu'il mène sur les formes d'organisation sociale propres à chaque civilisation, c'est en fait un trait spécifique au monde moderne occidental : la rationalisation croissante de celui-ci
SOURCE : M.Lallement , op cité
QUESTIONS :
- Weber considère-t-il que la société occidentale doit être analysée comme un cas spécifique ?
- Quelle méthode préconise-t-il afin de mieux analyser les caractéristiques de la société occidentale ?
- Le débat opposant capitalisme et socialisme , du point de vue de la rationalité , est-il pertinent ?


COMPLEMENT II : UNE APPLICATION DE LA METHODE WEBERIENNE : L’ETHIQUE PROTESTANTE DU CAPITALISME : EXERCICE DE COMPREHENSION DE LA DEMARCHE WEBERIENNE


DOCUMENT 1 :
« Comment cette activité, tolérée par la morale dans le meilleur des cas, a-t-elle pu se transformer en profession au sens de Benjamin Frankiin? Comment expliquer historiquement que, dans le plus grand centre capitaliste du temps, dans la Florence des XIVe et XVe siècles, marché de l'argent et du capital de toutes les grandes puissances politiques, cette attitude fût considérée comme éthiquement injustifiable, ou, au mieux, tolérée? Alors qu'au XVIIe siècle, dans des conditions petites-bourgeoises, au milieu des forêts de Pennsylvanie, où les affaires menaçaient de dégénérer en troc par
simple manque d'argent, où l'on trouvait à peine trace de grandes entreprises industrielles, où les banques n'en étaient qu'à leurs tout premiers pas, le même fait ait pu être considéré comme l'essence de la conduite morale, qu'il ait même été recommandé au nom du devoir. Parler ici de «reflet» serait pur non-sens. Quel est donc l'arrière-plan d'idées qui a conduit à considérer cette sorte d'activité, dirigée en apparence vers le seul profit, comme une vocation (Béruf) envers laquelle l'individu se sent une obligation morale? Car ce sont ces idées qui ont conféré à la conduite de l'entrepreneur «nouveau style » son fondement éthique et sa justification »

SOURCE : M.WEBER in R.A.NISBET , La tradition sociologique ; PUF , 1984 .
QUESTIONS :
- Pourquoi selon WEBER ne peut-on réellement parler de société capitaliste à Florence au XV° ?
- Pourquoi , au contraire , peut-on dire qu’en Pennsylvanie les conditions étaient réunies pour que l’esprit capitaliste se développe ?

DOCUMENT 2 :
Max Weber a cherché si, ou dans quelle mesure, les conditions sociales et religieuses étaient favorables ou défavorables à la formation d'un capitalisme de type occidental dans d'autres civilisations—Chine, Inde , judaïsme primitif et Islam. S'il existe bien des phénomènes capitalistes dans des civilisations extérieures à l'Occident, les traits spécifiques du capitalisme occidental, la combinaison de la recherche du profit et de la discipline rationnelle du travail, ne sont apparues
qu'une seule fois dans le cours de l'histoire. Le capitalisme de type occidental ne s'est développé nulle part en dehors de la civilisation occidentale. Max Weber s'est donc demandé dans quelle mesure une attitude particulière à l'égard du travail, elle-même déterminée par les croyances religieuses, aurait été le fait différentiel, présent en Occident et absent ailleurs, capable de rendre compte du cours singulier pris par l'histoire de l'Occident . Cette interrogation est fondamentale dans la pensée de Max Weber . II ouvre ainsi son livre sur l'éthique protestante en écrivant « Tous ceux qui, élevés dans la civilisation uropéenne d'aujourd'hui, étudient les problèmes de l'histoire universelle, sont tôt ou tard amenés à se poser, et avec raison, la question suivante :à quel enchaînement de circonstances doit-on imputer l'apparition dans la civilisation occidentale et uniquement dans celle-ci, de phénomènes culturels qui — du moins nous aimons à le penser ont revêtu une signification et une valeur universelle»

SOURCE : R.ARON , Les étapes de la pensée sociologique , GALLIMARD , 1967 .
QUESTIONS :
- Que constate WEBER ?
- Quelle méthode va-t-il utiliser pour expliquer cette constatation ?
- A quel résultat arrive-t-il finalement ?

DOCUMENT 3 :
Normalement, le laïc catholique du Moyen Age vivait pour ainsi dire « au jour le jour », du point de vue moral. Avant tout, il accomplissait consciencieusement ses devoirs traditionnels. Pour le reste, toutefois, ses « bonnes œuvres » ne constituaient pas forcément un ensemble cohérent; du moins n'étaient-elles pas nécessairement sériées de façon rationnelle en un système de vie. Elles demeuraient plutôt une succession d'actes isolés qu'il accomplissait au gré des circonstances en vue de racheter des péchés particuliers, soit sous l'influence pastorale, soit, vers la fin de sa vie, pour s'acquitter d'une sorte de prime d'assurance. [...]
Le « désenchantement » [Entzauberung du monde - l'élimination de la magie en tant que technique de salut - n'a pas été mené aussi loin par le catholicisme que par le puritanisme (et, avant celui-ci, par le judaïsme). Le catholique avait à sa disposition l'absolution de son Église pour compenser sa propre imperfection. Le prêtre était un magicien accomplissant le miracle de la transsubstantiation et il disposait du pouvoir des clés. Cn pouvait se tourner vers lui dans le repentir et la contrition en administrant les sacrements il dispensait le rachat, l'espoir de la grâce, la certitude du pardon, assurant par là la décharge de cette monstrueuse tension à laquelle son destin condamnait le calviniste, sans évasion possible ni adoucissement aucun. Pour celui-ci, point de ces consolations amicales et humaines. [...] Le Dieu du calvinisme réclamait non pas des bonnes œuvres isolées, mais une vie tout entière de bonnes œuvres érigées en système.Pas question du va-et-vient catholique, authentiquement humain, entre péché, repentir, pénitence, absolution, suivis derechef du péché. Ni de tirer d'une vie, considérée dans son ensemble, un solde qui puisse être compensé par des pénitences temporelles,
expié par le moyen des grâces de l'Église.
La pratique morale courante, ainsi dépouillée de son absence de plan et de système, se trouvait donc façonnée en une méthode conséquente appliquée à l'ensemble de la conduite. Ce n'est pas par hasard que le nom de « méthodistes » est resté attaché aux adeptes du dernier grand réveil de la pensée puritaine au XVIIIe siècle, de même que le terme équivalent de « précisiens » [Präzisisten] avait été appliqué à leurs devanciers spirituels du XVII°siècle. Car seule une transformation radicale du sens de la vie tout entière, à chaque instant, dans chaque action, était à même de confirmer les effets de la grâce, soustrayant l'homme au status naturae le placer dans le status gratiae.

SOURCE : M.Weber , op cité
QUESTIONS :
- Complétez le tableau suivant :


Système de valeurs
Système de conduites
CALVINISME


CATHOLICISME




DOCUMENT 4 :
« Voici, en peu de mots, le résultat général auquel j'arrivai et qui, une fois obtenu, me servit de fil conducteur dans mes études. Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté;ces rapports de production correspondent à un degré donné du développement de leurs forces productives matérielles. L'ensemble de ces rapports forme la structure économique de la société, la fondation réelle sur laquelle s'élève un édifice juridique et politique, et à quoi répondent des formes déterminées de la conscience
sociale. Le mode de production de la vie matérielle domine en général le développement de la vie sociale, politique et intellectuelle. Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c'est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. A un certain degré de leur développement, les forces productives matérielles de la société entrent en collision avec les rapports de production existants, ou avec les rapports de propriété au sein desquels elles s'étaient mues jusqu'alors, et qui n'en sont que l'expression juridique. Hier encore formes de développement des forces productives, ces conditions se changent en de lourdes entraves. Alors commence une ère de révolution sociale. Le changement dans les fondations économiques s'accompagne d'un bouleversement plus ou moins rapide dans tout
cet énorme édifice. Quand on considère ces bouleversements, il faut toujours distinguer deux ordres de choses. Il y a le bouleversement matériel des conditions de production économique. On doit le constater dans l'esprit de rigueur des sciences naturelles. Mais il y a aussi les formes juridiques, politiques, religieuses, artistiques, philosophiques, bref les formes idéologiques, dans lesquelles les hommes prennent conscience de ce conflit et le poussent jusqu'au bout. On ne juge pas un individu sur l'idée qu'il a de lui-même. On ne juge pas une époque de révolution d'après la conscience qu'elle a d'elle-même. Cette conscience s'expliquera plutôt par les contrariétés de la vie matérielle, par le conflit qui oppose les forces productives sociales et les rapports de production. Jamais une société n'expire, avant que soient développées
toutes les forces productives qu'elle est assez large pour contenir; jamais des rapports supérieurs de production ne se mettent en place, avant que les conditions matérielles de leur existence soient écloses dans le sein même de la vieille société. C'est pourquoi l'humanité ne se propose jamais que les tâches qu'elle peut remplir : à mieux considérer les choses, on verra toujours que la tâche surgit là où les conditions matérielles de sa réalisation sont déjà formées, ou sont en voie de se créer. Réduits à leurs grandes lignes, les modes de production asiatique, antique, féodal et bourgeois moderne apparaissent comme des époques progressives de la formation économique de la société. Les rapports de production bourgeois sont la dernière forme antagonique du procès social de la production. Il n'est pas question ici d'un antagonisme individuel; nous l'entendons bien plutôt comme le produit des conditions sociales de l'existence des individus; mais les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent dans le même temps les conditions matérielles propres à résoudre cet antagonisme. Avec ce système social c'est donc la préhistoire de la société humaine qui se clôt. » (Contribution à la critique de {économie politique, Avant-propos, Œuvres, t. I, p. 272-275.)

SOURCE : K.MARX , in R.ARON , op cité .
QUESTIONS :
- Pourquoi peut-on dire que MARX a une conception matérialiste de l’histoire ?
- Quelle place occupe les formes religieuses dans la théorie marxiste ?
- Comment MARX explique-t-il le passage à un mode de production à un autre ?

DOCUMENT 5 :
Ainsi le capitalisme, parvenu de nos jours à dominer toute la vie économique, éduque et choisit, par un processus de sélection économique, les sujets — entrepreneurs et ouvriers — les mieux adaptés et qui lui sont nécessaires. Mais on touche ici du doigt les limites de cette notion de sélection en tant que moyen d'explication historique. Pour que ce mode
de vie, cette façon d'envisager sa besogne, si bien adaptés aux particularités du capitalisme, puissent être «sélectionnés », puissent dominer les autres, il leur faut évidemment tout d'abord prendre naissance, mais ce ne sera pas chez des individus isolés :ils devront exprimer une conception commune à des groupes humains dans leur totalité. C'est cette origine qu'il est nécessaire d'expliquer. Nous parlerons ci-après en détail de la doctrine simpliste du matérialisme historique, suivant laquelle de telles idées sont le reflet, ou la superstructure, de situations économiques données. Pour notre propos , il suffît de faire remarquer que l'« esprit du capitalisme » (au sens où nous l'entendons ici) existait sans nul doute dans le pays qui a vu naître Benjamin Frankiin, le Massachusetts, avant que ne se développe l'ordre capitaliste. Dès 1632, des doléances s'étaient élevées contre l'excès du calcul dans la poursuite du profit, propre à la Nouvelle-Angle-
terre qui se distinguait ainsi des autres contrées de l'Amérique. De plus, il est certain que le capitalisme s'était moins bien implanté dans les colonies voisines (devenues depuis les États du Sud de l'Union), qui avaient été fondées par de grands capitalistes dans le dessein de faire des affaires, tandis que les colonies de la Nouvelle-Angleterre avaient été fondées, pour des raisons religieuses, par des prédicateurs et des intellectuels avec l'aide de petits bourgeois, d'artisans et de yeomen. Dans le cas présent, la relation causale est donc l'inverse de celle que proposerait le matérialisme historique.

SOURCE : MAX WEBER , L’ éthique protestante et l’esprit du capitalisme , PLON , 1967 .
QUESTIONS :
- Rappelez comment Marx explique l’apparition du capitalisme
- Quelle est l’explication avancée par Weber ?
- Pour quelles raisons WEBER qualifie-t-il la doctrine du matérialisme historique de simpliste ? Explicitez l’exemple qu’il donne

DOCUMENT 6
Sans doute le succès qu'a rencontré le livre de Weber, comme d'ailleurs les polémiques qu'il a suscitées, vient-il, pour une large part, de ce qu'il a passé pour une réfutation du marxisme. Weber n'a-t-il pas présenté lui-même le cours de sociologie des religions qu'il donna à l'université de Vienne comme une "réfutation positive du matérialisme historique" ?(...)
Weber ne refuse pas la dialectique marxiste entre l'économie et les autres activités humaines, mais il dénonce la prétention dogmatique d'une explication totale ou ultime de l'histoire, et en particulier des phénomènes culturels, par le substrat économique. Le recours à des causes ultimes, authentiques ou dernières ne lui paraît pas correspondre à une démarche scientifique. (...) Les idées religieuses en particulier "ne se laissent pas déduire tout simplement des conditions économiques (...) elles possèdent une force contraignante qui leur est propre". Ce que Weber récuse fondamentalement, c'est ['idée d'une détermination causale unilatérale .

SOURCE : P Besnard , Protestantisme et capitaliste , Armand Colin ,1970 .
QUESTIONS :
- Indiquez ce que Weber accepte dans l’analyse marxiste et ce qu’il refuse .

DOCUMENT 7 :
La thèse de Max Weber est celle de l'adéquation significative entre l’ esprit du capitalisme et l'esprit du protestantisme. Ramenée à ses éléments essentiels , elle se présente ainsi : II est conforme à l’ esprit d un certain protestantisme d'adopter à l'égard de l'activilé économique une attitude elle-même conforme à l'esprit du capitalisme . . Il y a une affinité spirituelle entre une certaine vision du monde et un certain style d’activités économiques . .
L’éthique protestante à laquelle s’attache Weber est essentiellement la conception calviniste qu'il résume en cinq propositions en s'inspirant notamment du texte de la Confession de Westminster de 1647.
- il existe un Dieu absolu, transcendant, qui a créé le monde et qui le gouverne, mais qui est insaisissable à l'esprit fini des hommes.
- Ce Dieu tout-puissant et mystérieux a prédestiné chacun de nous au salut ou à la damnation sans que, par nos œuvres, nous puissions modifier un décret divin pris à l'avance.
- Dieu a créé le monde pour sa propre gloire.
- L'homme, qu'il doive être sauvé ou damné, a pour devoir de travailler à la gloire de Dieu et de créer le royaume de Dieu sur cette terre
- Les choses terrestres , la nature humaine, la chair, apparlicnnent à l’ ordre du péché et de la mort, et le salut ne peut être pour l’homme qu’un don totalement gratuit de la grâce divine .
Tous ces éléments , précise Max Weber , existent dispersés dans d’autres conceptions religieuses , mais la combinaison de ces éléments est originale et unique . Et les conséquences en sont importantes .
SOURCE : R.Aron , Les étapes de la pensée sociologique , Gallimard , 1967
QUESTIONS :
- Caractérisez le phénomène de prédestination
- Quelles pourraient être , face à ce concept , la réaction des individus ?
- Quelle est la spécificité du protestantisme par rapport aux autres religions ?

DOCUMENT 8 :
Comment pareille doctrine a-elle pu être tolérée à une époque où l'au-delà était non seulement chose plus importante, mais à bien des égards plus certaine de surcroît que tous les intérêts de la vie ici-bas? Une question devait se poser d’emblée à chacun des fidèles, repoussant ainsi à l'arrière-plan toute autre considération : suis-je un élu ? comment m'en
assurer ?[...]
Calvin n'admet au fond qu'une seule réponse : nous devons nous contenter de savoir que Dieu a décidé, et persévérer dans l'inébranlable confiance en Christ qui résulte de la vraie foi. [...]
Dans la pratique du soin des âmes, les pasteurs ne pouvaient s'en satisfaire, car ils étaient en contact immédiat avec les
tourments engendrés par cette doctrine.(...) Apparurent [alors] deux types caractéristiques, liés l'un à l'autre, de conseils pasjoraux. D'une part, se considérer comme élu constituait: un devoir ; toute espèce de doute à ce sujet devait être repoussé en tant que tentation du démon, car une insuffisante confiance en soi découlait d'une foi insuffisante. [...] D'autre part, afin d'arriver à cette confiance en soi, le travail sans relâche dans un métier est expressément recommandé comme le moyen le meilleur. Cela, et cela seul, dissipe le doute religieux.

SOURCE : M.Weber , op cité
QUESTIONS :
- Pourquoi la doctrine calviniste va-t-elle être édulcorée ?
- Quelles conséquences eurent l’application de doctrines pastorales plus accommodantes ?

DOCUMENT 9 :
Ce n’est ni l'oisiveté ni la jouissance , mais l'activité seule qui sert à accroître la gloire de Dieu [comme le souligne Richard Baxter, un des auteurs caractéristiques du protestantisme puritain]. Gaspiller son temps est donc le premier, en principe le plus grave, de tous les péchés. Passer son temps en société, le perdre en « vains bavardages », dans le luxe, voire en
dormant plus qu'il n'est nécessaire à la santé - six à huit heures au plus -, est passible d’une condamnation morale absolue (...).
Le temps est précieux, infiniment, car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire divine. Aussi
la contemplation inactive, en elle-même dénuée de valeur, est-elle directement répréhensible lorsqu'elle survient aux
dépens de la besogne quotidienne. Car elle plaît moins à Dieu que l'accomplissement pratique de sa volonté dans un métier. Le dimanche n'est-il pas là d'ailleurs pour la contemplation ? [...].
Deux thèmes se conjuguent ici. En premier lieu, le travail a dès longtemps fait ses preuves en tant que moyen ascétique. En particulier, le travail est le remède spécifique à employer à titre préventif contre toutes ces tentations que le puritanisme a reunies sous le terme d'unclean life. (Ainsi), les relations sexuelles ne sont permises dans le mariage
qu'à titre de moyen voulu par Dieu pour accroître sa gloire, selon le commandement : « Croissez et multipliez. » Contre
toutes les tentations sexuelles aussi bien que contre les doutes religieux ou l'indignité morale, on dispose du précepte :
« Travaille ferme à ta besogne.»
Le travail cependant est autre chose encore ; il constitue surtout le but même de la vie, tel que Dieu l'a fixé. (...] Si ce Dieu que le puritain voit à l'œuvre dans toutes les circonstances de la vie, montre à l'un de ses élus une chance de profit, il le fait à dessein. Partant, le bon chrétien doit repondre à cel appel : « Si Dieu vous désigne tel chemin dans lequel vous puissiez légalement gagner plus que dans tel autre (cela sans dommage pour votre âme ni pour celle d'autrui) et que
vous refusiez le plus profitable pour choisir le chemin qui l'est moins, vous contrecarrez l'une des fins de votre vocation, vous refusez de vous faire l'intendant de Dieu et d accepter ses dons, et de les employer à son service s'il vient à l'exiger. Travailler donc à être riches pour Dieu, non pour la chair et le péché .

SOURCE : M.Weber , op cité
QUESTIONS :
- Dans la morale des protestants puritains , quel usage du temps se trouve fortement valorisé ? Pourquoi ?
- Pour qui le protestant travaille-t-il ?

DOCUMENT 10 :
( … ) l'ascétisme protestant, agissant à l'intérieur du monde, s'opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation, notamment celle des objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l'éthique traditionaliste le désir d'acquérir. Il a rompu les chaînes [qui entravaient] pareille tendance a acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi, comme nous l'avons exposé, en la considérant comme directement voulue par Dieu. [...]
Si pareil frein de la consommation s'unit à pareille poursuite débridée du gain, le résultat pratique va de soi : Le capital se forme par l'épargne forcée ascétique. Il est clair que les obstacles qui s'oppo saient à la consommation des biens acquis favorisaient leur emploi productif en tant que capital à investir. On peut dire qu’ aussi loin que s’est étendue l’ influence de la conception puritaine de l’ existence - et ceci est autrement important que le simple encouragement à l’ accumulation du capital – cette conception a favorisé la tendance à une vie bourgeoise, économiquement plus rationnelle ; elle en fut le facteur le plus important et, surtout , le seul qui fut conséquent. Bref , elle a veillé sur le berceau de l'homo oeconomicus moderne.

SOURCE : M.Weber , op cité
QUESTIONS :
- Quels sont les deux biais par lequel l’ascétisme protestant a favorisé l’accumulation du capital ?
- Quels liens établit Weber entre ascétisme puritain et comportement calculateur de l’homo oecononomicus ?

DOCUMENT 11 :
A :
Un ethos spécifiquement bourgeois de la besogne avait pris naissance. Ayant conscience de se tenir dans la plénitude de la grâce de Dieu, d'être manifestement une créature bénie, aussi longtemps qu'il demeurait dans les limites d'une conduite formellement correcte, que sa conduite morale était irréprochable et que l'usage qu'il faisait de ses richesses n'était en rien choquant, l’ entrepreneur bourgeois pouvait veiller à ses intérêts pécuniaires : mieux, son devoir était
d'agir de la sorte. En outre, la puissance de l'ascétisme religieux mettait à sa disposition des ouvriers sobres , consciencieux, d'une application peu commune, faisant corps avec une tâche considérée comme un but voulu par Dieu.
Enfin elle lui donnait l'assurance réconfonante que la répartition inégale des biens de ce monde répond à un décret spécial de la Providence qui, avec ces différences comme avec la grâce particulière, poursuit des fins pour nous secrètes. Calvin lui-même n'avait-il pas émis l'assertion citée que ce n'est qu'autant que le « peuple » — c'est-à-dire la masse des ouvriers et des artisans — demeure dans la pauvreté qu'il reste dans l'obéissance de Dieu ?

SOURCE : M.Weber , op cité
B :
Pour résumer ce que nous avons dit jusqu'à présent, l'ascétisme protestant, agissant à l'intérieur du monde, s'opposa avec une grande efficacité à la jouissance spontanée des richesses et freina la consommation, notamment celle des
objets de luxe. En revanche, il eut pour effet psychologique de débarrasser des inhibitions de l'éthique traditionaliste le désir d'acquérir. Il a rompu les chaînes [qui entravaient] pareille tendance à acquérir, non seulement en la légalisant, mais aussi, comme nous l'avons exposé, en la considérant comme directement voulue par Dieu. [...]
Sur le terrain de la production des biens privés, l'ascétisme combattait à la fois la malhonnêteté et l'avidité purement instinctive. Il condamnait [...] la poursuite de la richesse pour elle-même. Car en elle-même, la richesse est tentation.
En effet, en accord avec l'Ancien Testament et par analogie avec l'évaluation éthique des bonnes œuvres, l'ascétisme voyait le summum du répréhensible dans la poursuite de la richesse en tant que fin en elle-même, et en même temps, il tenait pour un signe de la bénédiction divine la richesse comme fruit du travail professionnel. Plus important encore, l'évaluation religieuse du travail sans relâche, continu, systématique, dans une profession séculière, comme moyen ascétique le plus élevé et à la fois preuve la plus sûre, la plus évidente de régénération et de foi authentique, a pu constituer le plus puissant levier qui se puisse imaginer de l'expansion de cette conception de la vie que nous avons
appelée, ici, l'esprit du capitalisme.
Si pareil frein de la consommation s'unit à pareille poursuite débridée du gain, le résultat pratique va de soi : le capital se forme par épargne forcée ascétique. Il est clair que les obstacles qui s'opposaient à la consommation des biens acquis favorisaient leur emploi productif en tant que capital à investir.
SOURCE : M.Weber , L’éthique protestante et l’espit du capitalisme
QUESTIONS :
- A partir des documents Aet B , expliquez en quoi la richesse peut être la meilleure et la pire des choses
- Pourquoi Weber considère-t-il que l’ascétisme ^protestant a permis de valoriser le comportement de la bourgeoisie et de la rendre ainsi acceptable pour les ouvriers , dont vous décrirez les caractéristiques
- Quels liens pouvez-vous établir entre l’ascétisme protestant et l’esprit du capitalisme ?






































1 commentaires:

Anonyme a dit…

pour le culturalisme c'est Levi-Strauss et non pas Leci :) si vous voulez ....