CORRECTION : La réduction des inégalités est-elle un frein à la croissance ?
Le gouvernement Raffarin projette d’instaurer une amnistie des capitaux sortis de France illégalement : en payant une taxe légère , les ménages pourraient rapatrier leurs capitaux qu’ils avaient placé à l’étranger . L’objectif de cette mesure serait d’accroître la quantité de capitaux prêts à être investie en France . Pour être efficace , elle devrait être couplée avec une autre stratégie : la réduction de l’imposition des plus riches . Dans le cas contraire , il ne paraît guère intéressant de rapatrier ses capitaux pour qu’ils soient taxés fortement , alors que l’objectif initial était justement d’éviter cette taxation . Cette option gouvernementale semble donc être dans la logique libérale , puisque l’augmentation des impôts des plus riches engendre une fuite de l’épargne et une réduction de l’investissement et de la croissance . Cette stratégie engendrerait certes des inégalités , que l’on peut définir comme des différences se traduisant par des avantages ou des inconvénients , mais elles seraient bénéfiques pour tous .
Les inégalités seraient positives car elles favoriseraient la croissance économique . En effet « le capitalisme est un jeu à somme positive où la coopération des entrepreneurs et des salariés peut améliorer le sort de tous » ( doc 6 ) .
Le problème est alors de définir quelles inégalités sont acceptables et positives . Or , la caractéristique des inégalités est d’être protéiforme . Certes , il y a aujourd’hui un consensus pour refuser les inégalités de chances au départ : tous les individus doivent être traités de la même manière au départ , ensuite leurs revenus dépendront leurs efforts . Seulement , il est impossible d’obtenir une égalité réelle au départ : en effet , les inégalités ne sont pas seulement quantitatives ( revenu , patrimoine ) , elles sont aussi qualitatives ( école , culture , santé ) .
Certaines inégalités sont donc injustes. Cela ne pose pas de difficultés aux libéraux dans la mesure où les inégalités créent de la richesse supplémentaire qui se traduit par une augmentation du revenu de tous . Pourtant, les études statistiques reliant inégalités et croissance ne montrent pas de relation automatique entre des deux variables . Car les libéraux oublient les effets pervers de la hausse des inégalités sur la demande et sur la productivité des travailleurs .
I- SELON LES LIBERAUX , LA REDUCTION DES INEGALITES FREINE LA CROISSANCE ECONOMIQUE
D'après l'analyse libérale, les inégalités sont justes car elles rémunèrent des efforts différents et efficaces car elles permettent la croissance économique . Au contraire, réduire les inégalités débouche, comme on 1' a vu dans la plupart des PDEM dans les années 80 , par une perte d'efficacité économique . En effet , les mesures visant à réduire des inégalités limite la droissance extensive , obtenue par l’augmentation des facteurs de production et la croissance intensive résultant de l’augmentation de la productivité des facteurs de production , c’est-à-dire de la production d’une unité de facteurs de production .
A – LES MOYENS UTILISES POUR REDUIRE LES INEGALITES
La réduction des inégalités qu’elles soient quantitatives ou qualitatives nécessite une forte intervention de l’Etat . Celui-ci va opérer une redistribution verticale en prélevant les plus riches pour donner des revenus aux plus pauvres . Deux conséquences apparaissent alors . La première est l’augmentation de la progressivité de l’impôt . Comme le but des prélèvements obligatoires n’est pas seulerment de financer l’action de l’Etat , mais de réduire les inégalités , il faut que plus le revenu augmente , plus la part d’impôt payé soit forte .
La seconde est le versement de revenus indépendantS de l’activité productive : l’Etat-Providence apparaît qui considère que l’individu n’est pas totalement responsable de son sort et doit recevoir des aides , même s’il ne participe pas à la production en apportant du travail ou du capital .
Ces deux facteurs génèrent la même conséquence : la réduction de la croissance , qu’elle soit extensive ou intensive .
B - LA REDUCTION DES INEGALITES EST NEFASTE
1 – LES CONSEQUENCES DES AIDES SOCIALES
On note , en effet , une corrélation forte entre aides sociales et croissance économique ( doc 2 ) : plus le poids des transferts sociaux dans le PIB est élevé , moins le PIB réel par tête augmente rapidement . Au Japon où les transferts sociaux représentent 12 % du PIB , le PIB par tête au augmenté en moyenne de 5 % par an entre 60 et 92 ; en revanche , en Suède , 25 % du PIB est destiné aux transferts sociaux et le PIB réel par tête n’a augmenté que de 2 % par an en moyenne .
Les aides sociales sont donc un frein à la croissance . En effet, d’après l’analyse libérale , avant de déterminer leur quantité de travail, les ménages font un arbitrage entre temps de loisir et temps de travail . Les individus sont rationnels et avant d'agir , vont faire un calcul coût-bénéfice de leur action . Ils vont comparer ce qu'ils gagnent à travailler ( le salaire) avec ce qu'ils perdent ( les loisirs ) . Le système de redistribution va être désincitatif au travail pour les plus pauvres . Car « l’erreur commune des socialistes est de ne pas tenir compte de la paresse naturelle aux hommes , de leur tendance à la vie passive » ( doc 6 ) . Ainsi , « dans le système d’Etat-Providence , l’argent n’est pas le fruit du travail de l’homme ( … ) . Protestation et revendication remplacent diligence et discipline comme sources de revenus » ( doc 6 )
Les plus pauvres ne voient donc plus l’intérêt de travailler pluisqu’ils gagnent autant en ne travaillant pas . Cela pousse aussi certains ménages à arrêter de travailler . Ainsi « rien qu’à New York , le chiffre des ménages nécessiteux est passé de 320 000 en 1960 à 1 300 000 en 72 . On est tenté de conclure que plus l’Etat intervient pour remédier à la pauvreté , plus cette pauvreté augmente » ( doc 6 ) .
Cette désincitation au travail se retrouve aussi pour les plus riches , mais elle résulte d’un autre déterminant : l’augmentation des prélèvements obligatoires .
2 – LES CONSEQUENCES DE L’AUGMENTATION DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
On remarque que plus le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB est élevé , moins la croissance du PIB / tête est forte . Le Japon a une croissance annuelle moyenne du PIB / tête de 2,6 % par an et les prélèvements obligatoires représentent 30 % du PIB . En revanche , la Suède , avec des prélèvements obligatoires représentant 50 % du PIB ( doc 2 ) , connaît une augmentation du PIB / tête moyen de 0,5 % par an ( doc 1 ) .
En effet , l’augmentation des prélèvements obligatoires ne favorise ni l’épargne , ni le travail des plus riches .
a- LES CONSEQUENCES SUR L’EPARGNE
En effet, une augmentation de la progressivité de l'impôt va engendrer une diminution de l'épargne pour 2 raisons .La première est la baisse du revenu des plus riches qui ont la propension à épargner la plus forte : si leur revenu diminue , ils sont obligés de réduire leur épargne . La seconde est le risque d' évasion fiscale ( doc 4 ) : avec la mondialisation financière , les ménages les plus aisés comparent les rémunérations de l’épargne , mais aussi les niveaiux d’imposition : si les impôts sont plus élevés dans le pays , il va y avoir une fuite des capitaux pour éviter cette augmentation des prélèvements .
b- LES CONSEQUENCES SUR LE TRAVAIL
A cette fuite des capitaux peut aussi s’ajouter celle des « supercadres » ( doc 4 ) . En effet , l’augmentation de la progressivité de l’impôt peut engendrer une diminution du travail des plus qualifiés . Face à cette augmentation des impôts , deux solutions sont envisageables pour les cadres : soit partir ailleurs , soit travailler moins pour payer moins d’impôts . C’est ce qu’ a démontré Laffer dans sa célèbre courbe : quand les taux d’imposition augmentent , le revenu net des individus les plus riches diminue . L’intérêt réel de travailler est alors moins fort : ils préfèrent alors disposer de davantage de loisirs .
3 – LES CONSEQUENCES SUR LA CROISSANCE
L’effet cumulé des aides sociales et des prélèvements obligatoires sont à l’origine d’un frein de la croissance extensive et intensive .
D’un côté la quantité de facteurs de production ( travail et capital ) diminue : la réduction de l’épargne est particulièrement inquiétant pour les libéraux , car celle-ci détermine l’investissement : plus l’épargne est élevée , plus le taux d’intérêt réel est bas , ce qui facilite l’emprunt et l’investissement des entreprises .
La diminution de la quantité de travail est aussi préjudiciable à la croissance économique , notamment celle des plus qualifiés . En effet , ce sont les plus dynamiques , les plus innovants , ceux qui sont capables de proposer de nouveaux produits ou de nouveaux processus de production . Schumpeter a montré que l’incitation à innover provenait du profit . L’augmentation de l’impôt en réduisant le profit net de l’entrepreneur diminue donc l’incitation à innover . Comme l'investissement et les efforts de R-D diminuent, la productivité tend à diminuer : la croissance intensive est donc limitée .
4 – LES SOLUTIONS
Pour relancer le processus de croissance il faut donc adopter la démarche américaine ( doc 4 ) : »l’élargissement des inégalités patrimoniales observé au cours des années 1980 – 1990 a été grandement facilité par les très forts baisses d’impôt dont ont bénéficié les revenus les plus élevés depuis la fin des années 70 » . Cette stratégie a mis plus de temps à être acceptée en Europe , mais depuis le début des années 80 « ce grand écart transatlantique a fini par se réduire » ( doc 4 ) .
Une idée dominante apparaît alors : les inégalités sont justes et efficaces car elles assurent la croissance économique .C'est pourquoi les inégalités sont moralement justifiables pour les libéraux, car elles améliorent le sort de tous . Si je suis bienveillant pour autrui, je peux être conduit à préconiser des partages très égalitaires ; dans ce cas, les individus les plus défavorisés risquent, parce que le gâteau est plus petit de se trouver dans une situation plus défavorable que celle à laquelle il pourrait prétendre , en acceptant une dose d'inégalités plus forte , car celle-ci permettait un gâteau de taille plus importante ». Ainsi aux EU , la volonté de réduire les inégalités au eu une seule conséquence ( doc 6 ) : « en 22 ans , le nombre de ménages américains assistés par l’Etat d’une façon ou d’autre par l’Etat a douvblé passant de 6 millions à 15 millions » ( doc 6 ) A contrario l’exemple de la Malaisie est éclairant ( doc 1 ) : les inégalités sont fortes ( coefficient de Gini proche de 100 ) et le PIB a augmenté de 6 % par an en moyenne entre 80 et 2000 .
On peut certes trouver des exemples vérifiant la corrélation entre inégalités et croissance économique . Le problème est qu’il n’ y a pas de relation automatique entre ces deux variables . Les inégalités ne génèrent pas toujours de la croissance économique . En effet , selon les libéraux, les inégalités seraient méritocratiques et efficaces , car elles pousseraient les individus à travailler et à être productifs . mais leur analyse oublie de nombreux éléments . Les inégalités ne peuvent être méritocratiques que dans une société qui assure une égalité des chances . Or, nos sociétés ne le sont pas, car il y a de nombreuses inégalités qualitatives . Les libéraux oublient aussi les effets pervers de ces inégalités qui peuvent freiner la croissance .
II - DANS LA REALITE LES INEGALITES CREENT DES EFFETS PERVERS
A-CONSTAT
Il n’ y a pas de corrélation claire ni entre réduction des inégalités et croissance , ni entre les transferts sociaux et les impôts sur la croissance ( doc 1 ) .
Quand on relie degré d’inégalités et croissance économique , aucune relation évidente n’ apparaît : le nuage de points est totalement dispersé . On peut certes trouver des pays où la croissance économique est corrélée avec des inégalités fortes . Mais des exemples totalement contradictoires peuvent aussi être mis en évidence : la Corée a un taux de croissance annuel du PIB de 7 % et un degré d’inégalités assez faible . De même les EU et la Suède ont un taux de croissance annuel du PIB identique ( 3 % ) , mais le degré d’inégalité est presque deux fois plus élevé aux EU qu’en Suède .
Les exemples ne permettent pas non plus de montrer que plus un pays adopte un système de redistribution important , plus sa croissance économique est faible ( doc 1 ). Ainsi, les Pays-Bas qui ont une part des prélèvements dans le PIB très élevée ( 45 % ) sont le pays où la croissance économique a été la plus forte entre 89 et 94 ( 2,8 % par an en moyenne ) . De même un niveau élevé de transferts sociaux n'entrave pas la croissance : le poids des transferts sociaux dans le PIB de la Belgique est le double de celui des EU , mais sa croissance moyenne entre 60 et 92 a aussi été beaucoup plus forte ( 3 % contre 1,5 % ).
Rien, dans les faits , ne permet d'affirmer que les inégalités soient un frein à la croissance . Rien dans les théories , non plus , comme l'affirmait déjà KEYNES dans les années 30 : « ce qui, à notre avis , les arrête surtout, c'est l'idée que le développement du capital est en relation avec la puissance du motif de l'épargne individuelle et qu'il est en grande partie fonction de l'épargne que la classe riche tire de ses superfluités » . Or, selon Keynes , si cette analyse se révèle justifiée en période de plein emploi des facteurs de production , elle se révèle totalement fausse en période de sous emploi. Les inégalités tant quantitatives que qualitatives sont néfastes pour la croissance économique .
B - L'EFFET DES INEGALITES QUANTITATIVES
Les inégalités quantitatives , revenu et partrimoine , peuvent être à l’origine d’un ralentissement de la croissance .
1 – LES CONSEQUENCES DES INEGALITES DE PATRIMOINE
Selon T.Piketty , « l’étude du siècle passé confirme qu’une trop forte concentration du capital peut avoir des conséquences négatives en termes d’efficacité économique ( … ) . Il est fort possible que l’aplatissement des inégalités patrimoniales survenu au cours de la période 1914-1945 , en accélérant le déclin des anciennes dynasties capitalistes et en favorisant l’émergénce de nouvelles générations d’entrepreneurs , aient contribué à dynamiser les économies occidentales des 30 Glorieueses » ( doc 4 )
En effet , la réduction des inégalités de patrimoine réduit les inégalités de chances au départ et favorisent l’apparition de nouveaux entrepreneurs . Ainsi , ce n’est plus l’héritage et la naissance qui permettent de créer son entreprise , mais ses capacités propres . On retrouve alors l’analyse de Schumpeter pour qui l’entrepreneur est un élément dynamique qui peut révolutionner le système économique , mais qui n’a pas obligatoirement de diplôme , de capital culturel ou économique .
La réduction des inégalités de patrimoine est donc efficace car méritocratique : ce sont les meilleurs , les plus performants qui peuvent créer et diriger les entreprises : celles-ci sont donc gérées de manière optimale .
2 – LES CONSEQUENCES DES INEGALITES DE REVENU
Les inégalités de revenu freinent aussi la croissance , car elles ont des conséquences à la fois sur l’offre et la demande , à la fois au niveau micro-économique et au niveau macro-économique .
a- L’EFFET MACRO-ECONOMIQUE : LE ROLE SUR LA DEMANDE
KEYNES remet en cause la loi fondamentale de l'analyse libérale : la loi de SAY qui postule que l'offre crée sa propre demande et que l'économie est durablement à l'équilibre . Pour KEYNES , la monnaie est un bien particulier que les individus vont vouloir thésauriser : tous les revenus ne seront donc pas destinés à l'achat et il peut y avoir un excédent d'offre.
Pour assurer l'équilibre macro-économique, l'Etat doit alors intervenir en augmentant la demande , qu'elle proviennent des ménages ( consommation ), des entreprises ( investissement ) ou de l'Etat ( dépenses publiques ) . En effet, la demande a un effet multiplicateur sur la production : l'augmentation de la production est plus rapide que l'augmentation de la demande. Or, l'effet multiplicateur dépend de l'état des inégalités d'un pays ; comme l'écrit KEYNES , « une faible propension à consommer , loin de stimuler le développement du capital, ne fait que le contrarier » . Car, plus la propension moyenne à consommer du pays , c'est-à-dire la part du revenu consommé ,est forte , plus l'augmentation de la production est rapide . Or, d'après la loi psychologique de la consommation de KEYNES , plus le revenu augmente, plus cette propension à consommer diminue, alors que la propension à épargner augmente . Pour avoir un effet optimum du
multiplicateur, il faut donc opérer un transfert du revenu des plus riches qui ont la propension à épargner la plus forte vers les plus pauvres qui ont une forte propension à consommer. ( doc 5 )
La réduction des inégalités engendre certes une augmentation de la demande ; elle la transforme aussi . Comme les revenus augmentent , la consommation se modifie d’après les lois d’Engel : la demande de services augmente rapidement alors que la demande de produits manufacturés stagne . Rosenstein-Rodan considère que cette évolution favorise la croissance , puisque la production de services nécessite moins de capital : il y a alors une économie d’épargne qui permet de produire plus avec le même stock de capital ( doc 5 ) .
« Un cercle vertueux égalité –croissance » se crée donc .
b- L’EFFET MICRO-ECONOMIQUE : LE ROLE SUR L’OFFRE
« Ces effets sur la demande suscitent toutefois un intérêt minoritaire dans une recherche qui se concentre plutôt sur les effets d’offre . Les nouvelles théories de la croissance attirent davantage l’attention sur les externalités positives améliorant la productivité globale » écrit J.Généreux ( doc 5 )
La réduction des inégalités de revenu n’a pas seulement d’effets positifs sur la demande , elle joue aussi sur les conditions de l’offre .
En effet la réduction des inégalités de salaire favorise l’augmentation de la productivité et donc la croissance . L’analyse du salaire d'efficience le démontre en remettant en cause l'analyse libérale de la relation salaire-productivité : selon les libéraux, la productivité détermine le salaire. Au contraire, pour la théorie du salaire d'efficience, plus le salaire est élevé, plus la productivité est forte . En effet, les salariés adoptent une stratégie de don ,contre-don : s'ils ont l'impression d'être bien traités et bien considérés par l'entreprise, ils vont faire des efforts pour mériter ces avantages et ne pas risquer de perdre leur emploi. En revanche, comme l'affirme J.P.Fitoussi ,lorsque le niveau des salaires est trop faible , les salariés n'ont aucun intérêt à investir dans une relation durable avec l'entreprise, ni à témoigner d'un effort soutenu de travail .
Dans ces conditions , il peut être rentable pour les entreprises , mais aussi pour l'économie toute entière d'augmenter les salaires les plus bas et donc de réduire les inégalités salariales . L'analyse permet de montrer qu'il existe une opportunité d'échange profitable à tous : une augmentation modérée des bas salaires peut, jusqu'à un certain point, susciter une augmentation plus que proportionnelle de la productivité, parce qu'elle motive les salariés et incite les entreprises à un effort de formation .
En effet , ce qui compte pour une entreprise , ce n’est pas le niveau absolu des salaires , mais sa comparaison avec ce que rapporte un salarié , c’est-à-dire sa productivité . Tant que la productivité sera supérieure au coût du travail l’entreprise va y gagner , mais aussi la collectivité toute entière . Les coûts salariaux diminuent puisque les salaires augmentent moins vite que la productivité : le pays gagne ainsi en compétitivité-prix . Il bénéficie aussi d'une meilleure compétitivité-qualité car les salariés sont incités à soigner leur travail. Il y alors une élévation de la compétitivité du pays .
La réduction des inégalités de revenu peut alors engendrer une diminution des inégalités qualitatives ( santé , éducation ) favorisant la croissance .
C – LES EFFETS DE LA REDUCTION DES INEGALITES QUALITATIVES
1 – LA REDUCTION DES INEGALITES QUANTITATIVES FAVORISE CELLE DES INEGALITES QUALITATIVES
En effet « « une dimension essentielle des politiques visant une croissance partagée est de promouvoir et de rendre possible un large accès à l’éducation secondaire . L’élévation initiale du revenu des couches populaires rend mieux supportable la scolarisation des enfants » ( doc 5 ) . Le calcul coût-bénéfice des études supérieurs pour les enfants des classes populaires aboutit à une valorisation de celles- ci . Le coût des études supérieures devient relativement plus faible du fait de l’augmentation des revenus de leurs parents ; en revanche , le bénéfice devient plus important car il permet une insertion plus facile dans le marché du travail . « Ainsi s’enchaîne un cercle vertueux : amélioration du niveau de vie des classes populaires = investissement dans l’éducations = croissance du niveau de vie » ( doc 5 ).
2 – LA REDUCTION DES INEGALITES QUALITATIVES GENERE LA CROISSANCE
Car le niveau d’instruction détermine en grande partie la productivité d’un individu ,comme l’a démontré la théorie du capital humain de G.Becker . Plus le niveau de diplôme est élevé , plus l’individu est apte au changement et est capable d'accepter et de suivre les innovations , plus sa productivité est donc élevée . La démocratisation du système scolaire est alors positive puisqu’elle permet l’augmentation du niveau scolaire moyen : la part des jeunes obtenant le bac a augmenté passant de 35 % en 80 à 89% en 89 . Mais les écarts entre catégories restent encore élevés même si elles sont en baisse : un 80 , un fils d’enseignant avait 4 fois plus de chance d’avoir le bac qu’un fils d’ouvrier ; en 89 , l’écart n’est que de 3 . Mais , 80 % des fils de cadres ont le bac en 89 , alors que ce n’est le cas que de 30 % des ouvriers non qualifiés .( doc 3 )
La productivité d un individu ne dépend donc pas seulement d’ éléments quantitatifs ( le salaire ) mais aussi d’ éléments qualitatifs . L’état de santé de la population joue aussi un rôle : si la population est bien soignée et est en bonne santé , elle pourra faires efforts plus importants . Cette relation a été démontrée par les premières analyses du salaire d’efficience qui portaient sur l’étude des PVD : l’augmentation des revenus permettait à la population d’être mieux nourrie , moins malade et donc d’être plus productive .
Les inégalités tant quantitatives que qualitatives nuisent donc à la productivité du pays et donc à sa compétitivité . Pour l'accroître, il faut donc réduire ces inégalités .Cette hausse de la compétitivité du pays se traduit par une augmentation des parts de marché des entreprises : elles vendent mieux leurs produits car ils sont moins chers et de meilleure qualité que ceux de leurs concurrents . Les entreprises peuvent plus facilement écouler leur production tant sur le marché intérieur qu'en exportant. Il y a donc augmentation de la production. Ainsi, la réduction des inégalités , en favorisant la productivité des travailleurs , est source de croissance économique.
Comme l’écrit J.Généreux dans Alternatives économiques : « Plus on partage le gâteau , plus il devient gros » . Certes , les libéraux affirment que les inégalités sont « la chose la plus nécessaire aux pauvres » ( doc 6 ) , car elles poussent les individus à faire des efforts , à travailler , à être dynamiques pour obtenir un revenu correspondant à leurs efforts . Leur démonstration théorique est argumentée , mais la réalité ne correspond pas à leurs assertions : il n’ y a pas de corrélation claire entre inégalités et croissance économique . Car , passé un certain seuil , les inégalités deviennent contre-productives . Les inégalités tant quantitatives que qualitatives ont des effets pervers qui freinent la croissance . La réduction des inégalités quantitatives favorise la hausse de le demande et donc l’équilibre entre offre et demande ; celle des inégalités qualitatives permet l’augmentation de la productivité .
Le problème est que si on arrive à réduire les inégalités quantitatives , il est plus difficile de lutter contre les inégalités qualitatives . En effet , il ne suffit pas d’opérer une redistribution verticale , il faut aussi intervenir dans les familles dans leurs méthodes d’éducation . C’est ce qu’ a démontré P.Bourdieu : les inégalités de réussite scolaire ne proviennent pas d’inégalités de capital économique , mais de capital culturel : les enfants des classes supérieures réussissent à l’école car leurs valeurs , normes et centres d’intérêt correspondent à ceux de l’école . En revanche , l’handicap des enfants des classes populaires ne résulte pas vraiment de revenus insuffisants , mais d’un décalage culturel . La difficulté est alors d’agir pour réduire ces inégalités : la discrimination positive paraît être la solution la plus pertinente . Elle consiste à donner plus à ceux qui ont moins . Elle a été utilisée lors de la création des Zones d’Education Prioritaire et plus récemment au concours d’entrée de Sciences po . Le concept d’équité remplace donc le concept d’égalité .
CORRECTION :La protection sociale favorise-t-elle la cohésion sociale ?
Le Monde Initiative de mai 2004 titre : « RMA : à peine né , déjà enterré ? » . L’objectif du Revenu Minimum d’Activité instauré le premier janvier 2004 était de dépasser les limites du RMI : celui-ci apportait certes un revenu mais ne permettait pas d’opérer une insertion totale dans la société , car les programmes d’insertion ont souvent été oubliés dans le RMI . Ainsi M.Esquerré dans le Monde initiative écrit : « le département n’a pas cru à la possibilité de mettre en œuvre des territoires d’insertion dans le territoire rural et peu industrialisé qu’est l’Aude » . Le RMA devait avoir l’avantage de permettre une intégration plus facile , car elle est basée sur le travail qui reste la base du lien social dans notre société . Le problème est que de nombreux départements , notamment à majorité socialiste , refusent aujourd’hui de le mettre en place , car ils ne savent pas comment le financer et sont persuadés que la contrainte par le travail ne permettra pas de recréer du lien social , c’est-à-dire la cohésion sociale , car le travail du RMA n’ a pas les mêmes qualités que lees autres formes de travail .
En effet , dans les sociétés modernes , le travail est considéré comme la base de la solidarité . Celui-ci apporte tous lés éléments du lien social : il permet de socialiser les individus , c’est-à-dire leur apprendre des valeurs ( idéaux que la société juge comme devant être atteints ) , des normes ( règles pour atteindre ces valeurs ) et pratiques sociales ( manières d’être , d’agir ) ; le travail permet de nouer des relatrions sociales ; il montre l’utilité de l’individu et celui-ci se rend compte qu’il est comme les autres membres de la société .
Mais le travail peut être instable : en cas de maladie de chômage , de vieillesse , il disparaît , ce qui crée une rupture de lien social . Pour l’éviter , après la seconde guerre mondiale , la pluart des sociétés capitalistes se sont dotés de systèmes de protection sociale : « le travailleur se consruit un droit de toucher des prestations pour le temps où provisoirement ( maladie , accident ) ou définitivement ( vieillesse ) il cessera son activité . C’est le sens fort de l’epression « protection sociale » : ce sont les prestations sociales qui protègent » ( doc 3 ) . La protection sociale est donc utile pour assurer la stabilité du lien social . Le problème est que les systèmes de protection sociale sont nés dans un contexte particulier : celui des 30 Glorieuses , où la croissance forte évitait des périodes de chômage longues et où il n’ y a avait pas de difficultés pour financer les dépenses sociales . Avec la crise économique , le système de protection sociale a du mal à jouer son rôle de solidarité : le chômage devient , pour certains durables , ce qui remet en cause les structures mêmes du système . D’une logique d’assurance on passe à une logique d’assistance , ce qui stigmatise et exclus les bénéficiaires des aides . La protection sociale n’assure plus alors la cohésion sociale .
I – LA PROTECTION SOCIALE A PERMIS LA CONSTITUTION DU LIEN SOCIAL LORS DES 30 GLORIEUSES
Selon Durkheim , les sociétés modernes moderrnes développent un lien social spécifique , basé sur le travail , car la solidarité mécanique caractéristique des sociétés traditionnelles a disparu . Or cette solidarité organique a des limites qui nécessite une intervention de l’Etat par le biais du système de protection sociale .
A – LA SOLIDARITE DANS LES SOCIETES INDUSTRIELLES MODERNES
1 – LA DISPARITION DE LA SOLIDARITE MECANIQUE
Les sociétés traditionnelles sont archaïques , de taille restreinte et holistes : l’individu n’a pas de place dans la société , il est totalement déterminé par son groupe ; la société est composée d’individus semblables qui produisent uniquement pour eux . Comme les individus sont autonomes les uns par rapport aux autres , pour assurer la solidarité il faut un droit répressif et une conscience collective forte pour signifier l’appartenance des individus à la société .
Cette forme de lien social va disparaître d’après Durkheim du fait de l’augmentation de la densité morale et matérielle : l’élévation du nombre d’habitants sur une surface donnée crée une concurrence plus forte entre les individus . Pour éviter des conflits , la solution est la spécialisation des individus qui leur permet en s’adonnant à des tâches différentes , de produire plus tout en supprimant la concurrence .
2 – L’APPARITION DE LA SOLIDARITE ORGANIQUE
Les individus ne sont donc plus substituables , mais complémentaires . Une nouvelle forme de lien social apparaît : la solidarité organique , basée sur la division du travail : les individus sont donc dépendants les uns des autres , l’utilité d’un droit répressif est alors moins grand . Le travail est donc source d’intégration : il permet l’insertion dans un groupe intermédiaire , il apporte un revenu qui permet d’obtenir le niveau de vie normal de la société , et un statut : il donne une valorisation sociale .
B – A DES DEFAILLANCES
Ces bases du travail comme lien social peuvent être source d’effets pervers , comme l’avait déjà mis en évidence Durkheim en présentant les pathologies de sociétés modernes .
Si être différent permet la complémentarité , le problème est qu « ’il existe de très grandes disparités , non seulement en termes de revenus , mais aussi de prestige et de pouvoir , entre par exemple un ouvrier au SMIC et un cadre supérieur » ( doc 4 ) . la solidarité ne peut naître que dans la mesure où les individus ont quelques points communs .
L’autre effet pervers provient de la place essentielle du travail dans l’économie et la société . En effet , il assure la production et est la principale source de lien social . Le problème vient de la contradiction entre ces deux objectifs : quand elles embauchent , les entreprises adoptent un calcul économique rationnel , le travailleur engagé doit créer plus de richesses qu’il n’en coûte et ne regardent absolument pas les conséquences sociales du travail . La perte du travail , que ce soit par maladie ou chômage détruit le lien social : l’individu perd à la fois son revenu et son statut : « il risquait ainsi de basculer dans la déchéance lorsque l’accident , la maladie , le chômage , la vieillesse l’empêchaient de survivre et de faire survivre sa famille avec son maigre salaire » ( doc 3 ).
C – QUI NECESSITE L’INTERVENTION DE L’ETAT
Comme le travail ne permet pas toujours de créer du lien social , l’Etat doit pallier ses insuffisances en instaurant de mouvelles formes de solidarité . C’est le rôle de l’Etat-Providence avec les systèmes de protection sociale .
1 – LES FONDEMENTS
En effet , d’après Fouillé , pour assurer de la cohésion sociale , il faut « un minimum de propriété essentiel à tout citoyen vraiment libre et égal aux autres » ( doc 3 ) . Comme le travail ne peut donner ce minimum de propriété , il faut faire des salariés des quasi-propriétaires , « c’est-à-dire que le non-propriétaire lui-même est protégé par l’équivalent de la propriété qu’il tire de son travail » ( doc 3 ) . C’est le sens de la Sécurité Sociale créée en 1945 en France : elle part du principe que le travail est fondamental mais que « provisoirement ou définitivement » , il peut disparaître . Ainsi , l’affiliation se fait à partir du travail salarié : tous les salariés sont contraints de verser des cotisations sociales aux différents organismes de Sécurité Sociale ; celles-ci leur donnent alors droit à recevoir des prestations sociales en cas de non-emploi ( maladie,chômage , retraite ) . Les individus deviernnent alors complémentaires , puisque il s’opère une redistribution horizontale entre les actifs occupés qui cotisent et ceux qui reçoivent des prestations ( chômage , retraite , famille ) . Un lien social se crée donc entre les individus : des jeunes vers les personnes âgées , des célibataires vers les familles .
« La société dans son ensemble , a pu devenir , pour reprendre une expression de F.Ewald « une société assurantielle » » .En effet , comme l’objectif de la Sécurité Sociale est d’assurer les individus contre les risques majeurs de l’existence , le mode de prélèvement des cotisations sociales est particulier et diffère de celui de l’impôt sur le revenu . Comme le but n’est pas de réduire les inégalités de revenu , les cotisations sociales sont relativement indépendantes du salaire puisque les risques sont identiques pour tous : jusqu’à un certain seuil , le montant des cotisations augmente , puis il reste stable .
Ainsi ,selon R.Castel « tout le monde ou presque peut disposer d’une sorte de coussin de sécurité , une sécurité sociale au sens fort du mot qui le garantit contre les aléas de l’existence » .
2 – LES RESULTATS
La population dispose donc toujours de revenus qui lui permettent d’obtenir le mode de vie normal de la société . Les individus ne se sentent donc pas exclus , hors de la société , « il ne décroche pas de la commune appartenance à la société , il demeure »un semblable » ( doc 3 ) . Le calcul des allocations chômage ou retraite répondait donc à cette logique : les allocations chômage représentent 80 % du salaire en début de chômage , la retraite dépend des 10 meilleures années de cotisations .
Les prestations familiales permettent de limiter les écarts de revenu entre les familles puisque pour les 10 % des ménages les plus pauvres , les prestations familiales sans conditions de ressources représentent 25 % du revenu ; pour le 4° Décile 2,5 % 5(doc 1 )
La création de la Sécurité Sociale en 45 a donc été essentielle pour assurer la cohésion sociale : en donnant de la stabilité aux travailleurs jusque là précaires , elle rendait le lien social beaucoup plus sûr . Ce rôle intégrateur de la Sécurité Sociale a été favorisé par le contexte économique extrèmement favorable des 30 Glorieuses : la croissance était forte , ce qui permettait de financer sans difficultés le système de protection sociale , d’autant plus que le chômage était faible . Or , la situation économique et sociale a changé : la crise économique engendre une augmentation du chômage : le système de Sécurité Sociale n’est plus adapté ; il ne protège plus efficacement l’intégralité de la population . Le système de protection sociale , au lieu de créer de la solidarité sociale , engendre une dualisation de la société . Comme l’écrit R.Castel ( doc 6 ) : « cette crise de la cohésion sociale est aussi une crise des protections sociales »
II – MAIS AUJOURD’HUI LE SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE REDUIT LA COHESION SOCIALE
A – PLUS ADAPTE AU CONTEXTE ECONOMIQUE
1 – DES DIFFICULTES DE FINANCEMENT
En effet , le système de protection sociale « reposait dans une large mesure sur des systèmes généraux d’assurance couvrant la grande majorité de la population contre les principaux risques sociaux et étaient principalement alimentées par des cotisations patronales et salariales issues du travail .Le chômage de masse et la précarisation des conditions de travail ont miné cette assise » ( doc 6 ) .
Le ralentissement de la croissance à partir des années 70 génère une réduction du nombre d’embauches qui a deux conséquences pour le système de protection sociale . D’un côté , le nombre de chômeurs augmente , ce qui entraîne une élévation des indemnités chômage ; de l’autre , comme le nombre d’actifs occupés est en baisse , les cotisations sociales diminuent . Le déficit de la Sécurité Sociale se creuse , ce qui oblige l’Etat à changer sa politique de protection sociale : le montant et le durée d’indemnisation chômage sont revus à la baisse ; la réforme des retraites en 2003 a pour objectif d’accroître la durée de la vie active en généralisant l’exigence de 40 années de cotisations , voire 42 ans dans le futur pour obtenir une retraite à taux plein .
2 – LE CHOMAGE DEVIENT DURABLE
Ces transformations seraient acceptées par la population , si en contrepartie , le système de protection sociale protégeait efficacement toute la population . Or , ce n’est plus le cas ; la responsabilité en incombe à la structure même du système de protection sociale : il est basé sur le travail . Son efficacité reposait sur la stabilité du travail : pour avoir droit à une bonne indemmnisation retraite ou chômage , il fallait avoir travailler longtemps ( la durée maximale d’indemnisation du chômage est de 2 ans ; pour avoir droit à la retraite , il faut 40 années de cotisations) .
Aujourd’hui , de plus en plus d’individus ne disposent pas sur le long terme de travail : soit ils connaissent un chômage de longue durée et ne bénéficient donc plus d’indemnités chômage ; soit ils alternent des périodes d’emplois précaires et de chômage qui ne leur permettent plus de cumuler assez d’annuités pour disposer d’une retraite suffisante .
B – UNE SOCIETE DUALE
1 – UNE TRANSFORMATION DU SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE
Pour éviter l’extrême pauvreté de cette population , va être mise en place dès le début des années 80 toute une série d’allocations complémentaires : « c’est ce qu’on appelle « les minima sociaux » qui sont actuellement au nombre de 8 » ( doc 6 ) . La différence avec la logique de la Sécurité Sociale est qu’elle n’est plus basée sur l’assurance , mais l’assistance . L’allocation la plus emblématique de cette logique est le Revenu Minimum d’Insertion créé en 1988 . Celui-ci avait un double objectif . Le premier est d’ assurer un revenu minimum aux plus démunis qui permettent aux allocataires de couvrir leurs besoins fondamentaux , le RMI est donc une allocation différentielle , c’est-à-dire qu’il complète les revenus de la personne pour atteindre un montant considéré comme permettant d’assurer la survie . Le second objectif est de réinsérer les individus dans la société en leur donnant une formation qui devrait déboucher à terme sur un travail . D’autres allocations de ce type existent en France ( doc 2 ) : l’allocation parent isolé , l’allocation solidarité spécifique , l’allocation veuvage . Elles ont toutes un point commun : leur attribution ne dépend pas de cotisations préalables effectuées grâce à un travail mais d’une situation familiale et sociale qui empêche l’individu de subvenir seul à ses besoins .
« On voit ici le spectre d’une dualisation qui serait ruineuse pour la cohésion sociale : d’un côté les populations bien protégées sur la base d’un travail stable , de l’autre tous ceux auxquels on octroie des secours parce qu’ils sont incapables de s’assurer eux-mêmes » ( doc 6 )
2 – UNE SOCIETE COUPEE EN 2
L’inadaptation et la transformation du système social génère alors une perte de cohésion sociale : deux groupes aux intérêts et mode de vie différents cohabitent sans lien social .
a- UN GROUPE DE TRAVAILLEURS STABLES AU STATUT VALORISE
Le premier groupe est constitué « des bénéficiaires d’un emploi classique qui continuent à être couverts par des protections solides » ( doc 6 ) . Ce sont les titualires d’un Contrat à Durée Indéterminée : lors de la signature de leur contrat de travail , le date d’expiration n’est pas mentionnée et les motifs de rupture sont limités : faute grave ou licenciement économique . Le CDI est d’autant plus stable que le salarié a peu de chances d’être au chômage : être qualifié . Ce groupe dispose de salaires élevés , de protections sociales fortes et d’un statut valorisé .
b- UN GROUPE DEPENDANT
« Mais ceux qui sont plus ou moins éloignés du marché du travail se voient offrir des prestations et des aides ciblées en fonction de leur situation défavorisée » ( doc 6 ) . Ce système d’aides n’assurent plus la cohésion sociale car elles sont finacièrement insuffisantes et stigmatisantes .
En effet , en France métropolitaine , près de 6 millions de personnes vivent grâce aux minima sociaux . Mais sur les 8 seules 3 ( l’allocation supplémentaire vieillesse , l’allocation adultes handicapés et l’allocation supplémentaire d’invalidité ) premettent d’éviter la pauvreté , puisque la valeur de ces aides procure un revenu correspondant au montant de la pauvreté monétaire . Les 5 autres , notamment le RMI ne permettent pas d’assurer la satisfaction des besoins essentiels : l’allocation insertion ne représente que la moitié de la valeur du seuil de pauvreté . Ces minima sociaux sont encore plus éloignés des revenus du travail : le RMI ne représente que 46 ,5 % du SMIC net qui est pourtant le salaire minimum en France . Cela veut donc dire que les revenus tirés de l’assistance sont très éloignés des revenus moyens de la population ( doc 2 ).
Leur mode de vie , c’est-à-dire la manière dont ils utilisent leur revenu , se révèle alors totalement différent du premier groupe : ils ne peuvent assurer que le minimum vital et ne peuvent donc acheter des produits de bonne qualité ou des biens ne relevant pas de la survie : leurs dépenses de loisirs , culture santé , voyage sont quasiment nulles , alors qu’elles deviennent dominantes dans le premier groupe . En effet , d’après les lois d’Engel , plus le revenu augmente , plus la part des services est forte .
Certes , comme l’écrit R.CASTEL (doc 6 ) ces ressources les aident , « mais les maintenant dans une position subordonnée et souvent stigmatisée »(doc 6 ) . Car leur source de revenu n’a pas la même origine que celle des autres catégories de la population ; ainsi pour les 10 % des ménages les plus pauvres , 27 % du revenu provient des minima sociaux ; pour le 5 ° décile , cela ne représente plus que 0,2 % ( doc 2 ) . Objectivement , la composition de leur revenu les distingue du reste de la population . subjectivement , les minima sociaux ont aussi des conséquences .
En effet , la plupart des bénéficiaires se perçoivent et sont perçus par la société soit comme des inutiles et des incapables qui n’arrivent pas à obtenir un travail , soit comme des paresseux qui refusent d’avoir un emploi et qui préfèrent vivre aux crochets de la société . Dans les deux cas , qu’il soit « victime en ne pouvant pas exercer librement son droit à travailler « ou fautif car « responsable , à la limite , de la situation de chômage dans laquelle il se trouve » ( doc 4 ) , l’individu ne peut pas réellement appartenir à la société car il ne contribue pas à la perpétuation de la société . Comme l’écrit D.Méda ( doc 4 ) : en retour de ce revenu d’assistance , l’individu ne se forme pas , ne travaille pas et n’apporte donc rien à la collectivité .
Ces minima sociaux ont donc l’effet inverse de celui souhaité : au lieu de réinsérer des individus en marge de la société , « ils risquent de désigner celui qui est assisté comme un être anormal , différent et de stigmatiser ainsi une population particulière que les traitements toujours plus particuliers qui lui seront proposés ne manqueront pas d’enfermer davantage dans la différence » . ( doc 4 )
La protection sociale au lieu de générer de la cohésion sociale peut créer des groupes différents sans lien aucun . Pire encore , elle peut détruire tout lien social .
C – ET INDIVIDUALISTE
En effet , selon M.Gauchet ( doc 5 ) : « L’Etat-Providence est un puissant facteur d’individualisme » . Ce terme est défini de manières différentes , mais relativement proches selon les auteurs . Selon Durkheim , l’individu se replie sur lui-même , il vit en égoïste et est détaché de toute collectivité . Tocqueville en donne une définition plus large : l’individualisme n’est pas de l’égoïsme , l’individu ne pense pas qu’à lui , mais à sa famille et à son groupe d’amis et se désintéresse de la vie politique et social de son pays .
Car , « quand on procure aux individus ce parachute extraordinaire qu’est l’assurance d’assistance , on les autorise dans toutes les situations de l’existence , à s’affranchir de toutes les communautés , de toutes les appartenances possibles , à commencer par les solidarités élémentaires de voisinage » ( doc 5 ) . L’Etat –Providence crée certes une complémentarité entre les individus : les cotisations des uns servent à financer les prestations des autres , mais cette solidarité est brouillée : dépendre de tous revient en fin de compte à ne dépendre de personne . Les individus sont alors persuadés qu’ils n’ont besoin de personne d’autre puisque leur revenu provient toujours de leur travail : soit directement , soit indirectement par les revenus de la Sécurité Sociale . Les solidarités familiales et villageoises se délitent donc . Le système de protection sociale au lieu de créer de la solidarité sociale la détruit .
La création de la Sécurité Sociale en 1945 a été perçue comme une avancée sociale : en réduisant la précarité attachée au statut de salarié , elle favorisait la cohésion sociale : les risques de rupture du lien social étaient limitées puisque les revenus de la protection sociale permettaient aux indivdidus d’ avoir le mode de vie dominant de la population . Cette fonction de lien social assuré par l’Etat-Providence n’est pourtant pas structurelle mais conjoncturelle : dans la période de croissance des années 50-70 , le système de protection sociale pouvait créer du lien social et remplacer ponctuellement le travail comme source de revenu et de statut , car les périodes de chômage étaient de courte durée . Ce n’est plus possible aujourd’hui : le ralentissement de la croissance génère le développement des emplois précaires et le chômage de masse . L’Etat-Providence connaît alors une crise : de financement d’abord , mais aussi de légitimité , puisque il ne permet plus de protéger efficacement la population . En effet , face aux difficultés financières et à l’augmentation du nombre de chômeurs , on est passé d’une logique d’assurance basée sur le travail à une logique d’assistance . Les bénéficiaires de ces aides sont alors stigmatisés et exclus .
Le système de protection social ne permet donc plus d’assurer la cohésion sociale . Ainsi , les sociétés modernes connaissent une crise du lien social : le travail ne peut plus jouer son rôle d’intégration avec l’augmentation importante du nombre de chômeurs , les systèmes de protection sociale montrent aussi leurs limites . Cette crise de légitimité de l’Etat-Providence s’ajoute à sa crise d’efficacité . Ainsi , depuis 2003 , le gouvernement Raffarin tente de modifier le système de protection sociale : après le système de retraites , c’est aujourd’hui la réforme de la Sécurité Sociale qui est cours .
Le gouvernement Raffarin projette d’instaurer une amnistie des capitaux sortis de France illégalement : en payant une taxe légère , les ménages pourraient rapatrier leurs capitaux qu’ils avaient placé à l’étranger . L’objectif de cette mesure serait d’accroître la quantité de capitaux prêts à être investie en France . Pour être efficace , elle devrait être couplée avec une autre stratégie : la réduction de l’imposition des plus riches . Dans le cas contraire , il ne paraît guère intéressant de rapatrier ses capitaux pour qu’ils soient taxés fortement , alors que l’objectif initial était justement d’éviter cette taxation . Cette option gouvernementale semble donc être dans la logique libérale , puisque l’augmentation des impôts des plus riches engendre une fuite de l’épargne et une réduction de l’investissement et de la croissance . Cette stratégie engendrerait certes des inégalités , que l’on peut définir comme des différences se traduisant par des avantages ou des inconvénients , mais elles seraient bénéfiques pour tous .
Les inégalités seraient positives car elles favoriseraient la croissance économique . En effet « le capitalisme est un jeu à somme positive où la coopération des entrepreneurs et des salariés peut améliorer le sort de tous » ( doc 6 ) .
Le problème est alors de définir quelles inégalités sont acceptables et positives . Or , la caractéristique des inégalités est d’être protéiforme . Certes , il y a aujourd’hui un consensus pour refuser les inégalités de chances au départ : tous les individus doivent être traités de la même manière au départ , ensuite leurs revenus dépendront leurs efforts . Seulement , il est impossible d’obtenir une égalité réelle au départ : en effet , les inégalités ne sont pas seulement quantitatives ( revenu , patrimoine ) , elles sont aussi qualitatives ( école , culture , santé ) .
Certaines inégalités sont donc injustes. Cela ne pose pas de difficultés aux libéraux dans la mesure où les inégalités créent de la richesse supplémentaire qui se traduit par une augmentation du revenu de tous . Pourtant, les études statistiques reliant inégalités et croissance ne montrent pas de relation automatique entre des deux variables . Car les libéraux oublient les effets pervers de la hausse des inégalités sur la demande et sur la productivité des travailleurs .
I- SELON LES LIBERAUX , LA REDUCTION DES INEGALITES FREINE LA CROISSANCE ECONOMIQUE
D'après l'analyse libérale, les inégalités sont justes car elles rémunèrent des efforts différents et efficaces car elles permettent la croissance économique . Au contraire, réduire les inégalités débouche, comme on 1' a vu dans la plupart des PDEM dans les années 80 , par une perte d'efficacité économique . En effet , les mesures visant à réduire des inégalités limite la droissance extensive , obtenue par l’augmentation des facteurs de production et la croissance intensive résultant de l’augmentation de la productivité des facteurs de production , c’est-à-dire de la production d’une unité de facteurs de production .
A – LES MOYENS UTILISES POUR REDUIRE LES INEGALITES
La réduction des inégalités qu’elles soient quantitatives ou qualitatives nécessite une forte intervention de l’Etat . Celui-ci va opérer une redistribution verticale en prélevant les plus riches pour donner des revenus aux plus pauvres . Deux conséquences apparaissent alors . La première est l’augmentation de la progressivité de l’impôt . Comme le but des prélèvements obligatoires n’est pas seulerment de financer l’action de l’Etat , mais de réduire les inégalités , il faut que plus le revenu augmente , plus la part d’impôt payé soit forte .
La seconde est le versement de revenus indépendantS de l’activité productive : l’Etat-Providence apparaît qui considère que l’individu n’est pas totalement responsable de son sort et doit recevoir des aides , même s’il ne participe pas à la production en apportant du travail ou du capital .
Ces deux facteurs génèrent la même conséquence : la réduction de la croissance , qu’elle soit extensive ou intensive .
B - LA REDUCTION DES INEGALITES EST NEFASTE
1 – LES CONSEQUENCES DES AIDES SOCIALES
On note , en effet , une corrélation forte entre aides sociales et croissance économique ( doc 2 ) : plus le poids des transferts sociaux dans le PIB est élevé , moins le PIB réel par tête augmente rapidement . Au Japon où les transferts sociaux représentent 12 % du PIB , le PIB par tête au augmenté en moyenne de 5 % par an entre 60 et 92 ; en revanche , en Suède , 25 % du PIB est destiné aux transferts sociaux et le PIB réel par tête n’a augmenté que de 2 % par an en moyenne .
Les aides sociales sont donc un frein à la croissance . En effet, d’après l’analyse libérale , avant de déterminer leur quantité de travail, les ménages font un arbitrage entre temps de loisir et temps de travail . Les individus sont rationnels et avant d'agir , vont faire un calcul coût-bénéfice de leur action . Ils vont comparer ce qu'ils gagnent à travailler ( le salaire) avec ce qu'ils perdent ( les loisirs ) . Le système de redistribution va être désincitatif au travail pour les plus pauvres . Car « l’erreur commune des socialistes est de ne pas tenir compte de la paresse naturelle aux hommes , de leur tendance à la vie passive » ( doc 6 ) . Ainsi , « dans le système d’Etat-Providence , l’argent n’est pas le fruit du travail de l’homme ( … ) . Protestation et revendication remplacent diligence et discipline comme sources de revenus » ( doc 6 )
Les plus pauvres ne voient donc plus l’intérêt de travailler pluisqu’ils gagnent autant en ne travaillant pas . Cela pousse aussi certains ménages à arrêter de travailler . Ainsi « rien qu’à New York , le chiffre des ménages nécessiteux est passé de 320 000 en 1960 à 1 300 000 en 72 . On est tenté de conclure que plus l’Etat intervient pour remédier à la pauvreté , plus cette pauvreté augmente » ( doc 6 ) .
Cette désincitation au travail se retrouve aussi pour les plus riches , mais elle résulte d’un autre déterminant : l’augmentation des prélèvements obligatoires .
2 – LES CONSEQUENCES DE L’AUGMENTATION DES PRELEVEMENTS OBLIGATOIRES
On remarque que plus le poids des prélèvements obligatoires dans le PIB est élevé , moins la croissance du PIB / tête est forte . Le Japon a une croissance annuelle moyenne du PIB / tête de 2,6 % par an et les prélèvements obligatoires représentent 30 % du PIB . En revanche , la Suède , avec des prélèvements obligatoires représentant 50 % du PIB ( doc 2 ) , connaît une augmentation du PIB / tête moyen de 0,5 % par an ( doc 1 ) .
En effet , l’augmentation des prélèvements obligatoires ne favorise ni l’épargne , ni le travail des plus riches .
a- LES CONSEQUENCES SUR L’EPARGNE
En effet, une augmentation de la progressivité de l'impôt va engendrer une diminution de l'épargne pour 2 raisons .La première est la baisse du revenu des plus riches qui ont la propension à épargner la plus forte : si leur revenu diminue , ils sont obligés de réduire leur épargne . La seconde est le risque d' évasion fiscale ( doc 4 ) : avec la mondialisation financière , les ménages les plus aisés comparent les rémunérations de l’épargne , mais aussi les niveaiux d’imposition : si les impôts sont plus élevés dans le pays , il va y avoir une fuite des capitaux pour éviter cette augmentation des prélèvements .
b- LES CONSEQUENCES SUR LE TRAVAIL
A cette fuite des capitaux peut aussi s’ajouter celle des « supercadres » ( doc 4 ) . En effet , l’augmentation de la progressivité de l’impôt peut engendrer une diminution du travail des plus qualifiés . Face à cette augmentation des impôts , deux solutions sont envisageables pour les cadres : soit partir ailleurs , soit travailler moins pour payer moins d’impôts . C’est ce qu’ a démontré Laffer dans sa célèbre courbe : quand les taux d’imposition augmentent , le revenu net des individus les plus riches diminue . L’intérêt réel de travailler est alors moins fort : ils préfèrent alors disposer de davantage de loisirs .
3 – LES CONSEQUENCES SUR LA CROISSANCE
L’effet cumulé des aides sociales et des prélèvements obligatoires sont à l’origine d’un frein de la croissance extensive et intensive .
D’un côté la quantité de facteurs de production ( travail et capital ) diminue : la réduction de l’épargne est particulièrement inquiétant pour les libéraux , car celle-ci détermine l’investissement : plus l’épargne est élevée , plus le taux d’intérêt réel est bas , ce qui facilite l’emprunt et l’investissement des entreprises .
La diminution de la quantité de travail est aussi préjudiciable à la croissance économique , notamment celle des plus qualifiés . En effet , ce sont les plus dynamiques , les plus innovants , ceux qui sont capables de proposer de nouveaux produits ou de nouveaux processus de production . Schumpeter a montré que l’incitation à innover provenait du profit . L’augmentation de l’impôt en réduisant le profit net de l’entrepreneur diminue donc l’incitation à innover . Comme l'investissement et les efforts de R-D diminuent, la productivité tend à diminuer : la croissance intensive est donc limitée .
4 – LES SOLUTIONS
Pour relancer le processus de croissance il faut donc adopter la démarche américaine ( doc 4 ) : »l’élargissement des inégalités patrimoniales observé au cours des années 1980 – 1990 a été grandement facilité par les très forts baisses d’impôt dont ont bénéficié les revenus les plus élevés depuis la fin des années 70 » . Cette stratégie a mis plus de temps à être acceptée en Europe , mais depuis le début des années 80 « ce grand écart transatlantique a fini par se réduire » ( doc 4 ) .
Une idée dominante apparaît alors : les inégalités sont justes et efficaces car elles assurent la croissance économique .C'est pourquoi les inégalités sont moralement justifiables pour les libéraux, car elles améliorent le sort de tous . Si je suis bienveillant pour autrui, je peux être conduit à préconiser des partages très égalitaires ; dans ce cas, les individus les plus défavorisés risquent, parce que le gâteau est plus petit de se trouver dans une situation plus défavorable que celle à laquelle il pourrait prétendre , en acceptant une dose d'inégalités plus forte , car celle-ci permettait un gâteau de taille plus importante ». Ainsi aux EU , la volonté de réduire les inégalités au eu une seule conséquence ( doc 6 ) : « en 22 ans , le nombre de ménages américains assistés par l’Etat d’une façon ou d’autre par l’Etat a douvblé passant de 6 millions à 15 millions » ( doc 6 ) A contrario l’exemple de la Malaisie est éclairant ( doc 1 ) : les inégalités sont fortes ( coefficient de Gini proche de 100 ) et le PIB a augmenté de 6 % par an en moyenne entre 80 et 2000 .
On peut certes trouver des exemples vérifiant la corrélation entre inégalités et croissance économique . Le problème est qu’il n’ y a pas de relation automatique entre ces deux variables . Les inégalités ne génèrent pas toujours de la croissance économique . En effet , selon les libéraux, les inégalités seraient méritocratiques et efficaces , car elles pousseraient les individus à travailler et à être productifs . mais leur analyse oublie de nombreux éléments . Les inégalités ne peuvent être méritocratiques que dans une société qui assure une égalité des chances . Or, nos sociétés ne le sont pas, car il y a de nombreuses inégalités qualitatives . Les libéraux oublient aussi les effets pervers de ces inégalités qui peuvent freiner la croissance .
II - DANS LA REALITE LES INEGALITES CREENT DES EFFETS PERVERS
A-CONSTAT
Il n’ y a pas de corrélation claire ni entre réduction des inégalités et croissance , ni entre les transferts sociaux et les impôts sur la croissance ( doc 1 ) .
Quand on relie degré d’inégalités et croissance économique , aucune relation évidente n’ apparaît : le nuage de points est totalement dispersé . On peut certes trouver des pays où la croissance économique est corrélée avec des inégalités fortes . Mais des exemples totalement contradictoires peuvent aussi être mis en évidence : la Corée a un taux de croissance annuel du PIB de 7 % et un degré d’inégalités assez faible . De même les EU et la Suède ont un taux de croissance annuel du PIB identique ( 3 % ) , mais le degré d’inégalité est presque deux fois plus élevé aux EU qu’en Suède .
Les exemples ne permettent pas non plus de montrer que plus un pays adopte un système de redistribution important , plus sa croissance économique est faible ( doc 1 ). Ainsi, les Pays-Bas qui ont une part des prélèvements dans le PIB très élevée ( 45 % ) sont le pays où la croissance économique a été la plus forte entre 89 et 94 ( 2,8 % par an en moyenne ) . De même un niveau élevé de transferts sociaux n'entrave pas la croissance : le poids des transferts sociaux dans le PIB de la Belgique est le double de celui des EU , mais sa croissance moyenne entre 60 et 92 a aussi été beaucoup plus forte ( 3 % contre 1,5 % ).
Rien, dans les faits , ne permet d'affirmer que les inégalités soient un frein à la croissance . Rien dans les théories , non plus , comme l'affirmait déjà KEYNES dans les années 30 : « ce qui, à notre avis , les arrête surtout, c'est l'idée que le développement du capital est en relation avec la puissance du motif de l'épargne individuelle et qu'il est en grande partie fonction de l'épargne que la classe riche tire de ses superfluités » . Or, selon Keynes , si cette analyse se révèle justifiée en période de plein emploi des facteurs de production , elle se révèle totalement fausse en période de sous emploi. Les inégalités tant quantitatives que qualitatives sont néfastes pour la croissance économique .
B - L'EFFET DES INEGALITES QUANTITATIVES
Les inégalités quantitatives , revenu et partrimoine , peuvent être à l’origine d’un ralentissement de la croissance .
1 – LES CONSEQUENCES DES INEGALITES DE PATRIMOINE
Selon T.Piketty , « l’étude du siècle passé confirme qu’une trop forte concentration du capital peut avoir des conséquences négatives en termes d’efficacité économique ( … ) . Il est fort possible que l’aplatissement des inégalités patrimoniales survenu au cours de la période 1914-1945 , en accélérant le déclin des anciennes dynasties capitalistes et en favorisant l’émergénce de nouvelles générations d’entrepreneurs , aient contribué à dynamiser les économies occidentales des 30 Glorieueses » ( doc 4 )
En effet , la réduction des inégalités de patrimoine réduit les inégalités de chances au départ et favorisent l’apparition de nouveaux entrepreneurs . Ainsi , ce n’est plus l’héritage et la naissance qui permettent de créer son entreprise , mais ses capacités propres . On retrouve alors l’analyse de Schumpeter pour qui l’entrepreneur est un élément dynamique qui peut révolutionner le système économique , mais qui n’a pas obligatoirement de diplôme , de capital culturel ou économique .
La réduction des inégalités de patrimoine est donc efficace car méritocratique : ce sont les meilleurs , les plus performants qui peuvent créer et diriger les entreprises : celles-ci sont donc gérées de manière optimale .
2 – LES CONSEQUENCES DES INEGALITES DE REVENU
Les inégalités de revenu freinent aussi la croissance , car elles ont des conséquences à la fois sur l’offre et la demande , à la fois au niveau micro-économique et au niveau macro-économique .
a- L’EFFET MACRO-ECONOMIQUE : LE ROLE SUR LA DEMANDE
KEYNES remet en cause la loi fondamentale de l'analyse libérale : la loi de SAY qui postule que l'offre crée sa propre demande et que l'économie est durablement à l'équilibre . Pour KEYNES , la monnaie est un bien particulier que les individus vont vouloir thésauriser : tous les revenus ne seront donc pas destinés à l'achat et il peut y avoir un excédent d'offre.
Pour assurer l'équilibre macro-économique, l'Etat doit alors intervenir en augmentant la demande , qu'elle proviennent des ménages ( consommation ), des entreprises ( investissement ) ou de l'Etat ( dépenses publiques ) . En effet, la demande a un effet multiplicateur sur la production : l'augmentation de la production est plus rapide que l'augmentation de la demande. Or, l'effet multiplicateur dépend de l'état des inégalités d'un pays ; comme l'écrit KEYNES , « une faible propension à consommer , loin de stimuler le développement du capital, ne fait que le contrarier » . Car, plus la propension moyenne à consommer du pays , c'est-à-dire la part du revenu consommé ,est forte , plus l'augmentation de la production est rapide . Or, d'après la loi psychologique de la consommation de KEYNES , plus le revenu augmente, plus cette propension à consommer diminue, alors que la propension à épargner augmente . Pour avoir un effet optimum du
multiplicateur, il faut donc opérer un transfert du revenu des plus riches qui ont la propension à épargner la plus forte vers les plus pauvres qui ont une forte propension à consommer. ( doc 5 )
La réduction des inégalités engendre certes une augmentation de la demande ; elle la transforme aussi . Comme les revenus augmentent , la consommation se modifie d’après les lois d’Engel : la demande de services augmente rapidement alors que la demande de produits manufacturés stagne . Rosenstein-Rodan considère que cette évolution favorise la croissance , puisque la production de services nécessite moins de capital : il y a alors une économie d’épargne qui permet de produire plus avec le même stock de capital ( doc 5 ) .
« Un cercle vertueux égalité –croissance » se crée donc .
b- L’EFFET MICRO-ECONOMIQUE : LE ROLE SUR L’OFFRE
« Ces effets sur la demande suscitent toutefois un intérêt minoritaire dans une recherche qui se concentre plutôt sur les effets d’offre . Les nouvelles théories de la croissance attirent davantage l’attention sur les externalités positives améliorant la productivité globale » écrit J.Généreux ( doc 5 )
La réduction des inégalités de revenu n’a pas seulement d’effets positifs sur la demande , elle joue aussi sur les conditions de l’offre .
En effet la réduction des inégalités de salaire favorise l’augmentation de la productivité et donc la croissance . L’analyse du salaire d'efficience le démontre en remettant en cause l'analyse libérale de la relation salaire-productivité : selon les libéraux, la productivité détermine le salaire. Au contraire, pour la théorie du salaire d'efficience, plus le salaire est élevé, plus la productivité est forte . En effet, les salariés adoptent une stratégie de don ,contre-don : s'ils ont l'impression d'être bien traités et bien considérés par l'entreprise, ils vont faire des efforts pour mériter ces avantages et ne pas risquer de perdre leur emploi. En revanche, comme l'affirme J.P.Fitoussi ,lorsque le niveau des salaires est trop faible , les salariés n'ont aucun intérêt à investir dans une relation durable avec l'entreprise, ni à témoigner d'un effort soutenu de travail .
Dans ces conditions , il peut être rentable pour les entreprises , mais aussi pour l'économie toute entière d'augmenter les salaires les plus bas et donc de réduire les inégalités salariales . L'analyse permet de montrer qu'il existe une opportunité d'échange profitable à tous : une augmentation modérée des bas salaires peut, jusqu'à un certain point, susciter une augmentation plus que proportionnelle de la productivité, parce qu'elle motive les salariés et incite les entreprises à un effort de formation .
En effet , ce qui compte pour une entreprise , ce n’est pas le niveau absolu des salaires , mais sa comparaison avec ce que rapporte un salarié , c’est-à-dire sa productivité . Tant que la productivité sera supérieure au coût du travail l’entreprise va y gagner , mais aussi la collectivité toute entière . Les coûts salariaux diminuent puisque les salaires augmentent moins vite que la productivité : le pays gagne ainsi en compétitivité-prix . Il bénéficie aussi d'une meilleure compétitivité-qualité car les salariés sont incités à soigner leur travail. Il y alors une élévation de la compétitivité du pays .
La réduction des inégalités de revenu peut alors engendrer une diminution des inégalités qualitatives ( santé , éducation ) favorisant la croissance .
C – LES EFFETS DE LA REDUCTION DES INEGALITES QUALITATIVES
1 – LA REDUCTION DES INEGALITES QUANTITATIVES FAVORISE CELLE DES INEGALITES QUALITATIVES
En effet « « une dimension essentielle des politiques visant une croissance partagée est de promouvoir et de rendre possible un large accès à l’éducation secondaire . L’élévation initiale du revenu des couches populaires rend mieux supportable la scolarisation des enfants » ( doc 5 ) . Le calcul coût-bénéfice des études supérieurs pour les enfants des classes populaires aboutit à une valorisation de celles- ci . Le coût des études supérieures devient relativement plus faible du fait de l’augmentation des revenus de leurs parents ; en revanche , le bénéfice devient plus important car il permet une insertion plus facile dans le marché du travail . « Ainsi s’enchaîne un cercle vertueux : amélioration du niveau de vie des classes populaires = investissement dans l’éducations = croissance du niveau de vie » ( doc 5 ).
2 – LA REDUCTION DES INEGALITES QUALITATIVES GENERE LA CROISSANCE
Car le niveau d’instruction détermine en grande partie la productivité d’un individu ,comme l’a démontré la théorie du capital humain de G.Becker . Plus le niveau de diplôme est élevé , plus l’individu est apte au changement et est capable d'accepter et de suivre les innovations , plus sa productivité est donc élevée . La démocratisation du système scolaire est alors positive puisqu’elle permet l’augmentation du niveau scolaire moyen : la part des jeunes obtenant le bac a augmenté passant de 35 % en 80 à 89% en 89 . Mais les écarts entre catégories restent encore élevés même si elles sont en baisse : un 80 , un fils d’enseignant avait 4 fois plus de chance d’avoir le bac qu’un fils d’ouvrier ; en 89 , l’écart n’est que de 3 . Mais , 80 % des fils de cadres ont le bac en 89 , alors que ce n’est le cas que de 30 % des ouvriers non qualifiés .( doc 3 )
La productivité d un individu ne dépend donc pas seulement d’ éléments quantitatifs ( le salaire ) mais aussi d’ éléments qualitatifs . L’état de santé de la population joue aussi un rôle : si la population est bien soignée et est en bonne santé , elle pourra faires efforts plus importants . Cette relation a été démontrée par les premières analyses du salaire d’efficience qui portaient sur l’étude des PVD : l’augmentation des revenus permettait à la population d’être mieux nourrie , moins malade et donc d’être plus productive .
Les inégalités tant quantitatives que qualitatives nuisent donc à la productivité du pays et donc à sa compétitivité . Pour l'accroître, il faut donc réduire ces inégalités .Cette hausse de la compétitivité du pays se traduit par une augmentation des parts de marché des entreprises : elles vendent mieux leurs produits car ils sont moins chers et de meilleure qualité que ceux de leurs concurrents . Les entreprises peuvent plus facilement écouler leur production tant sur le marché intérieur qu'en exportant. Il y a donc augmentation de la production. Ainsi, la réduction des inégalités , en favorisant la productivité des travailleurs , est source de croissance économique.
Comme l’écrit J.Généreux dans Alternatives économiques : « Plus on partage le gâteau , plus il devient gros » . Certes , les libéraux affirment que les inégalités sont « la chose la plus nécessaire aux pauvres » ( doc 6 ) , car elles poussent les individus à faire des efforts , à travailler , à être dynamiques pour obtenir un revenu correspondant à leurs efforts . Leur démonstration théorique est argumentée , mais la réalité ne correspond pas à leurs assertions : il n’ y a pas de corrélation claire entre inégalités et croissance économique . Car , passé un certain seuil , les inégalités deviennent contre-productives . Les inégalités tant quantitatives que qualitatives ont des effets pervers qui freinent la croissance . La réduction des inégalités quantitatives favorise la hausse de le demande et donc l’équilibre entre offre et demande ; celle des inégalités qualitatives permet l’augmentation de la productivité .
Le problème est que si on arrive à réduire les inégalités quantitatives , il est plus difficile de lutter contre les inégalités qualitatives . En effet , il ne suffit pas d’opérer une redistribution verticale , il faut aussi intervenir dans les familles dans leurs méthodes d’éducation . C’est ce qu’ a démontré P.Bourdieu : les inégalités de réussite scolaire ne proviennent pas d’inégalités de capital économique , mais de capital culturel : les enfants des classes supérieures réussissent à l’école car leurs valeurs , normes et centres d’intérêt correspondent à ceux de l’école . En revanche , l’handicap des enfants des classes populaires ne résulte pas vraiment de revenus insuffisants , mais d’un décalage culturel . La difficulté est alors d’agir pour réduire ces inégalités : la discrimination positive paraît être la solution la plus pertinente . Elle consiste à donner plus à ceux qui ont moins . Elle a été utilisée lors de la création des Zones d’Education Prioritaire et plus récemment au concours d’entrée de Sciences po . Le concept d’équité remplace donc le concept d’égalité .
CORRECTION :La protection sociale favorise-t-elle la cohésion sociale ?
Le Monde Initiative de mai 2004 titre : « RMA : à peine né , déjà enterré ? » . L’objectif du Revenu Minimum d’Activité instauré le premier janvier 2004 était de dépasser les limites du RMI : celui-ci apportait certes un revenu mais ne permettait pas d’opérer une insertion totale dans la société , car les programmes d’insertion ont souvent été oubliés dans le RMI . Ainsi M.Esquerré dans le Monde initiative écrit : « le département n’a pas cru à la possibilité de mettre en œuvre des territoires d’insertion dans le territoire rural et peu industrialisé qu’est l’Aude » . Le RMA devait avoir l’avantage de permettre une intégration plus facile , car elle est basée sur le travail qui reste la base du lien social dans notre société . Le problème est que de nombreux départements , notamment à majorité socialiste , refusent aujourd’hui de le mettre en place , car ils ne savent pas comment le financer et sont persuadés que la contrainte par le travail ne permettra pas de recréer du lien social , c’est-à-dire la cohésion sociale , car le travail du RMA n’ a pas les mêmes qualités que lees autres formes de travail .
En effet , dans les sociétés modernes , le travail est considéré comme la base de la solidarité . Celui-ci apporte tous lés éléments du lien social : il permet de socialiser les individus , c’est-à-dire leur apprendre des valeurs ( idéaux que la société juge comme devant être atteints ) , des normes ( règles pour atteindre ces valeurs ) et pratiques sociales ( manières d’être , d’agir ) ; le travail permet de nouer des relatrions sociales ; il montre l’utilité de l’individu et celui-ci se rend compte qu’il est comme les autres membres de la société .
Mais le travail peut être instable : en cas de maladie de chômage , de vieillesse , il disparaît , ce qui crée une rupture de lien social . Pour l’éviter , après la seconde guerre mondiale , la pluart des sociétés capitalistes se sont dotés de systèmes de protection sociale : « le travailleur se consruit un droit de toucher des prestations pour le temps où provisoirement ( maladie , accident ) ou définitivement ( vieillesse ) il cessera son activité . C’est le sens fort de l’epression « protection sociale » : ce sont les prestations sociales qui protègent » ( doc 3 ) . La protection sociale est donc utile pour assurer la stabilité du lien social . Le problème est que les systèmes de protection sociale sont nés dans un contexte particulier : celui des 30 Glorieuses , où la croissance forte évitait des périodes de chômage longues et où il n’ y a avait pas de difficultés pour financer les dépenses sociales . Avec la crise économique , le système de protection sociale a du mal à jouer son rôle de solidarité : le chômage devient , pour certains durables , ce qui remet en cause les structures mêmes du système . D’une logique d’assurance on passe à une logique d’assistance , ce qui stigmatise et exclus les bénéficiaires des aides . La protection sociale n’assure plus alors la cohésion sociale .
I – LA PROTECTION SOCIALE A PERMIS LA CONSTITUTION DU LIEN SOCIAL LORS DES 30 GLORIEUSES
Selon Durkheim , les sociétés modernes moderrnes développent un lien social spécifique , basé sur le travail , car la solidarité mécanique caractéristique des sociétés traditionnelles a disparu . Or cette solidarité organique a des limites qui nécessite une intervention de l’Etat par le biais du système de protection sociale .
A – LA SOLIDARITE DANS LES SOCIETES INDUSTRIELLES MODERNES
1 – LA DISPARITION DE LA SOLIDARITE MECANIQUE
Les sociétés traditionnelles sont archaïques , de taille restreinte et holistes : l’individu n’a pas de place dans la société , il est totalement déterminé par son groupe ; la société est composée d’individus semblables qui produisent uniquement pour eux . Comme les individus sont autonomes les uns par rapport aux autres , pour assurer la solidarité il faut un droit répressif et une conscience collective forte pour signifier l’appartenance des individus à la société .
Cette forme de lien social va disparaître d’après Durkheim du fait de l’augmentation de la densité morale et matérielle : l’élévation du nombre d’habitants sur une surface donnée crée une concurrence plus forte entre les individus . Pour éviter des conflits , la solution est la spécialisation des individus qui leur permet en s’adonnant à des tâches différentes , de produire plus tout en supprimant la concurrence .
2 – L’APPARITION DE LA SOLIDARITE ORGANIQUE
Les individus ne sont donc plus substituables , mais complémentaires . Une nouvelle forme de lien social apparaît : la solidarité organique , basée sur la division du travail : les individus sont donc dépendants les uns des autres , l’utilité d’un droit répressif est alors moins grand . Le travail est donc source d’intégration : il permet l’insertion dans un groupe intermédiaire , il apporte un revenu qui permet d’obtenir le niveau de vie normal de la société , et un statut : il donne une valorisation sociale .
B – A DES DEFAILLANCES
Ces bases du travail comme lien social peuvent être source d’effets pervers , comme l’avait déjà mis en évidence Durkheim en présentant les pathologies de sociétés modernes .
Si être différent permet la complémentarité , le problème est qu « ’il existe de très grandes disparités , non seulement en termes de revenus , mais aussi de prestige et de pouvoir , entre par exemple un ouvrier au SMIC et un cadre supérieur » ( doc 4 ) . la solidarité ne peut naître que dans la mesure où les individus ont quelques points communs .
L’autre effet pervers provient de la place essentielle du travail dans l’économie et la société . En effet , il assure la production et est la principale source de lien social . Le problème vient de la contradiction entre ces deux objectifs : quand elles embauchent , les entreprises adoptent un calcul économique rationnel , le travailleur engagé doit créer plus de richesses qu’il n’en coûte et ne regardent absolument pas les conséquences sociales du travail . La perte du travail , que ce soit par maladie ou chômage détruit le lien social : l’individu perd à la fois son revenu et son statut : « il risquait ainsi de basculer dans la déchéance lorsque l’accident , la maladie , le chômage , la vieillesse l’empêchaient de survivre et de faire survivre sa famille avec son maigre salaire » ( doc 3 ).
C – QUI NECESSITE L’INTERVENTION DE L’ETAT
Comme le travail ne permet pas toujours de créer du lien social , l’Etat doit pallier ses insuffisances en instaurant de mouvelles formes de solidarité . C’est le rôle de l’Etat-Providence avec les systèmes de protection sociale .
1 – LES FONDEMENTS
En effet , d’après Fouillé , pour assurer de la cohésion sociale , il faut « un minimum de propriété essentiel à tout citoyen vraiment libre et égal aux autres » ( doc 3 ) . Comme le travail ne peut donner ce minimum de propriété , il faut faire des salariés des quasi-propriétaires , « c’est-à-dire que le non-propriétaire lui-même est protégé par l’équivalent de la propriété qu’il tire de son travail » ( doc 3 ) . C’est le sens de la Sécurité Sociale créée en 1945 en France : elle part du principe que le travail est fondamental mais que « provisoirement ou définitivement » , il peut disparaître . Ainsi , l’affiliation se fait à partir du travail salarié : tous les salariés sont contraints de verser des cotisations sociales aux différents organismes de Sécurité Sociale ; celles-ci leur donnent alors droit à recevoir des prestations sociales en cas de non-emploi ( maladie,chômage , retraite ) . Les individus deviernnent alors complémentaires , puisque il s’opère une redistribution horizontale entre les actifs occupés qui cotisent et ceux qui reçoivent des prestations ( chômage , retraite , famille ) . Un lien social se crée donc entre les individus : des jeunes vers les personnes âgées , des célibataires vers les familles .
« La société dans son ensemble , a pu devenir , pour reprendre une expression de F.Ewald « une société assurantielle » » .En effet , comme l’objectif de la Sécurité Sociale est d’assurer les individus contre les risques majeurs de l’existence , le mode de prélèvement des cotisations sociales est particulier et diffère de celui de l’impôt sur le revenu . Comme le but n’est pas de réduire les inégalités de revenu , les cotisations sociales sont relativement indépendantes du salaire puisque les risques sont identiques pour tous : jusqu’à un certain seuil , le montant des cotisations augmente , puis il reste stable .
Ainsi ,selon R.Castel « tout le monde ou presque peut disposer d’une sorte de coussin de sécurité , une sécurité sociale au sens fort du mot qui le garantit contre les aléas de l’existence » .
2 – LES RESULTATS
La population dispose donc toujours de revenus qui lui permettent d’obtenir le mode de vie normal de la société . Les individus ne se sentent donc pas exclus , hors de la société , « il ne décroche pas de la commune appartenance à la société , il demeure »un semblable » ( doc 3 ) . Le calcul des allocations chômage ou retraite répondait donc à cette logique : les allocations chômage représentent 80 % du salaire en début de chômage , la retraite dépend des 10 meilleures années de cotisations .
Les prestations familiales permettent de limiter les écarts de revenu entre les familles puisque pour les 10 % des ménages les plus pauvres , les prestations familiales sans conditions de ressources représentent 25 % du revenu ; pour le 4° Décile 2,5 % 5(doc 1 )
La création de la Sécurité Sociale en 45 a donc été essentielle pour assurer la cohésion sociale : en donnant de la stabilité aux travailleurs jusque là précaires , elle rendait le lien social beaucoup plus sûr . Ce rôle intégrateur de la Sécurité Sociale a été favorisé par le contexte économique extrèmement favorable des 30 Glorieuses : la croissance était forte , ce qui permettait de financer sans difficultés le système de protection sociale , d’autant plus que le chômage était faible . Or , la situation économique et sociale a changé : la crise économique engendre une augmentation du chômage : le système de Sécurité Sociale n’est plus adapté ; il ne protège plus efficacement l’intégralité de la population . Le système de protection sociale , au lieu de créer de la solidarité sociale , engendre une dualisation de la société . Comme l’écrit R.Castel ( doc 6 ) : « cette crise de la cohésion sociale est aussi une crise des protections sociales »
II – MAIS AUJOURD’HUI LE SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE REDUIT LA COHESION SOCIALE
A – PLUS ADAPTE AU CONTEXTE ECONOMIQUE
1 – DES DIFFICULTES DE FINANCEMENT
En effet , le système de protection sociale « reposait dans une large mesure sur des systèmes généraux d’assurance couvrant la grande majorité de la population contre les principaux risques sociaux et étaient principalement alimentées par des cotisations patronales et salariales issues du travail .Le chômage de masse et la précarisation des conditions de travail ont miné cette assise » ( doc 6 ) .
Le ralentissement de la croissance à partir des années 70 génère une réduction du nombre d’embauches qui a deux conséquences pour le système de protection sociale . D’un côté , le nombre de chômeurs augmente , ce qui entraîne une élévation des indemnités chômage ; de l’autre , comme le nombre d’actifs occupés est en baisse , les cotisations sociales diminuent . Le déficit de la Sécurité Sociale se creuse , ce qui oblige l’Etat à changer sa politique de protection sociale : le montant et le durée d’indemnisation chômage sont revus à la baisse ; la réforme des retraites en 2003 a pour objectif d’accroître la durée de la vie active en généralisant l’exigence de 40 années de cotisations , voire 42 ans dans le futur pour obtenir une retraite à taux plein .
2 – LE CHOMAGE DEVIENT DURABLE
Ces transformations seraient acceptées par la population , si en contrepartie , le système de protection sociale protégeait efficacement toute la population . Or , ce n’est plus le cas ; la responsabilité en incombe à la structure même du système de protection sociale : il est basé sur le travail . Son efficacité reposait sur la stabilité du travail : pour avoir droit à une bonne indemmnisation retraite ou chômage , il fallait avoir travailler longtemps ( la durée maximale d’indemnisation du chômage est de 2 ans ; pour avoir droit à la retraite , il faut 40 années de cotisations) .
Aujourd’hui , de plus en plus d’individus ne disposent pas sur le long terme de travail : soit ils connaissent un chômage de longue durée et ne bénéficient donc plus d’indemnités chômage ; soit ils alternent des périodes d’emplois précaires et de chômage qui ne leur permettent plus de cumuler assez d’annuités pour disposer d’une retraite suffisante .
B – UNE SOCIETE DUALE
1 – UNE TRANSFORMATION DU SYSTEME DE PROTECTION SOCIALE
Pour éviter l’extrême pauvreté de cette population , va être mise en place dès le début des années 80 toute une série d’allocations complémentaires : « c’est ce qu’on appelle « les minima sociaux » qui sont actuellement au nombre de 8 » ( doc 6 ) . La différence avec la logique de la Sécurité Sociale est qu’elle n’est plus basée sur l’assurance , mais l’assistance . L’allocation la plus emblématique de cette logique est le Revenu Minimum d’Insertion créé en 1988 . Celui-ci avait un double objectif . Le premier est d’ assurer un revenu minimum aux plus démunis qui permettent aux allocataires de couvrir leurs besoins fondamentaux , le RMI est donc une allocation différentielle , c’est-à-dire qu’il complète les revenus de la personne pour atteindre un montant considéré comme permettant d’assurer la survie . Le second objectif est de réinsérer les individus dans la société en leur donnant une formation qui devrait déboucher à terme sur un travail . D’autres allocations de ce type existent en France ( doc 2 ) : l’allocation parent isolé , l’allocation solidarité spécifique , l’allocation veuvage . Elles ont toutes un point commun : leur attribution ne dépend pas de cotisations préalables effectuées grâce à un travail mais d’une situation familiale et sociale qui empêche l’individu de subvenir seul à ses besoins .
« On voit ici le spectre d’une dualisation qui serait ruineuse pour la cohésion sociale : d’un côté les populations bien protégées sur la base d’un travail stable , de l’autre tous ceux auxquels on octroie des secours parce qu’ils sont incapables de s’assurer eux-mêmes » ( doc 6 )
2 – UNE SOCIETE COUPEE EN 2
L’inadaptation et la transformation du système social génère alors une perte de cohésion sociale : deux groupes aux intérêts et mode de vie différents cohabitent sans lien social .
a- UN GROUPE DE TRAVAILLEURS STABLES AU STATUT VALORISE
Le premier groupe est constitué « des bénéficiaires d’un emploi classique qui continuent à être couverts par des protections solides » ( doc 6 ) . Ce sont les titualires d’un Contrat à Durée Indéterminée : lors de la signature de leur contrat de travail , le date d’expiration n’est pas mentionnée et les motifs de rupture sont limités : faute grave ou licenciement économique . Le CDI est d’autant plus stable que le salarié a peu de chances d’être au chômage : être qualifié . Ce groupe dispose de salaires élevés , de protections sociales fortes et d’un statut valorisé .
b- UN GROUPE DEPENDANT
« Mais ceux qui sont plus ou moins éloignés du marché du travail se voient offrir des prestations et des aides ciblées en fonction de leur situation défavorisée » ( doc 6 ) . Ce système d’aides n’assurent plus la cohésion sociale car elles sont finacièrement insuffisantes et stigmatisantes .
En effet , en France métropolitaine , près de 6 millions de personnes vivent grâce aux minima sociaux . Mais sur les 8 seules 3 ( l’allocation supplémentaire vieillesse , l’allocation adultes handicapés et l’allocation supplémentaire d’invalidité ) premettent d’éviter la pauvreté , puisque la valeur de ces aides procure un revenu correspondant au montant de la pauvreté monétaire . Les 5 autres , notamment le RMI ne permettent pas d’assurer la satisfaction des besoins essentiels : l’allocation insertion ne représente que la moitié de la valeur du seuil de pauvreté . Ces minima sociaux sont encore plus éloignés des revenus du travail : le RMI ne représente que 46 ,5 % du SMIC net qui est pourtant le salaire minimum en France . Cela veut donc dire que les revenus tirés de l’assistance sont très éloignés des revenus moyens de la population ( doc 2 ).
Leur mode de vie , c’est-à-dire la manière dont ils utilisent leur revenu , se révèle alors totalement différent du premier groupe : ils ne peuvent assurer que le minimum vital et ne peuvent donc acheter des produits de bonne qualité ou des biens ne relevant pas de la survie : leurs dépenses de loisirs , culture santé , voyage sont quasiment nulles , alors qu’elles deviennent dominantes dans le premier groupe . En effet , d’après les lois d’Engel , plus le revenu augmente , plus la part des services est forte .
Certes , comme l’écrit R.CASTEL (doc 6 ) ces ressources les aident , « mais les maintenant dans une position subordonnée et souvent stigmatisée »(doc 6 ) . Car leur source de revenu n’a pas la même origine que celle des autres catégories de la population ; ainsi pour les 10 % des ménages les plus pauvres , 27 % du revenu provient des minima sociaux ; pour le 5 ° décile , cela ne représente plus que 0,2 % ( doc 2 ) . Objectivement , la composition de leur revenu les distingue du reste de la population . subjectivement , les minima sociaux ont aussi des conséquences .
En effet , la plupart des bénéficiaires se perçoivent et sont perçus par la société soit comme des inutiles et des incapables qui n’arrivent pas à obtenir un travail , soit comme des paresseux qui refusent d’avoir un emploi et qui préfèrent vivre aux crochets de la société . Dans les deux cas , qu’il soit « victime en ne pouvant pas exercer librement son droit à travailler « ou fautif car « responsable , à la limite , de la situation de chômage dans laquelle il se trouve » ( doc 4 ) , l’individu ne peut pas réellement appartenir à la société car il ne contribue pas à la perpétuation de la société . Comme l’écrit D.Méda ( doc 4 ) : en retour de ce revenu d’assistance , l’individu ne se forme pas , ne travaille pas et n’apporte donc rien à la collectivité .
Ces minima sociaux ont donc l’effet inverse de celui souhaité : au lieu de réinsérer des individus en marge de la société , « ils risquent de désigner celui qui est assisté comme un être anormal , différent et de stigmatiser ainsi une population particulière que les traitements toujours plus particuliers qui lui seront proposés ne manqueront pas d’enfermer davantage dans la différence » . ( doc 4 )
La protection sociale au lieu de générer de la cohésion sociale peut créer des groupes différents sans lien aucun . Pire encore , elle peut détruire tout lien social .
C – ET INDIVIDUALISTE
En effet , selon M.Gauchet ( doc 5 ) : « L’Etat-Providence est un puissant facteur d’individualisme » . Ce terme est défini de manières différentes , mais relativement proches selon les auteurs . Selon Durkheim , l’individu se replie sur lui-même , il vit en égoïste et est détaché de toute collectivité . Tocqueville en donne une définition plus large : l’individualisme n’est pas de l’égoïsme , l’individu ne pense pas qu’à lui , mais à sa famille et à son groupe d’amis et se désintéresse de la vie politique et social de son pays .
Car , « quand on procure aux individus ce parachute extraordinaire qu’est l’assurance d’assistance , on les autorise dans toutes les situations de l’existence , à s’affranchir de toutes les communautés , de toutes les appartenances possibles , à commencer par les solidarités élémentaires de voisinage » ( doc 5 ) . L’Etat –Providence crée certes une complémentarité entre les individus : les cotisations des uns servent à financer les prestations des autres , mais cette solidarité est brouillée : dépendre de tous revient en fin de compte à ne dépendre de personne . Les individus sont alors persuadés qu’ils n’ont besoin de personne d’autre puisque leur revenu provient toujours de leur travail : soit directement , soit indirectement par les revenus de la Sécurité Sociale . Les solidarités familiales et villageoises se délitent donc . Le système de protection sociale au lieu de créer de la solidarité sociale la détruit .
La création de la Sécurité Sociale en 1945 a été perçue comme une avancée sociale : en réduisant la précarité attachée au statut de salarié , elle favorisait la cohésion sociale : les risques de rupture du lien social étaient limitées puisque les revenus de la protection sociale permettaient aux indivdidus d’ avoir le mode de vie dominant de la population . Cette fonction de lien social assuré par l’Etat-Providence n’est pourtant pas structurelle mais conjoncturelle : dans la période de croissance des années 50-70 , le système de protection sociale pouvait créer du lien social et remplacer ponctuellement le travail comme source de revenu et de statut , car les périodes de chômage étaient de courte durée . Ce n’est plus possible aujourd’hui : le ralentissement de la croissance génère le développement des emplois précaires et le chômage de masse . L’Etat-Providence connaît alors une crise : de financement d’abord , mais aussi de légitimité , puisque il ne permet plus de protéger efficacement la population . En effet , face aux difficultés financières et à l’augmentation du nombre de chômeurs , on est passé d’une logique d’assurance basée sur le travail à une logique d’assistance . Les bénéficiaires de ces aides sont alors stigmatisés et exclus .
Le système de protection social ne permet donc plus d’assurer la cohésion sociale . Ainsi , les sociétés modernes connaissent une crise du lien social : le travail ne peut plus jouer son rôle d’intégration avec l’augmentation importante du nombre de chômeurs , les systèmes de protection sociale montrent aussi leurs limites . Cette crise de légitimité de l’Etat-Providence s’ajoute à sa crise d’efficacité . Ainsi , depuis 2003 , le gouvernement Raffarin tente de modifier le système de protection sociale : après le système de retraites , c’est aujourd’hui la réforme de la Sécurité Sociale qui est cours .
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