QSTP Première sur l'alimentation



QUESTION DE SYNTHESE ETAYEE PAR UN TRAVAIL PREPARATOIRE

Il est demandé au candidat :
1 – De conduire le travail préparatoire qui fournit les éléments devant être utilisés dans la synthèse
2 – De répondre à la question de synthèse :
Par une argumentation assortie d’une réflexion critique
En faisant appel à ses connaissances personnelles
En composant un introduction, un développement , une conclusion pour une longueur de l’ordre de trois pages
Ces deux parties sont d’égale importance pour la notation
Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l’expression et du soin apporté à la présentation.

Thème du programme – socialisation et culture

DOSSIER DOCUMENTAIRE :

DOCUMENT 1 :
Pour qu'un aliment soit reconnu comme tel, il ne doit pas seulement posséder des qualités nutritionnelles (pour «nourrir son homme»), encore faut-il qu'il soit connu et /ou accepté comme tel par le mangeur et le groupe social auquel il appartient. En fait, ce sont quatre qualités qu'il doit posséder: nutritionnelle, hygiénique, organoleptique [1] et symbolique.
Premièrement, l'aliment doit être capable d'apporter à l'organisme du mangeur des nutriments énergétiques (glucides, lipides), des éléments minéraux (oligo-éléments), des vitamines, de l'eau. Selon ce premier critère, un très grand nombre de produits pourraient être des aliments, comme les sauterelles, les serpents, les renards, les chats, les feuilles. Si certains d'entre eux sont bel et bien présents dans certaines cultures, chez nous ils n'inspirent que le dégoût. Donc, les qualités nutritionnelles sont nécessaires mais non-suffisantes pour faire d'un produit un aliment.
Deuxièmement, un aliment doit être exempt de toxicité. Il suffit d'une date de péremption dépassée pour rendre imbuvable un pro-
duit laitier.
Troisièmement, il doit provoquer des sensations agréables, qu'elles soient visuelles, olfactives, gustatives, tactiles, thermiques et même auditives. Mais pour être ingéré, en plus de ces trois caractéristiques, un aliment doit être porteur de sens. Selon Jean Trémolières, «l'homme est probablement consommateur de symboles autant que de nutriments» . En d'autres termes, on ne mange pas uniquement pour se nourrir. Les aliments que nous avalons sont chargés de symboles, de croyances et porteurs d'imaginaire. Dans le passage du statut de végétal ou de l'animal à celui d'aliment, des processus de construction sociale sont à l'œuvre, qui définissent ce qui est bon et mauvais.
Pour manger un animal, il faut tout d'abord le reconnaître comme comestible, c'est-à-dire dans une position particulière à l'intérieur
d'un système classificatoire des espèces animales et de rapports qu'elles entretiennent avec les hommes. La symbolique de l'animal, les logiques de proximité avec les hommes participent à son inclusion ou à son exclusion de la catégorie du mangeable. Pour l'ethnologue Edmund Leach , les rapports qui s'établissent entre les animaux et les hommes déterminent leur capacité à devenir des aliments. Il range les animaux en quatre catégories selon la distance qui les sépare de l'homme. Du plus éloigné au plus proche, l’ethnologue distingue les catégories du sauvage, du gibier, du domestique (c'est-à-dire les animaux d'élevage) et du familier (les animaux de compagnie). Pour être consommable, un animal doit être ni trop proche ni trop éloigné. L'appartenance aux deux catégories centrales introduit l'animal dans l'ordre du mangeable, alors que les animaux classés dans la première et la dernière catégorie sont frappés d'interdit. Cependant, les frontières entre ces différentes catégories varient selon les cultures. La cynophagie, c'est-à-dire la consommation de viande de chien, est sur ce point exemplaire. Pourquoi mange-t-on du chien dans certaines cultures et pas dans d'autres? «Le chien est le meilleur ami de l'homme», «son plus fidèle compagnon ». C'est donc par cette proximité que s'expliquerait l'interdit alimentaire qui frappe cet aliment dans les sociétés occidentales . Ingérer de la viande de chien, cela «soulève le cœur» de la plupart des Occidentaux (à la différence des Asiatiques), parce qu'ils assimilent cette pratique à du cannibalisme. En Occident, manger du chien est vu comme acte de barbarie, presque de cannibalisme, parce que nous avons tendance à anthropomorphiser nos animaux de compagnie, à les considérer comme des membres de la famille, et c'est dans cette proximité que s'enracine l'interdit alimentaire. Mais la proximité avec l'animal n'est pas une qualité stable. Si l'animal vient à la perdre, en retournant à la domesticité par exemple, il réintègre l'ordre du mangeable.
SOURCE : JP Poulain, Ces aliments bannis ou mal aimés, in sciences humaines, n°135, février 2003.

DOCUMENT 2 :
II faut se demander ce que les pratiques culinaires - qui fondent le goût alimentaire autant qu'elles l'expriment - doivent aux idées diététiques régnant dans la société considérée. Autrefois, comme aujourd'hui d'ailleurs, il ne manquait pas de recettes contraires aux
principes des médecins. Il arrive aussi que des pratiques et des goûts traditionnels survivent longtemps aux doctrines diététiques qui les ont fondés.
Même s'ils ne sont pas explicables seulement en termes de rapports sociaux, les goûts entretiennent néanmoins des relations évidentes avec eux. Ainsi l'usage des épiées exotiques aux XIVe et XV siècles était-il clairement une marque de distinction sociale. Dans cette perspective, que signifie donc leur abandon au XVI ème siècle? Une mise à l'honneur des pratiques bourgeoises et populaires? On pourrait le croire puisque, au niveau des choix alimentaires aussi bien que de l'assaisonnement, ce qui paraît avoir été bourgeois au XIV ème siècle est devenu aristocratique au XVI ème. Mais d'un autre côté, il est clair qu'au XVIIe siècle, g on recherchait plus , encore qu'auparavant à se distinguer socialement par ses goûts et ses pratiques alimentaires. Simplement, les critères de distinction
ont changé et sont devenus plus complexes : on met désormais en avant non seulement la magnificence du maître de maison, mais son «bon goût» et sa connaissance de la mode. Les transformations du goût des élites sociales, qui se sont accompagnées d'autant de transformations de leur régime alimentaire, ont vraisemblablement eu des répercussions sur leur apparence physique et sur leur santé. Répercussions complexes dont je n'évoquerai qu'un aspect. Au cours du XVIe siècle, l'idéal de beauté féminine a changé. Alors que les peintres et les poètes du XIV ème siècle rêvaient de jeunes filles graciles, aux hanches basses et à la poitrine menue, ceux des XVIe,XVII, XVIII et XIX ème siècles ont plutôt vanté des femmes aux chairs « succulentes », aux hanches larges et aux seins plantureux. Il serait étonnant que cela n'ait eu aucun rapport avec le fait qu'à partir du XVIe siècle le sucre, le beurre et les sauces grasses ont remplacé, dans le régime des élites sociales, les assaisonnements acides et épicés. Ainsi de l'idée, qui s'est affirmée peu à peu, que les sucreries sont nourritures de femmes plutôt que d'hommes adultes. On peut en effet supposer que, dans cette société aristocratique, l'idéal féminin entretenait des relations étroites avec la corpulence réelle des grandes dames. Quoi qu'il en soit, il y a certainement une relation directe entre l'évolution du goût alimentaire et l'évolution du goût sexuel.
C'est à juste titre que le goût alimentaire est traditionnellement compté comme l'un des cinq «sens de nature», puisque, comme ces derniers, il nous apporte des informations de l'ordre de la sensation et de la perception. Le goût alimentaire est cependant, de façon constante, modelé par la culture.
SOURCE : JL Flandrin, in le mangeur, autrement, n°138.

DOCUMENT 3 :
A :
McDonald's est en effet exemplaire d'une certaine forme de globalisation dans la mesure où cette chaîne d'alimentation s'est répandue dans le monde en vendant partout exactement le même produit symbole des Etats-Unis dans un cadre architectural directement trans-
posé des suburbs nord-américains. Au point que certains n'ont pas hésité à évoquer la McDonaldisation du monde30, ou encore la McDonald's economy fondée sur l'étalon McDo.
Les clefs du succès de McDo sont diverses : une forte productivité associée à une organisation complètement taylorisée pour une production de masse répétitive ; l'essor de la restauration rapide hors domicile lié à de nouvelles formes d'urbanisation, à l'instauration de la journée de travail continu , de nouvelles pratiques de restauration de loisir des familles et des adolescents, qui se saisissent de ces lieux où l'on peut manger séparément ensemble,; enfin, et cela a été un élément important dans l'implantation initiale de McDo dans de nombreux pays, la consommation, au sens propre, d'une image de l'Amérique.
L'expansion de McDo a souvent été dénoncée comme une américanisation pure et simple. C'est là une vision un peu sommaire. Tout
d'abord, au-delà des premières apparences, on ne mange pas exactement la même chose dans tous les McDos, ni de la même manière.Mais plus importante encore est l'évolution récente des McDos.. Passé le succès initial du Big Mac, McDo a dû progressivement diversifier ses produits pour étendre sa part de marché et résister à la concurrence des nombreux fast-foods, sandwicheries et briocheries italiennes, françaises, gréco-turques, libanaises, japonaises et autres qui ont proliféré dans les grandes villes. C'est ainsi que McDo s'est peu à peu créolisé, métissé, vendant ici des McTacos, là des McSicilias, avant de passer à une production encore plus diversifiée en surfant sur la vague des « produits ethniques ». Juste retour des choses pour ce hamburger né il y a un peu plus d'un siècle sur les bateaux qui transportaient les immigrés allemands en Amérique. Témoignage de plus, s'il en fallait, que les modèles culturels ne sont jamais ni d'origine, ni purs. ,
De fait, cette diversification fondée sur une déclinaison du local illustre bien la double nécessité qui accompagne la globalisation économique : l'adaptation nécessaire du global au local, c'est-à-dire à la contrainte de l’embeddedness, de l'articulation à un territoire ; et l'exigence, corrélative de la concurrence mondiale, de produire et d'exploiter des différences, qui incite les multinationales elles-mêmes à intégrer les spécificités locales.
SOURCE : F Ascher, Mac Do, les TIC, et le mythe de la ville européenne,in Un société-monde, De boeck université2001.

B : McDonald's dans l'empire du Soleil-Levant

Sciences Humaines: Comment les restaurants Mc Donald's se sont-ils implantés au Japon?

Emiko Ohnuki-Tierney: Le premier McDonald's a été introduit en 1971, en plein boom économique, dans le quartier très à la mode de Ginza à Tokyo. Le développement a été fulgurant. En 1986, il y avait 556 enseignes Mc Donald's au Japon, et 1048 en 1994, toutes situées dans des endroits de grand passage : des grandes gares, par exemple. Mais il ne faut pas penser que les produits servis aux Américains aient été importés tels quels au Japon. En fait, des nouveaux produits, adaptés aux goûts asiatiques, sont apparus dans les enseignes japonaises de cette firme américaine, tels le McChao (au riz frit) ou le hamburger aux crevettes, ou encore le poulet tat-
suta (un sandwich au poulet parfumé à la sauce soja). Des boissons qui n'étaient pas proposées aux Etats-Unis sont aussi apparues dans les McDonald's japonais : thé oolong (chaud ou froid),café glacé, soupe aux céréales...Mais il ne faut pas croire que tous les Japonais aient été conquis par ces innovations culinaires. McDonald's a l'image d'un lieu de restaurant pour les jeunes. Les adultes ne trouvent pas ça très sérieux. Il faut dire que manger debout (tachigiiî) est demeuré très longtemps tabou chez les Japonais car ce sont les animaux qui agissent de la sorte.

Comment les Japonais ont-ils réagi face aux hamburgers ? Car selon la thèse de Claude Fischler, les consommateurs sont soumis à un paradoxe. D'un côté, ils aiment la nouveauté (ils sont «néophiles») et d'un autre côté, ils se méfient de ce qui est nouveau (ils sont « néophobes »). Retrouve-t-on cette ambiguïté chez les Japonais?

Tout d'abord, il faut rappeler que la viande a longtemps été taboue au Japon, et ce pour diverses raisons. Religieuses en premier lieu.
Les valeurs véhiculées par le bouddhisme et le shintoisme qualifient d'impure toute chair morte, qu'elle soit humaine ou animale. Sociales aussi. Pendant a période Edo (1615-1868), la viande et les bouchers deviennent entablement intouchables. Ceux qui exercent la profession de boucher sont des parias, mis au ban de la société.
Les choses vont bouger à la fin du XIXe siècle sous l'impulsion notamment de l'empereur Meiji. En 1871, il suspend l'interdiction portant sur les aliments carnés à la cours et la cuisine française devient officiellement celle qui est associée aux festivités. De plus, la réussite économique de l'Occident est attribuée à son régime alimentaire carné. Alors on promeut le «bol de riz des Lumières», composé de riz et de morceaux de viande posés par-dessus.

Et pour revenir aux hamburgers...

En avalant un hamburger, c'est une nouvelle culture que l'on s'approprie, avec toute l'ambivalence de cet acte: le rejet de l'étranger et la fascination pour l'étrange. On mange une image (celle de l'Occidental aux cheveux blonds et aux yeux bleus) et on s'imagine être à New York. Pourtant, on ne mange pas le même hamburger qu'à New York...
En Chine, où l'implantation est plus récente, McDonald's incarne encore l'enthousiasme de la mondialisation et la fascination pour
L’american way of life. On l'identifie à la supposée ouverture et au soi-disant égalitarisme de la culture jeune américaine. Mais l'histoire montre que ce type d'imaginaire disparaît à mesure que la présence des restaurants se banalise. Après une décennie ou deux de présence de McDo dans un pays, y manger n'a plus rien d'exotique. C'est devenu un restaurant local pour la population locale. Je
me souviens d'un groupe d'étudiants de Hongkong en visite pour la première fois aux Etats-Unis. En passant devant enseigne, ils se sont écriés : « Hi,des McDo ici aussi »
SOURCE : Interview de E Ohnuki-Tierney,in sciences humaines, n°135, février 2003.

C : cf.graphique
SOURCE : G.Fumey , La planète à table , Sciences humaines n° 153 , Octobre 2004

DOCUMENT 4 :cf graphique
SOURCE : G.Fumey , op cité

PARTIE II – TRAVAIL PREPARATOIRE

1 – Quelles sont les qualités qui apparemment permettent de caractériser un bon aliment, de quelle science relèvent-elles ? En quoi la phrase soulignée permet-elle de relativiser cette analyse, quelle démarche théorique vous paraît-elle la plus adaptée pour comprendre la consommation d’un aliment ? (doc 1)
2 – Pourquoi les asiatiques consomment ils du chien , alors que cela choque les Européens ? Quel risque encourt alors le sociologue qui étudie les habitudes de consommation de cultures différentes de la sienne ? (doc 1)
3 – De quoi dépendent les goûts alimentaires selon l’auteur ? Pouvez vous établir une relation entre les goûts alimentaires et les goûts sexuels ? Sont-ils figés dans le temps ? (doc 2)
4 – Après avoir rappelé ce que l’on entend par l’expression Mac donaldisation de la culture, Vous vous demanderez pour quelles raisons les japonais, les chinois et les européens consomment des hamburgers qui ne relèvent pourtant pas de leur tradition culinaire que vous définirez ? (doc 3)
5 – Après avoir rappelé la définition des termes acculturation et assimilation, vous montrerez vous demanderez si l’on doit craindre une uniformisation des goûts alimentaires générant une assimilation à la culture américaine ? (doc 3 )
6 – Après avoir rappelé la définition du terme culture syncrétique, vous montrerez que les traditions alimentaires se diffusent et se mélangent (doc 4)


PARTIE II – Vous montrerez dans une première partie que la nourriture et les goûts alimentaires relèvent apparemment de déterminants naturels, vous relativiserez en constatant qu’en réalité ils sont fonction de la culture et de son évolution. Dans une seconde partie vous expliquerez que l’on semble assister aujourd’hui à une uniformisation, qualifiée souvent de mac donaldisation, des modes de consommation alimentaire. Cette affirmation mérite pourtant d’être relativisée, les modèles alimentaires ne sont jamais assimilés passivement mais donnent naissance à de nouveaux produits traduisant l’apparition de cultures syncrétiques.

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