CHAPITRE I : QU'EST-CE-QUE LA SOCIOLOGIE ?
SECTION I - ESSAI DE DEFINITION DE LA SOCIOLOGIE.
I - LA SOCIOLOGIE, UN CHAMP D’ETUDE VASTE ET MAL DEFINI.
Constat :
· selon R.Aron , les sociologues ne sont d’accord que sur un point : la difficulté de définir la sociologie .
· la sociologie traite d’éléments , de domaines très disparates , ce qui donne l’impression d’une absence de cohérence scientifique .
Conséquences : La sociologie ne paraît pas avoir de champ d’études propre . Elle subit la concurrence d’autres sciences paraissant plus à même d’étudier les domaines sur lesquels elle se penche . Ainsi , par exemple :
o le travail semble relever de l’économie
o le suicide de la psychologie
o l’évolution des manières de vivre de l’histoire
II - DES DEFINITIONS CONCURRENTES.
Alors qu’un accord majoritaire s’opère sur la définition de l’économie , au contraire les traditions sociologiques opposent au moins deux grandes conceptions , comme le montre les définitions comparées de Pareto et Duesenberry :
- celle de Pareto qui oppose l’économie à la sociologie :
o l’économie serait la science des actions logiques , c’est-à-dire des actions rationnelles : les individus agissent après avoir opéré un calcul coût–bénéfice ; ils n’entament cette action que si elle est profitable pour eux . L’individu de référence sur lequel sont construits les modèles économiques est l’Homo Oeconomicus ( ou HO) c’est à dire un individu qui est :
+ naturellement égoiste c‘est à dire qui vise à satisfaire ses besoins matérielles même si ses actions doivent se faire au détriment des autres
+ naturellement rationnel c’est à dire qui définit des objectifs et qui se donnent les moyens de les atteindre en opérant une analyse coût bénéfice qui minimisent les efforts et maximisent les satisfactions.
o la sociologie serait la science des actions non logiques , c’est-à-dire des actions individuelles qui apparaissent comme irrationnelles car les déterminants de l’action ne sont pas , a priori , compréhensibles .
- celle explicitée par l’économiste Duesenberry :
o l’économie est la science qui étudie la manière dont l’individu agit et cherche à atteindre ses objectifs
o la sociologie est la discipline qui étudie les déterminismes sociaux qui empêchent les individus d’agir : définition qui paraît correspondre à la démarche mise en œuvre par Durkheim .
- ces deux définitions paraissent présenter des démarches antinomiques :
o pour Pareto , l’individu , même s’il agit pour des raisons non logiques , agit : c’est un homo sociologicus actif (HSA)
o pour Durkheim , l’individu n’ a aucune marge de manœuvre , il est déterminé par ses caractéristiques sociales : c’est un homo sociologicus passif (HSP).
SECTION II - LES GRANDS COURANTS SOCIOLOGIQUES .
I – LES PREMIERS SOCIOLOGUES
A -DURKHEIM : LA SOCIOLOGIE DU FAIT SOCIAL .
Exemple de compréhension permet de maîtriser la démarche de Durkheim : L’analyse des couleurs relève t’elle d’une analyse sociologique ?
Analyse des prénotions :
· Combien de couleurs pouvez vous différencier ?
· Quelles sont les couleurs de l’arc en ciel ?
· De quelle science relève l’étude des couleurs ?
· Quelle est votre couleur préférée, pourquoi ?
· Quelle est la couleur que vous aimez le moins ? Pourquoi ?
Document 1 :
Ni les Grecs, ni les Romains, ni les Chrétiens, ne voyaient dans le bleu une « couleur » au sens contemporain. Pour eux, il s’agissait d’une nuance du noir, une opposition de densité au blanc. Le grec glaukos fait référence à un bleu pâle tandis que kyaneos renvoie à un bleu sombre ; la densité de la couleur compte plus que la matière : la fleur du bleuet peut être ainsi qualifiée de rouge tout comme la mer peut être vineuse.(…)
Le traité Sur les causes des plantes de Théophraste concerne indistinctement les colorants, les poudres, les fards, les racines et les essences tinctoriales ; il ne mentionne pas la couleur que nous définissons comme le bleu clair et dont il semble bien qu'elle était pratiquement inconnue dans la Grèce antique - ce qui a fait penser à un éventuel « daltonisme » des Grecs, dont Nietzsche a parlé dans Aurore (1881) : « Les Grecs voyaient la nature d'une autre façon que nous, car il faut admettre que leur œil était aveugle pour le bleu et le vert et qu'ils voyaient, au lieu du bleu, un brun plus profond, au lieu du vert, un jaune
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Questions :
· Quelle place occupe le bleu dans les sociétés antiques ?
· Quelle explication donne Nietzsche pour expliquer cette conception du bleu ?
· De quelle science semble alors relever l’étude des couleurs ?
Document 2 :
Pour nous, depuis les expériences de Newton, la mise en valeur du spectre et la classification spectrale des couleurs, il est incontestable que le vert se situe quelque part entre le jaune et le bleu. De multiples habitudes sociales, des calculs scientifiques, des preuves « naturelles » (ainsi l’arc-en-ciel) et des pratiques quotidiennes de toutes sortes sont constamment là pour nous le rappeler ou pour nous le prouver.
Or, pour l’homme de l’Antiquité, du Moyen Âge et encore de la Renaissance cela n’a guère de sens. Dans aucun système antique ou médiéval de la couleur, le vert ne se situe entre le jaune et le bleu. Ces deux dernières couleurs ne prennent pas place sur les mêmes échelles ni sur les mêmes axes ; elles ne peuvent donc avoir un palier intermédiaire, un « milieu » qui serait le vert. Le vert entretient des rapports étroits avec le bleu mais il n’en a aucun avec le jaune. Au reste, que ce soit en peinture ou en teinture, aucune recette ne nous apprend avant le XVIIe siècle que pour faire du vert il faille mélanger du jaune et du bleu. Peintres et teinturiers savent fabriquer la couleur verte, bien évidemment, mais pour ce faire ils ne mélangent jamais ces deux couleurs. (…)
Au Moyen Âge, deux couleurs juxtaposées qui pour nous constituent un contraste fort peuvent très bien former un contraste relativement faible ; et inversement, deux couleurs qui pour notre oeil voisinent sans aucune violence peuvent hurler pour l’oeil médiéval. Gardons l’exemple du vert. Au Moyen Âge, juxtaposer du rouge et du vert (la combinaison de couleurs la plus fréquente dans le vêtement entre l’époque de Charlemagne et celle de saint Louis) représente un contraste faible, presque un camaïeu. Or pour nous il s’agit d’un contraste violent, opposant une couleur primaire et sa couleur complémentaire. Inversement, associer du jaune et du vert, deux couleurs voisines dans le spectre, est pour nous un contraste relativement peu marqué. Or c’est au Moyen Âge le contraste le plus dur que l’on puisse mettre en scène : on s’en sert pour vêtir les fous et pour souligner tout comportement dangereux, transgressif ou diabolique !
Dans les textes comme dans les images, les arcs-en-ciel de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance ne possèdent jamais sept couleurs, mais trois, quatre ou cinq. Par ailleurs, le spectre étant inconnu, ces couleurs forment à l’intérieur de l’arc des séquences sans rapport avec celles que nous connaissons. Le phénomène météorologique n’ayant pas changé et l’appareil biologique de l’être humain étant resté le même, ces différences confirment que la perception est en grande partie culturelle : elle ne met pas seulement en action l’appareil biologique ou neurobiologique, mais convoque aussi, et surtout, la mémoire, les connaissances, l’imagination. La couleur n’est pas seulement un phénomène physique et perceptif ; c’est aussi une construction culturelle complexe, rebelle à toute généralisation, sinon à toute analyse. (…).
L’historien (tout comme le sociologue) doit donc se méfier de tout raisonnement anachronique. Non seulement il ne doit pas projeter dans le passé ses propres connaissances de la physique ou de la chimie des couleurs, mais il ne doit pas prendre comme vérité absolue, immuable, l’organisation spectrale des couleurs et toutes les théories qui en découlent. Pour lui comme pour l’ethnologue, le spectre ne doit être envisagé que comme un système parmi d’autres pour classer les couleurs. Un système aujourd’hui connu et reconnu de tous, « prouvé » par l’expérience, démonté et démontré scientifiquement, mais un système qui peut-être, dans deux, quatre ou dix siècles, fera sourire ou sera définitivement dépassé. La notion de preuve scientifique est elle aussi étroitement culturelle ; elle a son histoire, ses raisons, ses enjeux idéologiques et sociaux. Par là même, toute histoire des couleurs doit d’abord être une histoire sociale. Pour l’historien – comme du reste pour le sociologue et pour l’anthropologue – la couleur se définit d’abord comme un fait de société. C’est la société qui « fait » la couleur, qui lui donne ses définitions et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux. Ce n’est pas l’artiste ou le savant ; ce n’est pas non plus seulement l’appareil biologique ou le spectacle de la nature. Les problèmes de la couleur sont d’abord et toujours des problèmes sociaux, parce que l’homme ne vit pas seul mais en société. Faute de l’admettre, on verserait dans un neurobiologisme réducteur ou dans un scientisme dangereux, et tout effort pour tenter de construire une histoire des couleurs serait vain.
La couleur est d’abord un fait de société. Il n’y a pas de vérité transculturelle de la couleur, comme voudraient le faire croire certains livres appuyés sur un savoir neurobiologique mal digéré ou – pire – versant dans une psychologie ésotérisante de pacotille
Source : M Pastoureau, vers une histoire des couleurs, possibilité et limites, 2005.
Questions :
· Où se situe le vert pour l’homme d’aujourd’hui, pourquoi ?
· Quelle est sa place jusqu’à la renaissance ? Pourquoi ?
· De combien de couleurs est constitué l’arc en ciel, quelle est leur place ?
· Quelles conséquences M Pastoureau tire t’il de ces éléments ?
· Comment m Pastoureau définit-il foinalement les couleurs ?
· Expliquez la phrase soulignée .
Document 3 :
Le bleu dans l’antiquité
De fait, à Rome se vêtir de bleu est en général dévalorisant, excentrique (surtout sous la République et au début de l'Empire) ou bien signe de deuil. Au reste, cette couleur, disgracieuse quand elle est claire, inquiétante quand elle est sombre, est souvent associée à la mort et aux enfers. Quant à avoir les yeux bleus, c'est presque une disgrâce physique. Chez la femme, c'est la marque d'une nature peu vertueuse ; chez l'homme, un trait efféminé, barbare ou ridicule. Et le théâtre, évidemment, se plaît à pousser de tels attributs jusqu'à la caricature. Térence, par exemple, associe à plusieurs reprises les yeux bleus aux cheveux roux et frisés, ou bien à la taille gigantesque ou à la corpulence adipeuse, tous signes dévalorisants pour les Romains de l'époque républicaine. Voici comment il décrit un personnage ridicule dans sa comédie Hecyra, écrite vers 160 avant notre ère : « Un géant obèse, ayant les cheveux rouges et crépus, les yeux bleus et le visage pâle comme celui d’un cadavre ».(…) Les Romains sont "au mieux indifférents, au pire hostiles"au bleu. Personne ne s'habille en bleu. C'est la couleur de la mort et du deuil, la couleur des Barbares. "Les femmes des Bretons se peignent le corps en bleu foncé pour se livrer à des rituels orgiaques", assure Pline. En même temps, bizarrement, la notion de bleu existe tellement peu qu'il n'y a pas de mot pour la nommer.
Le Haut Moyen Age prend la suite sans grand changement. On teint en bleu avec des plantes, la guède européenne ou l'indigo d'Orient. Mais essentiellement les étoffes grossières des paysans, dans des tons délavés et grisâtres, qui ne méritent pas vraiment le nom de couleur. Rien à voir avec les nuances éblouissantes que les teinturiers savent donner aux rouges
Source : M. Pastoureau, Bleu, histoire d’une couleur, page 29, Seuil, 2000
Questions :
· quelle est la couleur des yeux préférée des français ?
· Qu’en est-il dans les sociétés antiques ?
· Comment pouvez vous expliquez le rejet du bleu par les romains , ou par l’élite du haut Moyen Age.
Document 4 :
A la fin du XIIe siècle, le changement de décor est brutal. En moins de 30 ans, le bleu est partout. Pour en arriver là, il a fallu rien moins qu'un bouleversement religieux. Pour la nouvelle théologie, Dieu est lumière. Donc tout s'éclaircit: on cherche des couleurs vives, on fabrique des bleus lumineux, ce qu'on n'avait jamais fait avant. Et la Vierge? Son manteau était sombre, en signe de deuil. Le voilà clair, bleu clair. Et voilà la Vierge qui "assure la promotion de ce nouveau bleu et l'étend rapidement à tous les domaines de la création artistique".
Dans le même temps, la société est devenue plus attentive à la façon dont «la couleur joue le rôle d'étiquette». Le système noir/rouge/blanc devenu insuffisant, on promeut trois autres couleurs (jaune, vert, bleu), on les associe et on les oppose. "A un ordre ancien qui remontait à des époques très lointaines, peut-être à la protohistoire, se substitue un nouvel ordre des couleurs. En fait, il a suffi d'une double demande, théologique et sociale, pour que les artisans et les artistes fassent des progrès fulgurants en une ou deux générations. Les nouveaux bleus, denses et lumineux, font irruption dans les vitraux, les émaux et les tapisseries. La Vierge a lancé le bleu. Les rois lui emboîtent le pas, très vite suivis par toute la société.Le roi de France renchérit par ses armoiries, qu’il fixe à la fin du XIIIe « d’azur semé de fleurs de lys d’or » en référence à la Vierge. Le bleu se répand dans l’héraldique. C’est qu’un nouvel ordre social, dû à l’essor démographique, fait éclater le vieil ordre figé des trois fonctions au profit de combinatoires plus riches. Les couleurs suivent, qui servent symboliquement à classer, à associer et à hiérarchiser. Les lois somptuaires édictées dans les villes italiennes interdisent aux marchands parvenus les couleurs vives, réservées à l’aristocratie. Le bleu devient alors moral, comme le noir, habillant les clercs, les magistrats, les veuves et tous les bons chrétiens. Les couleurs qui se font remarquer sont cantonnées aux métiers dangereux et aux marques infamantes : bourreaux, prostituées, usuriers, jongleurs, musiciens, et non-chrétiens (juifs et musulmans). La volonté est de bien identifier les rôles sociaux
Source : op. cité
Questions :
· Quel est le facteur essentiel qui permet d’expliquer la valorisation du bleu à la fin du 12 ème siècle ?, comment se diffuse ce mouvement dans la société ?
· Quel est le second facteur explicatif, quelles en sont les répercussions ?
· Comment expliquer l’apparition de nouveaux bleus plus lumineux dans la société, en particulier quel rôle joua alors le progrès technique ?
Document 5 :
En Amérique comme en Europe, plus de la moitié des gens interrogés, sans distinction d'âge, de sexe, de milieu social ou d'activités professionnelles, optent pour le bleu comme couleur préférée, 20% aiment le vert. Le blanc et le rouge sont choisis par 8%. Seules l'Espagne et l'Amérique latine diffèrent. Quant au Japon, il est blanc(30%), noir(25%), rouge (20%). En Occident, le rouge est une couleur excitante; au Japon, c'est une couleur paisible. En Afrique noire, le bleu est la couleur de la fête; en Turquie, c'est la couleur du deuil. La Chine l'associe au tourment. En Inde, le bleu est une couleur qui attire le malheur mais qui, dans ses nuances foncées, est liée à la passion érotique.(…)
L’homme vit en société. La notion de couleur préférée est en elle-même extrêmement floue. Peut‑on dire dans l'absolu, hors de tout contexte, quelle est la couleur que l'on préfère ? [...] Lorsque l'on cite le bleu, par exemple, cela signifie‑t‑il que l'on préfère réellement le bleu à toutes les autres couleurs et que cette préférence ‑mais qu'est‑ce qu'une « préférence » ‑ concerne toutes les pratiques et toutes les valeurs, aussi bien le vêtement que l'habitat, la symbolique politique que les objets de la vie quotidienne, les rêves que les émotions artistiques? Ou bien cela signifie‑t‑il qu'en réponse à une telle question (« quelle est votre couleur préférée? »), par certains côtés très pernicieuse, on souhaite être, idéologiquement et culturellement, rangé et compté dans le groupe de personnes qui répondront « bleu »? [...] La préférence individuelle, le goût personnel existent‑ils vraiment ? Tout ce que nous croyons, pensons, admirons, aimons ou rejetons passe toujours par le regard et le jugement des autres. L'homme ne vit pas seul, il vit en société.
Source : op. cité.
Questions :
· Expliciter la géographie des couleurs .
· Expliquez la phrase soulignée .
Présentation de la démarche de Durkheim :
Le fondement de l’analyse de durkeim est le fait social .
- pour Durkheim , un fait social « se définit comme « les manières d’agir , de penser , de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles . Non seulement , ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l’individu , mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive » .
- Cette définition conduit à opérer les remarques suivantes :
· Durkheim veut donner ulimiter les faits qui relèvent du domaine de la sociologie . Tout fait de société n’est pas un phénomène social : pour qu’il en soit un, il faut mettre en évidence des déterminismes sociaux, c'est-à-dire révéler l’influence de la société sur le fait étudié.
· il veut spécifier le champ d’études de la sociologie en le différenciant des autres disciplines qui s’intéressent aux mêmes domaines :
+ le fait social diffère du fait biologique : s’alimenter est un fait biologique ; la manière de s’alimenter un fait social
+ le fait social diffère du fait psychologique , puisqu’il est extérieur à l’individu
· cette définition met bien en évidence les caractéristiques du fait social :
+ ce sont des contraintes imposées par la société ou un groupe social qui influencent voir déterminent les comportements des individus
+ ces contraintes n’apparaissent pas en tant que telles à l’individu ; il a l’impression d’être libre . Car l’individu a intériorisé les normes et les modèles de comportement définis par la société : c’est le rôle de la socialisation ( cf. chapitre ultérieur ).
- La démarche sociologique de Durkheim résulte alors de sa conception du fait social :
· pour connaître les déterminants des actions des individus :
- les individus n’étant capables d’exprimer que des prénotions reflétant les croyances de la société, leurs réponses ne permettent pas aux sociologues de comprendre les véritables raisons qui ont guidé leur comportement
- puisqu’ils ne connaissent pas les véritables raisons motivant leurs actes, les individus ont l’impression d’être libres, seulement influencés par des caractéristiques individuelles et naturelles,
- comme ils ne sont pas conscients des contraintes sociales : les individus sont donc pour Durkheim des HSP
· Il faut alors opérer une démarche holiste : c'est-à-dire rechercher au niveau de la société les déterminants (normes, modèles de comportements) qui préexistent aux individus et qui s’imposent à eux.
· il faut en outre développer une méthode objectiviste: comme l’écrit Durkheim , « il faut étudier les faits sociaux comme des choses » . Il faut donc accumuler des données chiffrées, des statistiques qui mettent en évidence les faits et les contraintes sociales pesant sur les individus.
· Le sociologue après avoir analysé les données statistiques peut révéler les véritables raisons expliquant le comportement des individus
B - WEBER : LA SOCIOLOGIE DE L’ACTION SOCIALE
La sociologie de Weber relève d’une démarche presque antinomique :
- Individualiste : Max Weber ne définit pas les faits sociaux comme des choses, mais comme des interactions entre des comportements individuels obéissant à des motivations et des intérêts qu’il s’agit de reconstituer. Ainsi, selon Weber, « la sociologie ne peut procéder que des actions d’un , de quelques , ou de nombreux individus séparés . C’est pourquoi elle se doit d’adopter des méthodes strictement individualistes ». Pour étudier un phénomène social, il faut donc :
· partir de l’ individu : mettre en évidence ses objectifs et les moyens qu’il utilise pour les atteindre . Weber postule que l’individu n’est pas totalement libre , qu’il a des contraintes qui pèsent sur ses actes , mais qu’il a une marge de manœuvre à l’intérieur de ses contraintes et qu’on peut déceler une certaine rationalité dans la conduite de ses actions .
· néanmoins , les résultats des actions individuelles , lorsqu’elles sont agrégées afin de mettre en évidence le phénomène social , ne sont pas nécessairement conformes aux buts initiaux recherchés par les individus .
- subjectiviste et compréhensive :
· afin de rendre compte de l’ action d’un individu , 2 solutions peuvent se présenter :
- soit interroger directement l’individu sur les motivations qui l’ont guidé, car seul l’individu est a même d’expliquer les raisons de son action
- soit , dans le cas où l’on étudie des sociétés ayant disparu , se mettre à la place de l’individu , analyser le contexte dans lequel il vit et les contraintes qui pèsent sur lui et comprendre la manière dont on agirait si l’ on était à sa place .
· le risque de cette méthode est donc d’être trop subjective et arbitraire, c’est-à-dire de faire trop confiance à l’individu ( cf la critique opérée par Durkheim des pré-notions ) ou d’opérer une analyse ethnocentriste ( qui reflète , non pas le contexte de la société étudiée , mais celle du sociologue ) .
- la neutralité axiologique :
· or , Weber prône une démarche reposant sur le principe de la neutralité axiologique , c’est-à-dire qu’une science ne peut édicter ce qu’il convient de faire à la place des individus . Elle doit se limiter à appréhender ce que l’individu peut ou veut faire . Pour atteindre cet objectif , le sociologue doit s’efforcer de mettre entre parenthèses ses références culturelles .
· dans un second temps , il faut toujours confronter le résultat obtenu à des données statistiques permettant de le vérifier .
- une démarche basée sur la recherche de types idéaux : Weber considères que la réalité est beaucoup trop complexe pour pouvoir être complètement analysée . Il faut donc élaborer un idéal-type qui vise à :
· simplifier la réalité pour mieux l’analyser
· sélectionner quelques traits significatifs et cohérents donnant sens à la recherche
L’idéal type n’est donc pas une moyenne des comportements individuels ( cf le français moyen ) , mais au contraire , un cas limite que l’on ne rencontre jamais dans la réalité qui permet pas la comparaison aux comportements réels de déterminer les motivations des acteurs . Selon Weber , l’homo oeconomicus est un idéal-type ayant une vision parfaite de la situation économique , maîtrisant complètement les moyens les plus appropriés à la réalisation des buts qu’il s’est fixé : « l’économie argumente donc , à partir d’un homme irréel analogue à une figure idéale en mathématiques .
THEME VISANT A APPREHENDER LA DEMARCHE DE WEBER:
DOCUMENT 1 :
Qu'est-ce que l'esprit du capitalisme ? Le développement du capitalisme moderne en Occident est daté par Max Weber du XVIe siècle. Jusqu'au XVIIIème siècle se développent en Europe puis en Amérique des comportements économiques nouveaux légitimés par des valeurs qui s'imposent dans les « mœurs » : l'épargne, l'abstinence, la discipline et la conscience professionnelle. (...)
Si l'appât du gain se retrouve dans toutes les sociétés et à toutes les époques, le désir d'accumulation comme fin en soi est propre au capitalisme occidental.
Ce nouvel esprit va l'emporter sur le désir de s'enrichir par un souci d'ascension sociale ou par une volonté de puissance sans pour autant les faire disparaître.Il s'agit de favoriser une nouvelle éthique, au sens de règles morales contraignantes et absolues qui doivent s'emparer de tous les aspects et de tous les moments de la vie quotidienne. Cet « ethos » remet en cause le système de valeurs traditionnelles. Paraîtront désormais « insensées » et témoignant d'un oubli du devoir, les comportements qui font des recompenses matérielles obtenues par le travail un but en soi. Il faut vivre pour travailler et non plus travailler pour vivre. « En effet, cette idée particulière si familière pour nous aujourd'hui, mais en réalité si peu évidente que le devoir s'accomplit dans l'exercice d'un métier, d'une profession, c'est l'idée caractéristique de l'éthique sociale de la civilisation capitaliste, en un certain sens, elle en est le fondement » (L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, p. 51]. Cette idée va permettre un détournement des énergies qui vont s'investir dans des activités autrefois peu valorisées. Une nouvelle cohérence se met en place qui, partant de minorités actives, va toucher toutes les couches de la société. (...)
Le plus important pour Max Weber est de montrer les relations profondes qui existent entre deux représentations du monde. Il utilise pour cela la méthode idéal-typique et propose deux modèles : l'idéal type de l'ascétisme protestant et celui de l’esprit du capitalisme. (...)La mise en relation des deux types idéaux (valeurs puritaines et normes de conduite des entrepreneurs capitalistes) montre leur congruence.
La nouveauté radicale, introduite par la réforme protestante, est le face à face établi entre le fidèle et Dieu. Cette différence fondamentale avec le catholicisme conduit à un sentiment de solitude sans équivalent dans l'histoire des religions. (...) Cette solitude intérieure est remplie par l'angoisse du salut après la mort. Pour Max Weber, c'est la question existentielle première à laquelle doit répondre une religion. Si Dieu est absolu, transcendant et omniscient, il « sait » le passé, le présent et l'avenir donc qui est élu et qui est réprouvé. Le dogme de la prédestination se déduit de la conception calviniste. Tout croyant vit ainsi dans l'inquiétude : suis-je parmi les élus ? Trois issues psychologiques sont imaginables :
· le fatalisme (tout est déjà écrit) et la passivité :
· la recherche éperdue de la jouissance ;
· ou celle des signes de l'élection.
Les mouvements protestants vont rationaliser la troisième solution. Si Dieu a créé le monde pour sa propre gloire, le destin de l'homme
n'est-il pas de travailler pour rendre manifeste cette gloire ? Travailler pour atténuer l'angoisse finit par être interprété comme obéissance à un commandement de Dieu. Et logiquement, la réussite professionnelle est assimilée à un signe possible d'élection. (...)
Ainsi se trouvent éclairés les processus mentaux et sociaux qui ont pu conduire certains groupes à se consacrer exclusivement, selon des normes rationnelles, à l'accumulation capitaliste et plus généralement au travail (…) La rationalisation des conduites va donc porter sur l’usage du temps. Gaspiller son temps deviendra le premier et le plus grave des péchés . « Le temps est précieux, infiniment car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire de Dieu » . Cette éthique ne se reproduira pas dans toute sa pureté originelle.
SOURCE : G.Ferreol et J.P.Noreck , Introduction à la sociologie , Cursus Armand Colin
QUESTIONS :
- Peut-on dire que , selon M.Weber , l’apparition du capitalisme en Angleterre soit dû uniquement à des facteurs économiques ou matériels ?
- Quelle était le système de valeurs dominant dans les sociétés d’ancien régime catholiques traditionnelles européennes avant l’apparition de la nouvelle éthique ?
- Quel est le comportement désormais attendu du protestant ? Agit-il ainsi pour des motivations seulement économiques ?
- Quelles sont les raisons qui ont conduit les protestants à adopter un comportement différent des catholiques ?
- En quoi ce nouveau modèle de comportement va-t-il contribuer à l’apparition du capitalisme ?
- Peut-on dire que celle-ci était consciemment recherchée par les réformateurs protestants ?
SECTION I - ESSAI DE DEFINITION DE LA SOCIOLOGIE.
I - LA SOCIOLOGIE, UN CHAMP D’ETUDE VASTE ET MAL DEFINI.
Constat :
· selon R.Aron , les sociologues ne sont d’accord que sur un point : la difficulté de définir la sociologie .
· la sociologie traite d’éléments , de domaines très disparates , ce qui donne l’impression d’une absence de cohérence scientifique .
Conséquences : La sociologie ne paraît pas avoir de champ d’études propre . Elle subit la concurrence d’autres sciences paraissant plus à même d’étudier les domaines sur lesquels elle se penche . Ainsi , par exemple :
o le travail semble relever de l’économie
o le suicide de la psychologie
o l’évolution des manières de vivre de l’histoire
II - DES DEFINITIONS CONCURRENTES.
Alors qu’un accord majoritaire s’opère sur la définition de l’économie , au contraire les traditions sociologiques opposent au moins deux grandes conceptions , comme le montre les définitions comparées de Pareto et Duesenberry :
- celle de Pareto qui oppose l’économie à la sociologie :
o l’économie serait la science des actions logiques , c’est-à-dire des actions rationnelles : les individus agissent après avoir opéré un calcul coût–bénéfice ; ils n’entament cette action que si elle est profitable pour eux . L’individu de référence sur lequel sont construits les modèles économiques est l’Homo Oeconomicus ( ou HO) c’est à dire un individu qui est :
+ naturellement égoiste c‘est à dire qui vise à satisfaire ses besoins matérielles même si ses actions doivent se faire au détriment des autres
+ naturellement rationnel c’est à dire qui définit des objectifs et qui se donnent les moyens de les atteindre en opérant une analyse coût bénéfice qui minimisent les efforts et maximisent les satisfactions.
o la sociologie serait la science des actions non logiques , c’est-à-dire des actions individuelles qui apparaissent comme irrationnelles car les déterminants de l’action ne sont pas , a priori , compréhensibles .
- celle explicitée par l’économiste Duesenberry :
o l’économie est la science qui étudie la manière dont l’individu agit et cherche à atteindre ses objectifs
o la sociologie est la discipline qui étudie les déterminismes sociaux qui empêchent les individus d’agir : définition qui paraît correspondre à la démarche mise en œuvre par Durkheim .
- ces deux définitions paraissent présenter des démarches antinomiques :
o pour Pareto , l’individu , même s’il agit pour des raisons non logiques , agit : c’est un homo sociologicus actif (HSA)
o pour Durkheim , l’individu n’ a aucune marge de manœuvre , il est déterminé par ses caractéristiques sociales : c’est un homo sociologicus passif (HSP).
SECTION II - LES GRANDS COURANTS SOCIOLOGIQUES .
I – LES PREMIERS SOCIOLOGUES
A -DURKHEIM : LA SOCIOLOGIE DU FAIT SOCIAL .
Exemple de compréhension permet de maîtriser la démarche de Durkheim : L’analyse des couleurs relève t’elle d’une analyse sociologique ?
Analyse des prénotions :
· Combien de couleurs pouvez vous différencier ?
· Quelles sont les couleurs de l’arc en ciel ?
· De quelle science relève l’étude des couleurs ?
· Quelle est votre couleur préférée, pourquoi ?
· Quelle est la couleur que vous aimez le moins ? Pourquoi ?
Document 1 :
Ni les Grecs, ni les Romains, ni les Chrétiens, ne voyaient dans le bleu une « couleur » au sens contemporain. Pour eux, il s’agissait d’une nuance du noir, une opposition de densité au blanc. Le grec glaukos fait référence à un bleu pâle tandis que kyaneos renvoie à un bleu sombre ; la densité de la couleur compte plus que la matière : la fleur du bleuet peut être ainsi qualifiée de rouge tout comme la mer peut être vineuse.(…)
Le traité Sur les causes des plantes de Théophraste concerne indistinctement les colorants, les poudres, les fards, les racines et les essences tinctoriales ; il ne mentionne pas la couleur que nous définissons comme le bleu clair et dont il semble bien qu'elle était pratiquement inconnue dans la Grèce antique - ce qui a fait penser à un éventuel « daltonisme » des Grecs, dont Nietzsche a parlé dans Aurore (1881) : « Les Grecs voyaient la nature d'une autre façon que nous, car il faut admettre que leur œil était aveugle pour le bleu et le vert et qu'ils voyaient, au lieu du bleu, un brun plus profond, au lieu du vert, un jaune
© Encyclopædia Universalis 2005, tous droits réservés.
Questions :
· Quelle place occupe le bleu dans les sociétés antiques ?
· Quelle explication donne Nietzsche pour expliquer cette conception du bleu ?
· De quelle science semble alors relever l’étude des couleurs ?
Document 2 :
Pour nous, depuis les expériences de Newton, la mise en valeur du spectre et la classification spectrale des couleurs, il est incontestable que le vert se situe quelque part entre le jaune et le bleu. De multiples habitudes sociales, des calculs scientifiques, des preuves « naturelles » (ainsi l’arc-en-ciel) et des pratiques quotidiennes de toutes sortes sont constamment là pour nous le rappeler ou pour nous le prouver.
Or, pour l’homme de l’Antiquité, du Moyen Âge et encore de la Renaissance cela n’a guère de sens. Dans aucun système antique ou médiéval de la couleur, le vert ne se situe entre le jaune et le bleu. Ces deux dernières couleurs ne prennent pas place sur les mêmes échelles ni sur les mêmes axes ; elles ne peuvent donc avoir un palier intermédiaire, un « milieu » qui serait le vert. Le vert entretient des rapports étroits avec le bleu mais il n’en a aucun avec le jaune. Au reste, que ce soit en peinture ou en teinture, aucune recette ne nous apprend avant le XVIIe siècle que pour faire du vert il faille mélanger du jaune et du bleu. Peintres et teinturiers savent fabriquer la couleur verte, bien évidemment, mais pour ce faire ils ne mélangent jamais ces deux couleurs. (…)
Au Moyen Âge, deux couleurs juxtaposées qui pour nous constituent un contraste fort peuvent très bien former un contraste relativement faible ; et inversement, deux couleurs qui pour notre oeil voisinent sans aucune violence peuvent hurler pour l’oeil médiéval. Gardons l’exemple du vert. Au Moyen Âge, juxtaposer du rouge et du vert (la combinaison de couleurs la plus fréquente dans le vêtement entre l’époque de Charlemagne et celle de saint Louis) représente un contraste faible, presque un camaïeu. Or pour nous il s’agit d’un contraste violent, opposant une couleur primaire et sa couleur complémentaire. Inversement, associer du jaune et du vert, deux couleurs voisines dans le spectre, est pour nous un contraste relativement peu marqué. Or c’est au Moyen Âge le contraste le plus dur que l’on puisse mettre en scène : on s’en sert pour vêtir les fous et pour souligner tout comportement dangereux, transgressif ou diabolique !
Dans les textes comme dans les images, les arcs-en-ciel de l’Antiquité, du Moyen Âge et de la Renaissance ne possèdent jamais sept couleurs, mais trois, quatre ou cinq. Par ailleurs, le spectre étant inconnu, ces couleurs forment à l’intérieur de l’arc des séquences sans rapport avec celles que nous connaissons. Le phénomène météorologique n’ayant pas changé et l’appareil biologique de l’être humain étant resté le même, ces différences confirment que la perception est en grande partie culturelle : elle ne met pas seulement en action l’appareil biologique ou neurobiologique, mais convoque aussi, et surtout, la mémoire, les connaissances, l’imagination. La couleur n’est pas seulement un phénomène physique et perceptif ; c’est aussi une construction culturelle complexe, rebelle à toute généralisation, sinon à toute analyse. (…).
L’historien (tout comme le sociologue) doit donc se méfier de tout raisonnement anachronique. Non seulement il ne doit pas projeter dans le passé ses propres connaissances de la physique ou de la chimie des couleurs, mais il ne doit pas prendre comme vérité absolue, immuable, l’organisation spectrale des couleurs et toutes les théories qui en découlent. Pour lui comme pour l’ethnologue, le spectre ne doit être envisagé que comme un système parmi d’autres pour classer les couleurs. Un système aujourd’hui connu et reconnu de tous, « prouvé » par l’expérience, démonté et démontré scientifiquement, mais un système qui peut-être, dans deux, quatre ou dix siècles, fera sourire ou sera définitivement dépassé. La notion de preuve scientifique est elle aussi étroitement culturelle ; elle a son histoire, ses raisons, ses enjeux idéologiques et sociaux. Par là même, toute histoire des couleurs doit d’abord être une histoire sociale. Pour l’historien – comme du reste pour le sociologue et pour l’anthropologue – la couleur se définit d’abord comme un fait de société. C’est la société qui « fait » la couleur, qui lui donne ses définitions et son sens, qui construit ses codes et ses valeurs, qui organise ses pratiques et détermine ses enjeux. Ce n’est pas l’artiste ou le savant ; ce n’est pas non plus seulement l’appareil biologique ou le spectacle de la nature. Les problèmes de la couleur sont d’abord et toujours des problèmes sociaux, parce que l’homme ne vit pas seul mais en société. Faute de l’admettre, on verserait dans un neurobiologisme réducteur ou dans un scientisme dangereux, et tout effort pour tenter de construire une histoire des couleurs serait vain.
La couleur est d’abord un fait de société. Il n’y a pas de vérité transculturelle de la couleur, comme voudraient le faire croire certains livres appuyés sur un savoir neurobiologique mal digéré ou – pire – versant dans une psychologie ésotérisante de pacotille
Source : M Pastoureau, vers une histoire des couleurs, possibilité et limites, 2005.
Questions :
· Où se situe le vert pour l’homme d’aujourd’hui, pourquoi ?
· Quelle est sa place jusqu’à la renaissance ? Pourquoi ?
· De combien de couleurs est constitué l’arc en ciel, quelle est leur place ?
· Quelles conséquences M Pastoureau tire t’il de ces éléments ?
· Comment m Pastoureau définit-il foinalement les couleurs ?
· Expliquez la phrase soulignée .
Document 3 :
Le bleu dans l’antiquité
De fait, à Rome se vêtir de bleu est en général dévalorisant, excentrique (surtout sous la République et au début de l'Empire) ou bien signe de deuil. Au reste, cette couleur, disgracieuse quand elle est claire, inquiétante quand elle est sombre, est souvent associée à la mort et aux enfers. Quant à avoir les yeux bleus, c'est presque une disgrâce physique. Chez la femme, c'est la marque d'une nature peu vertueuse ; chez l'homme, un trait efféminé, barbare ou ridicule. Et le théâtre, évidemment, se plaît à pousser de tels attributs jusqu'à la caricature. Térence, par exemple, associe à plusieurs reprises les yeux bleus aux cheveux roux et frisés, ou bien à la taille gigantesque ou à la corpulence adipeuse, tous signes dévalorisants pour les Romains de l'époque républicaine. Voici comment il décrit un personnage ridicule dans sa comédie Hecyra, écrite vers 160 avant notre ère : « Un géant obèse, ayant les cheveux rouges et crépus, les yeux bleus et le visage pâle comme celui d’un cadavre ».(…) Les Romains sont "au mieux indifférents, au pire hostiles"au bleu. Personne ne s'habille en bleu. C'est la couleur de la mort et du deuil, la couleur des Barbares. "Les femmes des Bretons se peignent le corps en bleu foncé pour se livrer à des rituels orgiaques", assure Pline. En même temps, bizarrement, la notion de bleu existe tellement peu qu'il n'y a pas de mot pour la nommer.
Le Haut Moyen Age prend la suite sans grand changement. On teint en bleu avec des plantes, la guède européenne ou l'indigo d'Orient. Mais essentiellement les étoffes grossières des paysans, dans des tons délavés et grisâtres, qui ne méritent pas vraiment le nom de couleur. Rien à voir avec les nuances éblouissantes que les teinturiers savent donner aux rouges
Source : M. Pastoureau, Bleu, histoire d’une couleur, page 29, Seuil, 2000
Questions :
· quelle est la couleur des yeux préférée des français ?
· Qu’en est-il dans les sociétés antiques ?
· Comment pouvez vous expliquez le rejet du bleu par les romains , ou par l’élite du haut Moyen Age.
Document 4 :
A la fin du XIIe siècle, le changement de décor est brutal. En moins de 30 ans, le bleu est partout. Pour en arriver là, il a fallu rien moins qu'un bouleversement religieux. Pour la nouvelle théologie, Dieu est lumière. Donc tout s'éclaircit: on cherche des couleurs vives, on fabrique des bleus lumineux, ce qu'on n'avait jamais fait avant. Et la Vierge? Son manteau était sombre, en signe de deuil. Le voilà clair, bleu clair. Et voilà la Vierge qui "assure la promotion de ce nouveau bleu et l'étend rapidement à tous les domaines de la création artistique".
Dans le même temps, la société est devenue plus attentive à la façon dont «la couleur joue le rôle d'étiquette». Le système noir/rouge/blanc devenu insuffisant, on promeut trois autres couleurs (jaune, vert, bleu), on les associe et on les oppose. "A un ordre ancien qui remontait à des époques très lointaines, peut-être à la protohistoire, se substitue un nouvel ordre des couleurs. En fait, il a suffi d'une double demande, théologique et sociale, pour que les artisans et les artistes fassent des progrès fulgurants en une ou deux générations. Les nouveaux bleus, denses et lumineux, font irruption dans les vitraux, les émaux et les tapisseries. La Vierge a lancé le bleu. Les rois lui emboîtent le pas, très vite suivis par toute la société.Le roi de France renchérit par ses armoiries, qu’il fixe à la fin du XIIIe « d’azur semé de fleurs de lys d’or » en référence à la Vierge. Le bleu se répand dans l’héraldique. C’est qu’un nouvel ordre social, dû à l’essor démographique, fait éclater le vieil ordre figé des trois fonctions au profit de combinatoires plus riches. Les couleurs suivent, qui servent symboliquement à classer, à associer et à hiérarchiser. Les lois somptuaires édictées dans les villes italiennes interdisent aux marchands parvenus les couleurs vives, réservées à l’aristocratie. Le bleu devient alors moral, comme le noir, habillant les clercs, les magistrats, les veuves et tous les bons chrétiens. Les couleurs qui se font remarquer sont cantonnées aux métiers dangereux et aux marques infamantes : bourreaux, prostituées, usuriers, jongleurs, musiciens, et non-chrétiens (juifs et musulmans). La volonté est de bien identifier les rôles sociaux
Source : op. cité
Questions :
· Quel est le facteur essentiel qui permet d’expliquer la valorisation du bleu à la fin du 12 ème siècle ?, comment se diffuse ce mouvement dans la société ?
· Quel est le second facteur explicatif, quelles en sont les répercussions ?
· Comment expliquer l’apparition de nouveaux bleus plus lumineux dans la société, en particulier quel rôle joua alors le progrès technique ?
Document 5 :
En Amérique comme en Europe, plus de la moitié des gens interrogés, sans distinction d'âge, de sexe, de milieu social ou d'activités professionnelles, optent pour le bleu comme couleur préférée, 20% aiment le vert. Le blanc et le rouge sont choisis par 8%. Seules l'Espagne et l'Amérique latine diffèrent. Quant au Japon, il est blanc(30%), noir(25%), rouge (20%). En Occident, le rouge est une couleur excitante; au Japon, c'est une couleur paisible. En Afrique noire, le bleu est la couleur de la fête; en Turquie, c'est la couleur du deuil. La Chine l'associe au tourment. En Inde, le bleu est une couleur qui attire le malheur mais qui, dans ses nuances foncées, est liée à la passion érotique.(…)
L’homme vit en société. La notion de couleur préférée est en elle-même extrêmement floue. Peut‑on dire dans l'absolu, hors de tout contexte, quelle est la couleur que l'on préfère ? [...] Lorsque l'on cite le bleu, par exemple, cela signifie‑t‑il que l'on préfère réellement le bleu à toutes les autres couleurs et que cette préférence ‑mais qu'est‑ce qu'une « préférence » ‑ concerne toutes les pratiques et toutes les valeurs, aussi bien le vêtement que l'habitat, la symbolique politique que les objets de la vie quotidienne, les rêves que les émotions artistiques? Ou bien cela signifie‑t‑il qu'en réponse à une telle question (« quelle est votre couleur préférée? »), par certains côtés très pernicieuse, on souhaite être, idéologiquement et culturellement, rangé et compté dans le groupe de personnes qui répondront « bleu »? [...] La préférence individuelle, le goût personnel existent‑ils vraiment ? Tout ce que nous croyons, pensons, admirons, aimons ou rejetons passe toujours par le regard et le jugement des autres. L'homme ne vit pas seul, il vit en société.
Source : op. cité.
Questions :
· Expliciter la géographie des couleurs .
· Expliquez la phrase soulignée .
Présentation de la démarche de Durkheim :
Le fondement de l’analyse de durkeim est le fait social .
- pour Durkheim , un fait social « se définit comme « les manières d’agir , de penser , de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences individuelles . Non seulement , ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l’individu , mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive » .
- Cette définition conduit à opérer les remarques suivantes :
· Durkheim veut donner ulimiter les faits qui relèvent du domaine de la sociologie . Tout fait de société n’est pas un phénomène social : pour qu’il en soit un, il faut mettre en évidence des déterminismes sociaux, c'est-à-dire révéler l’influence de la société sur le fait étudié.
· il veut spécifier le champ d’études de la sociologie en le différenciant des autres disciplines qui s’intéressent aux mêmes domaines :
+ le fait social diffère du fait biologique : s’alimenter est un fait biologique ; la manière de s’alimenter un fait social
+ le fait social diffère du fait psychologique , puisqu’il est extérieur à l’individu
· cette définition met bien en évidence les caractéristiques du fait social :
+ ce sont des contraintes imposées par la société ou un groupe social qui influencent voir déterminent les comportements des individus
+ ces contraintes n’apparaissent pas en tant que telles à l’individu ; il a l’impression d’être libre . Car l’individu a intériorisé les normes et les modèles de comportement définis par la société : c’est le rôle de la socialisation ( cf. chapitre ultérieur ).
- La démarche sociologique de Durkheim résulte alors de sa conception du fait social :
· pour connaître les déterminants des actions des individus :
- les individus n’étant capables d’exprimer que des prénotions reflétant les croyances de la société, leurs réponses ne permettent pas aux sociologues de comprendre les véritables raisons qui ont guidé leur comportement
- puisqu’ils ne connaissent pas les véritables raisons motivant leurs actes, les individus ont l’impression d’être libres, seulement influencés par des caractéristiques individuelles et naturelles,
- comme ils ne sont pas conscients des contraintes sociales : les individus sont donc pour Durkheim des HSP
· Il faut alors opérer une démarche holiste : c'est-à-dire rechercher au niveau de la société les déterminants (normes, modèles de comportements) qui préexistent aux individus et qui s’imposent à eux.
· il faut en outre développer une méthode objectiviste: comme l’écrit Durkheim , « il faut étudier les faits sociaux comme des choses » . Il faut donc accumuler des données chiffrées, des statistiques qui mettent en évidence les faits et les contraintes sociales pesant sur les individus.
· Le sociologue après avoir analysé les données statistiques peut révéler les véritables raisons expliquant le comportement des individus
B - WEBER : LA SOCIOLOGIE DE L’ACTION SOCIALE
La sociologie de Weber relève d’une démarche presque antinomique :
- Individualiste : Max Weber ne définit pas les faits sociaux comme des choses, mais comme des interactions entre des comportements individuels obéissant à des motivations et des intérêts qu’il s’agit de reconstituer. Ainsi, selon Weber, « la sociologie ne peut procéder que des actions d’un , de quelques , ou de nombreux individus séparés . C’est pourquoi elle se doit d’adopter des méthodes strictement individualistes ». Pour étudier un phénomène social, il faut donc :
· partir de l’ individu : mettre en évidence ses objectifs et les moyens qu’il utilise pour les atteindre . Weber postule que l’individu n’est pas totalement libre , qu’il a des contraintes qui pèsent sur ses actes , mais qu’il a une marge de manœuvre à l’intérieur de ses contraintes et qu’on peut déceler une certaine rationalité dans la conduite de ses actions .
· néanmoins , les résultats des actions individuelles , lorsqu’elles sont agrégées afin de mettre en évidence le phénomène social , ne sont pas nécessairement conformes aux buts initiaux recherchés par les individus .
- subjectiviste et compréhensive :
· afin de rendre compte de l’ action d’un individu , 2 solutions peuvent se présenter :
- soit interroger directement l’individu sur les motivations qui l’ont guidé, car seul l’individu est a même d’expliquer les raisons de son action
- soit , dans le cas où l’on étudie des sociétés ayant disparu , se mettre à la place de l’individu , analyser le contexte dans lequel il vit et les contraintes qui pèsent sur lui et comprendre la manière dont on agirait si l’ on était à sa place .
· le risque de cette méthode est donc d’être trop subjective et arbitraire, c’est-à-dire de faire trop confiance à l’individu ( cf la critique opérée par Durkheim des pré-notions ) ou d’opérer une analyse ethnocentriste ( qui reflète , non pas le contexte de la société étudiée , mais celle du sociologue ) .
- la neutralité axiologique :
· or , Weber prône une démarche reposant sur le principe de la neutralité axiologique , c’est-à-dire qu’une science ne peut édicter ce qu’il convient de faire à la place des individus . Elle doit se limiter à appréhender ce que l’individu peut ou veut faire . Pour atteindre cet objectif , le sociologue doit s’efforcer de mettre entre parenthèses ses références culturelles .
· dans un second temps , il faut toujours confronter le résultat obtenu à des données statistiques permettant de le vérifier .
- une démarche basée sur la recherche de types idéaux : Weber considères que la réalité est beaucoup trop complexe pour pouvoir être complètement analysée . Il faut donc élaborer un idéal-type qui vise à :
· simplifier la réalité pour mieux l’analyser
· sélectionner quelques traits significatifs et cohérents donnant sens à la recherche
L’idéal type n’est donc pas une moyenne des comportements individuels ( cf le français moyen ) , mais au contraire , un cas limite que l’on ne rencontre jamais dans la réalité qui permet pas la comparaison aux comportements réels de déterminer les motivations des acteurs . Selon Weber , l’homo oeconomicus est un idéal-type ayant une vision parfaite de la situation économique , maîtrisant complètement les moyens les plus appropriés à la réalisation des buts qu’il s’est fixé : « l’économie argumente donc , à partir d’un homme irréel analogue à une figure idéale en mathématiques .
THEME VISANT A APPREHENDER LA DEMARCHE DE WEBER:
DOCUMENT 1 :
Qu'est-ce que l'esprit du capitalisme ? Le développement du capitalisme moderne en Occident est daté par Max Weber du XVIe siècle. Jusqu'au XVIIIème siècle se développent en Europe puis en Amérique des comportements économiques nouveaux légitimés par des valeurs qui s'imposent dans les « mœurs » : l'épargne, l'abstinence, la discipline et la conscience professionnelle. (...)
Si l'appât du gain se retrouve dans toutes les sociétés et à toutes les époques, le désir d'accumulation comme fin en soi est propre au capitalisme occidental.
Ce nouvel esprit va l'emporter sur le désir de s'enrichir par un souci d'ascension sociale ou par une volonté de puissance sans pour autant les faire disparaître.Il s'agit de favoriser une nouvelle éthique, au sens de règles morales contraignantes et absolues qui doivent s'emparer de tous les aspects et de tous les moments de la vie quotidienne. Cet « ethos » remet en cause le système de valeurs traditionnelles. Paraîtront désormais « insensées » et témoignant d'un oubli du devoir, les comportements qui font des recompenses matérielles obtenues par le travail un but en soi. Il faut vivre pour travailler et non plus travailler pour vivre. « En effet, cette idée particulière si familière pour nous aujourd'hui, mais en réalité si peu évidente que le devoir s'accomplit dans l'exercice d'un métier, d'une profession, c'est l'idée caractéristique de l'éthique sociale de la civilisation capitaliste, en un certain sens, elle en est le fondement » (L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, p. 51]. Cette idée va permettre un détournement des énergies qui vont s'investir dans des activités autrefois peu valorisées. Une nouvelle cohérence se met en place qui, partant de minorités actives, va toucher toutes les couches de la société. (...)
Le plus important pour Max Weber est de montrer les relations profondes qui existent entre deux représentations du monde. Il utilise pour cela la méthode idéal-typique et propose deux modèles : l'idéal type de l'ascétisme protestant et celui de l’esprit du capitalisme. (...)La mise en relation des deux types idéaux (valeurs puritaines et normes de conduite des entrepreneurs capitalistes) montre leur congruence.
La nouveauté radicale, introduite par la réforme protestante, est le face à face établi entre le fidèle et Dieu. Cette différence fondamentale avec le catholicisme conduit à un sentiment de solitude sans équivalent dans l'histoire des religions. (...) Cette solitude intérieure est remplie par l'angoisse du salut après la mort. Pour Max Weber, c'est la question existentielle première à laquelle doit répondre une religion. Si Dieu est absolu, transcendant et omniscient, il « sait » le passé, le présent et l'avenir donc qui est élu et qui est réprouvé. Le dogme de la prédestination se déduit de la conception calviniste. Tout croyant vit ainsi dans l'inquiétude : suis-je parmi les élus ? Trois issues psychologiques sont imaginables :
· le fatalisme (tout est déjà écrit) et la passivité :
· la recherche éperdue de la jouissance ;
· ou celle des signes de l'élection.
Les mouvements protestants vont rationaliser la troisième solution. Si Dieu a créé le monde pour sa propre gloire, le destin de l'homme
n'est-il pas de travailler pour rendre manifeste cette gloire ? Travailler pour atténuer l'angoisse finit par être interprété comme obéissance à un commandement de Dieu. Et logiquement, la réussite professionnelle est assimilée à un signe possible d'élection. (...)
Ainsi se trouvent éclairés les processus mentaux et sociaux qui ont pu conduire certains groupes à se consacrer exclusivement, selon des normes rationnelles, à l'accumulation capitaliste et plus généralement au travail (…) La rationalisation des conduites va donc porter sur l’usage du temps. Gaspiller son temps deviendra le premier et le plus grave des péchés . « Le temps est précieux, infiniment car chaque heure perdue est soustraite au travail qui concourt à la gloire de Dieu » . Cette éthique ne se reproduira pas dans toute sa pureté originelle.
SOURCE : G.Ferreol et J.P.Noreck , Introduction à la sociologie , Cursus Armand Colin
QUESTIONS :
- Peut-on dire que , selon M.Weber , l’apparition du capitalisme en Angleterre soit dû uniquement à des facteurs économiques ou matériels ?
- Quelle était le système de valeurs dominant dans les sociétés d’ancien régime catholiques traditionnelles européennes avant l’apparition de la nouvelle éthique ?
- Quel est le comportement désormais attendu du protestant ? Agit-il ainsi pour des motivations seulement économiques ?
- Quelles sont les raisons qui ont conduit les protestants à adopter un comportement différent des catholiques ?
- En quoi ce nouveau modèle de comportement va-t-il contribuer à l’apparition du capitalisme ?
- Peut-on dire que celle-ci était consciemment recherchée par les réformateurs protestants ?
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