Alexis de Tocqueville le développement de la société démocratique et l'égalisation des conditions

LE DEVELOPPEMENT DE LA DEMOCRATIE ET DE L’EGALITE DES CONDITIONS CHEZ TOCQUEVILLE.

INTRODUCTION

A - UN AUTEUR.

DOCUMENT 1 : Biographie p 459 du livre.
QUESTIONS :
- Caractérisez la vie de Tocqueville, comment a- t’elle influencé son oeuvre ?

· Tocqueville est issu d’une grande famille de l’aristocratie française, il a été élevé par un prêtre réfractaire donc très hostile à la révolution française, et pourtant malgré le poids de la tradition familiale Tocqueville ne va pas être un partisan acharné des régimes monarchiques ou aristocratiques.
· Au contraire, il va lors d’un voyage d’étude aux USA,, comparer les systèmes américains et français et montrer qu’il existe une tendance structurelle à l’égalisation des conditions qui n’est pas sans dangers.
· Tocqueville qui a combattu la politique conservatrice de la restauration monarchique de Charles X, va s’opposer à la politique libérale de Guizot (ministre de Louis Philippe) qui est l’auteur de la maxime « enrichissez vous « . Selon Tocqueville : « Ce gouvernement avait pris sur la fin les allures d’une compagnie industrielle, où toutes les opérations se font en vue du bénéfice que les sociétaires en peuvent retirer ».
· Tocqueville qui se lance dans la vie politique en 1836, devient député en 1839 et va être ministre lors la révolution de 1848 va s’opposer au coup d’Etat anti-démocratique de Napoléon III.

B - UN CONTEXTE.

Document 2 :
Tocqueville a ses entrées partout, mais n'est prisonnier de rien ni de personne. Il n'est pas un nostalgique de l'Ancien Régime, et il connaît les erreurs de la Restauration, mais il n'aime pas le dur monde bourgeois de l'industrie et de l'argent qui s'installe sous ses yeux. Il a, pour parler des affaires de son temps, non pas des passions, des préjugés ou des intérêts (bien que ces passions, ces préjugés ou ces intérêts soient manifestes dans sa vie), mais des concepts, et des concepts à lui, qu'on chercherait en vain ailleurs, chez les intellectuels ou les hommes politiques qui sont ses contemporains.
Ainsi de la "Démocratie", entendue à la fois comme l'égalité de plus en plus grande des conditions et comme un état de société qui peut permettre une participation des citoyens à la gestion de leurs affaires. C'est un concept difficile, malgré son apparente clarté, parce que les deux contenus ne sont pas forcément liés. Le premier seuil est ce qui pour Tocqueville définit le sens de l'évolution historique, mis en évidence (mais non pas créé) par la Révolution française. Mais cette égalité civile et sociale, qui succède au monde aristocratique dans les valeurs et dans les faits, comme légitimité et comme agent de nivellement, il n'en recherche pas systématiquement les raisons, ou la nécessité qui le pousse en avant : c'est une
Donnée, l’objet d’un constat, un phénomène irréversible, peut-être la manière dont cette intelligence abstraite imagine le fameux « destin » des romantiques
Mais ce qu'il cherche à comprendre, en revanche, et qui constitue la réflexion de sa vie, ce sont les conséquences de l'égalité : -Pour quoi Dieu nous entraîne-t-il ainsi vers la démocratie, je l'ignore ; mais embarqué sur un vaisseau que je n'ai pas construit, je cherche au moins à m'en servir pour gagner le port le plus proche" (lettre à Louis de Kergoriay, janvier 1835). D'où le glissement constant de sa pensée vers l'autre contenu de la démocratie, qui n'est pas, lui, de l'ordre du seul constat, mais aussi de l'action : l'égalité des conditions, qui est contradictoire avec le gouvernement aristocratique, peut amener, selon les circonstances et les pays, au gouvernement démocratique ou au gouvernement despotique. Il s'agit d'éviter le second et d'obtenir le premier. Tocqueville offre ainsi l'exemple, à nouveau exceptionnel dans le XIXe sièck français, d'une pensée libérale qui ne cesse d'aborder ensemble le politique et le social, alors que l'époque où il vit, et où peut-être nous sommes encore, tend à les dissocier comme des préoccupations incompatibles, où à simplement déduire l'une de l'autre, ce qui revient au même (en niant l'une ou l'autre). Alors que le libéralisme classique n'envisage que le politique, et que la pensée socialiste est obsédée par la question sociale, le problème
de Tocqueville est de comprendre à quelles conditions historiquesd l’égalité est compatible avec la liberté.
Source : F Furet, in J Le Goff, la nouvelle histoire, Retz, 1978.
Questions :
- Quelle est la grande question qui traverse l’œuvre de Tocqueville ?

Constat : Tocqueville va être influencé par le contexte dans lequel il a vécu :
· Issu de l’aristocratie il n’en est pas prisonnier,
· Il est au contraire un héritier de la révolution française qu’il va étudier dans un de ses principaux livres
· Mais il gardera tout au long de sa vie un mépris pour les affaire d’argent et pour la bourgeoisie dure et égoïste.

Conséquences : Cela va le conduire à se demander pourquoi il est si difficile en France d’établir des institutions démocratiques, libres et durables sans connaître de révolutions (Tocqueville va en vivre 2 celle de 1830 et celle de 1848) qui risquent de conduire au despotisme.

PARTIE I – LA PENSEE DE TOCQUEVILLE


SECTION I - l’IRRESISTIBLE MARCHE VERS LA DEMOCRATIE.

I - LE TRIOMPHE INELUCTABLE DE LA DEMOCRATIE : L’ANALYSE DE TOCQUEVILLE POUR LA FRANCE.

Document 3:
Lorsqu'on parcourt les pages de notre histoire, on ne rencontre pour ainsi dire pas de grands événements qui depuis sept cents ans n'aient tourné au profit de l'égalité. (....) Si, à partir du XI siècle, vous examinez ce qui se passe en France de cinquante en cinquante années, au bout de chacune de ces périodes, vous ne manquerez point d'apercevoir qu'une double révolution s'est opérée dans l'état de la société. Le noble aura baissé dans l'échelle sociale, le roturier s'y sera élevé ; l'un descend, l'autre monte Chaque demi-siècle les rapproche et bientôt ils vont se toucher. (...) Partout, on a vu les divers incidents de la vie des peuples tourner au profit de la démocratie (....).Le développement graduel de l'égalité des conditions est donc un fait providentiel, il en a les principaux caractères : il est universel, il est durable, il échappe chaque jour à la puissance humaine ; tous les évènements , comme tous les hommes, servent à son développement. Serait-il sage de croire qu'un mouvement social qui vient de si loin pourra être suspendu par les efforts d’une génération? Pense-t-on qu'après avoir détruit la féodalité et vaincu les rois, la démocratie reculera devant les bourgeois et les riches ? Source : A de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, GF, 1981.
Questions :
- Quel est le rôle joué par la révolution française dans le processus d’égalisation des conditions ?
- Que veut dire Tocqueville quand il écrit que le développement graduel de l’égalité est un fait providentiel ?

Constat : Tocqueville mène une étude historique et constate que :
· depuis le XIème siècle on ne rencontre quasiment pas d’évènements qui n’ait tourné au profit de l’égalité et que progressivement une société de type démocratique s’est substituée à une société de type aristocratique.
· Donc selon Tocqueville « tout ce que la révolution a fait se fut fait sans elle, elle n’a été qu’un procédé violent et rapide à l’aide duquel on a adapté l’état politique à l’état social, les faits aux idées, les lois aux mœurs »
· Tocqueville peut alors en conclure que le développement graduel de l’égalité est une tendance structurelle de nos sociétés puisqu’il est :
- Universel
- Durable
- Et qu’il échappe à la volonté des individus.

Remarque : Tocqueville développe donc :
· une analyse évolutionniste qui vise à penser le changement social et la modernité.
· Considère que le mouvement vers l’égalité a un caractère inéluctable : el le qualifie ainsi de providentiel , c’est à dire transcendant la volonté des hommes.
Mais :
· Tocqueville n’est pas un auteur déterministe car
- le processus d’égalisation fait jouer une grande diversité de facteurs en interactions ( il développe donc une logique systémique)
- le mouvement vers l’égalité est largement ouvert
· Il développe donc une logique probabiliste et actionniste de l’histoire : « la providence n’a créé le genre humain ni entièrement indépendant , ni tout à fait esclave. Elle trace , il est vrai, autour de chaque homme un cercle fatal dont-il ne peut sortir ; mais dans ces vastes limites, l’homme est puissant et libre, ainsi des peuples. Les nations de nos jours ne sauraient faire que dans leur sein les conditions ne soient pas égales ; mais il dépend d’elle que l’égalité les conduise à la servitude ou à la liberté, aux lumières ou à la barbarie, à la prospérité ou aux misères »
· Pour y arriver il va mener une démarche de type comparatiste qui a une double dimension :
- historique d’un coté par l’opposition systématique de la société démocratique à la société aristocratique
- géographique :en plaçant en perspective les formes américaines , française et anglaise de la société démocratique,
- ce qui lui permet de faire ressortir aussi bien :
+ les traits communs
+ que les différences ou les divergences d’évolution .

II - TOUJOURS PLUS D’EGALITE ?

A - L’EGALITE DE L’INSTRUCTION ET DES INTELLIGENCES.

Document 4 :
Mais ce ne sont pas seulement les fortunes qui sont égales en Amérique ; l'égalité s'étend jusqu'à un certain point sur les intelligences elles-mêmes. Je ne pense pas qu'il y ait dans le monde où, proportion gardée avec la population, il se trouve aussi peu d'ignorants et moins de savants qu'en Amérique.L'instruction primaire y est à la portée de chacun ;l'instruction supérieure n'y est presque à la portée de personne. Ceci se comprend sans peine, et est pour ainsi dire le résultat nécessaire de ce que nous avons avancé plus haut.
Presque tous les Américains ont de l'aisance ; ils peuvent donc facilement se procurer les premiers éléments des connaissances humaines. En Amérique, il y a peu de riches ; presque tous les Américains ont donc besoin d'exercer une profession Or, toute profession exige un apprentissage. Les Américains ne peuvent donc donner à la culture générale de l'intelligence que les premières années de la vie : à quinze ans, ils entrent dans une carrière ; ainsi leur éducation finit le plus souvent à l'époque où la nôtre commence. Si elle se poursuit au-delà, elle ne se dirige plus que vers une matière spéciale et lucrative ; on étudie une science comme on prend un métier ; et l'on n'en saisit que les applications dont l'utilité présente est reconnue. En Amérique, la plupart des riches ont commencé par être pauvres ; presque tous les oisifs ont été, dans leur jeunesse, des gens occupés ; d'où il résulte que, quand on pourrait avoir le goût de l'étude, on n'a pas le temps de s'y livrer ; et que, quand on a acquis le temps de s'y livrer, on n'en a plus le goût.
Il n'existe donc point en Amérique de classe dans laquelle le penchant des plaisirs intellectuels se transmette avec une aisance et des loisirs héréditaires, et qui tienne en honneur les travaux de l'intelligence. Aussi la volonté de se livrer à ces travaux manque-t-elle aussi bien que le pouvoir. Il s'est établi en Amérique, dans les connaissances humaines, un certain niveau mitoyen. Tous les esprits s'en sont rapprochés ; les uns en s'élevant, les autres en s'abaissant. Il se rencontre donc une multitude immense d'individus qui ont le même nombre de notions à peu près en matière de religion, d'histoire, de sciences, d'économie politique, de législation, de gouvernement. L'inégalité intellectuelle vient directement de Dieu, et l'homme ne saurait empêcher qu'elle ne se retrouve toujours. Mais il arrive du moins de ce que nous venons de dire, que les intelligences, tout en restant inégales, ainsi que l'a voulu le Créateur, trouvent à leur disposition des moyens égaux. Ainsi donc, de nos Jours, en Amérique, l'élément aristocratique, toujours faible depuis sa naissance, est sinon détruit, du moins affaibli, de telle sorte qu'il est difficile de lui assigner une influence quelconque dans la marche des affaires. Le temps, les événements et les lois y ont au contraire rendu l'élément démocratique, non pas seulement prépondérant, mais pour ainsi dire unique. Aucune influence de famille ni de corps ne s'y laisse apercevoir ; souvent même on ne saurait y découvrir d'influence individuelle quelque peu durable. L'Amérique présente donc, dans son état social, le plus étrange phénomène. Les hommes s'y montrent plus égaux par leur fortune et par leur intelligence, ou, en d'autres termes, plus également forts qu'ils ne le sont dans aucun pays du monde, et qu'ils ne l'ont été dans aucun siècle dont l'histoire garde le souvenir.
Source : op. cité.
Questions :
- Comment Tocqueville explique t’il le niveau mitoyen du savoir aux USA ?
- Pourquoi cette égalisation des savoirs lui semble t’elle une dimension essentielle de la démocratie ?
- En quoi, selon lui, la société américaine diffère t’elle, sur ce point, de la société française ?


Constat : Tocqueville considère que la société américaine est le modèle de la société méritocratique :
· Certes, les hommes sont intellectuellement inégaux : « l’inégalité intellectuelle vient directement de Dieu »
· Mais « les intelligences (…) trouvent à leur disposition des moyens égaux. » il poursuit : « chacun ne tire sa force que de lui même »
· La société ne comportant ni très riches, ni très pauvres : « l’instruction primaire y est à la portée de chacun, l’instruction supérieure n’y est presque à la portée de personne »
· Même ceux qui ont réussi ont commencé dans leur jeunesse à être pauvres, donc à travailler précocement ce qui ne leur a pas permis de développer un « goût de l’étude »

Conséquences : Donc il s’est établi en Amérique :
· dans les connaissances humaine, un certain niveau mitoyen. Tous les esprits s’en sont rapprochés ; les uns en s’élevant, les autres en s’abaissant »
· « Ainsi donc, de nos jours, en Amérique l’élément aristocratique, toujours faible depuis sa naissance, est sinon détruit du moins affaibli, de telle sorte qu’il est difficile de lui assigner une influence quelconque dans la marche des affaires »
· Ce qui a assuré un développement de l’esprit démocratique : les hommes s’y montrent plus égaux (..) qu’ils ne le sont dans aucun pays du monde, et qu’ils ne l’ont été dans aucun siècle »

Ce contrairement à la France :
· qui malgré une séries de révolutions, n’a pas fait disparaître les inégalités de fortune et de culture.
· Inversement en France il continue à exister des classes dans lesquelles le penchant des plaisirs intellectuels se transmet avec aisance, les loisirs héréditaires et les travaux de l’intelligence sont valorisés.

Conclusion : s’il est impossible d’égaliser les dispositions intellectuelles, il est possible par l’instruction d’égaliser les moyens de leur mise en oeuvre.

B - VERS L’EGALITE DES CONDITIONS ECONOMIQUES ET SOCIALES ?

1 - LA DISPARITION DES CLASSES SOCIALES.

Document 5 :
A :
La multiplicité des critères et des échelles de stratification sociale est pour Tocqueville une caractéristique distinctive de la société démocratique. Dans les sociétés d'ordres ou de castes, la position d'un individu dans la structure sociale est toujours clairement définie et aisément reconnaissable à un certain nombre d'indices matériels et symboliques. Il n'en est pas de même dans la société démocratique ; l'opposition que constate Tocqueville entre la France et les États-Unis est significative sous ce rapport : « En somme, les hommes en Amérique comme chez nous, sont rangés suivant certaines catégories dans le cours de la vie sociale ; les habitudes communes, l'éducation et surtout la richesse établissent ces classifications, mais ces règles ne sont ni absolues, ni inflexibles, ni permanentes. Elles établissent des distinctions passagères et ne forment point de classes proprement dites. » Tocqueville ne nie pas l'existence de principes de stratification dans la société démocratique et les isole à la fois dans les différences de modes de vie et dans les inégalités d'éducation et de ressources économiques. Mais il refuse la constitution sur le mode réaliste de classes constituées en fonction de l'un ou l'autre de ces éléments. En cela, Tocqueville peut être opposé radicalement à Marx pour qui les classes sociales sont de réels acteurs collectifs sur la scène du capitalisme et l'accentuation de la lutte des classes un trait distinctif de son histoire. Max Weber a également insisté sur la multiplicité des critères et des formes de groupement dans la société capitaliste (classe sociale, groupe statutaire et parti politique constituent des formes collectives non entièrement superposables et fondées sur des critères hétérogène d’agrégation)
Source : JL Fabiani, Tocqueville et les sociologues, Ellipse, 1985.
B :
Je n'ignore pas que, chez un grand peuple démocratique, il se rencontre toujours des citoyens très pauvres et des citoyens très riches ; mais les pauvres, au lieu d'y former l'immense majorité de la nation comme cela arrive toujours dans les sociétés aristocratiques, sont en petit nombre, et la loi ne les a pas attachés les uns aux autres par les liens d'une misère irrémédiable et héréditaire.
Les riches, de leur côté, sont clairsemés et impuissants : ils n'ont point de privilèges qui attirent les regards ; leur richesse même, n'étant plus incorporée à la terre et représentée par elle, est insaisissable et comme invisible. De même qu'il n'y a plus de races de pauvres, il n'y a plus de races de riches ; ceux-ci sortent chaque jour du sein de la foule, et y retournent sans cesse. [...]
Entre ces deux extrémités de sociétés démocratiques, se trouve une multitude innombrable d'hommes presque pareils [...] Quand un peuple a un état social démocratique, [...] il n'existe plus dans son sein de castes ni de classes ; [...]
tous les individus y sont à peu près égaux en lumières et en biens. " […]
On n'a point encore vu de sociétés où les conditions fussent si égales, qu'il ne s'y rencontrât point de riches ni de pauvres ; et, par conséquent, de maîtres et de serviteurs. La démocratie n'empêche point que ces deux classes d'hommes n'existent ; mais elle change leur esprit et modifie leurs rapports. [...]
En vain la richesse et la pauvreté, le commandement et l'obéissance mettent accidentellement de grandes distances entre deux hommes, l'opinion publique les rapproche du commun niveau et crée entre eux une sorte d'égalité imaginaire, en dépit de l'inégalité réelle de leurs conditions. [...]
Au fond de leur âme, le maître et le serviteur n'aperçoivent plus entre eux de dissemblance profonde, et ils n'espèrent ni ne redoutent d'en rencontrer jamais. Ils sont donc sans mépris et sans colère, et ils ne se trouvent ni humbles ni fiers en se regardant.
Source : A de Tocqueville, op. cité
QUESTIONS :
- Expliquez la phrase soulignée du doc B, opposez là à la conception développée par Marx en reprenant les notions développées dans le doc A.
- Peut-on dire qu’avec le développement de la démocratie les inégalités disparaissent, pourquoi ?
- Pourquoi peut-on opposer les sociétés démocratiques aux sociétés aristocratiques (cf la théorie de la circulation des élites de Pareto) ?

Tocqueville considère que :
· l’égalité des conditions implique l’absence de castes et de classes, tout en indiquant à plusieurs reprises que celle ci n’équivalait pas à la suppression de la hiérarchie sociale.
· Il justifie cette apparente contradiction par le fait que dans les sociétés démocratiques aucun des membres ne subit se destinée du fait de la position sociale qu’il occupe , que pour cette raison même la hiérarchie sociale ne renvoie plus à un ordre social préétabli qui assigne à chacun une place, des droits et des devoirs propres
· L’égalité des conditions constitue donc une autre appréhension de la structure sociale : les positions sociales ne sont certes pas équivalentes , mais elles ne cristallisent pas la totalité de l’existence sociale de l’individu.

l’opposition Tocqueville-Marx :
· Ainsi siTocqueville considère que dans les sociétés démocratiques, il n’y a plus de classes sociales, que tous les individus sont égaux et maîtres de leur destin, qu’ils ne sont plus déterminées par l’appartenance à une famille (comme dans l’ancien régime pour les nobles par exemple).
· Marx au contraire rejette cette analyse en posant que les sociétés capitalistes n’ont développé qu’une égalité formelle mais qu’en réalité les inégalités demeurent et que rien n’a fondamentalement changé dans les rapports d’exploitation.

Relativisation : Tocqueville néanmoins ne considère pas que toutes les inégalités aient disparues :
· car il existe des inégalités naturelles que la société ne peut remettre en cause sans danger (cf section suivante)
· mais ces inégalités ne sont plus héréditaires, elles ne sont plus reconnues par la loi : « il n’y a plus de races de pauvres, il n’y a plus de races de riches »
· Au contraire pour reprendre la théorie de Pareto (cf. cours) il y a une circulation des élites c’est à dire un renouvellement continuel des élites « ceux ci (les riches) sortent chaque jour du sein de la foule et y retournent sans cesse »

Conclusion : Dés lors Tocqueville :
· peut rejeter la conception réaliste des classes de Marx « l’opinion publique les rapproche du commun niveau, et crée entre eux une sorte d’égalité imaginaire, en dépit de l’inégalité réelle de leurs conditions » .
· L’égalité est donc un fait culturel, elle s’inscrit dans les esprits. C’est cette attitude mentale qui fait de l’homme démocratique un homme nouveau
· Tocqueville anticipe que la société démocratique va générer une « passion du bien être matériel qui est essentiellement une passion de classe moyenne » . Selon lui dans la société démocratique, les traits culturels caractéristiques de chaque classe s’estompent au profit d’un goût commun pour le bien être matériel. Ce matérialisme s’affirme lorsque l’accès à la richesse devient possible pour les pauvres et que le risque d’appauvrissement menace les riches. Un brassage social s’opère alors :
- réduisant le poids de la classe aisée, victime de la concurrence dans la course à la richesse, des tendances égalitaristes et de la perte de son rôle politique ;
- diminuant le nombre des pauvres
- la société démocratique, aussi bien au plan culturel qu’économique tend donc à la constitution d’une vaste classe moyenne dans laquelle les positions professionnelles relativement différenciées par la division du travail n’alimentent pas une hiérarchie sociale fortement marquée : c’est ce qu’on appelle aujourd’hui la moyennisation.

2 - LA RECHERCHE PERPETUELLE D’UNE EGALITE INTROUVABLE.

Document 6 :
Quand toutes les prérogatives de naissance et de fortune sont détruites, que toutes les professions sont ouvertes à tous, et qu'on peut parvenir de soi-même au sommet de chacune d'elles, une carrière immense et aisée semble s'ouvrir devant l'ambition des hommes, et
ils se figurent volontiers qu'ils sont appelés à de grandes destinées. Mais c'est là une vue erronnée que l'expérience corrige tous les jours. Cette même égalité qui permet à chaque citoyen de concevoir de vastes espérances rend tous les citoyens individuellement faibles. Elle limite de tous côtés leurs forces, en même temps qu'elle permet à leurs désirs de s'étendre.
Non seulement ils sont impuissants par eux-mêmes: mais ils trouvent à chaque pas d'immenses obstacles qu'ils n'avaient point aperçus d'abord. Ils ont détruit les privilèges gênants de quelques-uns de leurs semblables; ils rencontrent la concurrence de tous. La borne a changé de forme plutôt que de place. Lorsque les hommes sont à peu près semblable et suivent une même route, il est bien difficile qu'aucun d'entre eux marche vite et perce à travers la foule uniforme qui l'environne et le presse. Cette opposition constante qui règne entre les instincts que fait naître l'égalité et les moyens qu'elle fournit pour les satisfaire tourmente et fatigue les âmes. On peut concevoir des hommes arrivés à un certain degré de liberté qui les satisfasse entièrement. Ils jouissent alors de leur indépendance sans inquiétude et sans ardeur. Mais les hommes ne fonderont jamais une égalité qui leur suffise. Un peuple a beau faire des efforts, il ne parviendra pas à rendre les conditions parfaitement égales dans son sein; et s'il avait le malheur d'arriver à ce nivellement absolu et complet, il resterait encore l'inégalité des intelligences, qui, venant directement de Dieu, échappera toujours aux lois. Quelque démocratique que soit l'état social et la constitution politique d'un peuple, on peut donc compter que chacun de ses citoyens apercevra toujours près de soi plusieurs points qui le dominent et l'on peut prévoir qu'il tournera obstinément ses regards de ce seul côté. Quand
l'inégalité est la loi commune d'une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l'œil ; quant tout est à peu près de niveau, les moindres le blessent. C'est pour cela que le désir de l'égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l'égalité est plus grande. Chez les peuples démocratiques, les hommes obtiendront aisément une certaine égalité; ils ne sauraient atteindre celle qu'ils désirent. Celle-ci recule chaque jour devant eux, mais sans jamais se dérober à leurs regards, et, en se retirant, elle les attire à sa poursuite. Sans cesse ils
croient qu'ils vont la saisir, et elle échappe sans cesse à leurs étreintes. Ils la voient d'assez près pour connaître ses charmes, ils ne l'approchent pas assez pour en jouir, et ils meurent avant d'avoir savouré pleinement ses douceurs. C'est à ces causes qu'il faut attribuer la mélancolie singulière que les habitants des contrées démocratiques font souvent voir au sein de leur abondance, et ces dégoûts de la vie qui viennent quelquefois les saisir au milieu d'une existence aisée et tranquille.
Source : Op. Cite.
Questions :
- Explicitez le premier paragraphe.
- Expliquez la phrase : « Quand l’inégalité est la loi commune d’une société, les plus fortes inégalités ne frappent point l’œil, quand tout est à peu près de niveau les moindres les blessent ». Quelle loi générale Tocqueville en tire t’il ?
- Après avoir rappelé la définition du terme anomie, vous vous demanderez dans quelle mesure le développement de l’égalité n’engendre pas des tendances anomiques dans les sociétés démocratiques ?

Constat : La société démocratique ayant fait disparaître selon Tocqueville les castes et les classes :
· chaque homme peut espérer une élévation dans la hiérarchie sociale (les hommes naissant libres et égaux en droit)
· Tocqueville considère donc qu’il existe une forme d’auto-entretien du mouvement d’égalisation des conditions puisque celle ci crée chez les membres des sociétés démocratiques un amour de l’égalité qui prend l’allure d’une passion.
· Mais on retrouve ici un effet pervers de l’agrégation des comportements individuels : chaque individu faisant le même raisonnement, la concurrence est exacerbée et les espoirs de la majorité sont déçus.

Conséquences : D’où le paradoxe énoncé par Tocqueville : « cette opposition constante qui règne entre les instincts que fait naître l’égalité et les moyens qu’elle fournit pour les satisfaire tourmente et fatigue les âmes » Cela est source de remise en cause du pacte social :
· en effet dans une société telle que celle que celle d’ancien régime les inégalités sont justifiées par la loi . Dés lors elles ne peuvent être remises en cause et sont donc acceptées considérées comme naturelle.
· Par contre dans une société telle que la société américaine, l’idéal démocratique conduit à une forte réduction des inégalités et rend toute forme d’inégalité insupportable « c’est pour cela que le désir d’égalité devient toujours plus insatiable à mesure que l’égalité est plus grande » ,
· Sans que cet objectif soit jamais accessible « ils la voient d’assez près pour connaître ses charmes, ils ne l’approchent jamais assez pour en jouir »

Remarque : Ceci peut–être source d’anomie au sens de Durkheim :
· c’est à dire que les individus dont les désirs d’ascension et d’égalité étaient strictement bornés dans les sociétés d’ordres ou de castes , espèrent dans la société démocratique accéder à une situation sociale beaucoup plus aisée , objectif qu’ils n’atteignent jamais ,
· ce qui est à l’origine de : « la mélancolie singulière que les habitants des contrées démocratiques font souvent voir au sein de leur abondance » .

3 - LES CONTRE TENDANCES AU DEVELOPPEMENT DE L’EGALITE

Document 7 :
Dans ces sortes de sociétés, où rien n'est fixe, chacun se sent aiguillonné sans cesse par la crainte de descendre et l'ardeur de monter ; .et comme l'argent, en même temps qu'il est devenu la principale marque qui classe et distingue entre eux les hommes, y a acquis une mobilité singulière, passant de mains en mains sans cesse, transformant la condition des individus, élevant ou abaissant les familles, il n'y a presque personne qui ne soit obligé d'y faire un effort désespéré et continu pour le conserver ou l'acquérir.
Lorsque c'est la naissance seule, indépendamment de la richesse, qui classe les hommes, chacun sait précisément le point qu'il occupe dans l'échelle sociale ; il ne cherche pas à monter, et ne craint pas de descendre. Dans une société ainsi organisée, les hommes des différentes castes communiquent peu les uns avec les autres ; mais, lorsque le hasard les met en contact, ils s'absorbent volontiers, sans espérer ni redouter de se confondre. Leurs rapports ne sont pas basés sur l'égalité ; mais ils ne sont pas contraints.
[Màis] quand à l'aristocratie de naissance succède l'aristocratie d'argent, il n'en est plus de même. [...] Comme la valeur sociale des
hommes n'est plus fixée d'une manière ostensible et permanente par le sang, et qu'elle varie à l'infini suivant la richesse, les rangs existent toujours ; mais on ne voit plus clairement et du premier coup d'œil ceux qu'ils occupent. Il s'établit aussitôt une guerre sourde entre tous les citoyens ; les uns s'efforcent, par mille artifices, de pénétrer en réalité ou en apparence parmi ceux qui sont au-dessus d'eux ; les autres combattent sans cesse pour repousser ces usurpateurs de leurs droits, lou plutôt le même homme fait les deux choses, et, tandis qu'il cherche à s'introduire dans la sphère supérieure, il lutte sans relâche contre l'effort qui vient d'en bas.
Source : Op. Cité
Questions :
- Opposez les relations qui existent entre les individus dans les sociétés aristocratiques et dans les sociétés démocratiques.
- Pourquoi en reprenant l’analyse de P Bourdieu vue en première peut-on dire qu’il y a une stratégie de distinction (que vous caractériserez) ?

Constat pour les sociétés aristocratiques : Dans les sociétés aristocratiques :
· c’est la naissance seule qui classe les hommes ,
· les possibilités de mobilité sociale sont réduites, donc l’individu : « ne cherche pas à monter , ne craint pas de descendre »
· les communications entre les différentes castes sont réduites ,

Conséquences : mais lorsqu’elles se produisent , l’écart entre les castes est tel que les individus se côtoient sans redouter de se confondre

Constat dans les sociétés démocratiques :
· le statut n’est pas donné à la naissance , il est acquis
· donc , chacun espère s’élever et craint de descendre

Conséquences : d’où , les individus dont l’inégale valeur sociale ne s’impose plus de fait , craignent de se mélanger et opère des stratégies distinctives ( cf Bourdieu ) : « le même homme ( … ) tandis qu’il cherche à s’introduire dans la sphère supérieure lutte sans relâche contre les pauvres qui viennent d’en-bas » .

SECTION II - LES MALADIES DE LA DEMOCRATIE.

I - L’EGALITE PEUT REPRESENTER UNE MENACE POUR LA LIBERTE

Document 8 :
II y a en effet une passion mâle et légitime pour l'égalité qui excite les hommes à vouloir être tous forts et estimés. Cette passion tend à élever les petits au rang des grands ; mais il se rencontre aussi dans le cœur humain un goût dépravé pour l'égalité, qui porte les faibles à vouloir attirer les forts à leur niveau, et qui réduit les hommes à préférer l'égalité dans la servitude à l'inégalité dans la liberté. Ce n'est pas que les peuples dont l'état social est démocratique méprisent naturellement la liberté ; ils ont au contraire un goût instinctif pour elle. Mais la liberté n'est pas l'objet principal et continu de leur désir ; ce qu'ils aiment d'un amour éternel, c'est l'égalité ; ils s'élancent vers la liberté par impulsion rapide et par efforts soudains, et, s'ils manquent un but, ils se résignent ; mais rien ne saurait les satisfaire sans l'égalité, et ils consentiraient plutôt à périr qu'à la perdre.
D'un autre côté, quand les citoyens sont tous à peu près égaux, il leur devient difficile de défendre leur indépendance contre les agressions du pouvoir. Aucun d'entre eux n'étant alors assez fort pour lutter seul avec avantage, il n'y a que la combinaison des forces de tous qui puisse garantir la liberté. Or, une pareille combinaison ne se rencontre pas toujours. Les peuples peuvent donc tirer deux grandes conséquences politiques du même état social : ces conséquences diffèrent prodigieusement entre elles, mais elles sortent toutes deux du même fait. Soumis les premiers à cette redoutable alternative que je viens de décrire, les Anglo-Américains ont été assez heureux pour échapper au pouvoir absolu. Les circonstances, l'origine, les lumières, et surtout les mœurs, leur ont permis de fonder et de maintenir la souveraineté du peuple.
Source : Op. Cité.
Questions :
- Montrez que les hommes poursuivent simultanément deux passions dans les sociétés démocratiques. Ne risquent-elles pas de se révéler contradictoires, pourquoi ?
- Quelle est alors la crainte exprimée par Tocqueville ?

Dans les sociétés démocratiques , les hommes poursuivent 2 passions :
· la recherche de l’égalité
· la recherche de la liberté
Ces 2 passions peuvent se révéler :
· complémentaires , ce que Tocqueville appelle la passion mâle et légitime pour l’égalité : quand les hommes cherchent à s’élever dans la société en disposant de leur libre-arbitre et en rentrant en concurrence
· mais elles risquent de se révéler contradictoires dès lors que les plus faibles cherchent à attirer les plus forts à leur niveau , ce qui conduit à « préférer l’égalité dans la servitude à l’inégalité dans la liberté »

Tocqueville s’interroge alors sur le destin des sociétés ; il constate que :
· les américains ont su préserver la liberté et échapper au pouvoir absolu qui les menaçait ,
· mais il est plutôt pessimiste , en particulier pour la société française , considérant que , si les hommes ont certes un goût pour la liberté , elle n’est pas l’objet principal de leurs désirs ; ils lui préfèrent l’égalité , ce qui risque de conduire à une tyrannie qui s’opérerait au détriment de la liberté ( cf la période de la Terreur pendant la Révolution française )

Conclusion : Tocqueville craint donc que la recherche effrénée de l’égalité devienne liberticide.

II - LA TYRANNIE DE LA MAJORITE.

Document 9 :
A :
Dès lors qu'une mesure gouvernementale peut être prise sans l'accord de ceux qui sont, comme on dit, mis en minorité, cette minorité n'est-elle pas au pouvoir de la majorité? Et pour peu que cette majorité décide de ne plus tenir aucun compte de l'existence de la minorité dissidente, on pourra parler avec Tocqueville de tyrannie de la majorité. Le premier des problèmes de la démocratie devient le respect de la défense des droits de la minorité. La souveraineté du peuple apparaît soudain susceptible d'exercer une véritable pression sur le peuple même, ou tout au moins sur une partie du peuple La notion même de souveraineté du peuple devient illusoire. On saisit l'importance du thème de la tyrannie de la majorité, qui constitue en somme la perversion quasiment logique du principe de souveraineté populaire. [...] Si maintenant il se faisait que les citoyens n'aient plus envie de paraître en désaccord avec l'avis du plus grand nombre, cène simple crainte d'être différent pourrait être assimilée à une tyrannie. Or tel est bien le cas en démocratie : chacun se voulant l'égal de l'autre, chacun redoute la différence d'avec l'autre, et bientôt toute différence. Le conformisme sévit comme un tyran sur les esprits et sur les volontés. En ce sens, la cause de la tyrannie de la majorité est le développement même de l'égalité. Elle pousse les hommes à vouloir se ressembler et les habitue ainsi à penser que toute différence est une inégalité. Et, en égalisant les esprits, les intelligences, ellehabitue aussi à considérer que puisque tous les jugements se valent, c'est l'addition seule de ces jugements qui donne du poids à une opinion quelconque. L'égalité a donc naturellement tendance à engendrer la soumission au plus grand nombre, à la majorité. Et c'est bien ainsi que Tocqueville l'entend. Tyrannie signifie pour lui tyrannie avant tout morale ou intellectuelle, tyrannie d'une opinion publique dont l'effet est que personne ne souhaite différer des idées officielles, à la mode ou simplement courantes.
Source : C Pollin, de la démocratie en Amérique, coll. profil d’une oeuvre, Hatier, 1973.
B : 7 p 462
Questions :
- Qu’entend Tocqueville par l’expression tyrannie de la majorité ?
- Quelles en sont les causes, pourquoi C Pollin écrit-il « la tyrannie de la majorité qui constitue en somme la perversion quasiment logique du principe de la souveraineté populaire »

Tocqueville est bien conscient des forces et des limites de la démocratie :
- s’il considère que la démocratie est le meilleur système qui permet au peuple d’exprimer ses choix et de déterminer une loi juste
- il n’en sous-estime pas , pour autant , les dangers :
· dans une société qui cherche avant tout l’égalité , le conformisme risque de devenir la règle , chacun redoutant la différence. Tocqueville a été ainsi frappé lors de son séjour aux USA par la façon dont se forme les croyances et les goûts : le seul guide de l’individu c’est ce que pensent les autres , il fait sienne l’opinion qui semble se dégager de la masse, il a le réflexe démocratique qui consiste à admettre que, parmi des égaux, c’est le nombre qui est le critère de vérité.
· dès lors , apparaît un risque de remise en cause des droits de la minorité : effectivement, parce qu’il s’exerce au nom du principe démocratique, un pouvoir peut s’avérer oppressif à l’égard de la minorité qui a nécessairement tort puisqu’elle est minoritaire. Ceci peut générer deux risques :
- il peut se faire que la poursuite de l’égalité s’opère au détriment exclusif d’une partie de la population. Ce risque est selon Tocqueville limité aux USAoù la population est déjà relativement homogène mais important en Europe.
- plus grave encore, parce que plus pernicieux, la démocratie engendrant le conformisme, cela peut conduire à une remise ne cause des croyances et des points de vue qui s’éloignent du plus grand nombre, à tel point qu’ils ne peuvent plus s’exprimer. Selon Tocqueville quand toutes les opinions sont égales et que c’est celle du plus grand nombre qui prévaut, c’est la liberté de l’esprit qui est menacée avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer pour ce qui est de l’exercice effectif des droits politiques.

Conséquences : selon Tocqueville , une société reposant sur des principes injustes doit conduire à la désobéissance civile : « quand je refuse d’obéir à une loi injuste , je ne dénie point à la majorité le droit de commander , j’en appelle seulement de la souveraineté du peuple à la souveraineté du genre humain »

Conclusion : les craintes de Tocqueville sont d’autant plus justifiées que , selon Pollin , la tyrannie de la majorité constitue la perversion quasiment logique du principe de souveraineté populaire .

III - L’INDIVIDUALISME.

Document 10 :
Le second vice essentiel de la démocratie le premier étant la tyrannie pourTocqueville est ce qu'il a appelé individualisme. II faut d'abord comprendre que l'individualisme n'a rien à voir avec l'égoïsme. Ce n'est pas une passion, mais un sentiment réfléchi, ou comme le dit Tocqueville, un «jugement erroné ». Il ne pousse pas l'homme à un amour exagéré de lui-même, mais à porter toute son attention sur sa famille et sur ses amis, à leur donner son affection exclusive. Ce qui constitue à proprement parler l'individualisme, c'est le désintérêt pour les affaires publiques : « II tarit la source des venus publiques. » II attaque ainsi le principe même des régimes démocratiques, dans la mesure où la République s'établit sur la participation de tous à la chose commune et meurt de l'indifférence de chacun. [...]L'individualisme est en somme la généralisation d'une attitude politique que nous connaissons bien, et que les hommes politiques contemporains appelleraient l'abstentionnisme. [...] La décomposition de la démocratie en tyrannie constitue le plus grave danger que court la démocratie
Source : C Pollin, op. cité.
Questions :
- Comment Tocqueville définit-il l’individualisme ?
- Quels dangers fait-il courir aux régimes démocratiques ?

Tocquevillle considère que la démocratie comporte un second vice : l’individualisme :
· il commence par définir l’individualisme ; et , pour cela , commence à distinguer l’individualisme de l’égoïsme . L’individualisme , contrairement à l’égoïsme , n’est pas un amour immodéré de soi-même , mais plutôt un repli de l’individu sur sa cellule familiale qui le conduit à se désintéresser des affaires publiques .
· il en étudie ensuite les répercussions . L’individualisme attaque le principe même des régimes démocratiques , car ceux-ci ne reposent que sur la participation des individus

DOCUMENT 11 : 6 p 462
QUESTIONS :
- Comment Tocqueville explique t’il le développement de l’individualisme dans les régimes démocratiques ?

Selon Tocqueville :
· les sociétés aristocratiques ne sont pas menacées par l’individualisme et ses effets pervers , car les individus se sentent les membres d’un corps social dont ils sont obligés d’être solidaires .Exemple : « un homme connaît presque toujours ses aïeux et les respecte ; il croit déjà voir ses arrière-petit fils et il les aime » .
· Par contre , dans les sociétés démocratiques , les hommes ne se sentent plus reliés à une histoire familiale ; ils ne sont plus solidaires des membres d’une caste qui n’existe plus .

Conclusion : « l’aristocratie avait fait de tous les citoyens une longue chaîne qui remontait du paysan au roi ; la démocratie brise la chaîne et met chaque individu à part (… ) ; ceux-là ne doivent rien à personne , ils n’attendent pour ainsi dire rien de personne ; ils s’habituent à ce considéraient toujours isolément, ils se figurent volontiers que leur destinée toute entière est entre leurs mains »

IV - LE RESULTAT : L’OMNIPOTENCE DE L’ETAT.

Document 12 :

Lorsque je songe aux petites passions des hommes de nos jours, à la mollesse de leurs mœurs, à l'étendue de leurs lumières, à la pureté de leur religion, à la douceur de leur morale, à leurs habitudes laborieuses et rangées, à la retenue qu'ils conservent presque tous dans le vice comme dans la vertu, je ne crains pas qu'ils rencontrent dans leurs chefs des tyrans, mais plutôt des tuteurs. Je pense donc que l'espèce d'oppression dont les peuples démocratiques sont menacés ne ressemblera à rien de ce qui l'a précédée dans le monde ; nos contemporains ne sauraient en trouver l'image dans leurs souvenirs. Je cherche en vain moi-même une expression qui reproduise exactement l'idée que je m'en forme et la renferme ; les anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point. La chose est nouvelle,il faut donc tacher de la définir, puisque je ne peux la nommer.
Jezveux imaginer sous queis Traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. Chacun d'eux, retiré à l'écart, est comme étranger à la destinée de tous les autres : ses enfants et ses amis particuliers forment pour lui toute l'espèce humaine ; quant au demeurant de ses concitoyens, il est à côté d'eux, mais il ne les voit pas ; il les touche et ne les sent point ; il n'existe qu'en lui-même et pour lui seul, et, s'il lui reste encore une famille, on peut dire du moins qu'il n'a plus de patrie. Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternelle si, comme elle, il, avait pour objet de préparer les
hommes à l'âge viril ; mais il ne cherche, au contraire qu'à les fixer irrévocablement dans l'enfance ; il aime que les citoyens se réjouissent, pourvu qu'ils ne songent qu'à se réjouir. Il travaille volontiers à leur bonheur mais il veut en être l'unique agent et le seul arbitre : il pourvoit à leur sécurité, prévoit et assure leurs besoins, facilite leurs plaisirs, conduit leurs principales affaires. dirige leur industrie, règle leurs successions, divise leurs héritages ; que ne peut-il leur ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ? C'est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus are l'emploi du libre arbitre ; qu'il renferme l'action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu chaque citoven jusqu'à l'usage de lui-même. L'égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait.
Source : Op. Cité.
Questions :
- Quelle est la craint exprimée par Tocqueville, en quoi se distingue t’elle de celle qui caractériserait un régime aristocratique ?
- Comment Tocqueville l’explique t’il ?
- Dans quelles mesures ces critiques pourraient-elles s’appliquer à certains effets de l’Etat-providence ?

Selon Tocqueville , :
· dans les systèmes démocratiques caractérisés par une égalisation des conditions , les hommes ne sont plus menacés par des régimes despotiques ou tyranniques ,
· mais par une forme d’oppression douce : un Etat tutélaire et omnipotent qui infantilise les individus en pourvoyant à leur sécurité et à leurs besoins , en favorisant leurs plaisirs , mais en ne leur laissant plus aucun libre-arbitre , aucune capacité d’action .En effet l’Etat peut progressivement mettre les individus à l’écart des affaires publiques (les fixer dans l’enfance) puisqu’il fait si bien à leur place ce à quoi ils aspirent
· Enfin, fort de cette légitimité, et pour toujours mieux réaliser l’égalité et le bien être, il peut étendre sans cesse les règles compliquées, minutieuses et uniformes qui encadrent la vie socialejusqu’à étouffer toute velléité d’autonomie
· Le despotisme prend ainsi la forme d’un contrôle d’autant plus pernicieux qu’il se donne les couleurs de la démocratie, respectant ses aspirations et même , en apparence, le mode de désignation de ses dirigeants.

Remarque : Tocqueville a ici anticipé la critique que les auteurs libéraux font à l’Etat-Providence ( cf. chapitre Etat).




SECTION III - LES REMEDES : POURQUOI AU ETATS-UNIS LA DEMOCRATIE N’A T’ELLE PAS DEGENERE EN DESPOTISME ?


DOCUMENT 13 :
A :
Quoi qu'il en soit, conformément à la conviction permanente des philosophes classiques, Tocqueville exige que l'État soit assez grand pour disposer de la force nécessaire à la sécurité, et assez petit pour que la législation soit adaptée à la diversité des circonstances et des milieux. Cette combinaison n'est donnée que dans une constitution fédérale ou confédérale. Tel est, aux yeux de Tocqueville, le mérite premier des lois que les Américains se sont données. Avec une parfaite clairvoyance, il a vu que la constitution fédérale américaine garantissait la libre circulation dus biens, des personnes et des capitaux. En d'autres termes, le principe fédéral suffisait à prévenir la formation de douanes intérieures et empêchait la dislocation de l'unité économique que constituait le territoire américain. En dernier lieu, selon Tocqueville : « Deux dangers principaux menacent l'existence des démocraties : l'asservissement complet du pouvoir législatif aux volontés du corps électoral, la concentration dans le pouvoir législatif de tous les autres pouvoirs du gouvernement. »
Ces deux dangers sont formulés. dans des termes qui appartiennent à la tradition. Un gouvernement démocratique, aux yeux d’un Montesquieu ou d'un Tocqueville, ne doit pas être tel que le peuple puisse s'abandonner à tous les entraînements passionnels et déterminer les décisions du gouvernement. Et, d'autre part, selon Tocqueville, tout régime démocratique tend à la centralisation et à la concentration du pouvoir dans le corps législatif. Or, la constitution américaine a prévu la division du législatif en deux assemblées, elle a établi une présidence de la République, que Tocqueville, à son époque, considère comme faible, mais qui est relativement indépendante des pressions directes du corps, électoral ou du corps législatif. De plus, aux États-Unis,l'esprit légiste sert de subslitut à l'aristocratie car le respect des formes juridiques est favorable à la sauvegarde des libertés. Tocqueville constate encore la pluralité des partis qui d'ailleurs, observe-t-il justement, ne sont pas, comme les partis français, animés par des convictions idéologiques et n'adhèrent pas à des principes contradictoires de gouvernement, mais représentent l'organisation d'intérêts enclins à discuter pragmatiquement des problèmes qui se posent à la société.
Tocqueville ajoute deux autres circonstances politiques mi-constitutionnelles, mi-sociales, qui contribuent à la sauvegarde de la liberté. L'une est la liberté d'association et l'autre l'usage (qui en est fait, la multiplication des organisations volontaires. Dès que se pose une question dans une petite ville, dans un comté ou. même au niveau de l'État fédéral tout entier, il se trouve un certain nombre de citoyens pour se grouper en organisations volontaires, dont la fin est d'étudier, éventuellement de résoudre le problème posé. Qu'il s'agisse de construire un hôpital dans une petite ville ou de mettre fin aux guerres, quel que soit l'ordre de grandeur du problème, une organisation volontaire consacrera ides loisirs et de l'argent à la recherche d'une solution.
Enfin, Tocqueville traite de la liberté de la presse. Elle lui paraît chargée d'inconvénients de toutes sortes, tant les journaux sont portés à en abuser, tant il est difficile qu'elle ne dégénère pas en licence. Mais il ajoute, selon une formule qui ressemble à celle de Churchill à propos de la démocratie, qu'un seul régime est pire [que la licence de la presse, c'est la suppression de cette licence. Dans les sociétés modernes, la liberté totale est encore préférable à la suppression totale de cette liberté. Et entre ces deux formes extrêmes, il n'existe guère d'intermédiaire.
Dans une troisième catégorie de causes, Tocqueville groupe les mœurs et les croyances. Il développe alors l'idée centrale de son œuvre, centrale par rapport à son interprétation de la société américaine, et dans la comparaison explicite ou implicite à laquelle il procède chaque instant entre l'Amérique et l'Europe. ; Ce thème fondamental, c'est qu'en dernière analyse la liberté a pour conditions les mœurs et les croyances des hommes, le facteur décisif de ces mœurs étant la religion. La société américaine est, aux yeux de Tocqueville, celle qui a su joindre l'esprit de religion jet l'esprit de liberté. S'il fallait chercher la cause unique qui rend probable la survie de la liberté en Amérique et précaire l'avenir g de la liberté en France, ce serait, d'après Tocqueville, que la société américaine joint l'esprit de religion et l'esprit de liberté, cependant que la société française est déchirée par l'opposition .entre l'Église et la démocratie, ou la religion et la liberté. . En France c'est le conflit de l'esprit moderne et de l'Église qui est la cause dernière des difficultés que rencontre la démocratie à demeurer libérale, et au contraire c'est la parenté d'inspiration entre l’esprit de liberté qui est le fondement dernier de la société américaine.

SOURCE : R.Aron, Les étapes de la pensée sociologiques, Gallimard, 1967
B : 7 P 462-463
QUESTIONS :
- Recensez les caractéristiques des EU qui expliquent que la démocratie n’a pas débouché sur la tyrannie :
+ au niveau des institutions politiques
+ au niveau de l’indépendance des pouvoirs
+ au niveau des institutions sociales
+ au niveau des mœurs et des croyances

Selon Tocqueville, il existe un certain nombre de garde-fous qui permettent à la démocratie de ne pas générer en despotisme. Afin de les étudier, il part de son modèle de référence : les Etats-Unis :
· afin de limiter le risque d’omnipotence de l’Etat, Tocqueville considère que l’Etat doit être suffisamment développé afin de protéger le pays et sa population, mais suffisamment faible pour que le pouvoir de l’Etat ne conduise pas à une homogénéisation, source de conformisme appauvrissant. Tocqueville critique donc ici le centralisme issu de la monarchie absolutiste qui caractérise la France ( qui sera renforcé par la Révolution et l’Empire ). La solutions est alors d’appliquer une Constitution fédérale .
· Tocqueville qui s’inspire de Montesquieu, considère que la concentration des pouvoirs risque de menacer l’existence des démocraties .Le peuple , par le biais des suffrages universels , impose au corps législatif des décisions qui peuvent aller à l’encontre du droit des minorités . Il est donc souhaitable de diviser les pouvoirs , c’est-à-dire , comme aux EU , de séparer l’exécutif du législatif , et de diviser le législatif en 2 corps .
· Afin de limiter la sphère d’intervention de l’Etat , il est nécessaire , selon Tocqueville , de créer des corps intermédiaires sous la forme d’associations qui résultent de la coordination d’individus volontaires qui s’organisent afin de renforcer leurs capacités d’intervention et de pouvoir résister à la toute puissance de l’Etat . Selon Tocqueville , une des raisons de l’omnipotence de l’Etat en France se trouve dans la disparition des corps intermédiaires de l’Ancien Régime ( corporations , associations religieuses , … ) organisée par la Révolution française .
· Tocqueville , pour lutter contre la tendance naturelle des sociétés à sacrifier la liberté à l’égalité , préconise alors de protéger , autant se faire que peut , la liberté ( même si celle-ci n’est pas sans dangers) .Il propose alors de favoriser la liberté de la presse , mais cette politique ne lui paraît pas suffisante ; il considère que la liberté a pour condition les mœurs et les croyance des hommes , le facteur décisif de ces mœurs étant la religion . Inversement , en France , Eglise et démocratie s’opposent : l’Eglise prônant un retour à l’Ancien Régime et s’opposant à toute forme nouvelle de liberté qui menace , selon elle , le corps social .


PARTIE II – L’ACTUALITE DE TOCQUEVILLE



I - LA REPRESENTATION POLITIQUE

Tocqueville faisait de l'apparition d'un individu libre de ses choix une des caractéristiques de la société moderne. :

Les raisons : la disparition de toutes les obligations qui pesaient sur les sujets dans la société aristocratique a libéré l'individu qui devient un être autonome, capable de décider de son mode de vie.
Les vérifications : Les sociologues ont globalement conforté son point de vue.
· Pour Durkheim, la division du travail fait de chacun des membres de la société à solidarité organique un être spécifique qui n'est plus relié aux autres que par un rapport de complémentarité. Durkheim reconnaît, en outre, que les relations sociales deviennent plus fragiles et que l'individu peut se replier sur lui-même.
· L'absentéisme aux élections tant politiques que syndicales semble donner raison à Tocqueville quand il redoute l'individualisme, c'est-à-dire le repli sur soi et le désintérêt pour la politique.
· Dans la logique de Tocqueville, l'absentéisme serait le fait d'individus appartenant aux classes moyennes et qui feraient le choix de leurs affaires privées au détriment des affaires publiques (cf. doc 14 p466).
· Ce phénomène pourrait être aggravé par la professionnalisation de la politique qui consiste à faire des hommes et femmes politiques des individus formés en ce sens, rémunérés par les partis politiques et faisant l'ensemble de leur carrière dans la politique. Ne pouvant plus faire de la politique en « amateurs », les citoyens se détourneraient de la politique. (cf 12 p 465)
Relativisation : Pourtant :
· le profil type des abstentionnistes ne correspond pas à cette image (14 p 466) : L'abstentionnisme le plus fréquent est le fait des jeunes, des femmes seules, des chômeurs, des salariés précaires... C'est le fait de personnes mal insérées dans la société et qui ne se sentent pas la compétence pour intervenir dans le domaine public. Le politologue français Daniel Gaxie (L'Explication du vote, 1989) parle de « Cens caché » pour désigner cette mise à l'écart à la fois volontaire et contrainte des citoyens les moins compétents en politique.
· Comme l’indique le doc 12 p 465 : « la possibilité d’exercer un contrôle sur les représentants est sans doute plus grande que Michels ne l’affirmait (…) elle est moins universelle que ne le suppose la représentation officielle (…) elle est plus frésuente chez les hommes et à mesure que s’élève le niveau culturel et social. Plus le sentiment d’être autorisée à intervenir dans les questions politiques s’élève, (…)plus les agents opposent leurs propres compétences et leur propre jugement à ceux des représentant »
· On assiste comme l’indique le doc. 13 p 466 à un renouveau démocratique du au développement du tissu associatif qui corrspond à un instrument d’expression des citoyens sans pour autant remettre en cause l’intervention de l’Etat comme le pensait Tocqueville pour les USA : « la mise en place de l’Etat Providence implique l’élaboration de nouvelles formes de coopération avec le secteur associatif entre Etat et association » . De plus : « le monde associatif n’échappe pas à la contradiction entre l’idéal républicain de la souveraineté totale et les nécessités de la vie politique qui conduisent (y compris dans les associations) à substituer à la volonté des citoyens celle de leurs représentants »

II - SOCIETE DEMOCRATIQUE ET UNIFORMISATION DES COMPORTEMENTS

La thèse : L'individu démocratique est-il conformiste ? Le développement des mass média a renouvelé la crainte exprimée par Tocqueville : l'individu moderne serait un sujet privé d'idéaux qui ne peut résister à l'influence des modèles de comportement véhiculés par les mass média. (cf doc 10 p 464-465)
La relativisation : Pourtant, la diversité semble l'emporter sur le conformisme dans les sociétés démocratiques. Cela peut s'expliquer par l'existence de groupes sociaux différents. C'est pourquoi les médias se sont souvent spécialisés. Si conformisme il y a, il faut plutôt le chercher à l'intérieur de groupes sociaux d'appartenance, que ces groupes soient assignés ou acquis. L'individu moderne appartiendrait par la naissance ou par choix personnel à un ou plusieurs groupes sociaux dans lesquels il se fonderait et qui lui permettraient de se distinguer des membres des autres groupes.
Conclusion :Conformisme et différenciation seraient complémentaires.

III - OPINION PUBLIQUE

Définition : L'opinion publique est généralement définie comme étant un ensemble de jugements partagés par une grande partie des membres d'une société.
Analyse de Tocqueville : Dans la perspective développée par Tocqueville, l'opinion publique est une contrainte sociale qui pèse sur l'individu. (cf première phrase du doc 15 p 467)
Vérification : Reste à savoir par quels mécanismes l'individu perçoit cette opinion publique. Depuis les années 1960, cette opinion publique est recueillie par le biais d'enquêtes et de sondages diffusés par les médias (télévision, radio, presse). En principe, cela permettrait à la classe politique de s'informer sur la volonté populaire et de lui renvoyer ensuite la mesure de sa propre volonté.
Critique de Bourdieu : Pierre Bourdieu [Questions de sociologie, 1984) critique cette vision des choses en rappelant que tous les sondés n'ont pas une opinion sur toute chose et que les techniques de sondage créent artificiellement un consensus qui n'existe pas toujours. Dans la compétition à laquelle se livrent les différentes fractions de la classe politique et les différents médias, « l'opinion publique » serait une création destinée à légitimer et à imposer des choix. L'individu serait bien victime d'un effet de domination mais celle-ci émanerait du pouvoir politique ou des médias et non pas de la majorité de la population.


1 commentaires:

Anonyme a dit…

juste pour remercier ce cher Alexis de m'avoir permis d 'obtenir un 17 au bac!
Et puis aussi pour dire aux petits terminales que c'est pas la peine de le reviser il est tombé l'année derniere ( he oui dommage , c'etait l'un des plus faciles, mais soyez contents Keynes aussi est tombé l'année derniere)!
bon courage à vous!