chapitre travail et emploi

CHAPITRE II : LE TRAVAIL ET l’EMPLOI


PARTIE I : DIVISION DU TRAVAIL ET LIEN SOCIAL.

SECTION I ) LA DIVISION DU TRAVAIL VUE PAR LES ECONOMISTES LIBERAUX.

I - LA DIVISION DU TRAVAIL CHEZ ADAM SMITH.

A - L’ORIGINE DE LA DIVISION DU TRAVAIL : UN PENCHANT NATUREL A L’ECHANGE ( doc 3 p 468).

Postulat :Smith écrit , la division du travail est « la conséquence nécessaire , quoique lente et graduelle , d’un certain penchant à tous les hommes , ( ... ) , c’est le penchant qui le porte à trafiquer , à faire des trocs et des échanges d’une chose pour une autre . » Selon Smith, la division du travail résulterait donc d’un déterminant naturel : l’homme est instinctivement poussé à échanger. Mais l’homme ne doit pas compter sur la bienveillance de ses contemporains, car il vit dans un monde où l’égoïsme domine, l’individu recherchant son intérêt personnel rationnellement (l’homme est naturellement un homo oeconomicus).

Conséquences :Dès lors , l’homme « serait bien plus sûr de réussir s’il s’adresse à l’intérêt personnel de ses semblables et s’il les persuade que leur propre avantage leur commande ce qu’il souhaite d’eux . ( ... ) Donnez-moi ce dont j’ai besoin et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin pour vous-même. »

Conclusion : On constate donc que , selon Smith , l’échange va conduire l’homme qui est rationnel , qui sait donc qu’il n’est pas apte à réaliser toutes les taches ( voir la parabole du sauvage ) à se diviser le travail .

B - DIVISION DU TRAVAIL ET AUGMENTATION DES GAINS DE PRODUCTIVITE ( doc 5 p 469 ) .

Conséquences de la division du travail : Cette division du travail va permettre d’obtenir de formidables gains de productivité ce qui traduit une efficacité beaucoup plus forte de la main d’œuvre. (cf. la manufactures d’épingles doc 2 p 467 )

Les déterminants de l’augmentation des gains de productivité : trois facteurs permettent d’expliquer la croissance de la productivité du travail :

Source : la revanche des ses
- chaque ouvrier spécialisé est plus habile individuellement, car il n’opère plus qu’une seule tâche simple, ce qui lui permet d’être beaucoup plus habile et efficace.
- grâce à la division du travail, les déplacements entre chaque tâche , qui sont du temps perdu , sont réduits .
- la division du travail favorise la mécanisation du processus de production : chaque ouvrier se voit dès lors confier des tâches plus simples.

C - UN CERCLE VERTUEUX ( doc 6 p 470 ) .

Selon A.Smith, la division du travail et l’échange s’intègrent dans un cercle vertueux :

Penchant naturel -----> division du travail -----> accroît les gains de productivité---> baisse des prix ----> augmentation de la demande ----> augmentation de la taille du marché ----> augmentation de l’échange,etc. .
La division du travail selon Smith permet donc de montrer que les intérêts de tous les individus membres de la société sont interdépendants (chacun est relié aux autres par la division du travail et l’échange) sans que les individus soient contraints (le lien est invisible , cf. la main invisible ) . Ceci améliore le bien-être de tous les participants (jeu à somme positive)

CONCLUSION

Néanmoins, comme le constate R.Boyer et G.Schmeder, dans le doc 2 p 39 , A.Smith est tributaire de son temps , puisque :
- excepté l’exemple de la manufacture d’épingles , Smith insiste beaucoup plus sur la forme traditionnelle de la division du travail dans laquelle la société est divisée verticalement entre métiers qui établissent des liens achat-vente
- et non comme aujourd’hui horizontalement où s’établissent des liens entre employeurs et salariés.


II - LES FORMES DOMINANTES D’ORGANISATION DU TRAVAIL: TAYLORISME ET FORDISME .

A - L’ORGANISATION SCIENTIFIQUE DU TRAVAIL DE F.W.TAYLOR .

1 - le fondement de l’OST .

Postulat de base : Taylor part d’une hypothèse : les ouvriers flânent systématiquement : « chaque homme s’efforce d’en faire aussi peu qu’il est possible sans risque » .

Justifications du postulat : Pour expliquer ce comportement, Taylor reprend l’analyse de Smith :
- les hommes sont rationnels et égoïstes,
- les ouvriers ayant remarqué que toute augmentation de leur rendement sera suivie d’une réduction du taux payé à la pièce,
- ils n’ont pas intérêt à accroître leur rythme de travail, tant que le système du salaire aux pièces demeure, tant qu’il est appliqué .

Conséquence : Taylor constate (et , en cela , il est toujours un héritier de la pensée smithienne ) que « cette situation de sous-production se traduit par un manque à gagner pour le patronat , comme pour les ouvriers »(F.Stankiewicz)

Conclusion : Taylor va donc proposer une méthode d’organisation du travail qui vise (au moins en apparence) à améliorer simultanément le bien-être du patronat et des ouvriers.

2- les caractéristiques de l’OST .

Taylor va opérer une double division du travail, qu’il veut baser sur l’application de méthodes scientifiques :

a - la division verticale du travail

Son principe : dont le mot d’ordre est : aux bureaux de penser, aux ateliers d’exécuter ; c’est le principe de la séparation de la conception et de l’exécution (principe du up bottom : la délégation d’autorité se fait de haut en bas).

Explication : Taylor considérait que seuls les bureaux disposaient de la capacité (ils sont composés d’ingénieurs ayant poursuivis de longues études) et du temps (ils se consacrent essentiellement à cette tâche) permettant de concevoir des méthodes de travail scientifiques, accroissant les gains de productivité.

Conséquences : Le bureau doit donc établir « the one best way » , c’est-à-dire la seule et la meilleure façon de travailler ( la séquence idéale des mouvements à effectuer ) en un temps minimum ( le chronométrage ) .

b - la division horizontale du travail

principe: une fois conçue dans les bureaux , la division va être appliquée dans les ateliers . Elle consiste en la parcellisation des tâches : chaque ouvrier doit se voir confier une seule tâche élémentaire, que l’OST a permis d’isoler .

Remarque : Cette méthode est particulièrement adaptée à la situation américaine qui se caractérise par une main-d’œuvre peu qualifiée, issue de l’immigration . On voit ici que Taylor a poussé à l’extrême les principes émis par A.Smith.

problème : Toute la difficulté va être de faire accepter l’introduction de l’OST par les ouvriers .

Solution : Cela ne pose aucun problème selon Taylor :
- « Avec l’Organisation Scientifique, les intérêts variables des deux parties (employeurs et employés) sont les mêmes ; la prospérité de l’employeur ne peut durer que si elle est accompagnée de celle de l’employé, et inversement. Il est ainsi possible de donner à l’un et à l’autre ce qu’ils désirent : à l’ouvrier de gros salaires et au patron une main -d’œuvre bon marché ».
- L’introduction de l’OST va élever les gains de productivité, elle va donc permettre aux patrons d’augmenter les salaires tout en accroissant les profits et donc de faire accepter par l’ouvrier l’élévation des rythmes de travail.

Remarque : Néanmoins , comme l’écrit C.Clermont : « si la productivité des ouvriers a augmenté de 378 % , les salaires eux n’ont augmenté que d’environ 60 % » .Tous les partenaires n’ont donc pas bénéficié des même retombées de l’OST : la part des salaires dans la VAB a donc chuté !


B - LE FORDISME : UN APPROFONDISSEMENT DU TAYLORISME .

Ford reprend les principes émis par Taylor mais il va essayer de solutionner les difficultés auxquelles le taylorisme avait été confronté. Son action porte principalement sur deux points :

1 - LES CONDITIONS DE L’OFFRE

limites du taylorisme : malgré le chronométrage , Taylor n’avait pu éviter totalement la flânerie des ouvriers (the fallacy), qui se reposaient durant les temps de déplacement sans qu’un contrôle réellement efficace puisse être mis en œuvre.

Solutions mis en œuvre par Ford : Ford, en introduisant le convoyeur, fait en sorte que : « ce ne soit plus alors l’ouvrier qui circule autour d’un produit , c’est le produit qui se déplace devant une série d’ouvriers fixés à leur poste de travail » (O.Pastré)

Conséquences : Désormais:
- c’est la machine qui fixe le rythme de travail, ce qui interdit toute flânerie (cf. Les temps modernes de Chaplin)
- mais en plus le convoyage réduit le nombre d’ouvriers qui sont affectés à la manutention, diminue les surfaces de production, permet donc d’obtenir des gains de productivité très importants.
- Ceux-ci seront d’autant plus élevés que Ford va standardiser les méthodes de production ( il avait l’habitude de dire « vous pouvez choisir n’importe quelle voiture , pourvu que ce soit une Ford modèle T de couleur noire . » ) , ce qui permet l’accroissement des économies d’échelle donc des gains de productivité.

Conclusion : L’introduction de cette nouvelle méthode de production a permis en quelques mois de quadrupler la productivité du travail.

2 - LES CONDITIONS DE LA DEMANDE :

Problème auquel était confronté Ford : toute la difficulté était alors de trouver des débouchés qui puissent absorber le supplément de production issu de l’intensification du travail . Taylor n’avait pas su véritablement résoudre ce problème, l’économie était toujours menacée par un risque de surproduction.

Solution mise en œuvre par Ford : le mérite va en revenir à Ford . Il va en introduisant le five dollars day augmenter les salaires et permettre à ses ouvriers de devenir ses meilleurs clients.

Remarque : Néanmoins, comme l’écrit R.Castel, dans le doc 4 p 41 : « c’est sans doute faire trop d’honneurs à Ford que de lui attribuer le mérite que de cette quasi-mutation anthropologique du rapport salarial :
- En effet, l’institution du five dollars day correspond non à l’instauration d’un nouveau modèle collectif, mais à la recherche de la part d’un industriel individualiste d’une meilleure efficacité et rentabilité.
- L’objectif de Ford est surtout de diminuer l’augmentation du turn-over (la rotation de la main d’œuvre) qui suivit l’introduction du travail à la chaîne l’intensification du travail mécontentant les ouvriers) .
- En augmentant les salaires, H.Ford fit l’une des plus belles économies de sa vie, puisqu’il attira davantage de main d’œuvre et diminua le turn-over.

Conclusion : Il est donc essentiel de ne pas confondre Ford et le modèle de régulation institutionnel qualifié de fordisme qui repose sur une logique macro-économique ( à opposer à la logique micro-économique de Ford ) basé sur:
- une production en grande série dégageant de forts gains de productivité
- se répercutant sous forme de baisse de prix autorisant un partage équitable de la valeur ajoutée entre le capital et le travail
- assurant à la fois un investissement productif soutenu et une augmentation régulière des salaires propre à stimuler la consommation de masse.
- Ainsi, contrairement aux phases antérieures du capitalisme, l’offre ne bute plus sur une demande insuffisante (générant un risque de crise des débouchés), puisque les marchandises produites en longue série et à bas prix trouvent toujours des acquéreurs .

III - LES LIMITES DE LA DIVISION DU TRAVAIL .

A - L’ANALYSE SMITHIENNE DES LIMITES ( doc. 7 p 470 ).

Constat : Dès le XVIII°siècle, A.Smith constate les effets pervers engendrés par la division du travail : la répétition continue d’un geste simple conduit à un abrutissement du salarié et donc à l’aliénation dans le travail qui va rendre les ouvriers incapables de penser .

Solutions : Smith préconise donc une intervention de l’Etat (certes limitée mais réelle : cf chapitre politique économique et spécialité)qui vise à corriger les effets externes négatifs(l’abrutissement des ouvriers, cf. cours de première) résultant de l’introduction de la division du travail .


B - L’ECOLE DES RELATIONS HUMAINES (cf. complément de cours n°1)

C - LES DEUX CRISES DU TAYLORISME .

1- LA PREMIERE CRISE : 1960 - 1970 ( DOC 6 P 42 )

Constat : A partir des années 60 , on observe une remise en cause du modèle taylorien par les ouvriers les moins qualifiés qui en supportent le plus directement les conséquences . Des comportements nouveaux apparaissent :
- le taux d’absentéisme progresse ( il dépasse 10 voire 20 % ) ,
- le taux ° de turn-over augmente :


RAPPEL : taux de turn over = nombre d’ouvriers ayant quitté l’entreprise durant l’année x 100
nombre de postes dans l’entreprise

- le nombre de défauts constatés dans la production augmente , ce qui traduit un désintérêt des ouvriers pour leur travail
- les conflits du travail se multiplient en particulier les grèves spontanées qui ne sont pas dirigées par les syndicats .
- la contradiction entre les valeurs hédonistes de confort et de jouissance développées par la société de consommation et l’intensification des méthodes de travail dans le cadre des entreprises . A.Gorz conclut dans le doc 7 p 43 : « la rationalisation du travail avait donc atteint sa limite » .

Répercussions :Toutes ces actions traduisent un rejet du modèle taylorien , trop abrutissant . Elles mettent en danger l’objectif même de ce modèle : l’obtention des gains de productivité .

Remarque :Néanmoins , comme le constate F.Stankiewicz « associer la perte d’efficacité du taylorisme à la résistance ou à l’opposition des salariés est une idée robuste quand on l’applique aux années 70 . Transposer aux années 80 , cela devient une hypothèse héroïque » ( doc 8 p 43 ) .

2- LA SECONDE CRISE DU TAYLORISME : 1980 ET SUIVANTES ( 8 P 43 ) .

Selon B.Coriat , deux séries de raisons peuvent expliquer la seconde crise du taylorisme :

Première raison :

- Constat : - jusqu’aux années 60 , taylorisme et fordisme avaient dégagé des gains de productivité très importants . Mais , à partir de cette date , on constate que ces deux modes d’organisation du travail entrent dans leur limite historique d’efficacité c’est-à-dire qu’ils ne sont plus aptes à assurer une efficacité accrue du travail.

- - Explications : deux facteurs principaux :
• Ceci résulte en particulier de l’augmentation des défauts , que l’on peut alors constater : l’ouvrier taylorien subissant des rythmes toujours plus rapides de production tient les cadences mais pas la qualité .
• De plus , « toute cette organisation ( taylorienne et fordienne ) est très lourde à mettre en place , est très lourde à modifier . » Or les caractéristiques de la demande ayant évolué , cela nécessite une adaptation très rapide de la part des entreprises des chaînes de production .


Seconde raison :

- Constat : en effet , la nature des marchés auxquels sont confrontées les entreprises ont fortement évolué et nécessitent de la part des entreprises une adaptation . :
• Jusqu’aux années 70, les marchés étaient globalement demandeurs ; les entreprises n’avaient aucune difficulté à écouler leur production .
• Au contraire , à partir de cette date , la situation s’inverse et les marchés deviennent globalement offreurs.

- Conséquences : Les capacités de production des entreprises deviennent donc supérieures à la demande solvable ,la concurrence entre les entreprises devient beaucoup plus forte et nécessite de la part de celle-ci un changement d’objectifs :
• B.Coriat écrit ainsi : « A l’objectif de quantité et de volume , au moindre coût possible qui demeure , s’ajoute désormais un objectif de qualité au sens que , gagner un marché suppose une capacité à s’adapter rapidement à un type particulier de produits , obéissant à des normes et à des spécifications chaque fois différentes .
• En bref , cela signifie que , plutôt de fabriquer en très grande série des produits standardisés , satisfaire à la demande suppose , aujourd’hui une capacité accrue de fabriquer des séries plus restreintes de produits diversifiés adaptés à des demandes particulières qui ,elles-mêmes , sont changeantes tant en quantité qu’en qualité . ( ... )
• On peut donc dire qu’ avec l’émergence de nouvelles normes de consommation se font jour de nouvelles normes de concurrence. »


Conclusion : Celles-ci semblent conduire inéluctablement à un abandon du taylorisme et du fordisme et à l’introduction de nouvelles méthodes de production , tout le problème étant de savoir lesquelles , les avis sont sur ce point très divergents . Néanmoins nombreux sont ceux qui se rallient à ce qui semble être une méthode miracle : la méthode japonaise connue sous le nom de Toyotisme ou méthode de Ohno .


IV - LE TOYOTISME , UNE METHODE MIRACLE ?

A - L’HISTORIQUE .

Constat : Le toyotisme a été développé au Japon car les dirigeants de la firme étaient convaincus que les méthodes américaines n’étaient pas transposables au Japon dans le contexte des années 50, ceci pour 2 raisons :
• le capital y est plus rare qu’aux Etats-Unis , l’installation de convoyeurs y est donc impossible .
• il n’ y a pas , faute de marché , possibilité de produire en grandes séries : « Chez Toyota , la production est basée sur des séries limitées à partir d’un grand nombre de modèles offerts à la clientèle . »

Conséquences :On se rend compte ainsi que les Japonais ont été contraints par les conditions qui dominaient alors au Japon d’innover et d’inventer un nouveau mode d’organisation du travail :
• Celui-ci n’a pas intéressé les Européens jusqu’aux années 70 , le taylorisme et fordisme leur semblaient mieux adaptés à leurs besoins .
• En revanche , à partir du moment où la demande du marché a évolué , les Européens , comme les Américains ont alors considéré que le modèle japonais était celui qui était le plus adapté à la situation nouvelle à laquelle ils étaient confrontés .


B - LES PRINCIPES D’ORGANISATION .

Sur bien des points , la méthode de Ohno prend le contre-pied de celles développées par Taylor et Ford , car elles visent des objectifs radicalement différents :


1 - DE LA PRODUCTION DE MASSE AUX FLUX TENDUS .

limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford cherchaient à obtenir des gains de productivité en réalisant une production de masse standardisée . Dès lors , ils accordaient la priorité à l’amont sur l’aval : « Les postes situés en amont de la chaîne de fabrication poussent continuellement les pièces vers l’aval , sans se préoccuper de l’état d’avancement de la production. » Ceci présente de nombreux inconvénients : stockage de pièces importants , production excessive , transport et manutention inutile

Solutions apportées par le toyotisme : au contraire , la méthode de Ohno cherche à s’adapter à la demande
• L’objectif est donc de produire les quantités et qualités demandées par le marché et seulement celles-ci . « La production juste à temps accorde donc la priorité à l’aval sur l’amont » .
• C’est ainsi un autre modèle de circulation de l’information qui domine : « Le flux d’informations est totalement inversé , chaque poste en aval informe de ses besoins le poste amont qui lui est contigu , à l’aide de boîtes dans lesquelles sont placées des fiches cartonnées ( kanban ) . »
• Ceci « permet de limiter les matières premières ou les produits semi-finis en attente . Ainsi est atteint l’objectif zéro stock par cette production en flux tendus , donc d’assurer une forte diminution des coûts de production.
• Mais ceux-ci nécessitent un autre mode d’organisation de l’entreprise ;à la rigidité de la chaîne taylorienne s’oppose la flexibilité de l’atelier japonais , utilisant des machines polyvalentes et programmables et des ouvriers capables de s’adapter aux besoins de la production .
• Les gains de productivité ne sont plus alors obtenus par des économies d’échelle mais aussi par les économies de variété et la qualité . Ceci améliore grandement l’efficacité de l’entreprise et accroît sa compétitivité dans le nouveau contexte de concurrence auquel elles sont confrontées .

2 - DE L’OUVRIER SPECIALISE A L’OUVRIER POLYVALENT ( élargissement et enrichissement des tâches , rotation des postes cf. doc 9 p 44 ).

Limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford considéraient que l’ouvrier ne devait être qu’un bon exécutant , effectuant passivement les consignes données . Mais on se prive ainsi des capacités d’expérience et d’initiative des ouvriers .

Solutions apportées par le toyotisme : Ohno a choisi une autre voie de rationalisation du travail :
• au lieu de détruire les savoirs ouvriers et de parcelliser les tâches , il a préféré procéder par dé-spécialisation des professionnels pour les transformer non en ouvriers parcellaires mais en ouvriers polyvalents , c’est-à-dire que l’ouvrier doit être capable de s’occuper de tâches multiples .
• Ceci nécessite de sa part , non plus de l’obéissance mais des capacités d’initiative : « L’auto-activation de la production consiste à doter d’une certaine autonomie les machines automatiques et les salariés afin d’avoir des mécanismes d’arrêt de la production , lorsque des anomalies sont constatées . » Ceci permet d’éviter des gaspillages engendrés par la chaîne .
• L’ouvrier doit être aussi une force de proposition , visant à améliorer les méthodes de production ou la qualité des produits par le biais des cercles de qualité .
• On ne considère donc plus les ouvriers comme des exécutants bornés , mais on cherche à profiter de leurs expériences et de leurs savoirs .

3- DE L’OUVRIER INDIVIDUALISTE AU TRAVAILLEUR EN EQUIPE

limites du taylorisme et du fordisme : Taylor et Ford considéraient , dans une vision libérale , que l’ouvrier était un individualiste forcené qui cherchaient seulement à accroître son salaire .

Solutions apportées par le toyotisme : « Chez Toyota , le travail est organisé en équipes , ce qui entraîne une solidarité . » Mais ce n’est pas le seul objectif recherché :
• « la pression du groupe empêche l’absentéisme , car lorsqu’un ouvrier est absent dans une équipe , il n’est pas remplacé . C’est aux autres à prendre en charge sa part de travail . »
• Le collectif de travail se voit dans le cadre de l’atelier chargé de réaliser une tâche en fonction de critères spécifiés ( temps , qualité , etc. ) , mais il est laissé libre de s’organiser comme il l’entend .
• L’autonomie est donc très importante par rapport au taylorisme .
• Le toyotisme considère que la motivation de l’ouvrier ne peut être complète si l’incitation s’arrête à l’augmentation des salaires, il faut plus, en particulier tenir compte de la dimension collective du travail.

Conclusion : Le modèle de Ohno qui comporte une dimension holiste apparaît donc aujourd’hui comme la solution miracle qui permettrait de résoudre toutes les difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises . On peut néanmoins se demander dans quelle mesure le mythe ne dépasse pas la réalité .

C - UNE RELATIVISATION .

1 - UN MODELE MYTHIQUE .

Les Européens et américains cherchent à appliquer un modèle japonais qui n’existe pas parce que ce modèle reste largement mythique et mal analysé .
- on considère souvent que la méthode japonaise résulte de l’évolution technologique : « à nouvelles techniques , nouveaux contenus du travail » .Ceci repose sur l’idée qu’il y aurait un déterminisme technologique , l’introduction de l’informatique nécessitant un nouveau type d’organisation , de nouveaux salariés .
- Ceci n’est pas totalement faux , mais il ne faut pas en conclure qu’il existerait un miracle technologique japonais et donc il ne faut pas attribuer le retard de compétitivité des entreprises européennes à la seule prise en compte des facteurs techniques , car alors : « les entreprises françaises vont remplacer les hommes par des machines , ne voyant pas que la différence de compétitivité tient moins à la technologie elle-même qu’au couple équipement-hommes pour lequel l’organisation de la production est un élément essentiel de la compétitivité . » ( D.TaddeI et B.Coriat ) . On constate ainsi que :
• l’automatisation au Japon n’est pas plus avancée qu’en Europe , mais qu’elle débouche sur une gestion des relations humaines et des formes de mobilisation des salariés radicalement différentes . En Europe , la machine est considérée par les salariés comme l’ennemie de l’homme car elle détruit des emplois .
• Au Japon , elle s’insère dans une organisation qui prend en compte la dimension humaine et qui vise à motiver les salariés .
• Il apparaît donc difficile d’obtenir le résultat recherché par les entreprises françaises , qui veulent , tout à la fois , garder certains aspects du modèle japonais ( polyvalence , qualité , motivation de la main-d’œuvre ) tout en en rejetant d’autres ( autonomie , réduction des échelons hiérarchiques , garantie de l’emploi ).
• Le modèle de l’emploi à vie qui paraît être la règle n’est en réalit réservé qu’a une minorit é de la population : les usines japonaises sont conçues pour produire avec un minimum de main d’œuvre, toute augmentation de la production est assurée soit par le recours aux heures supplémentaires, soit par l »’augmentation du travail temporaire et des sous tratants. Bien évidemment en cas de retournement de la conjoncture, les sous-traitants et travailleures temporaires ne sont plus nécessaires, et supportent les répercussions de la chute de la demande de biens.
- l’adoption du toyotisme et du ohnisme par les occidentaux semble d’autant plus discutable aujourd’hui que Toyota bute sur les limites du toyotisme :
• En effet : « à force de tendre vers la production au plus juste , le système s’est privé de toute élasticité .
• Ce faisant , il a rencontré ses limites d’acceptabilité sociale , les tensions sur le marché du travail se sont transformées en crise du collectif de travail au sein de la firme . »
• C’est aujourd’hui tout le modèle japonais qui semble entrer en crise .

2 - LE TAYLORISME N’EST PAS MORT .

Constat : Comme l’écrivent B.Coriat et D.Taddei : « Non , le taylorisme n’est pas mort (...) , dans de nombreux secteurs de services , il est en progression .Il est de fait que les nouveaux outils automatisés contribuent plus souvent à banaliser et à routinier des tâches qui ne l’étaient pas qu’à les recomposer en des métiers véritables . Au cœur de nos entreprises , le modèle des années 50 , travail parcellisé et émietté , maîtrise disciplinaire , lignes hiérarchiques nombreuses et confuses , continue d’exercer ses effets . » ( cf. aussi docs 14 p 47et 15 p 48 ) .

Explications : Cette affirmation semble d’autant plus juste que :
• malgré la différenciation de la demande , les entreprises recherchent toujours l’obtention de gains de productivité maxima .
• Or , les techniques de production en petites séries , malgré l’automatisation , ne permettent pas d’en dégager suffisamment .
• Les entreprises vont donc s’efforcer de développer de nouvelles techniques de production qui leur permettent tout à la fois de différencier leur production et de bénéficier d’économie d’échelles .Ainsi , comme l’écrit G.duval ( 13 p 46 ) : « Les apparences sont parfois trompeuses . Si l’aspect extérieur des produits est beaucoup plus différencié que dans le passé , le mouvement de standardisation de leur cœur , se poursuit et même s’accélère . ( ...) .
• En fait , Taylor n’est pas mort , il est devenu plus intelligent . Les entreprises productrices ont réussi le tour de force d’accélérer la standardisation tout en donnant au consommateur le choix , grâce à deux techniques essentielles : la différenciation retardée et la modularité. » Etudions successivement chacune d’elles :

- la différenciation retardée : elle consiste à concevoir le produit , de façon à ce que les différences voulues par les clients soient reportées le plus en aval possible du processus de production , afin de maximiser les économies d’échelle . Ainsi : « C’est la face avant d’un magnétoscope qui différencie le produit , on utilisera donc une pièce plastique rapportée . » Par contre, la base de l’appareil sera identique pour de nombreuses marques .
- la modularité : vise à répondre à la demande d’options ( ex : ABS , air-bag , ...) qui remettent en cause les caractéristiques du produit . Les entreprises vont résoudre ce problème en concentrant les options dans un sous-ensemble physiquement isolé qu’on ajoute au produit de base indifférencié . Finalement , comme l’écrit D. Linhart , dans le doc 16 p 48 : « il ne faut pas que l’ouvrier reste huit heures à visser ses boulons , point à la ligne . Il faut qu’il puisse s’exprimer aussi sur la façon dont il peut visser ses boulons . » ( plus doc 18 p 50 ) .


CONCLUSION

Les principes : Les économistes libéraux considèrent que :
• la division du travail est une réponse au besoin des individus d’améliorer leur bien-être matériel .
• A.Smith et ses épigones ( disciples sans originalité personnelle ) postulent donc que l’individu est un homo oeconomicus rationnel et égoïste qui veut améliorer son confort matériel et qui dispose d’une rationalité lui permettant de mettre en oeuvre les moyens les plus efficaces , afin d’obtenir le résultat recherché .
• Cette division du travail va avoir des répercussions non voulues , mais essentielles ; elle va rendre les individus interdépendants , sans qu’il y ait besoin de règles contraignantes leur imposant une coordination .
• On retrouve ici le principe de la main invisible qui tisse un lien marchand entre les membres de la société . Ce lien marchand est d’autant plus avantageux qu’il libère l’individu des communautés qui le contraignaient , tout en leur apportant une amélioration du bien-être matériel.

Les limites : Deux types de critiques essentielles vont être développées à l’encontre de cette conception :
- la première est une critique de type marxiste .
- la seconde une critique plus sociologique développée en particulier par Durkheim .



SECTION II - UNE REMISE EN CAUSE DE LA CONCEPTION LIBERALE DE LA DIVISION DU TRAVAIL ET DE LA CONCEPTION DU LIEN SOCIAL EN DECOULANT


I) LA CRITIQUE MARXISTE .


Déterminants de la division du travail dans l’analyse marxiste :Marx considère que la division du travail est naturelle , qu’elle existe donc dans toutes les sociétés , qu’elle trouve son origine dans des différences de sexes et d’âges ( donc sur une base physiologique ) ( doc 9 p 471 ) .

Explications de l’apparition de la division manufacturière du travail :Par contre , la division manufacturière du travail telle celle décrite par A.Smith dans le célèbre exemple de la manufacture d’épingles est exclue des sociétés traditionnelles . Marx écrit : « Les lois des corporations du Moyen-Age empêchaient méthodiquement la transformation du maître en capitaliste , en limitant par des édits rigoureux le nombre maximum de compagnons qu’il avait le droit d’employer . » Cette citation nous indique bien que :
• dans la conception marxiste la division du travail décrite par Smith ne vise pas seulement à accroître les gains de productivité et donc le bien-être matériel ( même si Marx ne nie pas que cet objectif existe : doc 11 p 472 )
• mais à justifier la transformation du maître de corporation dont la sphère d’action était limitée en un capitaliste qui pourra , au nom de l’efficacité et de l’intérêt collectif , exploiter en toute bonne conscience ses ouvriers et assurer ainsi la domination du capital sur le travail ( doc 12 p 472 ) .

Exemple vérifiant l’analyse marxiste :Prenons ainsi l’exemple de l’application des méthodes tayloriennes et fordiennes ; telles qu’elles sont étudiées par B.Coriat, dans une perspective marxiste, dans son livre « L’atelier et le chronomètre ». Selon lui , les raisons qui expliquent à la fin du XIX° siècle aux USA , l’application de l’OST ne sont pas celles avancées par Taylor . B.Coriat insiste sur deux types d’objectifs :
• le premier est d’ordre conjoncturel : les entrepreneurs américains sont confrontés à une main-d’œuvre fraîchement immigrée , généralement peu qualifiée ; ils ne peuvent donc laisser une grande autonomie à leurs salariés .Le taylorisme comme le fordisme vont être deux modes d’organisation qui vont permettre d’intégrer les salariés non qualifiés .
• le second est d’ordre structurel et répond davantage à une problématique marxiste : aux Etats -Unis comme en Europe , le patronat voit son pouvoir sur les salariés limité par les ouvriers de métier ( organisés en syndicats ) qui disposent d’un savoir-faire méconnu du patron , qui leur assure un pouvoir d’autonomie et de marchandage , considéré par le patronat comme freinant l’accumulation du capital .

L’objectif non déclaré mais recherché par le patronat par le taylorisme est donc :
• de s’approprier le savoir-faire des ouvriers professionnels ( c’est la division verticale du travail ) , les bureaux essayant de maîtriser les savoirs techniques , dont les ouvriers de métier avaient le monopole .
• les entrepreneurs peuvent alors se passer des ouvriers professionnels ou tout au moins réduire leur autonomie et leur pouvoir de marchandage , en les mettant en concurrence avec les ouvriers spécialisés .
• « En substituant à l’ouvrier de métier , l’ouvrier-masse à peine immigré , non qualifié et surtout non organisé ( les syndicats d’ouvriers de métier n’acceptaient pas la main-d’œuvre non qualifiée ) , le capital modifie en sa faveur et pour longtemps l’état d’ensemble du rapport des classes . »

Conséquences de la mise en œuvre de la division du travail manufacturière : c’est désormais le capital qui impose son rythme et ses normes propres à la production de marchandises :
• l’ouvrier ne maîtrisant plus désormais l’ensemble du processus de production , se voit rabaisser au statut : « de complément vivant d’un mécanisme mort qui existe indépendamment d’eux » ( Marx ) .
• L’ouvrier est donc désormais asservi à la machine, il est selon les propres mots de Marx aliéné ( c’est-à-dire que l’homme est dépossédé de ses moyens de production, de sa production, et finalement de son être, puisqu’il lui est impossible de se sentir concerné par ce qu’il fait, puisqu’il ne maîtrise plus les différentes étapes de la production: doc 13 p 473 ).

Répercussions positives de la division du travail dans l’analyse marxiste : Il ne faut pourtant pas en conclure que Marx rejette la division du travail, ce qu’il critique c’est sa dimension capitaliste :
• « D’une part, la division du travail apparaît donc comme progrès historique et facteur nécessaire de développement dans le procès de formation économique de la société,
• mais d’autre part, elle se révèle comme un moyen d’exploitation civilisé et raffiné. » (Marx).

Relativisation de l’analyse marxiste : Il faut néanmoins relativiser les critiques marxistes émises à l’encontre du taylorisme et du fordisme, car, selon R.Castel : « l’homogénéisation scientifique des conditions de travail a-t-elle forgé une conscience ouvrière débouchant sur une conscience de classe aiguisée par la pénibilité de l’organisation du travail ( 3 p 40 ) . Ainsi paradoxalement Taylor a-t-il contribué à l’homogénéisation de la classe ouvrière et à sa prise de conscience. »

Points communs entre l’analyse de Marx et celle de Durkheim : Le schéma théorique de Durkheim n’est pas fondamentalement différent de celui de Marx. Pour l’un comme pour l’autre, la relation de causalité va de l’infrastructure matérielle à la superstructure : ici la lutte pour la vie et la division du travail, là les rapports de production ( l’infrastructure ) déterminent les idées morales, le droit et les liens sociaux ( la superstructure )

Oppositions entre les analyses de Marx et de Durkheim :Néanmoins l’analyse marxiste de la division du travail s’opposera à celle que proposera Durkheim ; en effet, comme l’écrivent P.M.Blau et R.L.Milby :
• « Marx considère ces conséquences néfastes ( absence de solidarités, inégalités sociales ) comme typiques de la division du travail capitaliste
• alors que Durkheim y voit des formes pathologiques rares. Elles sont pour lui révélatrices d’un état de crise des années 1890 »

II) LA CRITIQUE DURKHEIMIENNE : LE REJET DES EXPLICATIONS DES ECONOMISTES LIBERAUX.

Postulat expliquant selon les libéraux l’apparition de la division du travail :Selon les économistes, la division du travail peut être analysée comme la réponse à un problème auquel sont confrontés les individus. :
• La division du travail doit donc être vue comme un construit humain : les individus ayant intérêt à se partager les tâches afin d’accroître le rendement de la collectivité, ou plus exactement d’être plus productif que leurs concurrents et de gagner des parts de marché ( les deux visions n’étant pas contradictoires mais complémentaires, vu les bienfaits de la concurrence ) .
• Les économistes libéraux basent donc leur analyse sur l’utilitarisme et l’individualisme méthodologique :
- Ils partent d’un individu représentatif, l’homo oeconomicus qui est égoïste et rationnel (comportement naturel à l’homme).
- Ils étudient les actions de cet individu : en recherchant son intérêt personnel, il a intérêt à diviser le travail.
- Puis ils agrègent ces comportements individuels afin de faire apparaître la société qui en est le résultat.

Durkheim s’oppose à cette conception en la réfutant sur plusieurs points ( doc 8 p 148 ) :
• « il ne croit guère au rôle joué par le calcul rationnel dans la vie sociale ». Il rejette donc le postulat de l’homo oeconomicus : « La division du travail ne met pas en présence des individus mais des fonctions sociales. » ( Durkheim ).
• il remet en cause l’idée que la société est seulement le résultat des comportements individuels des individus sans véritable lien, ne recherchant dans le contact avec les autres que leur intérêt personnel. « Si la division du travail produit la solidarité, ce n’est pas seulement parce qu’elle fait de chaque individu un échangiste, comme le disent les économistes ; c’est qu’elle crée entre les hommes tout un système de droits et de devoirs qui les lient les uns aux autres d’une manière durable. »( Durkheim). La division du travail n’affecte donc pas que des intérêts individuels et temporaires.
• les économistes croient que la division du travail est le résultat conscient de la rationalité individuelle. Elle serait donc « un construit humain au sens économique du terme, c’est-à-dire une élaboration volontaire imaginée par des innovateurs et consacrée par le marché » ( D.Clerc ).
• Durkheim considère au contraire que la division du travail est le produit largement inconscient de la société. En effet, comme l’indique R.Nisbet : « Dire que les hommes se sont partagés le travail et ont attribué à chacun un métier propre afin d’augmenter l’efficacité du rendement collectif, c’est supposer les individus différents les uns des autres et conscients de leurs différences avant la différenciation sociale. En fait, la conscience de l’individualité ne pouvait pas exister avant la solidarité organique et la division du travail. La recherche rationnelle d’un rendement accru ne peut expliquer la différenciation sociale, car cette recherche suppose justement la différenciation sociale ».

Conclusion : Durkheim reproche donc aux économistes libéraux de faire de la conséquence la cause. On se rend compte que ce sont deux analyses de la société qui s’opposent :
• chez les libéraux, la société est un produit de la volonté humaine, résultat d’une démarche intentionnelle ;
• au contraire, chez Durkheim : « La société s’autoproduit sans intention initiale. » ( D.Clerc ) : « Les hommes marchent parce qu’il faut marcher et ce qui détermine la vitesse de cette marche, c’est la pression plus ou moins forte qu’ils exercent les uns sur les autres. (... ) La civilisation se développe parce qu’elle ne peut pas se développer ; une fois qu’il est effectué, ce développement se trouve généralement être utile ou, tout au moins il est utilisé ; il répond à des besoins qui se sont formés en même temps, parce qu’ils dépendent des même causes, mais c’est un ajustement après coup. » ( Durkheim).
• Les économistes néo-classiques considèrent donc que la destruction des liens sociaux traditionnels qui étouffent les individus et les empêchent donc de révéler leur rationalité est un pré-recquis à la division du travail. Une fois que celle-ci se sera imposée, il ne subsistera entre les individus qu’un lien social marchand qui présentera l’avantage d’assurer l’autonomie des individus, tout en les rendants interdépendants et en leur apportant le bien être matériel.
• Durkheim, au contraire, considère que : « le laisser-faire tend à produire les crises sociales contemporaines qui font craindre une guerre entre les possédants et les autres. » Le principale reproche qu’émet Durkheim à l’encontre des libéraux sur ce point est de sacrifier la solidarité, le lien social à la liberté individuelle, en considérant que l’autorégulation du marché résoudra tous les problèmes. Cette analyse est selon Durkheim beaucoup trop optimiste .

Transition : Durkheim est très sévère vis-à-vis de la conception libérale de la division du travail . Il ne faut pas pour autant en conclure que Durkheim sous-estime les effets de la division du travail . Au contraire , il lui accorde une place essentielle , mais il en donne une vision très différentes de celles des économistes .



SECTION III - LES MUTATIONS DU TRAVAIL ET DE L’EMPLOI

I – L’EVOLUTION DE LA CONDITION SALARIALE (10 à 16 p 87-90)

I
NTRODUCTION : DEFINITION : QU’EST-CE-QU’UN SALARIE ?

Selon O.Marchand :
• « en matière de droit , définir le salarié revient à définir le contrat de travail qui lie le travailleur avec l’entreprise qui l’emploie . On définit alors le contrat de travail comme la convention par laquelle une personne s’engage à mettre son activité à la disposition d’une autre , sous la subordination de laquelle elle se place moyennant une rémunération .
• A l’inverse , l’activité indépendante répond à une logique de prestation de services régie par le droit commercial . »


A – LE CONTRAT DE TRAVAIL SOURCE D’EFFICACITE SELON LES LIBERAUX (13 p88 14 p 89)


Comme l’indique R.Castel , A.Smith fonde l’économie politique sur la liberté de l’échange sur le marché .

Problème : la société traditionnelle a développé un modèle d’organisation du travail basé :
• sur le travail forcé : par exemple , la corvée féodale
• sur l’organisation corporatiste du travail qui vise à interdire toute forme de libre concurrence sur le marché afin d’assurer la conformité de l’ordre social

Solution préconisée par Smith et les libéraux : la libéralisation du travail : « la plus sacrée et la plus inviolable des propriétés est celle de sa propre industrie ( aux travailleurs ) ( … ) ; l’empêcher d’employer cette force et cette adresse de la manière qu’il juge la plus convenable est une violation manifeste de cette propriété primitive » . Il devient alors impératif de détruire l’ordre social arbitraire de l’Ancien Régime afin d’assurer l’avènement d’un monde social rationnel . C’est ce que mettra en œuvre la Révolution française quand elle supprima , par la loi Le Chapelier et le décret d’Allarde les corporations et toute forme d’organisation ouvrière : « il n’ y a plus de corporations dans l’Etat ( … ) , il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt général » .
Désormais :
• les hommes naissent libres et égaux en droit
• il n’existe plus aucune entrave à la liberté de contracter sur le marché du travail
• le travail devient donc une marchandise vendue sur un marché obéissant à la loi de l’offre et de la demande
• l’ échange est , selon Smith , un jeu à somme positive puisque l’ouvrier et son employeur étant libres et égaux n’acceptent de signer un contrat que s’ils y trouvent leur compte ( puisque ceux sont des homo oeconomicus égoïstes et rationnels )


B – AU XIX° SIECLE , LA CONDITION SALARIALE DETERIORE LE BIEN-ETRE DES INDIVIDUS

Limite de l’analyse libérale : contrairement à ce qu’affirment les libéraux , durant la Révolution française , le peuple n’a jamais revendiqué une nouvelle organisation du travail basée sur les principes de la liberté . Au contraire , il revendiquait un contrôle des prix et une meilleure rémunération du travail . Castel peut en conclure : « le peuple se sentait davantage protégé par les formes traditionnelles du travail réglé que par une liberté sauvage , à défaut de ces protections il en appelait aux pouvoirs publics pour obtenir de nouvelles régulations et non la liberté du travail . Le libre contrat de travail paraît bien avoir été imposé aux travailleurs dans un rapport de domination politique » . On comprend ainsi pourquoi K.Marx considérait que la Révolution française était avant tout une Révolution ayant servi aux intérêts de la bourgeoisie , la liberté du travail étant selon lui une des conditions de l’exploitation

Un salariat indigne : D.Méda écrit : « le salariat a longtemps constitué une condition indigne et principalement caractérisée par l’insécurité » . Celle-ci trouvait son origine dans deux sources :
• la faiblesse des revenus tirés du travail qui ne permet pas d’assurer un revenu décent à la famille ( même avec l’emploi de tous ses membres , femmes et enfants compris )
• le caractère déterminé et potentiellement non reconductible de l’activité , c’est-à-dire le travail au jour le jour
• on comprend dès lors que le statut de salarié considéré comme facteur de dépendance et de précarité est dévalorisé , alors qu’au contraire l’activité indépendante appuyée sur la propriété d’une terre , d’un atelier ou d’une boutique était le gage de la liberté et de la sécurité , l’indépendant disposant d’un capital pour assurer sa vieillesse


C – LA CONSOLIDATION DE LA CONDITION SALARIALE AU XX ème SIECLE.

Une profonde transformation : la condition salariale va se caractériser par la sécurité , la protection et donc devenir recherché : on entre dans une société » dans laquelle de repoussoir le salariat devient le modèle privilégié d’identification ». On peut distinguer différentes raisons :
• le droit du travail des salariés va bénéficier progressivement de règles et de garanties : le contrat portera peu à peu sur une prestation indéterminée pour une durée indéterminée , en échange d’un salaire(pour lequel un minimum légal sera institué : SMIG puis SMIC), de congés payés, etc.
• la relation individuelle entre employeur et salarié s’inscrit progressivement dans une logique collective, protectrice , porteuse de sens et de statut.
• avec la création de la Sécurité Sociale , le statut de salarié bénéficie de protections contre les conséquences financières de la maladie , du chômage et de l’incapacité de travailler
• au même moment , le statut d’indépendant entre en crise : exode rural des petits agriculteurs ruinés par le processus de modernisation , incapacité des artisans et des commerçants de résister à la concurrence de l’industrie et des grandes surfaces

Conséquence : le salariat connaît une progression continue puisque les salariés représentent 56 % des actifs en 1896 , 67,2 en 1954 et 90 % aujourd’hui .

Constat : durant les 30 Glorieuses , le droit du travail manifestait une tendance nette à l’homogénéisation :
• les syndicats revendiquant une standardisation des conditions d’emploi et de salaire au niveau des branches industrielles
• revendications souvent acceptées par les entreprises qui pour égaliser les conditions de concurrence dans des économies peu ouvertes , avaient intérêt à standardiser les conditions de travail et d’emploi au niveau de la branche
• les prérogatives attachées d’abord au seul travail salarié ,couvre progressivement contre les principaux risques sociaux, non seulement les familles des travailleurs, mais aussi les non salariés et même la quasi-totalité des non-actis.

Le modèle de l’emploi total : cette évolution donne naissance au modèle de l’emploi total :
• emploi salarié : le travail indépendant devenant marginal
• le lien entre l’employeur et le salarié est ferme : il s’agit d’un statut bénéficiant du CDI( Contrat à Durée Indéterminée ) souvent intégré à des conventions collectives
• s’intégrant le plus souvent à des systèmes de promotion basés essentiellement sur l’ancienneté
• c’est un emploi à temps plein : c’est le vecteur principal d’identification et d’insertion sociale de l’individu
• il relève d’un seul employeur et s’exerce sur un lieu spécifique

conclusion : Robert Castel peut alors caractériser la société salariale par deux indicateurs :
• c’est l’idée d’un continuum social qui s’impose, c'est-à-dire que même si les conditions sociales sont inégales, il existe de réelles possibilités d’interaction et de mobilité sociale entre elles.
• L’emploi est le fondement du statut social : occuper un emploi confère des droits et des garanties de fait


D – L’ECLATEMENT DE LA SOCIETE SALARIALE ?

1 – CONSTAT (12 p 88)

- On assiste à une remise en cause de la norme de l’emploi total , avec le développement des emplois dits atypiques :

• O.Marchand écrit : « « ces dernières années , en France , les trois quarts des embauches réalisées par des établissements de plus de 50 salariés se sont faits sur des contrats courts ( … ) . Si l’emploi temporaire ne concerne encore qu’une minorité d’emplois ( autour de 10 % ) , il constitue l’essentiel de ce qui bouge sur le marché du travail »
• Les emplois atypiques s’opposent à l’emploi typique ou normal sur les caractéristiques suivantes :
• ils sont à durée limitée ( CDD ou intérim )
• à temps partiel ( parfois contraint : quand on les interroge , les salariés souhaiteraient travailler à temps plein ) .On assiste aussi à une individualisation et une annualisation du temps de travail .
• les augmentations de salaires accordées dans le cadre d’a&ccord de branches sont remises en cause, on assiste à une individualisation des rémunérations
• le salarié n’a pas de lien direct avec la personne pour laquelle il travaille qui n’est pas son employeur dans le cas de l’interim
• le salarié qui est donc externalisé par rapport à l’entreprise ne bénéficie pas des conventions collectives , des promotions à l’ancienneté , de la formation continue

- On constate un renouveau du travail non salarié qui peut prendre deux formes :
• On assiste à une multiplication des créations d’entreprise ( soutenues par les politiques gouvernementales : cf les mesures prises par le gouvernement Raffarin cette année )
• On assiste à un développement de la parasubordination , c’est-à-dire des zones grises qui prolifèrent dans l’emploi entre le salarié proprement dit et le chef d’entreprise : c’est le cas de nombreux experts comptables , avocats qui bénéficient d’une grande latitude d’autonomie dans les tâches qui leur sont confiées , mais qui , en contrepartie , sont soumis à une obligation de résultats .

On assiste à une remise en cause globale des protections collectives dont bénéficient le statut salarié ( en particulier , crise de l’Etat-Providence )

Cela concerne particulièrement les jeunes sortis précocement du système scolaire : Le premier emploi, très souvent précaire


2 – EXPLICATIONS

- la crise économique des années 70 s’est traduite par des marchés globalement offreurs , dans lesquels la demande est beaucoup plus volatile et requièrt à la fois une meilleure qualité , des prix plus bas , des produits différenciés .La norme de l’emploi total paraît alors inadapté au contexte économique , ce qui explique le développement des emplois atypiques qui permettent aux entreprises de mieux s’adapter aux fluctuations de la conjoncture
- jusqu’aux années 70 , la logique keynésienne mettant en avant l’accroissement de la demande prévaut ( cf partie II ) .A partir des années 80 , la priorité est donnée : « aux impératifs de la rentabilité économique et à l’apologie de l’entreprise pensée comme la seule source de richesse sociale . Les droits et les protections du travail sont , dès lors , perçus comme des obstacles à l’impératif catégorique de la compétitivité » ( R.Castel ).
- Le salariat avait contribué à la constitution de collectifs de travail caractérisé par une solidarité ouvrière encadrée par des syndicats .La crise et la montée du chômage ont permis de casser ces collectifs en externalisant , en multipliant les contrats précaires ( vous serez embauché en CDI si vous correspondez aux attentes de l’entreprise ) en remettant en cause les accords de branche et en individualisant les salaires .
- la crise du régime fordiste pendant les années 70 a conduit , selon D.Plihon , à la mise en oeuvre de nouveaux choix idéologiques et politiques : « un nouveau régime de croissance se met progressivement en place : le capitalisme actionnarial dans lequel la finance de marché joue un rôle central (… ) . Ces principales caractéristiques sont : un nouveau partage de richesses au sein des entreprises ; la prépondérance du pouvoir des actionnaires induisant de nouvelles formes de gouvernement d’entreprises .(… ) Les nouvelles politiques d’inspiration libérale remettent en question le compromis capital-travail antérieur en créant un rapport de forces favorables aux entreprises et aux détenteurs du capital financier . »


3- RELATIVISATION

- malgré la crise de la société salariale , 90% des actifs sont salariés , les travailleurs indépendants demeurent très minoritaires , en particulier car une grande partie des entreprises sont lancés par des chômeurs qui , n’arrivant pas à retrouver un emploi , créent leur propre entreprise dont , malheureusement , une grande partie fait faillite rapidement . Ainsi , certains auteurs considèrent que la France ne manque pas d’entreprises , mais qu’au contraire , elle en a trop ,trop petites et peu compétitives comparativement à nos voisins européens .
- Castel considère que l’on ne peut prétendre que nous soyons sorti de la société salariale : « jusqu’à ces toutes dernières années , on pouvait et on devait parler d’un effritement de la société salariale . En pesant le sens des mots , effritement signifie que la structure de ce type de société se maintient alors que son système de régulation se fragilise . »


II – DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE ? (22 p 93)

A – LA QUALIFICATION

1 – DEFINITION

La qualification c’est l’ensemble des connaissances , des aptitudes et des expériences que requiert l’exercice d’un emploi déterminé ( qualification d’emploi ou d’un poste ) ou qu’est susceptible de mettre en œuvre un individu .
La qualification individuelle repose sur :
- la formation , c’est-à-dire l’ensemble des connaissances acquises durant les études , quelles soient obtenues au cours de la scolarité ( formation initiale) ou en formation continue , c’est-à-dire durant la période d’activité . Cette qualification peut être définie comme générale , car :
• elle s’acquiert à l’extérieur de l’entreprise par la formation institutionnelle ,
• qu’ elle consiste en un ensemble de connaissances formalisées qui permettent de réagir correctement à des situations aléatoires et de sélectionner les réponses pertinentes face à l’imprévu
• cette qualification s’inscrit en France dans une nomenclature définie par l’INSEE qui distingue 6 niveaux allant du niveau VI ( sans diplôme ) au niveau I ( diplôme de second ou troisième cycle universitaire ou de grande école )
- l’expérience acquise durant le parcours professionnel ( formation sur le tas ) :
• qui correspond dans un contexte technique et social bien particulier à des pratiques transmises au sein du collectif de travail sous forme de trucs .
• cette formation est généralement spécifique à l’entreprise et ne sert plus à rien , n’est pas reconnue si le salarié quitte l’entreprise

La qualification du poste ou de l’emploi comprend l’ensemble des aptitudes requises pour réaliser des tâches qui définissent le poste : aptitudes intellectuelles , dextérité , durée d’apprentissage pour occuper le poste , …

La qualification définie par les grilles salariales :
- prend en compte la formation requise et l’expérience nécessaire pour occuper un poste .
- Elle résulte de négociations entre les employeurs et les syndicats .
- Historiquement , la classification apparaît avec le Front Populaire en 36 et est véritablement codifiée , standardisée après la seconde guerre mondiale par la grille Parodi qui codifie les emplois en fonction de normes de compétences certifiées officiellement par l’institution scolaire , le diplôme étant l’outil le plus efficace pour établir une échelle simple de qualifications .

2 – LE DEBAT : AUGMENTATION DE LA QUALIFICATION OU PROCESSUS DE DEQUALIFICATION DE LA MAIN D’ŒUVRE (21 p 92)

a – UNE AUGMENTATION REELLE DE LA QUALIFICATION DE LA MAIN D’OEUVRE

- du XIX° siècle jusqu’à la seconde guerre mondiale ( 20 p 92) :
• la concurrence ne s’exerce pas essentiellement par la qualité des produits et l’innovation .Dès lors, la formation de la main d’œuvre n’est pas considéré comme un facteur de compétitivité et de croissance,
• la scolarisation vise à former des citoyens et les intégrer dans la société

- à partir de 45 et surtout des années 60 :
• se développe l’idée que l’éducation est un investissement, que la main d’œuvre représente un capital humain (cf. théorie de G.Becker dans la partie II ) dont l’efficacité est source de croissance et permet aux pays développés, dans un contexte de concurrence exacerbée , d’accroître la compétitivité qualité
• au même moment , s’opère une demande des familles qui espèrent , par l’accroissement du niveau de diplôme et la démocratisation du système scolaire , voir leurs enfants s’élever dans la hiérarchie sociale .


b – LA THESE DE LA DEQUALIFICATION

- G.Friedmann ( sociologue français ) a observé au cours des années 50 l’impact du taylorisme et développé l’idée d’une déqualification du travail du fait de l’évolution technologique . Selon lui , les tâches de production sont parcellisées par la machine , l’avenir du travail humain semble alors condamné à un émiettement ( thèse du travail en miettes ) , à une disparition du métier et à une atrophie de la personnalité .
- Dans les années 90 , des auteurs comme H.Braverman ont renouvelé la thèse en substituant à la déqualification la polarisation des qualifications .Selon eux , la technologie expliquerait , dans le long terme :
• un déclin des qualifications ouvrières , c’est-à-dire une perte des savoir-faire , une parcellisation des tâches
• la conception du travail étant un concentré aux mains de nouveaux salariés surqualifiés ( cf. la thèse du dualisme du marché du travail dans la partie II ) .


B – VERS LA COMPETENCE ?

1 – DEFINITION

- au sens strict , la compétence est l’ensemble des savoir et des savoir faire nécessaire afin d’effectuer avec succès une tâche donnée ou remplir un objectif défini . La compétence est alors synonyme de qualification de l’emploi ou du poste .
- au sens large , la compétence comprend plusieurs dimensions :
• le savoir , c’est-à-dire ce que l’on connaît
• le savoir-faire , c’est-à-dire l’expérience et la capacité à agir efficacement sur le lieu de travail
• le savoir être qui désigne la façon dont l’individu s’adapte à un groupe de travail et se comporte conformément aux objectifs de la direction .


2 – LES RAISONS DU DEVELOPPEMENT DE LA COMPETENCE : MODELE SCIENTIFIQUE OU CHOIX IDEOLOGIQUE ?

a – DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE , UNE EVOLUTION QUI S’IMPOSE DU FAIT DU CHANGEMENT DE CONTEXTE

- Il est possible de relier le niveau moyen de qualification des actifs avec le mode dominant d’organisation du travail. Ainsi, le niveau moyen de qualification des salariés dépend du mode dominant d’organisation du travail.
• L’OST a contribué à la déqualification ou à la bipolarisation de la qualification (ingénieurs-cadres et OS) des salariés. En effet, ce mode productif repose sur la stricte soumission, obéissance, hyperspécialisation, du personnel.
• Suite à la crise de l’OST, l’adoption de NFOT (nouvelles formes d’organisation du travail) a contribué à la requalification ou la reprofessionnalisation des salariés, à travers l’initiative, la polyvalence, la compétence, la réactivité et l’autonomie des salariés.


- Mais l’on sait aussi que les qualifications ont été pensés et définis dans un contexte taylorien , c’est-à-dire un univers productif de prescriptions et de certitudes caractérisé par une division des tâches et une affectation des salariés à ces tâches prédéfinies
- Or , le monde actuel requiert des adaptations permanentes à des aléas .Le Medef considère alors que : « le marché , les process de production et les nouvelles formes organisation impose la compétence », car selon E.Oiry et A.d’Iribane:
• le marché a changé
• les technologies flexibles permettent de répondre à ces nouvelles exigences ,
• mais ,pour les utiliser , il est nécessaire de changer l’organisation du travail
• la gestion des compétences , c’est-à-dire l’abandon de la notion de poste de travail est l’unique façon de répondre à ces nouvelles exigences du marché et de la technologie
• dès lors , la gestion des compétences correspondant à un nouveau type de rapport salarial , il faut changer l’actuel : substituer au système traditionnel qui faisait appel à des institutions pour définir la qualification un système de gestion des compétences assurant une relation directe entre l’individu et son employeur
• en effet , le travailleur doit réagir rapidement à l’événement et non reproduire un geste ; le savoir-faire et la spécialité techniques sont utiles mais insuffisants , le salarié doit mettre en œuvre des qualités mêlant à la technique des capacités de communication , de relations humaines , de management , de réactions , d’initiative , d’innovations , capacités éminemment individuelles qui ne sont pas mesurables par la seule analyse du niveau de diplôme

Conclusion : On peut considérer que la compétence repose sur des méthodes scientifiques et objectives


b- DE LA QUALIFICATION A LA COMPETENCE : UN CHANGEMENT DE RAPPORT DE FORCES ?

- B.Brunhes constate , au contraire , que :
• si la qualification s’acquiert part des formations et des stages , peut être validée par des stages ou un concours , se mesure de façon objective et s’inscrit dans une grille
• la compétence , en revanche , qui ajoute aux données purement techniques des éléments de savoir-être , de savoir communiquer , qui peuvent être plus au moins innés ou résulter de la socialisation familiale est beaucoup plus difficile à mesurer : « un classement par la compétence est toujours sujet à caution faute d’appréciation parfaitement objective »
- contrairement à ce qu’affirment les partisans de la compétence :
• compétence et qualification ne se limitent jamais à des définitions objectives : « la qualification n’est pas une chose , il s’agit d’une appréciation sociale de la valeur différentielle des travaux et non un phénomène technique individualisé »
• la reconnaissance sociale des qualifications s’inscrit donc toujours dans un jeu conflictuel entre salariés et direction d’entreprise .Pour les salariés , des critères tels que les diplômes , l’ancienneté permettent de limiter l’arbitraire patronal
- dès lors , on saisit mieux l’attrait de la notion de compétence pour les entreprises :
• elle leur permet d’individualiser la relation qu’elles ont avec leurs salariés ,qui ne sont plus protégés par les collectifs de travail . La compétence étant très spécifique à l’entreprise , les salariés ont très peu de chance de retrouver du travail ailleurs s’ils viennent à être licenciés ( contrairement aux qualifications , les compétences qui ne sont pas classées dans une grille officielle sont indéchiffrables sur le marché du travail )
les qualités recherchées chez les candidats à l’embauche reposent sur les compétences et évitent soigneusement la mise en équivalence avec des grilles de qualification , elles ne sont pas rémunérées .L’entreprise peut dès lors embaucher des gens performants , autonomes , faisant preuve d’initiative alors que les salaires qu’ils perçoivent sont équivalents à ceux que percevaient les OS fordistes .


PARTIE II : L’ANALYSE ECONOMIQUE DU MARCHE DU TRAVAIL

INTRODUCTION : LES DEFINITIONS DU CHOMAGE :

Absence d'emploi pour une personne ou pour une partie de la population qui souhaite travailler.

Deux définitions du chômage

II existe deux grands indicateurs en matière de mesure du chômage. Le premier correspond à la définition du Bureau international du travail (BIT), et il est calculé par l'INSEE dans l'enquête «Emploi» (autrefois réalisée une fois par an, au mois de mars, elle est maintenant continue).L'autre correspond aux demandes d'emploi en fin de mois (DEFM) calculées chaque mois par l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

1 - La définition du chômage du BIT
Elle comprend trois critères :
- « être sans travail ». Ce critère est très restrictif pour le BIT, car une personne qui exerce une activité, même pour une période très courte («baby-sitting» par exemple) est exclue du chômage au sens du BIT ;
- « être disponible pour travailler » ;
- «et rechercher effectivement un emploi».
L'INSEE exige que les personnes se déclarant chômeurs précisent la nature de l'emploi recherché et les démarches effectives réalisées dans le mois précédent.

2 - La définition de l'ANPE
comptabilise les demandes d'emploi en fin de mois (DEFM), c'est-à-dire les « personnes sans emploi et disponibles pour en occuper un, qui ont fait la démarche de s'inscrire à l'ANPE».
On peut donc être chômeur au sens de l'ANPE et exercer une activité professionnelle très réduite (emploi très occasionnel ou à temps partiel), insuffisante pour interrompre les droits à l'indemnisation. Par ailleurs, depuis 1985, les chômeurs les plus âgés sont dispensés de recherche d'emploi (et donc exclus des DEFM) sans perdre leurs droits à l'indemnisation.


Remarque : Précisons enfin qu'il existe une troisième mesure du chômage, celle du recensement. Sont chômeurs ceux qui se déclarent chômeurs. Cette mesure est toutefois très épisodique. car elle est réalisée une seule fois à chaque recensement.

1. Quelles sont les différences entre les indicateurs?

Les deux définitions ne coïncident guère, comme le montre l'écart important qui se crée entre ces deux mesures : les DEFM ayant eu tendance à augmenter au début des années 1990 davantage que le chômage au sens du BIT.
On peut noter trois différences importantes entre ces deux définitions :
• certaines personnes sont au chômage au sens du BIT sans être pour autant inscrites à l'ANPE : il peut s'agir, par exemple, des personnes ayant trouvé un emploi commençant ultérieurement, car la définition du BIT retient les personnes sans emploi à la recherche d'un emploi (PSERE) ainsi que celles qui ont trouvé un emploi pour plus tard ;
• certaines personnes ont une petite activité tout en étant inscrite comme DEFM ; elles ne sont pas au chômage au sens du BIT mais elles sont considérées comme étant au chômage au sens du BIT
• certaines personnes inscrites à l'ANPE ont renoncé à rechercher activement un emploi; elles ne répondent donc pas au troisième critère du BIT ; il s'agit en particulier des chômeurs découragés, souvent âgés. qui pensent avoir peu de chances d'insertion soit en raison leur situation personnelle, soit en raison de la conjoncture.

En définitive, la mesure du chômage est le résultat d'une convention. Ce qui importe est de maintenir conventions afin de disposer du même instrument de mesure sur une longue durée.

2. Les différents types de chômages

On distingue les formes de chômage suivantes :
• chômage de longue durée : il s'agit des demandes d'emploi en fin de mois (ANPE) enregistrées depuis plus de douze mois consécutifs ;
• chômage structurel : chômage lié aux déséquilibres structurels de l'économie (déséquilibres régionaux, inadaptation des qualifications, déclin d'activités traditionnelles, etc.) ;
• Chômage d'exclusion : Chômage de ceux qui se sont progressivement enfermés dans un chômage de longue durée dont ils ne peuvent plus sortir. Après une première période de chômage, ces personnes sont considérées comme ayant des difficultés de réinsertion (en raison de leur âge ou de leur niveau de qualification, par exemple) et perdent, de ce fait, toute chance de sortir du chômage. Mais c'est aussi un cercle vicieux puisque leur « ancienneté » dans le chômage éloigne de plus en plus l'espoir d'une réinsertion professionnelle (réticence croissante des entreprises)
• chômage technique : inactivité forcée dans l'entreprise en raison de circonstances particulières et indépendantes de l'entreprise (panne de machines, défauts d'approvisionnement en pièces, etc.) ;
• chômage partiel : inactivité forcée des salariés décidée par le chef d'entreprise pour réduire la production lorsque la conjoncture est mauvaise (les heures non travaillées font alors l'objet d'une moindre rémunération) ;
• chômage conjoncturel : chômage résultant d'un ralentissent de l'activité économique ;
• chômage frictionnel : en situation de plein-emploi, chômage d'adaptation lié à la période de transition entre deux emplois.



SECTION I - LA THEORIE NEO-CLASSIQUE DU MARCHE DU TRAVAIL .

I - UNE THEORIE DE L’EQUILIBRE .

A - LES HYPOTHESES DU MARCHE CONCURRENTIEL .

postulat : L’analyse néo-classique du marché du travail repose sur 5 hypothèses qui permettent de fixer un cadre de référence dont on doit s’efforcer de se rapprocher :
• la transparence : l’information est libre , gratuite , accessible à tous
• l’homogénéité des biens et des facteurs de production : elle suppose que les biens comme les travailleurs présentent des caractéristiques identiques , ils sont donc interchangeables . Les intervenants sur les marchés ne s’intéressent qu’au prix .
• l’atomicité : suppose que les intervenants sur le marché ne disposent pas d’un poids suffisant pour pouvoir influencer son fonctionnement .
• mobilité des facteurs de production
• libre-entrée sur le marché : il n’existe pas de barrières tarifaires et réglementaires limitant l’accès au marché pour les produits ou pour les facteurs de production .

conséquence : Dès lors que ces 5 hypothèses sont considérées comme vérifiées , on se trouve sur un marché de concurrence pure et parfaite qui doit déboucher sur une situation d’équilibre , résultant de la confrontation de l’offre et de la demande .

B - L’OFFRE DE TRAVAIL ( docs 11 p 119 ) .

Postulat de base : Pour déterminer l’offre de travail , les économistes néo-classiques partent du postulat que l’individu est rationnel et égoïste . Il cherche à maximiser sa satisfaction en tenant compte des contraintes qui s’imposent à lui :
• l’individu dispose d’un temps limité ( une journée de 24 heures )
• il doit donc réaliser un arbitrage entre le temps qu’il désire consacrer au travail et celui qu’il destinera aux loisirs ( c’est-à-dire au non-travail : temps physiologique : Repos , repas ) ;
• postulat de la paresse naturelle : il est bien évident que l’individu répugne à travailler , qu’il préfère consacrer du temps aux loisirs . La désutilité du travail ( c’est-à-dire l’insatisfaction que l’individu éprouve ) est d’autant plus forte que le nombre d’heures de travail déjà réalisées est élevé .
• On pourrait alors penser que l’individu ne va pas travailler , va consacrer tout son temps au loisir .
• postulat matérialiste :Mais cela n’est pas le cas , car l’individu reçoit en contrepartie de son travail une rémunération qui lui permet de compenser la désutilité du travail , en acquérant des biens de consommation qui augmentent la satisfaction .
• L’utilité du salaire a donc pour objet de compenser la désutilité du travail , le temps de travail est donc , selon l’analyse néo-classique , uniquement fonction du salaire .

Question : toute la question est alors de savoir si le temps de travail est une fonction croissante ou décroissante du salaire

Réponse : Pour déterminer le résultat , les économistes se servent de l’analyse de Slutsky , qui distingue effet revenu et effet de substitution :
- l’effet-revenu : indique que l’offre de travail est une fonction décroissante du taux de salaire réel . En effet :
• on peut considérer avec Engel : que le loisir est un bien supérieur , dont l’élasticité-revenu est supérieure à 1 ,
• le temps de loisir sera d’autant plus fort que le revenu de l’individu sera important . Si le taux de salaire réel ( la rémunération par heure ) augmente ,
• l’individu qui est satisfait de sa rémunération en profitera pour diminuer son temps de travail sans pour autant réduire son salaire .
• L’individu pourra ainsi augmenter sa satisfaction en prenant davantage de loisirs .

- l’effet-substitution : montre que l’offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel . En effet :
• une augmentation de la rémunération par heure détermine une augmentation du coût d’opportunité de l’heure de loisirs ( c’est-à-dire la perte de revenu engendrée par une heure de non-travail ) .
• L’individu sera alors d’autant plus incité à accroître son offre de travail et à réduire son temps de loisirs que l’augmentation du taux de salaire réel ( et par-là même le coût d’opportunité du loisir ) sera important .

Problème : Puisque les 2 effets sont contradictoires , la question est alors de savoir lequel est le plus important .

Solution postulée : Les théoriciens néo-classiques postulent que l’effet-substitution l’emporte sur l’effet-revenu , donc que l’offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel . Le raisonnement opéré par l’individu sera donc le suivant :
• l’offre de travail augmentera avec le taux de salaire réel ,
• mais celui-ci est une donnée du marché qui s’impose à l’individu .
• L’individu augmentera son temps de travail jusqu’au point où la désutilité du travail ( la pénibilité augmente avec le temps de travail ) est plus que compensée par l’utilité du salaire ( qui permet d’accroître le niveau de consommation et de satisfaction ) .

Conclusion : l’offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel .

C - LA DEMANDE DE TRAVAIL ( doc 11 p 119 ).

Postulat de base :Selon les néo-classiques , la demande de travail des entreprises est uniquement fonction du taux de salaire réel .

Justification par la loi de Say : conformément à la loi des débouchés de J.B.Say qui indique que l’offre crée sa propre demande et l’amène à son niveau , on peut poser que les entreprises n’éprouvent jamais de difficultés à écouler la totalité de leur production , pourvu qu’elles la vendent au prix d’équilibre , qui leur est imposé par le marché . Donc elles ne se soucient pas de l’écoulement de leur production.

Objectif de l’entreprise : réaliser un profit ; elle va donc :
• essayer d’optimiser son profit en égalisant sa recette marginale , c’est-à-dire le prix au coût marginal dont l’élément qui nous occupe ici est le salaire .
• L’entreprise aura donc intérêt à embaucher un salarié tant que ce qu’il apporte à l’entreprise ( la productivité marginale , c’est-à-dire le supplément de production engendré par l’embauche d’un salarié supplémentaire ) est supérieur à ce qu’il lui coûte ( le taux de salaire réel ) .
• Or , conformément à la loi des rendements décroissants (cf cours de première) , la productivité marginale du travail diminue quand les quantités de travail augmentent .
• L’entreprise ne sera donc incitée à embaucher des salariés supplémentaires que si le taux de salaire réel ( qui est imposé à l’entreprise par le marché) connaît la même évolution que la productivité marginale .

Conclusion : La demande de travail des entreprises est donc une fonction décroissante du taux de salaire réel , puisque la productivité marginale du travail est décroissante .



D - L’EQUILIBRE ( doc 10 p 119 ).

1 - LE PRINCIPE DE FONCTIONNEMENT :

postulat : La conception néo-classique du marché du travail fonctionne sur le même modèle que celle des marchés des biens vus en première : La confrontation des offres et des demandes de bien ou de travail débouche sur un prix d’équilibre ( ou salaire d’équilibre ) qui égalise offre et demande de bien ou de travail :
• On a vu que la demande de travail est une fonction décroissante du taux de salaire réel ,
• alors que l’offre de travail en est une fonction croissante .
• La détermination de l’équilibre va donc résulter de la confrontation des offres et des demandes de travail .
• L’équilibre a pour caractéristique d’égaliser , d’une part le taux de salaire réel à la désutilité marginale du travail ( côté offre) d’autre part le taux de salaire réel et la productivité marginale du travail ( côté demande ) .

Conclusion : Le point d’équilibre se caractérise donc par :

désutilité marginale du travail = productivité marginale du travail .

Remarque : A ce point d’équilibre , la satisfaction des entreprises comme des salariés est maximale .

2 - PROBLEME DE LA STABILITE DE L’EQUILIBRE :

le principe : Selon les néo-classiques , l’équilibre est stable .

les explications :
• Un choc exogène sur la demande de biens ( une baisse par exemple)
• entraîne une diminution de la production
• et donc à effectifs constants , une chute de la productivité du travail ,
• l’entreprise aura alors intérêt à licencier une partie de ses effectifs qui lui coûtent plus qu’elle ne lui rapporte , ce qui va créer du chômage .
- Mais le déséquilibre ne sera que transitoire ; en effet
• suite à l’augmentation du chômage , une partie des salariés sans emploi va accepter de travailler à un taux de salaire réel plus bas qui permet à nouveau d’égaliser productivité marginale du travail et taux de salaire réel .
• Mais dans le même temps , une partie des salariés qui acceptait de travailler au taux de salaire réel d’équilibre précédent considère que la chute du taux de salaire réel ne permet plus à celui-ci de compenser la désutilité marginale du travail et préfère donc se retirer du marché du travail .
• L’offre de travail ayant diminué et la demande augmenté , on se retrouve à une situation d’équilibre .

Conclusion : L’équilibre est donc stable .Cette stabilité résulte de la flexibilité du salaire

3 - DEFINITION DE LA FLEXIBILITE ET DE LA RIGIDITE DU SALAIRE :

a - La flexibilité

Définition : la flexibilité est selon J Généreux la « propriété qu’ont les variations du taux de salaire de réduire le déséquilibre sur le marché du travail.



b – la rigidité

définition : Généreux poursuit : « Par opposition à la flexibilité on appellera rigidité tous les obstacles à ce mouvement vers l’équilibre »

Conclusion : Ces rigidités sont, selon les néo-classiques, exogènes au marché du travail .


E - LES EXPLICATIONS LIBERALES DU CHOMAGE

1 - L’EXPLICATION LIBERALE DU CHOMAGE DURANT LA CRISE DE 1929 : L’ANALYSE DE J RUEFF (CF. COMPLEMENT DE COURS N°2)

2 - RIGIDITES ET CHOMAGE INVOLONTAIRE

Analysons maintenant les explications néo-classiques du chômage contemporain . Nous nous rendrons alors compte qu’elles ne sont pas très éloignées de celles que Rueff avait mis en évidence pour les année 30 ou plus exactement qu’elles répondent à une même logique.
Il nous faut distinguer deux cas :

a - le chômage est qualifié de volontaire :

définition : les individus sont au chômage , car ils refusent d’exercer un travail au taux de salaire réel en vigueur résultant de la confrontation de l’offre et de la demande .
exemple : C’est par exemple le cas d’un individu qui considère que le prix d’une heure de travail ne couvre pas la peine qu’il entraîne et qui préfère donc bénéficier de temps libre et de loisirs .

b - le chômage est qualifié d’involontaire

Définition : c’est à dire que les chômeurs accepteraient de travailler à un taux de salaire réel plus bas qui égaliserait taux de salaire réel et productivité marginale , mais ils ne le peuvent pas à cause d’un certain nombre de rigidités qui entravent la baisse des salaires
c– les déterminants du chômage involontaire

Trois facteurs sont tenus pour responsables par les libéraux :

- les syndicats de salariés vont mobiliser leurs effectifs afin de disposer d’une situation de monopole : un seul offreur de travail face à une multitude de demandeurs , l’hypothèse d’atomicité est donc remise en cause . Les syndicats vont alors :
• pouvoir imposer aux entreprises les conditions qu’ils souhaitent , le taux de salaire réel va donc devenir supérieur au taux de salaire d’équilibre, ce qui va déterminer du chômage .
• On pourrait alors penser que les chômeurs vont accepter de travailler à un taux de salaire réel plus bas et que les entreprises vont les embaucher à la place de syndiqués .
• Ce serait oublier que les chômeurs ne sont pas organisés alors que les syndiqués le sont , ils vont alors menacer les entreprises qui les emploient de se mettre en grève ou d’autres mesures de rétorsion , qui inciteront les entreprises à maintenir les taux de salaire réels au-dessus de ce qu’ils devraient être pour ramener le marché du travail à l’équilibre.
• Dès lors on peut considérer que le sursalaire dont bénéficient les syndiqués est à l’origine du chômage que subit le reste de la population active.
• La solution serait alors, selon les libéraux, de réduire le pouvoir des syndicats (voire selon certains de les supprimer) afin de ramener le marché du travail à l’équilibre (l’hypothèse d’atomicité étant de nouveau vérifiée, tout au moins si les chefs d’entreprise ne sont pas eux-mêmes organisés)

- De nombreux pays développés (France , USA,..) mais pas tous (GB) ont mis en place des législations sur les salaires minima , afin d’améliorer le sort des classes populaires ( doc 12 p 120 ). Or , on peut se demander aujourd’hui dans quelle mesure ces législations ne seraient pas à l’origine d’effets pervers ( principalement d’une hausse du chômage) ( doc 13 p 482 ) . En effet :
• des salaires minima tels que le SMIC en France qui ont des visées sociales (réduire les inégalités) oublient trop souvent les conditions économiques .
• Ainsi , si afin de réduire l’écart entre les salaires les plus forts et les plus faibles on augmente la rémunération minimum (comme cela a été le cas en France depuis 20 ans ) ne risque t’on pas d’avoir un taux de salaire réel minima qui se trouve au-dessus du taux de salaire réel d’équilibre?
• Dès lors les entreprises n’ont aucun intérêt à embaucher des salariés non qualifiés ou sans expérience (vous remarquerez au passage qu’on remet ici en cause l’hypothèse d’homogénéité du facteur travail ), qui se retrouvent alors au chômage .
• Selon les auteurs libéraux , ce serait donc le niveau trop élevé du SMIC qui serait responsable aujourd’hui d’une partie non négligeable du chômage.
• La solution serait alors de laisser les chômeurs offrir du travail à un taux de salaire réel plus bas , incitant les entreprises à embaucher .
• Cette solution qui irait dans l’intérêt aussi bien des chômeurs que des entreprises n’est pourtant pas envisageable. En effet le SMIC est un salaire minimum, personne n’a le droit d’offrir ou de demander du travail en dessous .
• Dés lors en introduisant des rigidités le SMIC aggrave le sous-emploi.
• La solution préconisée par les auteurs néo-classiques est soit de rendre le SMIC plus flexible afin de tenir compte de la situation du marché du travail (mais alors à quoi sert-il ?), soit tout simplement de le supprimer puisqu’il est une entrave à la flexibilité

- les prélèvements obligatoires opérés par l’Etat ( doc 31p 131 ) viennent pour une part non négligeable de recettes prélevées sur les coûts de main-d’œuvre , ce qui a un effet négatif sur le fonctionnement du marché du travail . En effet :
• suite à l’imposition , la main-d’œuvre voit son incitation à travailler réduite , car chaque heure de travail lui rapporte moins ( le coût du loisir a diminué ) , l’offre de travail va donc chuter ( de S à S1 ) .
• De même , l’entreprise réduira ses effectifs car les prélèvements obligatoires augmentent le coût du prélèvement obligatoire ( la demande de travail diminue donc de Dà D1 ) .
• On arrive alors à la situation où l’emploi sera moins important ( passage de L° à L1 )car les entreprises supportent un coût salarial réel supérieur à ce que reçoivent les salariés ( la différence est constituée par les prélèvements obligatoires opérés par l’Etat : W1-W2 ) .

Conclusion : On se rend compte , à la lecture de tous ces exemples , que selon les néo-classiques , tout ce qui vient perturber le marché du travail est exogène et va être à l’origine d’un déséquilibre générant du sous-emploi .

Solution : La seule solution est alors de revenir à celle d’un marché de cpp permettant au salaire de jouer son rôle de réequilibrateur d’offre et de la demande grâce à la flexibilité .




II) LES APPROFONDISSEMENTS DE LA THEORIE NEO-CLASSIQUE ( doc 15 p 484 )

Toutes les théories que nous allons voir maintenant vont :
• prendre en compte les critiques qui ont été émises à l’encontre du fonctionnement classique d’un marché de cpp qui semble irréaliste .
• Elles n’ont néanmoins pas pour objet de rejeter le modèle de cpp , mais , au contraire de le renforcer , en montrant comment les agents peuvent réagir rationnellement à des défaillances du marché .

A - LA THEORIE DE LA RECHERCHE D’EMPLOI ( OU JOB SEARCH ) ( doc 12 p 482 Complément de cours n°2)

B - LA PRISE EN COMPTE DU NIVEAU D’EDUCATION

1 – LA THEORIE DU CAPITAL HUMAIN DE G.BECKER (cf. aussi la théorie de la croissance endogène dans le chapitre précédent)

apports de la théorie : Cette théorie prend en compte les critiques qui avaient été émises à l’encontre de l’hypothèse d’homogénéité du facteur travail , qui semble irréaliste , quand on compare les niveaux de qualification de la population active .

Solution mise en œuvre par G Becker : G.Becker va démontrer que le niveau de qualification obtenu par l’individu résulte d’un calcul rationnel . En effet , chaque individu va faire une analyse coût-bénéfice essayant de maximiser sa satisfaction :

- le coût : va être fonction des capacités individuelles , c’est-à-dire des dons ( intellectuels ) qui , selon Becker sont inégalement répartis dans la population . L’individu aura d’autant plus intérêt à poursuivre ses études que ses capacités sont importantes , c’est-à-dire qu’il passe moins de temps à obtenir un certain niveau de qualification . En effet , l’éducation a un coût . On peut prendre en compte 2 types essentiels de coûts :
• les coûts directs : frais d’éducation ( frais d’inscription , achat de matériel scolaire , ... )
• les coûts d’opportunité : qui correspondent à la perte de salaire dont l’individu aurait bénéficié s’il avait travaillé au lieu de rester étudiant .
Ces 2 coûts sont croissants avec la durée des études ( ils augmentent de plus en plus vite )

- le bénéfice : l’individu va faire une analyse intertemporelle des bénéfices qu’il doit attendre , tout au long de sa vie de chaque niveau d’études ( sachant que le salaire sera d’autant plus important et croîtra d’autant plus vite que le niveau d’études est élevé , puisqu’une augmentation du niveau de qualification augmente le niveau de productivité de l’individu)


- l’individu va alors comparer le coût et le bénéfice qu’il peut attendre de chaque niveau d’études . Il choisira le niveau qui lui permet d’espérer le rendement le plus important possible afin de maximiser sa satisfaction.


2- LA THEORIE DU FILTRE ET DU SIGNALEMENT .

Cette analyse diffère de celle de Becker sur 2 points essentiels :

• elle ne considère pas qu’une augmentation des niveaux de qualification entraîne une hausse du niveau de productivité (celui-ci dépendant de caractéristiques individuelles qui ne sont pas facilement modifiables ) . En revanche le niveau de qualification permettra de signaler quels sont les individus les plus productifs , puisque l’on peut considérer qu’un individu aura d’autant moins de mal à obtenir un diplôme qu’il est plus apte .
• elle remet en cause l’hypothèse de transparence , puisqu’elle part de l’idée que lors de l’embauche , les chefs d’entreprises ne connaissent pas le niveau de productivité des salariés ; ils peuvent au mieux l’approximer , en prenant en compte un certain nombre de caractéristiques .

Conséquences : En partant de ces 2 hypothèses , on peut décrire le fonctionnement des marchés de travail de la façon suivante : les offreurs et les demandeurs de travail vivent dans un monde qui est dominé par l’incertitude . Ils vont s’efforcer d’émettre des signaux qui permettront de la réduire :
• le salarié appuiera son raisonnement sur l’idée que le chef d’entreprise ne peut pas a priori , avant l’embauche , connaître son niveau de productivité qui déterminera son salaire . En revanche , il sait que le chef d’entreprise afin de réduire l’incertitude va prendre en compte un certain nombre de critères qui sont soit donnés ( l’âge , le sexe , ...)puisque l’individu ne peut pas les transformer , soit modifiables ( expérience professionnelle , niveau d’éducation ) . Ainsi l’individu a intérêt , tant que cela est rentable pour lui , d’accroître son niveau d’études afin de signaler aux chefs d’entreprises ses capacités .
• le chef d’entreprise , quant à lui , va essayer de réduire l’incertitude en s’intéressant , non pas au niveau de diplôme en lui-même ( puisqu’il ne modifie pas la productivité ) mais à la rareté du diplôme ( puisqu’elle permet de différencier les individus )

Conclusion : Dès lors une politique d’augmentation globale du niveau de qualification de la population risque d’avoir des effets pervers . En effet :
• si pour chaque niveau de diplôme , un nombre d’individus croissant est concerné , le diplôme ne peut plus jouer le rôle de filtre qu’il avait auparavant : quand 80 % d’une génération a le bac , le bac ne sert plus à rien , car son rôle de filtre et de signal est devenu caduc :on parle alors d’inflation des diplômes qui diminue le pouvoir de mobilité du diplôme (cf chapitre mobilité sociale)
• Dès lors , on comprend mieux pourquoi les chefs d’entreprises désirent aujourd’hui intervenir plus directement dans la formation des étudiants , ils mettront ainsi en place des qualifications qui correspondent à leurs besoins et des signaux qui réduisent l’incertitude .
• La démocratisation du système scolaire est alors un thème qui est moins d’actualité .


C - LA RELATIVISATION DU CONCEPT DE RIGIDITE DES SALAIRES .

Remarque :
• Traditionnellement , la rigidité résulte de déterminants qui sont exogènes au marché et qui remettent en cause son bon fonctionnement ;
• mais , un certain nombre de théories permettent de montrer aujourd’hui que le manque de flexibilité est le résultat de comportements rationnels des agents (il est donc endogène au marché ) qui ont intégré dans leurs transactions 2 variables non prises en compte précédemment : le risque et le temps .

1 - LA THEORIE DES CONTRATS IMPLICITES (CF. COMPLEMENT DE COURSN°4)

2 - LA THEORIE INSIDERS-OUTSIDERS (COMPLEMENT DE COURS N°5)

3- LA THEORIE DU SALAIRE D’EFFICIENCE ( DOC 15 P 122 ).

Rappel de l’analyse traditionnelle : Dans la théorie traditionnelle , le salaire est fonction de la productivité . On considère , en effet , que l’entreprise n’embauchera , que si le coût qu’elle supporte ( taux de salaire réel ) est inférieur ou égal au revenu qui lui est apporté par le salarié ( la productivité marginale ) .

Apports de la théorie : Les théoriciens du salaire d’efficience vont prendre le contre-pied de cette analyse en démontrant ( en partant , en particulier de l’étude du marché du travail dans les PVD ) que ce n’est pas le salaire qui est fonction de la productivité , mais la productivité qui est déterminée par le salaire : le salarié sera d’autant plus efficace qu’il est bien rémunéré.

Conséquences : la flexibilité des salaires à la baisse, afin de résoudre le chômage, peut être inefficace , engendrer des effets pervers , et par-là ne plus être appliquée par les entreprises :
- Les théoriciens du salaire d’efficience acceptent généralement l’idée que l’information n’est pas parfaite .
- Dès lors , quand une entreprise embauche un salarié , elle n’est pas certaine de son niveau de productivité
- c’est ce qui se passe dans les modèles de sélection adverse :
• le salaire de réservation annoncé par le candidat lors de l’embauche joue un rôle de signal qui indique en partie ses qualités et ses compétences .
• Plus le salaire offert par l’entreprise est élevé relativement à celui du marché , plus l’entreprise aura les moyens d’attirer et de sélectionner une main-d’œuvre de qualité .
• Dans ce cadre , les candidats à l’emploi qui se caractériseraient par un salaire de réservation trop bas afin d’accroître leur probabilité d’embauche , iraient à l’encontre de leur objectif .
• En effet , l’entreprise considérerait que , puisqu’ils acceptent un salaire faible , cela signifie que leur niveau de productivité est réduit , donc que l’embauche du salarié n’est pas intéressante pour l’entreprise : il vaut mieux payer cher un salarié productif que d’embaucher à un salaire réduit un salarié faiblement productif .
- Bien évidemment cette conception présente un risque connu sous le nom de théorie du passager clandestin ( free rider) :
• certains salariés pourraient dans ce cadre annoncer un salaire de réservation très élevé alors que leur productivité est faible : l’entreprise serait perdante , mais ce risque est réduit .
• En effet , si a priori , l’entreprise , quand elle embauche ne connaît pas la productivité du salarié ; en revanche a posteriori , elle peut l’observer durant le processus de production .
• L’individu risquerait alors d’être démasqué , d’être licencié . La sanction est d’autant plus dure que le niveau de chômage est élevé et que la probabilité de retrouver un emploi est donc faible .
- Le versement de salaire supérieur à celui du marché présente un autre avantage :
• il permet de conserver une main-d’œuvre qualifiée ( dont la qualification a été obtenue dans le cadre de l’entreprise ) qui est donc productive .
• Un haut niveau de rémunération relatif ( qui permet à l’entreprise d’attirer et de conserver une main-d’œuvre à fort capital humain ) est donc plus que compensé par les coûts de mobilité de la main-d’œuvre supportés par l’entreprise en cas de départ de ses salariés les plus productifs .
• Ceci permet de mieux comprendre le pouvoir dont dispose les insiders ( salariés de l’entreprise ) par rapport à celui des outsiders ( les chômeurs recherchant un emploi ) . En effet , si l’entreprise accorde à ses salariés des conditions plus avantageuses que celles qu’elles accorderaient à des chômeurs , c’est qu’elle y trouve un avantage : celui de conserver une main-d’œuvre plus qualifiée donc relativement moins coûteuse.

Approfondissements : Ceci semble d’autant plus pertinent que selon Akerlof , dans « La théorie , don contre-don » , l’entreprise a
• intérêt à sous-estimer en connaissance de cause la productivité de ses salariés relativement au salaire qu’elle leur offre ( elle leur fait un don ) ,
• en contrepartie les salariés se rendant compte qu’ils sont bien traités par l’entreprise vont être incités à accroître leur productivité ( ils font un contre don à l’entreprise , conformément aux principes de la théorie sociologique de M.Mauss ) .

Conclusion : on se rend compte que l’entreprise n’a pas intérêt à réduire les salaires de ses employés en cas de baisse de la productivité et d’augmentation du chômage . En effet :
• les salariés se considérant comme mal traités par l’entreprise réagiront en démissionnant , en diminuant leurs efforts : ils pourraient , selon J.Généreux , en résulter : « une diminution de la productivité au point que le coût unitaire du travail augmente au lieu de baisser » .
• On se rend compte ici que si les entreprises maintiennent des salaires supérieurs à ceux du marché , ce n’est pas seulement parce qu’elles y sont contraintes par des législations étatiques , par l’action des syndicats , mais parce qu’il leur semble rationnel d’agir ainsi .

Remarque : Cette théorie :
• s’oppose à celle de Keynes , en insistant sur la rationalité des entreprises , ce qui relève d’une analyse typiquement néo-classique . J.Généreux écrit ainsi : « Si toutes les entreprises baissent le salaire en même temps et que ce mouvement général soit reconnu par les salariés » alors l’entreprise peut baisser le salaire , sans avoir à craindre, en contrepartie une réduction de l’effort de ses salariés . Les effets négatifs de la baisse du salaire sur la demande ne sont pas envisagés .
• En revanche, la théorie du salaire d’efficience reprend de Keynes l’idée que « le chômage est largement involontaire , qu’il est engendré par le fonctionnement même de l’économie de marché » ( D.Clerc) . Dans ce cadre d’analyse , les chômeurs , même en acceptant de travailler à des salaires plus bas n’accroissent pas leur probabilité d’être embauchés ; ils demeurent au chômage , alors qu’ils font tout pour obtenir un emploi


SECTION II - L’ANALYSE KEYNESIENNE DU MARCHE DU TRAVAIL

I - LA CRITIQUE KEYNESIENNE DE LA CONCEPTION NEO-CLASSIQUE .

A - LA CRITIQUE DE LA CONCEPTION NEO-CLASSIQUE DU MARCHE DU TRAVAIL .

Keynes va critiquer les conceptions néo-classiques du marché du travail sur plusieurs points :

1- LA DETERMINATION DE L’OFFRE DE TRAVAIL :

Rappel de l’analyse néo-classique : l’offre de travail est une fonction croissante du taux de salaire réel

Rejet de l’analyse néo-classique par Keynes : Il refuse d’accepter l’idée que l’offre de travail soit une fonction croissante du taux de salaire réel

Raisons du rejet :
• en effet , cela supposerait de la part des salariés la capacité d’établir une courbe d’offre fondée sur l’égalité de l’utilité et du salaire à un niveau d’emploi donné et de la désutilité marginale associée à ce volume d’emploi ( cf. l’analyse néo-classique vue précédemment ) .
• Or ceci se révèle impossible , car les salariés déterminent leur offre de travail par rapport au salaire nominal , sans connaître le salaire réel qui permet d’assurer , selon les néo-classiques l’équilibre entre l’offre et la demande de travail . Ceci , car lors des négociations salariales l’évolution des prix n’est pas encore connue et le ménages ne sont pas assez rationnels pour l’anticiper avec précision .

2- LA DETERMINATION DE LA DEMANDE DE TRAVAIL :

Rappel de l’analyse néo-classique :Selon l’analyse néo-classique , les variations du taux de salaire réel n’influencent pas la courbe de demande de biens ( les débouchés des entreprises ) et les variations de la demande de biens n’influencent pas la demande de travail .

Raisons du rejet de l’analyse néo-classique par Keynes : On peut , au contraire , considérer avec Keynes qu’une chute du taux de salaire réel va entraîner une réduction de la demande de biens qui se répercutera sur la demande de travail qui diminuera ( doc 13 p 120 ).


3 - LA DETERMINATION DE L’EQUILIBRE :

Rappel de l’analyse néo-classique : Les néo-classiques considèrent , que grâce aux variations du taux de salaire réel
( flexibilité du salaire ) , on tend toujours vers l’équilibre .

Raisons du rejet de l’analyse néo-classique par Keynes : Keynes développe deux critiques :
• il démontre que le taux de salaire réel n’étant pas connu lors des négociations salariales ( on discute du salaire nominal ) , rien n’assure que , a posteriori, on obtienne un taux de salaire réel d’équilibre . La flexibilité des salaires réels n’a donc plus la capacité de ramener le marché du travail à l’équilibre , les agents économiques pouvant être victimes d’illusion monétaire
• Keynes développe un second angle de critique : dès lors que la demande de travail des entreprises est fonction de l’évolution des débouchés qu’elles connaissent , il peut exister un chômage involontaire qui est le produit , non de l’attitude des salariés mais du système économique lui-même .En effet , comme l’indique P.Delfaud , « en l’absence de toute rigidité des salaires à la baisse , il peut subsister , du seul fait que l’emploi offert est déterminé tout à fait indépendamment de la population active par le seul niveau de la demande effective » du chômage involontaire .


4 - KEYNES DEVELOPPE UNE CRITIQUE BEAUCOUP PLUS FONDAMENTALE DU FONCTIONNEMENT DU MARCHE DU TRAVAIL SELON GRELLET :

Selon les néo-classiques , « chaque agent participe à la détermination des conditions de l’échange ; celui-ci résulte alors d’une discussion entre tous les agents , non pas d’une décision unilatérale de certains agents . A condition de se porter offreur ou demandeur , tout agent peut remettre en cause les termes de l’échange . » Keynes va critiquer cette fiction libérale du marché en montrant que le niveau d’emploi ne dépend que des décisions des entrepreneurs , qui se trouvent en position d’imposer aux salariés leurs préférences ( la maximisation du profit anticipé ) . La rupture de Keynes avec les néo-classiques vient du fait que Keynes met en évidence les relations hiérarchisées de pouvoir inégalement réparties entre chefs d’entreprise et salariés .

CONCLUSION :

Tous ces éléments permettent de conclure qu’il n’existe selon Keynes aucun mécanisme dans le marché du travail assurant avec certitude le retour à l’équilibre ; l’autorégulation du marché n’est don qu’un mythe . Au contraire selon Keynes la flexibilité des salaires génère un cercle vicieux qui accroîtra le chômage .

B -L’ECHEC DES POLITIQUES DEFLATIONNISTES DE RETOUR A L’EQUILIBRE ( doc 13 p 120 ).

Rappel de l’analyse néo-classique : Selon l’analyse néo-classique , le chômage involontaire ne peut être que transitoire . En effet, tout déséquilibre sur le marché du travail doit se traduire par une variation du taux de salaire réel ( à la baisse en cas de sous-emploi ,à la hausse en cas de suremploi ) qui ramènera le marché du travail à l’équilibre .

Critiques de l’analyse néo-classique par Keynes : Selon Keynes, cette conception ne fonctionne pas car elle oublie des éléments essentiels :
- comme l’écrit J.Généreux, « selon Keynes , le remède classique au chômage ( baisse des salaires ) néglige la double nature du salaire :
• coût de production pour l’entreprise, la baisse des salaires , en réduisant le coût du travail par rapport à celui du capital exerce bien un effet stimulant sur la demande de travail ( effet substitution )
• mais revenu pour les travailleurs, elle réduit aussi le revenu distribué aux ménages et déclenche un effet multiplicateur à la baisse sur la demande globale , limitant encore plus les débouchés des producteurs : il s’ensuit un nouveau recul de la demande de travail qui rend nécessaire une nouvelle baisse des salaires , et ainsi de suite . Une politique de baisse des salaires , risque donc , à court terme , d’éloigner de l’équilibre au lieu d’en rapprocher , et de déclencher un processus cumulatif de récession » . Les politiques déflationnistes de réduction des salaires qui ont été appliquées durant les années 30 ont été un échec ; elles ont conduit à l’aggravation du chômage .

L’échec de ces politiques s’explique en particulier par l’échec de la main invisible : résultant de deux effets contradictoires :
• En effet , si un producteur et un seul diminue les salaires , il sera plus compétitif , gagnera des parts de marché , verra la situation de son entreprise s’améliorer , pourra embaucher .
• Mais cela est un jeu à somme nulle , car les emplois créés par ce producteur compenseront les destructions d’emploi opérées par les entreprises ayant perdu des parts de marché .

Conclusion : Dès lors , on peut imaginer si les agents sont rationnels que :
• toutes les entreprises , afin d’améliorer leur compétitivité vont appliquer la même stratégie ,
• mais alors les consommateurs subissant tous une baisse de salaire vont réduire leur consommation , la demande effective va donc chuter , les entreprises vont alors être obligées de licencier .
• On peut alors se rendre compte que la somme des intérêts individuels n’améliore pas le bien-être de la collectivité , mais au contraire le détériore ( la destruction d’emplois est un jeu à somme négative ) .
• Ceci , car la rationalité des agents économiques est limitée ; ils sont myopes , ils ne sont pas capables d’anticiper le résultat de leurs actions cumulées , chacun ne visant que son intérêt particulier , agit finalement à l’encontre de son intérêt .


II – PRESENTATION DE L’ANALYSE KEYNESIENNE .

A - LA THEORIE GENERALE DE L’EMPLOI .

1 - LES DETERMINANTS DE L’OFFRE DE TRAVAIL CHEZ KEYNES :

Keynes considère qu’à court terme , les conditions techniques , les ressources en main-d’œuvre sont données :
• En effet , l’offre de travail est indépendante du taux de salaire réel ; les effets de substitution et de revenu se compensant ,
• Keynes considère donc que l’offre de travail dépend de variables socio-économiques ( la fécondité l’évolution du travail féminin , le solde migratoire , ... ) qui n’évoluent que lentement :
• l’offre de travail est donc constante à court terme.

2 - LES DETERMINANTS DE LA DEMANDE DE TRAVAIL CHEZ KEYNES :

En revanche , la demande de travail est endogène , elle va être fonction de l’évolution de la demande effective , c’est-à-dire de la demande solvable anticipée par les entreprises ( la demande effective n’est qu’une prévision ) . Elle dépend de 2 variables :

* D1 , c’est-à-dire le montant que l’on s’attend à voir la communauté dépenser pour la consommation . Selon Keynes , la consommation est une fonction croissante du revenu ( ce n’est pas vrai chez les néo-classiques ) , c’est-à-dire que plus le revenu augmente , plus le niveau de consommation sera élevé . Ainsi , si à court terme , les ménages bénéficient d’une augmentation de revenu , ils vont accroître leur niveau de consommation sans pour autant diminuer leur niveau d’épargne ( il augmentera aussi ) .


En effet, Keynes distingue le court et le long terme :
+ il considère que , à court terme la répartition que le ménage opère entre la part du revenu consommée et la part du revenu épargnée est stable :
• En effet à court terme la consommation est fonction de la propension moyenne à consommer qui est constante :
la propension à consommer : c = C/R .

• L’épargne étant le reliquat obtenu une fois que les dépenses de consommation ont été réalisées qui dépend de la propension à épargner :

la propension à épargner : s =1- c = 1 - C/R = S/R

+ Au contraire, dans le long terme, Keynes pense que les ménages consacreront une partie décroissante de l’augmentation de leur revenu à l’accroissement de leur consommation :
• c’est-à-dire que la propension marginale à consommer est inférieure à 1 :

la propension marginale à consommer =( C /  R )

• au contraire , la propension marginale à épargner est supérieure à 1 :

la propension marginale à épargner = ( S/ R)

- D2 , c’est-à-dire le montant qu’on s’attend à voir la communauté consacrer à l’investissement nouveau ( cf. chapitre suivant ) .

Conclusion Keynes en conclue alors que le volume d’équilibre de l’emploi dépend :
• de la fonction de l’offre globale constante à court terme
• de la propension à consommer qui détermine le niveau de consommation
• du niveau d’investissement


B - LA NECESSITE DE POLITIQUES DE RELANCE .

Explications de l’inutilité des politiques de relance selon l’analyse néo-classique : Chez les néo-classiques , les politiques de relance sont au mieux inutiles , au pire catastrophiques .En effet la loi de Say permet de montrer que l’offre crée sa propre demande et l’amène à son niveau .Car :
• le revenu se partage entre consommation et épargne ,
• l’épargne détermine l’investissement ,
• l’investissement et la consommation déterminent la demande qui est égale à l’offre ( le revenu ) .

Critiques de l’analyse néo-classique : Au contraire, dans la problématique keynésienne , tout ce qui n’est pas consommé est épargné mais rien n’assure que ce qui est épargné sera investi . En effet :
• les entreprises n’ont pas intérêt à investir si elles ne reçoivent pas une demande suffisante pour écouler leur production , bien que celle-ci soit rentable .
• Keynes montre par-là qu’un niveau insuffisant de propension à consommer et d’investissement risque d’entraîner une demande effective insuffisante qui conduira les entreprises à ne plus embaucher ou à licencier , bien que leur production soit rentable .
• Il n’existe dans ce contexte aucun mécanisme qui ramène automatiquement à l’équilibre .

Conséquences : Il faut donc que l’Etat intervienne soit :
• en agissant sur le revenu de ménages pour augmenter la consommation (hyp. la propension à consommer est constante)
• et/ou sur l’investissement ( en appliquant une politique de grands travaux , par exemple ) .
• Grâce à l’intervention étatique , la demande effective s’élèvera , les entreprises voyant leurs débouchés augmenter accroîtront leur demande de travail , ce qui ramènera le marché du travail à l’équilibre .

Conclusion : Ceci nécessite donc une mutation de la vision étatique :
• on doit passer d’un Etat-Gendarme à un Etat-Providence , qui se voit confier la mission d’assurer le plein-emploi , en agissant sur les leviers dont il dispose : augmentation des dépenses publiques , distribution de prestations sociales , réduction des impôts , politique monétaire expansionniste (cf. chapitre politiques économiques) .
• Le point commun à tous ces instruments est d’assurer des débouchés suffisants aux entreprises afin de les conduire à égaliser offre et demande de travail , sans recourir à des variations de salaire qui devient rigide .


III - LES APPROFONDISSEMENTS DE L’ANALYSE KEYNESIENNE .

A - UNE ANALYSE EN TERME DE REGULATION DU MARCHE DU TRAVAIL (complément de cours n°6)


B - LA COURBE DE PHILLIPS

1 - PRESENTATION DE LA COURBE ET DE SES APPROFONDISSEMENTS THEORIQUES

Historique de la théorie : Phillips établit en 1958 une relation de corrélation entre le taux de chômage et le taux de croissance des salaires nominaux au Royaume-Uni durant toute la première moitié du 20° siècle. La démarche de Phillips est donc de nature empirique; il se contente de constater une relation inverse entre les 2 variables sans pour autant être capable de l’expliciter et de dire quelle est la variable déterminante .

Explication de l’intérêt des keynésiens pour la courbe de Phillips : Les keynésiens vont se charger de l’interprétation théorique de la courbe .En effet :
• cette courbe leur permet de compléter une des lacunes de la théorie keynésienne . Keynes a développé la théorie générale dans un contexte de sous-emploi massif et a explicité que les entreprises s’adaptent à ce contexte , non pas par la flexibilité des prix et des salaires mais par la flexibilité à la baisse de la production et de la demande de travail .
• Mais dans les années 50 et 60 , le contexte est tout à fait différent : on observe une période de croissance de la production et des prix ; sur ce plan , la théorie keynésienne semble être prise en défaut . La théorie de Phillips va permettre de combler les lacunes existantes en montrant qu’il existe une relation entre l’évolution des salaires nominaux ( et donc l’ évolution des prix ) et la situation du marché du travail .
• On passe ainsi d’une démarche de nature empirique à une démarche théorique visant à mettre en évidence une relation de causalité .

Présentation de la théorie développée par Samuelson : Les keynésiens , en particulier Samuelson , ont alors montré que , en fonction de la situation régnant sur le marché du travail , le salaire nominal va évoluer et va déterminer le niveau des prix . Ainsi, :
• si l’économie croit à un rythme élevé , que l’on se trouve à une situation de plein emploi ( la demande de travail devient supérieure à l’offre de travail ) ,
• alors les entreprises vont , afin d’attirer la main-d’œuvre correspondant à leurs besoins , augmenter les salaires nominaux ( cela d’autant plus que les syndicats feront pression à la hausse des salaires ) .
• Les entreprises s’efforceront de répercuter l’augmentation des salaires dans leurs prix .
• On constate donc bien que la réduction du taux de chômage se traduit par de l’inflation .

Conséquences de la théorie : le dilemme inflation-chômage : Samuelson va, à partir de cela , essayer d’en déduire des mesures de politique économique . Il considère qu’il existe un dilemme entre l’inflation et le chômage . La société est donc « mise en demeure de choisir entre :
• un niveau d’emploi raisonnablement élevé associé à une croissance maximale et à une hausse modérée mais continue des prix d’une part ,
• et d’autre part une stabilité raisonnable des prix mais associée à un degré de chômage élevé » .

conclusion : La politique économique doit donc choisir entre 2 objectifs contradictoires : soit l’expansion dans la stabilité des prix obtenue par un chômage important , soit la réduction du chômage au prix d’une inflation élevée .


2 - LA CRITIQUE MONETARISTE DE LA COURBE DE PHILLIPS : LE TAUX DE CHOMAGE NATUREL

le contexte : On doit distinguer deux phases :
• cette courbe de Phillips a très bien fonctionné jusqu’à la fin des années 60 .
• Par contre , on se rend compte qu’à partir des années 70 , le dilemme inflation-chômage ne semble plus d’actualité , puisque l’inflation et le chômage augmentent simultanément : on parle alors de stagflation .

Explications de l’échec de la courbe de Phillips selon Friedman :la théorie du taux de chômage naturel Milton Friedman , théoricien monétariste , a proposé une explication qui permet de rejeter le modèle keynésien de la courbe de Phillips et donc d’expliquer la stagflation . Friedman considère qu’il existe un taux de chômage naturel , c’est-à-dire un taux de chômage de plein emploi en fonction des caractéristiques régnant sur le marché du travail , en particulier en fonction des éléments accroissant sa rigidité ( salaire minimum , action des syndicats , allocation chômage , ... ) . Le taux de chômage naturel est donc , selon Friedman , un taux de chômage d’équilibre ( attention il n’est pas nul ) qui ne pourrait être diminué que si le fonctionnement du marché du travail se rapprochait du modèle de cpp .

Conséquences de la théorie : Friedman explique alors que si l’on veut réduire le taux de chômage observable sur le marché en l’amenant en deçà du taux de chômage naturel , on ne peut l’obtenir :
- qu’au moyen d’une augmentation des prix , et que cette amélioration sur le marché du travail ne sera que transitoire ,A court terme , il peut en être autrement
• les ménages étant trompés par la politique monétaire expansionniste du gouvernement , n’ont donc pas anticipé l’augmentation de l’inflation , vont accroître leur demande de biens , car ils se croient plus riches suite à l’augmentation des salaires nominaux ,
• ce qui va inciter les entreprises à produire plus et à embaucher .
• Le chômage diminue donc grâce à l’augmentation des prix , mais cela n’est que provisoire .
• En effet , à terme les ménages se rendent compte que l’augmentation des prix a compensé l’augmentation des salaires nominaux ( pouvoir d’achat constant ) , ils vont donc réduire leur demande afin de la ramener au niveau de départ , la production va chuter et le chômage revenir à son niveau d’équilibre : le taux de chômage naturel .
- Ainsi à plus long terme , on reviendra toujours au taux de chômage naturel .
• En effet , conformément à la gestion keynésienne de la courbe de Phillips, pour réduire le chômage il faut augmenter les salaires et accepter un peu plus d’inflation .
• Les ménages voyant leur pouvoir d’achat stagner ne devraient pas accroître leur demande
• et dès lors , conformément à la théorie quantitative de la monnaie , la sphère monétaire n’a pas d’impact sur la sphère réelle (on parle de dichotomie des sphères réelles et monétaires),
• donc l’augmentation des prix ne devrait pas entraîner de réduction du chômage dans le long terme
Conclusion : La politique keynésienne n’a donc pas eu d’effet sur la situation du marché du travail : elle s’est seulement traduite par plus d’inflation ( qui peut d’ailleurs réduire la compétitivité des entreprises du pays et donc générer des effets pervers ) .

Les mesures à mettre en œuvre : Friedman considère alors qu’il faut rechercher un taux de chômage qui est compatible :
• avec un niveau stable des prix ( NAIRU : Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment)
• ou avec une croissance du salaire réel égale à celle de la productivité ( NAWRU : Non Accelerating Wage Rate of Unemployment )
• et qu’il faut appliquer des politiques structurelles permettant de réduire les rigidités sur le marché du travail qui sont seules capables de réduire le taux de chômage naturel .
La politique économique qui va découler des préceptes de Friedman est une politique de désinflation qui aurait dû à terme permettre de sortir de la stagflation et donc de réduire le chômage .

Relativisation de la théorie du taux de chômage naturel : En réalité , on constate aujourd’hui qu’il n’en a rien été :
• on a bien obtenu une désinflation mais celle-ci a été obtenue au prix d’un chômage croissant .
• On assiste donc à un retour de la courbe de Phillips: la désinflation a été permise par une compression des coûts salariaux qui ne pouvait être imposée aux ménages que par un recours à un chômage croissant .

SECTION III - UNE TENTATIVE DE SYNTHESE : LA THEORIE DU DESEQUILIBRE ( doc 14 p 121 ).

E.Malinvaud va développer une analyse qui , tout en reprenant certains éléments critiques de Keynes , va s’efforcer de montrer que la situation sur le marché du travail est plus complexe que Keynes ne l’avait a priori considérée , et qu’il peut y avoir simultanément du chômage keynésien et du chômage classique , ce qui complique la tache des politiques économiques . En effet , Malinvaud reprend un des éléments essentiels de la critique keynésienne des théories néo-classiques : celui de la rigidité des prix et des salaires qui fait que les prix ne réagissant pas instantanément aux écarts entre l’offre et la demande sur les différents marchés , il peut exister des déséquilibres durables sur le marché du travail . Selon Malinvaud , ces déséquilibres sont de l’ordre de 4 .

MARCHE DES BIENS
d’acheteurs : D MARCHE DU d’acheteurs :D TRAVAIL de vendeurs : O
Etudions chacun des cas :

- le chômage classique : l’origine du déséquilibre se situe sur le marché du travail . En effet , :
• l’offre de biens étant inférieure à la demande de biens , les entreprises pourraient produire plus sans éprouver de problèmes de débouchés , mais elles ne le font pas , car cette production supplémentaire ne serait pas rentable .
• Les salaires étant trop élevés , les entreprises préfèrent réduire leur production , licencier afin de ne pas subir une chute de leur profit trop importante .
• On voit bien que le déséquilibre résulte de la rigidité des salaires et que la politique a mener afin de le résorber est de diminuer le salaire , afin d’accroître la rentabilité des entreprises , de les inciter à produire plus , donc à embaucher .
- le chômage keynésien : l’origine du déséquilibre se trouve sur le marché des biens :
• les entreprises pourraient produire plus ; cette production serait rentable ( les salaires n’étant pas trop élevés par rapport à la productivité ),
• mais elles ne le font pas car elles sont contraintes par des débouchés insuffisants sur le marché des biens .
• Dans ce contexte, une politique néo-classique de réduction des salaires ,n’aurait aucun effet bénéfique .
• Au contraire , cela risquerait d’aggraver la situation en diminuant la consommation des ménages .
• Il faut alors , conformément aux préceptes keynésiens , appliquer une politique de relance augmentant les débouchés des entreprises .

Les 2 dernières situations ne concernent pas le chômage :

- le cas de la sous-consommation ne présente pas d’intérêt , nous ne le développerons pas .

- l’inflation contenue : caractérise la situation que l’on pouvait observer en France à la fin des années 60 :
• Les entreprises pourraient produire plus , puisque la demande de biens est supérieure à l’offre ;
• mais elles sont contraintes par une situation de suremploi sur le marché du travail ( demande supérieure à l’offre ) qui ne leur permet pas d’embaucher pour accroître leur production .
• Dans le cadre d’un fonctionnement néo-classique du marché du travail cela engendrerait une augmentation des prix et des salaires qui ramènerait à l’équilibre .
• Mais les salaires et les prix étant rigides , le déséquilibre va persister , l’offre demeure supérieure à la demande sur tous les marchés et l’inflation est contenue .

Les répercussions :Toute la difficulté est alors qu’ on observe simultanément sur le marché du travail des régimes de chômage keynésien et de chômage classique . Alors , :
• il y a le risque , réel, d’accroître la part du chômage keynésien si on lutte contre le chômage classique ( et inversement ) , sans arriver pour autant à réduire le taux de chômage .
• Les politiques globales de type keynésienne ou néo-classique semblent donc inadaptées . Il faut , face à des régimes de chômage mixtes , appliquer des politiques mixtes qui sont malheureusement très difficiles à définir et à mettre en oeuvre car elles visent des objectifs contradictoires.

SECTION IV - LES THEORIES DE LA SEGMENTATION .

I - UNE REMISE EN CAUSE DU MODELE DE CPP.

Critique des hypothèses néo-classiques : Contrairement à ce que l’on pourrait penser , les marchés du travail fonctionnant sur le modèle de cpp sont rares et n’apparaissent pas souhaitables , car ils ont des répercussions négatives sur la main-d’œuvre : précarité de l’emploi , dépendance des travailleurs , ... L.Fisher considère que « les marchés qui doivent servir de référence sont ceux qui dérogent aux règles néo-classiques » , c’est-à-dire que le facteur travail est devenu le facteur fixe de production : contrat à durée indéterminée ; les salaires fixés par convention collective sont devenus rigides ( insensibles aux variations conjoncturelles du marché du travail ) . Il existe donc entre salariés et employeurs des conventions qui ne s’intéressent pas seulement au court terme , mais qui prennent en compte le long terme . M.Piore a développé les critiques en levant : « l’hypothèse de l’homogénéité et de la mobilité de la main-d’œuvre sur un marché du travail unifié » .

Propositions des théoriciens de la segmentation : M Piore considère donc qu’il existe différents types de salariés qui sont confinés sur des marchés du travail entre lesquels existent des barrières ne permettent pas d’être mobiles » .Les néo-classiques constataient eux-mêmes l’existence de ces barrières , mais ils considéraient qu’elles résultaient d’éléments exogènes à l’économie .Ce qui est nouveau dans l’analyse de Piore , c’est que : « le fonctionnement du marché du travail obéit à une logique propre qui ne résulte pas de l’imperfection de la concurrence » . Piore considère que les barrières établies entre les marchés résultent des pratiques discriminatoires établies par les entreprises ( les barrières sont donc endogènes au marché ) . Piore va par la suite s’efforcer de mettre en évidence les barrières et les différents marchés en résultant , et il va constater qu’à ces différents marchés correspondent des types bien définis de population .

II - MARCHE PRIMAIRE - MARCHE SECONDAIRE .

Piore distingue deux types de marché : le marché primaire et le marché secondaire . Il va constater que sur chacun des marchés sont établies des entreprises présentant des caractéristiques différentes , proposant des emplois dissemblables concernant des populations distinctes . Ceci peut être résumé dans le tableau suivant :


III - LES ORIGINES DE LA SEGMENTATION .

A - UNE ANALYSE D’ORIENTATION MARXISTE ; LES RADICAUX AMERICAINS

Selon les auteurs radicaux américains d’orientation marxiste , l’évolution historique du capitalisme se caractériserait par :
• le passage d’un capitalisme concurrentiel à un capitalisme de monopole .
• Ceci conduirait à une concentration de la main-d’œuvre , ce qui favoriserait sa prise de conscience , son organisation et sa capacité de revendications . L’entrepreneur aurait face à lui une main-d’œuvre organisée qui pourrait lui imposer ses conditions .
• Dès lors , tout l’intérêt des entrepreneurs va être de diviser pour mieux régner , c’est-à-dire qu’en appliquant des politiques discriminatoires sur la main-d’œuvre , on va segmenter la main-d’œuvre en sous-populations ayant des intérêts divergents .
• En ce sens , certains auteurs n’hésitent pas à dire que la main-d’œuvre du marché secondaire correspondrait à une nouvelle armée industrielle de réserve ; les entrepreneurs se servant de cette population afin de réduire le pouvoir de négociations de la main d’œuvre du marché primaire .
• ainsi , on constate bien , comme l’écrit F.Sellier , que « l’explication de la segmentation repose sur l’idée d’une stratégie spécifiquement capitaliste , réponse aux contradictions du développement économique , caractérisées par la production de masse planifiée » .

conclusion : On est ici aux antipodes de l’analyse de Smith, de Taylor et des néo-classiques , puisque selon les radicaux , les entrepreneurs cherchent à expliquer la segmentation de la main-d’œuvre en mettant en avant des déterminations techniques alors qu’en réalité ils ne cherchent que la satisfaction de leur intérêt personnel au détriment de la main d’œuvre .


B - UNE ANALYSE HISTORIQUE .

PIORE constate que les entreprises sont confrontées à la variabilité et à l’incertitude quant à l’évolution des marchés . Il va alors distinguer deux grandes périodes :
- durant la première période , les entreprises considèrent que : « le travail est le facteur variable de production ; en tant que tel ,il peut être librement embauché ou débauché , en fonction des fluctuations de l’activité productive » :
• Par ce mécanisme , les entreprises cherchent à résoudre l’incertitude auquel elles sont confrontées .
• PIORE va encore plus loin quand il écrit que : « le travail est considéré comme la variable résiduelle en organisation » , c’est-à-dire que les entreprises commencent à définir le niveau et les caractéristiques du capital qu’elles vont mettre en oeuvre , ce qui va déterminer un mode d’organisation de la production ,
• la main-d’œuvre étant alors la variable d’ajustement qui donnera des capacités d’adaptation au système .

- dans une seconde période , certaines fractions de la main-d’œuvre , car elles ont su s’organiser et revendiquer ou car les entreprises se sont rendues compte qu’il était de leur intérêt de stabiliser une main d’œuvre qualifiée , vont bénéficier de garanties de l’emploi . PIORE écrit : « Le dualisme au sein du marché du travail survient lorsque :
• des fractions de la main-d’œuvre commencent à être protégées de l’incertitude et de la variabilité de la demande et que leurs exigences sont intégrées dans le processus d’organisation et la prise de décision . Elles sont alors considérées comme du capital . »
• Mais face à l’incertitude , les entreprises ont toujours besoin de conserver des éléments d’adaptation ; le dualisme capital-travail de la première période est alors doublé d’un dualisme à l’intérieur du marché du travail . Les entreprises stabilisant une partie de la main d’œuvre ( le marché primaire ) vont imposer à une autre partie de la main-d’œuvre (le marché secondaire ) des conditions permettant aux entreprises de bénéficier de suffisamment de flexibilité .
• C’est dans cette logique que se développe l’extériorisation de la main-d’œuvre opérée par le biais de la sous-traitance .

Conclusion : On peut donc considérer que l’entreprise va être conduite à appliquer deux types de flexibilité différentes en fonction du marché du travail sur lequel elle se situe :
• « la flexibilité quantitative est productrice d’un marché du travail de type secondaire ,
• la flexibilité qualitative d’un marché primaire du travail . »
• En effet , les entreprises du marché primaire qui sont confrontées à de fortes fluctuations de la demande et donc de leur production doivent s’adapter en utilisant comme variable d’ajustement la main d’œuvre qu’elles réembaucheront quand le marché sera mieux orienté .
• Au contraire les entreprises du marché primaire recherchent ,elles , une flexibilité qualitative qui correspond à une main d’œuvre polyvalente qui , en échange de la stabilité de l’emploi , accepte de s’adapter aux besoins de l’entreprise , l’entreprise n’ayant pas intérêt à licencier ce type de main d’œuvre ; car l’investissement en capital humain qu’elle a réalisé et le coût de formation d’une nouvelle main d’œuvre ne seraient pas rentables .


SECTION V - LA FLEXIBILITE DU TRAVAIL.

INTRODUCTION :

Le contexte : deux périodes doivent être distinguées :
• Pendant les trente Glorieuses , les théoriciens se sont peu intéressés au problème de flexibilité . En effet , la croissance continue de la production , de l’emploi et de la productivité exigeaient la continuité , la rigidité n’était donc pas considérée comme une entrave au bon fonctionnement du marché du travail .
• Aujourd’hui , au contraire , le contexte a évolué : les entreprises sont confrontées à une demande dont la progression s’est ralentie , qui est devenue plus irrégulière et plus imprévisible dans ses choix .

Un terme mal maîtrisé : Dans ce nouveau contexte , la flexibilité est devenue un enjeu et un atout . Tout le monde en parle : les syndicats et les salariés la rejettent majoritairement alors qu’au contraire les chefs d’entreprise y sont très favorables .Ceci résulte d’une mauvaise compréhension du nouveau contexte économique . :
• En effet , les chefs d’entreprise considèrent que la flexibilité doit être quantitative ( elle doit leur permettre de mieux adapter leur main d’œuvre à leurs besoins en licenciant et embauchant sans contraintes ) et salariale ( ils souhaitent réduire les salaires)
• On comprend que la main d’œuvre soit réticente à ces deux flexibilités qui conduisent à une détérioration de son bien-être .

Une mise en œuvre inadaptée : Mais on peut considérer que le type de flexibilité développée par les entreprises n’est peut être pas adaptée au nouveau contexte économique et social . En effet :
• l’évolution des caractéristiques de la demande ( qualité , différenciation , ... ) nécessite de la part des entreprises des capacités de réactivité . B.Brunhes écrit ainsi : « actuellement la réactivité est devenue un des principaux atouts : rapidité de réaction aux fluctuations de commandes fréquentes et rapides sur des marchés internationalisés , capacité à faire face par des innovations à l’obsolescence de produits dont la durée de vie s’est raccourcie , impératif du juste à temps et du zéro stock » , .
• .. Il n’est pas sûr que les deux types de flexibilité préconisées par les entreprises soient les mieux adaptées pour répondre aux défis d’aujourd’hui qui nécessitent une main d’œuvre qualifiée et polyvalente .

conclusion : Il semble donc nécessaire avant toute chose de définir le terme flexibilité qui est bien ambigu et est donc employé dans des sens divergents .

I - LA FLEXIBILITE : UN CONCEPT PROTEIFORME.

R.Boyer distingue 4 formes ( doc 19 p 124 ) :

A - LE SALARIAT INTERIMAIRE

Définition : « la flexibilité se mesure à la faiblesse des contraintes juridiques régissant le contrat de travail , et en particulier les décisions de licenciement » .

Moyens mis en œuvre pour l’atteindre : BOYER considère que ce type de flexibilité peut être atteint soit :
• par la flexibilité du temps de travail ( par exemple son annualisation )
• soit par la mobilité des salariés à l’intérieur des firmes de même groupe ( on parlera alors de flexibilité interne ) ,
• mais le type dominant aujourd’hui c’est la flexibilité de type externe ( flexibilité quantitative dont : « l’idéal type apparaît alors être un contrat de travail dont les conditions sont révisables au jour le jour » ) .

B - LE SALAIRE AU RENDEMENT

définition : appliqué souvent avec la précédente car répondant à la même logique , la flexibilité peut désigner : « la sensibilité des salaires ( nominaux ou réels ) à la situation économique .

remarque : On retrouve ici , comme dans le cas précédent , une analyse de type néo-classique qui considère que , comme durant la grande crise de 29 , la cause du chômage serait la rigidité des salaires . La meilleure preuve semble d’ailleurs en être que les pays qui connaissent aujourd’hui le taux de chômage le plus faible sont ceux dont la flexibilité des salaires est la plus forte ( USA ,GB , Japon) .

conséquences : Comme l’indique Boyer : « cette conception de la flexibilité conduit donc à recommander en retour :
• plus de concurrence sur le marché du travail ,
• une différenciation des salaires selon la situation financière des firmes et la productivité individuelle
• ou une atténuation de la législation sur le salaire minimal » .
• Ce type de flexibilité peut être appliqué de différentes manières ; une des analyses les plus modernes est celle du partage des profits ( cf. B )

C - L’USINE FLEXIBLE

définition : cette forme de flexibilité peut être définie comme la plus ou moins grande adaptabilité de l’organisation productive à l’évolution des marchés .

Remarque : Selon BOYER , elle dépend largement des choix technologiques qui sont effectués au moment de la conception de l’unité de production . Ces choix sont largement conditionnés par la taille et la régularité du marché . On comprend mieux , dès lors , l’intérêt que les entreprises semblent porter aujourd’hui à ce type de flexibilité puisqu’elle leur permet de répondre à l’évolution de la demande devenue plus imprévisible , fluctuante et diversifiée ( cf. les modes d’organisation du travail ) .

D - L’OUVRIER PROUDHONIEN

Définition : ce type de flexibilité peut être définie comme : « l’aptitude des travailleurs à changer de poste » .
Remarque : Ce type de flexibilité nécessite de la part de la main d’œuvre :
• un savoir-faire et une compétence , en particulier une capacité à maîtriser divers segments d’un même processus productif .
• Ce type de qualité se situe donc aux antipodes de celle requise par le taylorisme . La polyvalence de la main d’œuvre qui est nécessaire se rapproche de celle que l’on a pu observer dans le modèle de Ohno .

CONCLUSION :

Comme le constate R.Boyer , toute la difficulté est alors que les différents types de flexibilité peuvent être contradictoires . On peut opposer schématiquement deux grandes logiques de flexibilité :
• une flexibilité de type néo-classique qui a pour objectif de lutter contre les rigidités extérieures au marché dues à l’intervention de l’Etat , des syndicats . On classera dans cette logique le salaire au rendement et le salariat intérimaire .
• une flexibilité reposant sur l’adaptation des processus productifs et de la main d’œuvre aux variations de la demande . On classera ici l’usine flexible et l’ouvrier proudhonien .

L’inconvénient est que les deux logiques sont contradictoires .
• En effet , l’usine flexible nécessite des ouvriers qualifiés et polyvalents ( ouvrier proudhonien ) ; mais les entreprises pour attirer cette main d’œuvre doivent lui offrir des rémunérations attrayantes ( en contradiction avec le salaire au rendement ). Les entreprises vont par ailleurs essayer de stabiliser cette main d’œuvre pour laquelle elles ont investi en formation coûteuse ( ce qui est contradictoire avec le salariat intérimaire ) .
• Aujourd’hui , les entreprises semblent vouloir courir les deux lièvres à la fois : elles ne le peuvent que parce qu’il y a un taux de chômage élevé , mais elles risquent à terme d’aller à l’encontre de leurs objectifs : les salariés n’étant pas récompensés se désinvestissant de la vie professionnelle pour s’investir dans la vie privée .


II - UNE ANALYSE DES DIFFERENTES FORMES DE FLEXIBILITE .

A - LA THEORIE DU PARTAGE DES PROFITS ( PROFIT SHARING) DE M.WEITZMAN (complément de cours n°7)

B - DES MODELES DE FLEXIBILITE DIFFERENTS .

Comme on l’a déjà vu précédemment , il existe deux grandes logiques de flexibilité qui ne correspondent pas à la même temporalité :
• la flexibilité quantitative externe et la flexibilité salariale correspondent à une logique de court terme .Selon R.Boyer , cela résulte de la myopie du marché ; ce type de flexibilité ne permettant en aucun cas de sortir de la crise économique puisque « les licenciements et la baisse des salaires constituent plus un constat d’échec et une forme peu glorieuse d’ajustement qu’une voie royale de sortie de crise » .
• Boyer est plus favorable à une flexibilité qualitative ( ouvrier proudhonien , usine flexible ) : « la recherche d’organisation du travail et d’équipement mettant en oeuvre une spécialisation flexible , l’objectif de formation et de qualification de la main d’œuvre visant à une certaine polyvalence , le redéploiement des interventions publiques et la législation du travail définissent d’autres formes d’ajustements , probablement plus porteuses d’avenir et mieux acceptées socialement » .


B.Brunhes constate qu’il existe trois réponses types (au sens d’un idéal type wébérien) aux besoins de flexibilité :

• le modèle anglo-saxon : se caractérise par la faiblesse des lois sociales , l’étiolement du syndicalisme et conduit à une flexibilité régressive de type quantitative externe et salariale .
• le modèle du Nord de l’Europe ( Scandinavie , Allemagne ) et des grandes entreprises japonaises se caractérise par des législations strictes , limitant la flexibilité quantitative externe . Les entreprises sont alors obligées pour rester compétitives de développer la flexibilité interne ( à cela le Japon ajoute la flexibilité salariale ) .
• le modèle de l’Italie , de l’Espagne et de plus en plus de la France se caractérise par : « la superposition d’un appareil législatif réglementaire et conventionnel rigide et des comportements quotidiens réels qui ignorent ces contraintes » , en particulier en multipliant les exceptions aux lois . C’est sûrement le modèle le moins adapté car il subit les inconvénients de la rigidité réglementaire sans bénéficier des bienfaits de la flexibilité qualitative , dans laquelle les entreprises n’investissent pas , préférant bénéficier des mesures exceptionnelles .


COMPLEMENTS DE COURS

COMPLEMENTS DE COURS N°1

LES ANALYSES DE MAYO,MASLOW MAC-GREGOR :
L’ECOLE DES RELATIONS HUMAINES .

a – l’initiateur : E Mayo : l’expérience de la Western Electric

Critiques du taylorisme et du fordisme : Comme l’indique F.Teulon , « contrairement aux présupposés de Taylor , les relations humaines jouent un rôle fondamental sur le lieu de travail , les individus ne réagissent pas aux conditions physiques telles qu ’elles sont , mais telles qu’ils les ressentent . » La philosophie de Taylor qui véhicule la vision simpliste d’un travailleur exclusivement motivé par l’appât du gain a été largement amendée par les conclusions d’une série d’expériences menées par E.Mayo et son équipe à l’établissement Hawthorne de la Western Electric à partir de 1924 . Cette expérience a permis d’obtenir 3 résultats majeurs selon M.Lallement:
- les ouvrières , sensibles que l’on puisse s’intéresser à elles , ont répondu au mieux à ce qu’il leur paraissait être une demande de la part des chercheurs . Ainsi , quelle que soit la variation des paramètres , la productivité augmente . Les conditions physiques ( éclairage ) ne jouent donc pas un rôle essentiel .
- les expériences ont révélé l’importance de la vie de groupe et son influence sur le comportement de chacun de ses membres .
- Mayo a constaté qu’il existe une norme informelle de production qui contraint chaque salarié à produire autant que les autres . Il n’y a aucun rapport , de ce fait , entre incitation financière , dextérité individuelle et performance collective

Mesures préconisées :Ces expériences ont conduit les sociologues à préconiser une autre organisation du travail , basée sur le travail en équipe requérant plus d’autonomie .

Limites de la théorie :Mais cette analyse présente des risques , en particulier celui de sous-estimer les motivations financières et donc de ne plus accorder des augmentations de salaire pour accroître les rendements .

b – la pyramide des besoins de A.H. Maslow

Principe : Maslow a développé une théorie concernant la motivation des travailleurs selon laquelle leurs besoins sont hiérarchisés :
• les travailleurs cherchent d’abord à satisfaire leurs besoins physiologiques
• dans un second temps, ils recherchent la sécurité (de l’emploi, financière, etc.)
• puis l’intégration à un groupe,
• avant de satisfaire leur besoin d’estime de soi (respect et considération),
• et enfin le besoin de réalisation de soi

Selon Maslow ces besoins sont hiérarchisés : les travailleurs c commencent donc par satisfaire ceux qui leurs apparaissent comme prédominants avant de passer à la catégorie suivante.

Conclusion : on peut alors parler d’échelle des besoins que Maslow a synthétisé dans la pyramide suivante :


c – Mac Grégor : les théories X et Y

Principe : selon Mac Grégor :

• les entreprises s’appuient traditionnellement sur la théorie X , très taylorienne qui postule que :
- l’homme n’est pas fait pour travailler
- l’homme doit être contraint et motivé par un système(principe du bâton et de la carotte)
- l’homme recherche avant tout la sécurité et fuit les responsabilités.

• les entreprises devraient s’appuyer sur la théorie Y qui pose que :
- le travail n’est ni agréable, ni déplaisant : si l’homme n’aime pas son travail c’est parce qu’il a été conduit à ne pas l’aimer,
- l’homme est capable de déterminer des objectifs et de les réaliser
- l’homme ne craint pas les responsabilités , c’est pour lui un moyen d’enrichissement et d’intérêt au travail.

Conclusion : les principes développées par l’école des relations humaines conduisent à une remise en cause de la conception matérialiste du travail :
• certes il est nécessaire dans des sociétés confrontés à la pauvreté et à l’incertitude de satisfaire, en priorité, les besoins physiologiques et de sécurité
• mais dans nos sociétés riches et développées il ne faut pas oublier, sous peine d’être confronté à un mécontentement des travailleurs, de satisfaire :les besoins d’intégration au groupe, d’estime et de réalisation de soi développé dans la grille de Maslow afin de motiver les individus


COMPLEMENT DE COURS N°2

L’EXPLICATION LIBERALE DU CHOMAGE DURANT LA CRISE DE 1929 : L’ANALYSE DE J RUEFF.

Constat :J Rueff observe que durant la grande crise des années 30les taux de chômage dans les principaux pays développés sont très élevés (1/3 de la pop active au chômage en Allemagne en 33, ¼ aux USA à la même date ).

Problème : ceci manifestement remet en cause la théorie de l’équilibre du marché du travail des néo-classiques

Explications mises en avant par Rueff : la question est alors pour Rueff de savoir si les facteurs qui sont à l’origine du chômage sont endogènes ou exogènes . Bien évidemment Rueff va s’efforcer de démontrer qu’ils sont de nature exogènes et donc que la théorie de l’équilibre demeure valable . Pour cela il va distinguer deux phases :
• la première irait jusqu’en 1911, durant cette période le mécanisme de la flexibilité des salaires était « parfaitement efficace en ce sens qu’il avait toujours pour effet de faire disparaître par adaptation progressive et dans des délais assez courts toutes les crises de chômage. Jamais dans l’histoire , jusqu’en 1920 , on n’a observé un chômage permanent .
• Mais , depuis la guerre , ce mécanisme a cessé de jouer en Angleterre » (Rueff) Pourquoi ? Que s’est-il passé en 1911 qui puisse être responsable du chômage ? : « Depuis 1911, en effet , il existe en Angleterre un système d’assurances chômage, qui donne aux ouvriers sans travail une indemnité connue sous le nom de dole (...). La conséquence d’un pareil régime a été d’établir un certain niveau minimum de salaire , à partir duquel l’ouvrier préfère toucher le dole plutôt que de travailler pour un salaire qui ne lui vaudrait qu’un excédent assez faible sur la somme qu’il reçoit comme chômeur. » . Quelle conséquence cela a t’il ? Rueff répond « Ainsi le dole a surtout pour effet d’assurer indéfiniment le maintien de la discipline syndicale. C’est elle qui est l’instrument essentiel de la stabilisation des salaires à un niveau entièrement indépendant du niveau des prix, c’est elle qui est , par-là , la cause du chômage permanent ».

Explications étant à l’origine du chômage selon Rueff : Ainsi selon Rueff le niveau élevé de chômage que l’on observe durant les années trente en Angleterre résulte de l’instauration d’une sorte d’assurance chômage qui est à l’origine d’une rigidité du salaire qui , elle seule , est capable d’expliquer la perpétuation du déséquilibre du marché du travail .

Mesures nécessaires afin de remédier au chômage :
• La solution est alors selon Rueff de supprimer cette rigidité (le dole) afin de permettre au mécanisme de flexibilité des salaires de jouer son rôle .
• Ainsi dès que le dole aura disparu, les salaires nominaux diminueront comme l’ont fait les prix, ce qui engendrera une baisse du taux de salaire réel qui rendra l’embauche plus rentable pour les entreprises.
• A terme par ajustements successifs le sous-emploi sera résorbé.

Conclusion :Ainsi l’analyse de Rueff démontre qu’une politique qui a pour objectif d’améliorer le sort des classes laborieuses peut conduire à un résultat exactement inverse, en générant des effets pervers non anticipés par les promoteurs de la mesure . Rueff en donne un second exemple dans un texte très moderne , toujours d’actualité.

La question de la concurrence des pays à bas salaire : Rueff s’interroge sur l’opinion assez répandue : « que c’est surtout en raison de la concurrence des pays où la main d’œuvre reçoit des salaires de famine, que les pays les plus évolués ne peuvent donner à leurs ouvriers des salaires aussi élevés qu’ils le souhaiteraient ».On songe ici à la concurrence déloyale des NPI à l’encontre des vieux pays développés .

L’échec de la solution des salaires minima : La solution qui pourrait être préconisée serait alors de fixer « par voie d’accords internationaux , des minima de salaire applicables dans le plus grand nombre possible de pays . Ainsi l’on éviterait la course aux bas salaires et tous les pays pourraient simultanément améliorer le sort de leurs classes laborieuses.

Les raisons de l’échec : Malheureusement là encore il n’y a qu’une apparence trompeuse ». En effet :
• l’entrepreneur n’embauche que si les salariés sont rentables , s’il n’y a pas de méthode de production plus intéressante.
• Or le travail et le capital étant en partie substituables , une augmentation du coût du travail va déterminer une hausse du coût relatif du travail par rapport au capital (coût du travail /coût du capital) qui va inciter les entrepreneurs à remplacer le facteur cher (le travail) par le facteur proportionnellement moins coûteux (le capital)
• on aurait donc ainsi contribué à l’augmentation du chômage dans tous les pays .


COMPLEMENT DE COURS N°3 : LA THEORIE DE LA RECHERCHE D’EMPLOI OU JOB SEARCH


Postulat de départ : Cette théorie prend en compte une imperfection du marché du travail : la remise en cause de l’hypothèse de la transparence ( l’information ne circule pas parfaitement ) ; ceci permet d’expliquer que l’on puisse observer simultanément du chômage et des emplois vacants .

Conséquences : les théoriciens du job search considèrent qu’ :
• un individu qui ne se satisfait pas de son emploi aura beaucoup de mal à en trouver un nouveau qui lui convienne , tant qu’il ne sera pas au chômage.
• Dès lors , il devient rationnel pour un individu de quitter son emploi ou de ne pas accepter n’importe quel emploi s’il est chômeur , car le chômage peut être aussi analysé comme un investissement rationnel .

Explications : Le raisonnement que suivra l’individu sera alors le suivant :
• si je viens d’être au chômage , je perçois des indemnités relativement importantes ; comme je dispose de peu d’informations , j’ai intérêt à profiter des indemnités qui me sont offertes par la société pour collecter le plus d’éléments possibles sur le fonctionnement du marché du travail . J’ai donc intérêt à refuser toute offre d’emploi qui se situe en dessous de mon salaire de réservation , c’est-à-dire en dessous des indemnités que je perçois
• Mais , plus le temps passe , plus je dispose d’informations , moins mes indemnités sont importantes , plus je risque d’être considéré comme inemployable par les entreprises ; mon salaire de réservation va donc chuter et je vais accepter des offres d’emploi que j’aurais refusé en début de période .

Apports de la théorie : La théorie du job search permet donc d’expliquer la montée du chômage frictionnel qui résulte de l’imperfection de l’information .

Solutions préconisées par les théoriciens du job search : ils vont alors préconiser certaines mesures :
• faciliter la circulation de l’information ( c’est à cette logique qu’a répondu la création de l’ANPE à la fin des années 60 )
• réduire le montant et la durée des allocations-chômage qui incitent l’individu à demeurer chômeur



COMPLEMENT DE COURS N°4 : LA THEORIE DES CONTRATS IMPLICITES

Remise en cause des postulats néo-classiques traditionnels :Selon la pensée néo-classique traditionnelle :
• une augmentation du chômage devrait entraîner une baisse des salaires réels ramenant à l’équilibre .
• Cela n’est pas le cas , car certaines hypothèses du marché de cpp ne sont pas vérifiées , en particulier l’hypothèse d’information .
• On peut ainsi considérer que l’information est inégalement répartie( asymétrique) entre les agents :

Conséquences :
- les salariés disposent de peu d’informations et vont donc être caractérisés par une aversion pour le risque qui va les conduire à valoriser la stabilité de leur situation dans le long terme .
- Pour cela , les salariés vont établir des contrats implicites ( car non reconnus par la loi ) avec leur employeur qui peuvent être assimilés à des contrats d’assurance . On peut distinguer 2 périodes :
• durant les périodes de croissance , les gains de productivité augmentent fortement , les salariés vont accepter de bénéficier des augmentations de salaire plus réduites , le salaire devient donc inférieur à la productivité . On dit que le salarié paye sa prime à son employeur qui est son assureur .
• en contrepartie , durant les périodes de récession , le salarié bénéficie d’un salaire qui devient supérieur à la productivité ( le salaire ayant moins baissé que la productivité ) , on dit alors que le salarié reçoit ses indemnités d’assurance qui sont la contrepartie de la prime .

Problème : Toute la difficulté est alors de fixer le niveau de la prime et d’établir une relation de confiance :
• la prime sera d’autant plus importante que le degré d’aversion face au risque des salariés est fort .
• la confiance est plus complexe à établir . En effet , l’information étant inégalement répartie , l’entrepreneur est mieux à même de connaître la situation réelle de son entreprise ; dès lors , il risque d’essayer de tromper ses salariés , cela d’autant plus que le contrat est implicite . Mais , selon les théoriciens des contrats implicites , ce risque est réduit par un certain nombre de procédures :
• le chef d’entreprise n’a pas intérêt à trahir la confiance de ses salariés , car ceux-ci le lui feraient payer en étant moins productifs .
• dès lors , le chef d’entreprise , pour que les salariés acceptent une baisse de salaire ,doit leur démontrer que les indemnités d’assurance sont devenus supérieurs à la prime versée , en mettant en avant la détérioration de la situation sur le marché du travail et dans l’entreprise ( par exemple , en licenciant une partie de ses salariés ) .

Apports de la théorie : Cette théorie est intéressante car :
• elle permet de montrer que la rigidité du salaire peut être expliquée tout en conservant l’hypothèse de rationalité des agents économiques .
• Comme l’indique B.Reynaud : « Dans la théorie des contrats , le salaire a changé de statut , ce n’est pas un prix de marché ,mais le résultat monétaire d’une règle convenue entre 2 individus rationnels . »
• Dès lors , il n’y a plus aucune raison de penser que la flexibilité du salaire soit capable de ramener à l’équilibre .
• L’important ici est d’avoir rendu endogène les déterminants motivants la rigidité du salaire ; le chômage qui peut en résulter n’est plus à chercher dans des pseudo déterminants extérieurs accusés de tous les mots .

Remarque : Il va en être de même dans la théorie insiders-outsiders.



COMPLEMENT DE COURS N°5 : LA THEORIS INSIDERS-OUTSIDERS


Problème : A.Lindbeck et D.Snower cherchent à apporter une réponse à la question suivante : pourquoi l’augmentation des salaires s’est-elle poursuivie malgré la hausse irrésistible du chômage ?

Solution : La réponse qu’ils apportent est que :
- les négociations salariales ne subissent pas l’influence des chômeurs tout simplement parce que les salaires sont négociés par ceux qui ont un emploi . Il est alors impératif de distinguer deux types d’actifs :
• les insiders : qui se situent dans les entreprises et participent aux négociations salariales
• les outsiders , c’est-à-dire les chômeurs qui en sont exclus .
- On comprend aisément que les insiders , faisant preuve de rationalité et d’égoïsme , cherchent à maximiser leur satisfaction et donc à fixer un salaire qui leur permette d’améliorer leur niveau de vie , même si cela se traduit par l’exclusion d’ une partie de la population active ( les chômeurs n’arrivant pas à retrouver un emploi en raison des coûts de salaire trop élevés ) .

Limites de la théorie : Par contre , il est plus difficile de comprendre pour quelles raisons les entreprises acceptent de laisser aux insiders ce pouvoir de négociation et n’utilisent pas plus les outsiders comme moyen de pression à la baisse de salaires .

Solutions : A.Linbeck et D.Snower apportent une réponse originale :
• selon eux , les insiders disposent d’un pouvoir de négociations qu’ils imposent aux entreprises . En effet , comme l’indique le document 15 p 484 , les insiders ont reçu de la part des entreprises une formation coûteuse , un investissement en capital humain que l’entreprise n’a pas intérêt à sacrifier . Elle cherche donc à stabiliser sa main d’œuvre pour éviter les coûts de rotation . Elle n’a donc pas intérêt à diminuer les salaires des insiders pour embaucher des outsiders , car elle risque alors de voir ses salariés forés et performants la quitter , ce qui nécessitera de nouveaux investissements en capital humain coûteux .
• Un second facteur doit être pris en compte : les chômeurs embauchés par l’entreprise ne seront rentables que s’ils sont intégrés dans le collectif de travail , c’est-à-dire s’ils sont acceptés par les insiders . Or , ceux-ci ont des raisons de craindre que l’entrée des outsiders dans l’entreprise se traduise par une détérioration de leur bien-être ( remise en cause d’acquis sociaux , baisse de salaire ) . Ils vont alors harceler les outsiders qui seront moins productifs et peu motivés

Remarque : Ce problème de la motivation se retrouve aussi dans la théorie du salaire d’efficience.

COMPLEMENT DE COURS N°6 : UNE ANALYSE EN TERMES DE REGULATION DU MARCHE DU TRAVAIL

Les auteurs régulationnistes , dont le principal représentant en France est R.Boyer , établissent une synthèse entre l’analyse keynésienne et l’analyse marxiste en faisant appel aux dimensions historique , sociologique et politique . Il montre alors que la conception néo-classique du marché du travail a-historique et a-sociale ne permet pas de décrire son fonctionnement réel . Selon R.BOYER , une succession de régulations caractérisent l’évolution du marché du travail

a - la régulation à l’ancienne .

période de référence : Elle est caractéristique de la société française d’avant la Révolution industrielle ( même si elle se maintient jusqu’en 1850 ) .

contexte de référence : Elle résulte de la prépondérance d’une agriculture pré-capitaliste peu productive ,

Mode de régulation : On distingue deux phases :
• l’agriculture connaissant des crises agricoles récurrentes qui induisent une flambée des prix agricoles . Le coût de la vie augmentant fortement , le revenu de la population diminue , l’emploi chute , déterminant une baisse des salaires nominaux .
• Durant les périodes de récolte abondante , on observe un mouvement opposé ( baisse des prix agricoles , augmentation de l’emploi et des salaires ) .

Conclusion : Dans la régulation ancienne , les mouvements des prix d’une part , de l’emploi et des salaires d’autre part sont opposés .

b - la régulation concurrentielle .

Période de référence : 1800-1914

Contexte de référence : Elle traduit le passage d’une économie à dominante agricole à une économie industrielle et capitaliste .

Mode de régulation : Désormais l’origine des mouvements d’emploi , de prix et de salaire ne se trouve plus dans l’agriculture mais l’industrie :
• Désormais la crise ne résulte pas d’une sous-production agricole mais d’une surproduction industrielle ( l’offre est supérieure à la demande ) . Ceci se traduit par une chute des prix , donc de la production qui génère des licenciements permettant de diminuer les salaires nominaux .
• Au contraire , durant les phases d’expansion , l’augmentation de la production n’est pas suffisante pour répondre aux débouchés , les prix augmentent , les entreprises élèvent les salaires pour attirer de la main-d’œuvre .

Conclusion : La régulation concurrentielle se traduit donc par un synchronisme de la production , des salaires et des prix .

c- la régulation monopoliste .

Période de référence : les trente glorieuses

Contexte de référence : Cette évolution résulte du développement des conventions collectives conclues entre salariés et patrons , qui accordent un rôle clé aux organisations syndicales : c’est la raison pour laquelle on parle de régulation monopoliste qui s’oppose à la régulation concurrentielle qui dominait jusqu’alors

Mode de régulation : La régulation monopoliste rompt avec la régulation concurrentielle , car contrairement à la période de l’entre-deux guerres qui était une période de transition , le salaire nominal devient peu sensible aux variations de l’emploi à la baisse Il est par contre indexé sur les gains de productivité et le taux d’inflation . Le salaire réel connaît donc une forte augmentation qui permet de réaliser une correspondance entre la dynamique des capacités de production et celle du revenu des salariés , donc de la consommation qui est une composante essentielle de la demande globale .

Actualisation :Aujourd’hui on peut se demander dans quelle mesure ce type de régulation n’est pas remis en cause : la désindexation des salaires sur les prix opérée au début des années 80 et le retour à une plus grande flexibilité des salaires semblent traduire une nouvelle donne . Toute la question est d’alors de savoir vers quel type de régulation on se dirige .



COMPLEMENT DE COURS N°7 : LA THEORIE DU PARTAGE DES PROFITS OU PROFIT SHARING DE M WEITZMAN


Un constat :Weitzman part d’un constat : au Japon , le taux de chômage a été tout au long des années 70-80 très inférieur à celui des autres pays .

Les explications : Ceci s’explique selon lui par le mode de régulation de la main d’œuvre qui a été appliqué au Japon : les grandes entreprises garantissent à leurs salariés l’emploi à vie , en contrepartie le salaire est sensible aux résultats de l’entreprise , c’est-à-dire que chaque salarié voit son salaire diviser en deux parties : la première est fixe , la seconde est fonction des profits de l’entreprise , et de l’efficacité du travail de l’individu , les salaires étant individualisés .

Les propositions de Weitzman : Weitzman se propose de généraliser ce modèle à tous les pays développés en agissant de la manière suivante : chaque salarié recevrait un fixe auquel s’ajouterait une partie variable qui serait fonction des profits de l’entreprise et des effectifs de l’entreprise .
Voyons maintenant quels seraient les avantages pour l’entreprise de ce type de contrat et en quoi cela permettrait de réduire voire de résorber le chômage ( sans oublier l’inflation ) :
• la participation des salariés aux profits de l’entreprise permettrait d’accroître les gains de productivité . En effet , comme l’écrivent F.Fitzroy et D.Vaughan - Whitehead : « les salariés dont une partie de la rémunération serait explicitement reliée aux performances de leur entreprise , se sentiraient un peu plus impliqués dans le processus productif et augmenteraient leur effort au travail » , l’entreprise serait alors plus compétitive et pourrait par la suite , puisqu’elle gagne des parts de marché augmenter ses profits , donc les salaires , mais aussi embaucher .Cette analyse reprend la logique de la théorie du salaire d’efficience .
• le partage des profits bénéficie des effets positifs de la flexibilité salariale . En effet , si la situation de l’entreprise se détériore , ses profits vont chuter , mais comme le niveau des salaires est fonction de celui des profits , l’entreprise va répercuter dans les salaires la chute des profits :« Ainsi , c’est le cycle usuel d’ajustement quantitatif des effectifs en fonction de la conjoncture qui caractérise nos économies qui s’en trouverait modifié. L’ajustement se réaliserait sur les salaires et les prix au lieu de s’effectuer sur la production et l’emploi » ( op. cité ).
• Weitzman considère que le partage des profits est une incitation à l’embauche .En effet , le chef d’entreprise fixe , quel que soit le nombre de salariés embauchés le montant de la part des profits qui leur sera redistribué . Dès lors , plus le chef d’entreprise embauchera , plus le coût marginal du travail diminuera . En effet , le chef d’entreprise n’aura à supporter en supplément que la partie fixe du salaire , la partie variable restant constante , un nombre de salariés croissant se partagera la même somme . Ceci doit conduire le chef d’entreprise à embaucher puisque dans une perspective néo-classique , la demande de travail est une fonction décroissante du coût marginal du travail .
























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