Question de synthèse : ecole et famille des agents de socialisation opposés ?

CORRECTION DE LA QUESTION DE SYNTHESE

SUJET - VOUS MONTREREZ DANS UNE PREMIERE PARTIE QUE JUSQU'AUX ANNEES 70 L'ECOLE ET LA FAMILLE PEUVENT ETRE DANS CERTAINES CAS DES AGENTS DE SOCIALISATION CONTRADICTOIRE . MAIS QUE CETTE OPPOSITION VA PROGRESSIVEMENT ETRE REMISE EN CAUSE .DANS UNE SECONDE PARTIE VOUS MONTREREZ QUE MALGRE CETTE EVOLUTION LES INEGALITES DE REUSSITE SCOLAIRE N'ONT PAS DISPARU EN RAISON DE LA PERPETUATION DE MODELES CULTURELS ET DE SOCIALISATION TRES DIFFERENTS.

« Un gars qui fait des études pendant deux ans , son père n’en est plus le maître .Il faut que le père impose ses idées par rapport au professeur » affirme un agriculteur interrogé par P.Champagne dans les années 70 ( doc 1 ) . Ce paysan exprime sa défiance vis-à-vis de l’institution scolaire , coupable , pour les indépendants , d’empêcher les enfants de reprendre l’entreprise familiale . La socialisation que l’on peut définir comme le processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socio-culturels de son milieu , les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expérience et d’agents sociaux significatifs , de l’école et de la famille sont alors en concurrence : il y a une volonté très forte dans certaines familles de laisser le moins longtemps possible les enfants à l’école . Ce conflit entre les deux plus importantes instances de socialisation primaire disparaît au début des années 80 quand l’élément déterminant le statut social devient le diplôme .En effet , il ne suffit plus d’hériter , mais d’avoir un savoir certifié . Toutes les familles considèrent alors que l’école est essentielle et que la socialisation scolaire est supérieure à toute autre forme de socialisation puisqu’elle assure une protection contre le chômage .
Mais , malgré cette bonne volonté , les inégalités de réussite scoalaire restent flagrantes . Car le soutien familial et la valorisation de l’école ne suffisent pas à assurer de bons résultats scoalaires . Dans les familles populaires , le modèle de socialisation reste très différent de celui des classes moyennes et supérieures utilisé à l’école : les enfants doivent alors être « désocialisés » pour être ensuite « resocialisés » , alors que pour les enfants des classes moyennes et supérieures , il n’ y a qu’un renforcement de la socialisation familiale .

I - L'ECOLE ET LA FAMILLE DES INSTANCES DE SOCIALISATION CONTRADICTOIRES ?


A – JUSQU’AU DEBUT DES ANNEES 70 , L’ECOLE ET LA FAMILLE SONT DEUX AGENTS DE SOCIALISATION CONTRADICTOIRES

Jusqu’au début des années 70 , certains groupes sociaux ( agriculteurs , commerçants ) refusaient le modèle de socialisation proposé par l’école car les métodes de socialisation étaient très différentes et qui’accepter la socialisation scolaire remettait en cause la viabilité du groupe .

1 - DES METHODES DE SOCIALISATION DIFFERENTES

En effet , le modèle de socialisation scolaire s’opposait à celui développé par les agriculteurs tant au niveau de la culture transmise , c’est-à-dire l’ensemble des valeurs , des normes et des pratiques sociales propres à un groupe qu’en ce qui concerne les techniques de transmission .

a- DES CULTURES DIFFERENTES

Chez les agriculteurs , les valeurs développées , c’est-à-dire les idéaux , sont le respect des anciens et du travail manuel . La norme corespondante qui permet d’atteindre cet idéal est donc l’acquisition de « savoirs anciens » ( doc 1 ) : il y a donc un refus de l’innovation et du changement , une méconnaissance du progrès technique . En revanche , à l’école sont valorisées la connaissance scientifique et la culture générale . Les règles à suivre sont alors d’avoir un esprit curieux , de croire aux démonstrations rigoureuses et la foi au progrès .

b- DES TECHNIQUES DE SOCIALISATION DIFFERENTES

Cette opposition de cultures se retrouve dans le modèle d’acquisition de ces valeurs et normes . Chez les agriculteurs « prédominaient l’apprentissage sur le tas et la transmission familiale des savoirs par lente imprégnation » ( doc 1 ) . C’étaient donc des méthodes traditionnelles basées sur une conception particulière de l’enfant : celui-ci est considéré comme un être imparfait qui doit être réformé et donc subir un conditionnement pour intégrer la société . Chez les agriculteurs , la méthode la plus utilisée semblait être la socialisation par la répétition où l’individu subit un apprentissage par la répétition des mêmes gestes qui est destinée à développer en lui des réfexes conditionnés et qui se perpétueront tout au long de leur vie . Il n’ y a pas non plus de séparation entre l’enseignement et la famille : les éléments sont appris par les parents .
Ce n’est pas le cas avec la socialisation scoalaire : « alors que l’école primaire , implantée dans le village , restait sous le regard direct des paysans , il n’en est plus de même pour les CES construits dans les chefs-lieux de cantons »( doc 1 ) . Entre l’enseignant et l’élève , il y a une distance . Les méthodes de socialisations diffèrent sur un autre point : à l’école , une autre conception de l’enfant est développée ; celui-ci est considéré comme un être intelligent , capable de raisonner . Des méthodes modernes basées surr la réflexion et l’autonomie de l’individu seront alors utilisées à l’école .


2 - LA SOCIALISATION SCOLAIRE REMET EN CAUSE LA VIABILITE DU GROUPE


Ainsi , « l’école contribue à saper l’autorité traditionnelle des parents en inculquant à leurs enfants des savoirs certifiés qui chahutent les hiérarchies de compétence localement établies , dévalorisent les savoirs anciens et leur mode de transmission , modifient en tout cas le rapport que les jeunes entretiennent avec le travail manuel » ( doc 1 ) .L’école remet donc en cause tout ce qui est appris par la famille .
A ces effets directs de la scolarisation scolaire s’ajoutent « des effets de détournements qui , pour être indirects , n’en sont pazs moins puissants » ( doc 1 ) . En effet , si « dans les écoles primaires de villages , les enfants d’agriculteurs étaient largement majoritaires ; dans les collèges , ils ne constituent plus qu’une petite minorité de la population scolaire » ( doc 1 ) . IL y alors un brassage social : les autres élèves sont isuus d’origine sociale diverses . Les enfants d’agriculteurs comparent leur situation avec celle des autres et se rendent compte qu’ils n’ont pas les mêmes obligations : aider aux travaux de la ferme . Comme le dit une agricultrice ( doc 1 ) : « quand mon fils avait 16 ans , il avait 3 copains qui ne travaillaient pas dans l’agriculture , ils n’avaient rien à faire . Alors , le fils disait : « Moi , je ne peux pas sortir avec eux , je ne peux pas faire comme eux » .
Comme la comparaison avec les autres métiers est nettement défavorable pour celui d’agriculteur , les enfants d’agriculteurs préfèrent continuer des érudes pour ne pas reprendre l’exploitation familiale . La solution trouvée par les agriculteurs est alors la sortie précoce du système scoalaire : « il faut mettre les enfants dans l’agriculture sitôt qu’ils sortent du berceau » ( doc 1 )


B – A PARTIR DU MILIEU DES ANNEES 70 , CETTE OPPOSITION TEND A DISPARAITRE

Or , à partir du milieu des années 70 , cette opposition entre les socialisation scolaire et familiale tend à disparaître , car le contexte économique et social change : la crise économique , l’augmentation du chômage , les exigences des entreprises et des consommateurs font que le capital économique n’est plus suffisant pour assurer la perennité du statut . Il faut maintenant , en plus , avoir un diplôme .

1 – UN CONTEXTE QUI CHANGE


En effet , comme l’écrit L.Maurin ( doc 2 ) : « l’échec scolaire ne pardonne plus dans une société où le niveau moyen s’est considérablement élevé , tout comme les exigences du travail » . Ce rôle croissant du diplôme s’explique par deux facteurs majeurs .
Le premier est qualitatif et concerne la demande de travail des entreprises . Celles-ci utilisent de plus en plus de techniques perfectionnées ; même pour des emplois en apparence peu qualifiés , il faut un certain niveau de compétence : « ne pas maîtriser les savoirs de base est devenu un handicap bien plus important dans la société actuelle , où l’écrit joue un rôle croissant » ( doc 2 A ) .
Le second facteur est quantitatif et provient du déséquilibre entre offre et demande de travail . « En pratique , les difficultés d’insertion des jeunes résultent pour l’essentiel du manque d’emplois » ( doc 2 A ) . Les entreprises sont en situation de force et ont donc pour un même poste plusieurs candidats . Elles peuvent donc faire un choix : comme le taux de chômage est élevé , les plus diplômés acceptent de réduire leurs prétentions et prennent des emplois dont le niveau de qualification est inférieur à leur diplôme . Ce phénomène de file d’attente « touche surtout les moins qualifiés parce qu’en situation de chômage de masse ils se retrouvent en concurrence avec des candidats plus qualifiés , généralement préférés par les employeurs » ( doc 2 A ) .

2 – QUI REND LE DIPLOME ESSENTIEL

« Ainsi ,parmi les jeunes entrés dans la vie active sans qualification en 98 , un quart était au chômage trois ans plus tard et la moitié de deux qui avaient un emploi occupait un poste à durée déterminée » ( doc 2 A )

II - MAIS UNE REUSSITE SCOLAIRE QUI DEMEURE INEGALE

Pourtant , la réussite scolaire des enfants reste inégale en fonction de leur origine sociale . Car , même si elles valorisent a le modèle scolaire de socialisation , certaines familles ont du mal à l’adopter .

A – DES REUSSITES SCOLAIRES INEGALES

Ainsi , le risque de sortir du système scolaire sans qualification varie selon l’origine sociale . Plus l’enfant est issu d’un milieu favorisé , plus cette probabilité est faible ( doc 2 ) : 13 % des enfants d’ouvriers non qualifiés sortent sans diplôme , alors que ce n’est le cas que de 1% des enfants de cadres .

Cela remet donc en cause la conception méritocratique de l’école : le système scolaire en donnant à tous les élèves les mêmes moyens ( professeurs , programmes ) et en versant des bourses à ceux qui ont des difficultés financières , assure l’égalité de tous les élèves face au savoir : ceux qui vont réussir le doivent à leur travail et à leurs capacités , et non à leur origine sociale . Or ces résultats infirment ces postulats .
Ces inégalités devant l’école ne s’expliquent plus par une volonté des familles , puisque celles-ci , dans la totalité , reconnaissent aujourd’hui la supériorité de la socialisation scolaire . Elles ne s’expliquent pas non plus par des facteurs financiers puisque le système de bourses réduit les inégalités de revenu . Ce qui joue est la culture et le modèle de socialisation : l’écart entre le modèle de socialisation familiale et celui scolaire : pour les enfants des classes moyennes supérieures , il y a enculturation , c’est-à-dire que l’école ne fait que renforcer la culture apprise au sein de la famille ; pour les enfants des classes populaires , les modèles sont très différents : ils doivent donc être désocialisés pour connaire une resocialisation . En effet , les modèles de socialisation des familles populaires et de l’école diffèrent , tant au niveau de la culture transmise qu’en ce qui concerne les méthodes .


B- DUES A DES MODELES DE SOCIALISATION DISSEMBLABLES

1 – DES MODELES DE SOCIALISATION VARIABLES

a- DES TECHNIQUES DE SOCIALISATION DIFFERENTES

Dans les classes populaires , les méthodes traditionnelles persistent . Sont ainsi utilisées les méthodes coercitives basées sur l’application de sanctions quand l’enfant ne se conforme pas aux comportements souhaités ou par des récompenses quand ils respectent les attentes de ses parents . Quand l’enfant adopte un comportement déviant , ce qui compte est la punition , puisque « lorsque les parents sanctionnent l’acte de leurs enfants , la sanction prime sur la justification » , car « seule compte la faute commise » . Il n’ y a donc aucun dialogue , aucune tentative par les parents d’expliquer à leurs enfants les raisons de leur colère . « Les parents n’ont pas à justifier leur décision qui relève de leur autorité statutaire , c’est-à-dire de leur autorité qui leur est conférée par le statut de père ou de mère » : une sanction ne peut donc être remise en cause par un enfant .

Par le biais de ces méthodes de socialisation , des valeurs , normes et pratiques sociales vont être transmises .


b- DES CULTURES DIFFERENTES

· des valeurs et normes distinctes

L’élément fondamental de la culture des classes populaires est « la valorisation de la force et de la résistance physique » ( doc 4 ) . Cela s’explique par les conditions d’existence des classes populaires qui « ont en commun de dépendre d’une force de travail que les lois de la reproduction culturelle et du marché du travail réduisent , plus que toute autre classe , à la force musculaire « ( doc 4 ) . Cette valeur s’oppose sonc à la valeur essentielle de l’école : le respect du travail intellectuel .
Derrière la valorisation de la force physique est véhiculée une autre valeur : « les valeurs de la virilité » ( doc 4 ) . Les familles populaires développent un modèle traditionnel où les hommes et les femmes ont des rôles distincts et complémentaires : la femme s’occupe de la maison et du ménage , « pour les pères , un des fondements de leur légitimité est leur capacité physique à affronter le travail qui permet de nourrir la famille » ( doc 4 ) . Dans les milieux populaires est donc acceptée l’inégalité homme-femme . En revanche , l’école républicaine et laïque est basée sur l’égalité : tous les enfants , quels que soient leur sexe , leur ethnie , leur origine sociale , doivent être traités de manière identique .
Une autre valeur transmise aux enfants des classes populaires est la liberté , basée sur « un principe hédoniste qui incite à « laisser les enfants en profiter » » . Peu de contraintes pèsent sur les enfants : ceux-ci ont , par exemple , « une grande liberté , quant au moment où ilsvont se coucher » ( doc 4 ) . Ceci s’explique par leurs conditions matérielles : dans leur vie professionnelle , les membres des classes populaires n’ont aucune autonomie et doivent obéir aux ordres . Ainsi , l’enfance est la seule période où l’individu pourra faire ce qu’il veut . Cela s’oppose alors aux valeurs scolaires fondées sur la retenue et le respect de l’ordre .

· des pratiques sociales distinctes

La culture ne se définit pas seulement par des idéaux et des règles ; c’est aussi des manières d’être , d’agir :les pratiques de loisirs font ainsi partie de la culture . Or celles qui sont pratiquées dans les familles ouvrières ne sont pas valorisées par l’école . Pour celle-ci , tout a pour objectif de faire passer des éléments éducatifs , ce qui n’est pas le cas pour les milieux populaires .
« Les travaux de B.Bernstein ont montré que la place accordée aux jouets par les mères de famille ouvrières s’opposait à la fois à celle que lui octroient les mères desclasses supérieures et à celle que prend le jeu dans les écoles maternelles : dans les familles ouvrières les jouets ne sont pas considérés comme « instrument de développement cognitifs ou supports de l’imagination » ( doc 4 ) . Les jeux développés dans les classes populaires ont un seul objectif : « prendre du plaisir ». « On ne trouve pas ici l’usage des jeux éducatifs qui mettent en oeuvre des savoirs plus ou moins scoalaires , et assez peu de « jeux de société » qui supposent le maniement de règles , règles du jeu ou règles logiques » .
Autre loisir qui se révèle différent d’un groupe à un autre : les sorties . Dans les classes moyennes , les sorties sont « éducatives et culturelles » . Dans les classes populaires , la précarité des conditions d’existence fait que « parmi les sorties évoquées reviennent souvent les courses réalisées dans les grandes surfaces alentour , les enfants aidant les parents » ( doc 4 ) .


2 - LES CONSEQUENCES

Comme l’écrit D.Thin « on est loin des sorties valorisées par les enseignants » ( doc 4 ) . Ainsi , lors de l’entrée à l’école , les enfants des classes supérieures et moyennes sont dans une situation radicalement différente des enfants des classes populaires .Les premiers connaissent déjà les règles de l’école , les thèmes qui y sont étudiés puisque « les sorties prennent un caractère pédagogique à la fois pour le lieu où elles se déroulent et par la démarche de l’adulte saisissant l’occasion de transmettre explicitement des savoirs et des préceptes moraux » .A l’école , ces enfants connaissent une enculturation , c’est-à-dire un renforcement de leur culture d’origine .
En revanche , les enfants des classes populaires se retrouvent dans un contexte nouveau où les manières d’apprendre ne sont pas celles de leur famille , « non que les enfants n’apprennent rien lors de ces activités avec leurs parents , mais ils n’apprennent rien qui soit scolairement valable et durtout ne sont pas saisis comme savoirs » ( doc 4 ) .Pour réussir scolairement , les enfants des classes populaires doivent d’abord connaître une déculturation , c’est-à-dire abandonner leur culture d’origine , pour être resocialisés par l’école . Comme ce processus est nié par le système scolaire , les difficultés de ces enfants sont donc fortes .


Si pendant longtemps ,pour de nombreuses familles dont le statut dépendait de la transmission d’un patrimoine , l’école était vue comme une instance de socialisation concurrente , ce n’est plus le cas aujourd’hui . L’héritage ne suffit plus , il faut un diplôme . L’idée du rôle essentiel de l’école est partagée par toutes les familles . Elles vont alors essayer de favoriser la réussite scolaire de leurs enfants puisqu’elle détermine la réussite sociale . Mais , malgré cette volonté , les inégalités de réussite scolaire persistent , car la socialisation familiale se heurte à la socialisation scolaire .
La question est alors de trouver comment améliorer les résultats de tous les enfants et déconnecter la réussite scolaire de l’origine sociale. Une solution a été en 83 la création des Zones d’Education Prioritaire qui avaient pour but de donner plus de moyens aux enfants défavorisés . Cette opération de discrimination positive se retrouve dans la mesure adoptée par Sciences Po Paris : offrir un concours réservé aux élèves de certains lycées sensibles . L’IEP de Lille souhaite aujourd’hui faire de même , mais il se heurte pour le moment à l’opposition des étudiants .
Le problème de ces mesures est qu’elles génèrent des effets pervers ; la création des ZEP a stigmatisé les établissements et entraîne un détournement : les enfants des classes moyennes fuit ces collèges et lycées . La convention signée entre Sciences Po et certains lycées a eu l’effet inverse : les classes moyennes et supérieures et inscrivent leurs enfants , car elles ont trouvé un moyen plus facile pour intégrer cette école prestigieuse .

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