Question de synthèse sur le relation épargne-investissement

SUJET : VOUS DEMONTREREZ QU’UNE PENURIE D’EPARGNE FREINE LES CAPACITES DE L’ECONOMIE A INVESTIR ET A DYNAMISER LA CROISSANCE. MAIS QU’UN TAUX D’EPARGNE TROP ELEVE GENERE DES EFFETS PERVERS

L’une des mesures phares prises par le gouvernement Raffarin a été de réduire l’impôt sur le revenu . Sachant que près de la moitié des ménages français n’en paye pas , on peut en conclure que cette stratégie est avant tout un cadeau offert aux ménages les plus riches . Mais cet avantage fiscal est présenté par le gouvernement comme une politique visant à profiter à tous les français . En effet , cette mesure devait permettre d’accroître le revenu des plus riches et ainsi augmenter les capacités d’épargne permettant de financer l’investissement que l’on peut définir comme la valeur des biens durables acquis pour être utilisés pendant au moins un an dans le processus de production . Cette relance de l’investissement permettrait alors la croissance . Mais cette politique est critiquée , notamment par D.Strauss-Kahn , qui écrit : « « La France va mal , la France tombe » . En effet , en augmentant le niveau d’épargne , les entreprises financent plus facilement leur investissement : les conditions de l’offre sont réunies . Mais la motivation de l’investissement diminue car le niveau de consommation et donc de demande effective diminue : les conditions de la demande sont détériorées .
Ainsi , les entreprises ont besoin de fonds pour investir : la faiblesse de l’épargne qu’elle provienne des entreprises ou des ménages , peut limiter le financement de l’investissement . L’épargne est donc une condition nécessaire pour investir .Mais rien ne permet d’affirmer que cela soit une condition suffisante : les entreprises investissent certes quand elles ont les moyens de le faire , mais aussi quand elles ont des débouchés . Une trop forte épargne peut ainsi , en réduisant la consommation , limiter la demande effective et rendre l’investissement moins intéressant .


I – LA PENURIE D’EPARGNE PEUT CONTRIBUER A LA FAIBLESSE DE L’INVESTISSEMENT

« Depuis 10 ans , on nous annonce régulièrement une pénurie d’épargne . L’argent se fait rare , menaçant le développement de l’investissement » ( doc 3A ) . Ainsi la faiblesse de l’investissement s’expliquerait par les difficultés de son financement par l’entreprise . Celui-ci peut avoir une double origine : soit un financement interne , par le biais des profits non distribués de l’entreprise , soit un financement externe qui est un appel à l’épargne des ménages notamment par l’intermédiaire du marché financier . Dans les deux cas , « on reprend toujours le schéma classique : l’épargne est première , elle préexiste à l’investissement , constitue sa source de financement et détermine son niveau » ( doc 1 ) . Ainsi l’insuffisance des profits des entreprises et des capacités d’épargne des ménages expliqueraient la défaillance de l’investissement , car l’épargne est le seul facteur de l’investissement .


A – L’EPARGNE , LE SEUL DETERMINANT DE L’INVESTISSEMENT

En effet , « sans épargne , pas d’investissement : l’épargne est une condition préalable à l’investissement » ( doc 2 ) . Pour les néo-classiques , les entreprises ne vont regarder que les conditions de rentabilité et de financement de l’investissement et ne vont pas s’intéresser aux conditions de la demande . Car , d’après la loi de Say , tout ce qui est produit trouvera un débouché dans la mesure où le bien est vendu au prix du marché .
Cette loi repose sur une conception particulière de la monnaie : la théorie quantitative de la monnaie d’I.Fisher . Celle-ci ne sert qu’à favoriser les échanges . Ainsi , les individus ne sont pas victimes d’illusion monétaire et ne veulent pas garder des capitaux sous forme liquide ( c’est-à-dire thésauriser ) , car ils perdraient la rémunération d’un placement financier . L’épargne est donc intégralement placée ; il n’ y a donc pas de fuite du circuit économique .
L’entreprise en produisant verse des revenus d’un montant équivalent . Ceux-ci auront deux destinations : la consommation qui sert à acheter des biens et services qui vont être détruits et l’épargne . Comme celle-ci sera placée et rémunérée , elle servira à financer l’achat de biens d’équipement . Ainsi , la production trouve toujours un débouché car l’intégralité des revenus versés servent à l’achat d’un bien qu’il soit de consommation ou d’investissement .
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Le seul déterminant de l’investissement est donc l’épargne qui peut être direct ( provenir directement de l’effort des entreprises ) ou indirect ( de la part des ménages )


B – SON INFLUENCE SUR L’INVESTISSEMENT

1 – LE ROLE DU PROFIT SUR L’INVESTISSEMENT

La source la plus facile et la moins coûteuse reste le profit des entreprises . Celui-ci a un rôle déterminant sur l’investissement comme l’affirme le théorème de Schmidt : « les profits d’aujourd’hui font les investissements de demain et les emplois d’après-demain » Un nontant élevé de bénéfices permet ainsi de financer l’investissement , mais aussi de motiver l’investissement : un fort niveau de profit est ainsi un signe de rentabilité et incite les entreprises à investir encore plus pour avoir plus de profit . Un cercle vertueux se crée alors : les profits génèrent de l’investissement qui assure un nouveau cycle de profit et donc d’investissement .

2– LE ROLE DE L’EPARGNE DES MENAGES SUR L’INVESTISSEMENT

L’épargne des entreprises se révèle ssouvent insuffisante pour l’investissement souhaité des entreprises . Dans ce cas , l’entreprise fait appel à l’épargne des ménages .
La différence avec le financement interne est que cette épargne a un coût : le taux d’intérêt réel d’après les néo-classiques .Ainsi , avant d’emprunter et donc investir , l’entreprise doit vérifier la rentabilité de cet investissement . Pour cela , les entreprises , d’après les néo-classiques , vont adopter un comportement à la marge : elles comparent ce que leur coûte un unité de capital supplémentaire investi ( le taux d’intérêt réel ) avec ce que cela lui rapporte ( la productivité marginale ) . L’entreprise va donc investir si elle fait un profit supplémentaire , c’est-à-dire si le taux d’intérêt réel est inférieur à la productivité marginale du capital . Ainsi , plus le taux d’intérêt réel sera faible , plus le nombre de projets d’investissement passera cette condition , plus les entreprises vont acquérir des biens durables .
Or « l’épargne est une offre de capitaux qui rencontre sur le marché l’investissement , l’ajustement s’effectuant par les variations du taux d’intérêt » ( doc 2) . Plus l’offre de capital sera importante , plus le taux d’intérêt réel diminuera , ce qui favorisera l’investissement .

A contrario , la faiblesse de l’épargne génère une hausse des taux d’intérêets réels et donc des difficultés de financement de l’investissement . S.Trouvelot écrit ainsi : « L’argent se ferait rare . Parmi les symptômes qui fondent ce diagnostic , le maintien des taux d’intérêts réels . La logique paraît imparable sachant que le taux d’intérêt est le prix de l’argent , s’il est élevé , c’est bien que l’argent est rare . »

Cette analyse paraît vérifiée quand on étudie la fin des années 70 ( doc 1 A et B ). Cette période est marquée par un déficit d’épargne de la France ( ( 4 % du PIB en 82 ) . Celui s’explique par des besoins de financement important des entreprises ( 6 % du PIB en 79 ) et de l’Etat ( 4 % en 80 ) , alors que les ménages épargnent relativement peu ( 2 % du PIB en 79 ) .Parrallélement , l’investissement augmente peu ( 3 % en 78 , à comparer avec la croissance de 12 % de l’investissement en 72 ) . De même la remontée de l’épargne au début des années 90 se traduit par une reprise de l’investissement : le déficit d’épargne de la France se réduit , passant de 4 % du PIB en 82 à un excédent de 0,5 % en 94 . En effet ,l’effort d’épargne des ménages est passé de 0,5 % du PIB en 90 à 4 % en 94 . L’investissement connaît alors une augmentation beaucoup plus rapide : près de 10 % d’augmentation en 88 .

Cette forte corrélation entre niveau d’épargne et taux de croissance de l’investissement est donc bien le signe de l’importance des conditions de l’offre : l’épargne paraît être un préalable à l’investissement .


II_ LES EFFETS PERVERS D’UNE EPARGNE TROP ABONDANTE

A – CONSTAT


Or cette relation n’a rien de mécanique : une augmentation rapide de l’investissement peut être corrélée avec une épargne limitée ( début des années 70 ) , comme une hausse lente de l’ investissement avec une épargne abondante : depuis 94 , la France dégage une épargne excédentaire , c’est-à-dire que son épargne est supérieure à l’investissement ( ( 2 % du PIB en 98 ) , alors que l’investissement diminue ( de 6 % en 93 ) ou augmente très lentement ( 3 % en 94 ) ( doc 1 ) .

Un fort niveau d’épargne n’est donc pas une condition suffisante pour assurer de l’investissement ;pire encore , il peut être à l’origine d’une réduction de l’investissement .

B- L’EPARGNE N’EST PAS LE SEUL DETERMINANT DE L’INVESTISSEMENT

1 – UNE PROBLEME NON DU NIVEAU D’EPARGNE MAIS DE LA RELATION ENTRE EPARGNE ET INVESTISSEMENT

En effet , il ne suffit pas seulement d’avoir de l’épargne , il faut aussi cette épargne soit placée dans des investissements productifs . Or , d’après S.Trouvelot « il y a pénurie de prêteurs disposés à prendre des risques à long terme » ( doc 3 A ) . Comme les prêteurs n’ont pas confiance à l’avenir , ils demandent des rémunérations importantes , ce qui freine l’investissement sans pénurie d’épargne . Ce n’est pas donc pas la quantité d’épargne qui est en cause , mais son affectation : les épargants préfèrent des placements sûrs , plutôt que de les prêter aux entreprises .

Si le contexte est peu porteur , si les prêteurs ont peur de prêter c’est peut-être parce que l’investissement ne dépend pas seulement de l’épargne mais aussi de la demande , ce qui remet en cause la loi de Say .


2 – LA REMISE EN CAUSE DE LA LOI DE SAY

La théorie de J.B.Say repose sur une hypothèse particulière : tout ce qui est épargné est placé . Selon P.Combemale et J.J.Quiles , « cette conception nous fait voyager sur l’île de Robinson » ( doc 4 ) , autrement dit une société de petite taille , peu développée où les échanges sont peu nombreux . Mais dès que l’économie est beaucoup plus vaste , cette hypothèse paraît plus difficile à concevoir .
La remise en cause de Keynes va plus loin en critiquant la conception de la monnaie de Fisher : la monnaie est un bien particulier , qui ne peut être assimilé à un bien quelconque . La détention de monnaie repose sur 3 motifs : l’échange qu’admettent les néo-classiques , mais aussi la précaution , pour faire face à des dépenses imprévues et la spéculation pour profiter de hausse des taux d’intérêt futurs . Dans ces conditions , les individus gardent une partie de leur épargne sous forme liquide : ils thésaurisent , ce qui est une fuite du sdystème monétaire . Ainsi , une partie de la production ne trouve pas d’acheteurs , puisqu’une partie des revenus versés ne sert pas à acquérir des biens de consommation ou d’investissement .

La production issue d’un investissement risque donc de ne pas être rentable comme « des millions de mètres carrés d’immobilier de bureaux construits à New York , Tokyo et Paris , qui demeurent encore aujourd’hui désespérement vides » ( doc 3 A ) . Avant d’investir , les entreprises doivent regarder la demande effective .


C – UN NIVEAU TROP ELEVE D’EPARGNE PEUT REDUIRE L’INVESTISSEMENT

Or un excédent d’épargne va engendrer un déficit de consommation et de demande effective . Comme l’écrit P.A.Delhommais « les français seraient trop cigales et pas assez fourmis » ( doc 3 B

1 – LE ROLE DE LA DEMANDE EFFECTIVE


Car d’après le modèle de l’accélérateur d’Harrod , l’investissement dépend de la croissance de la demande : plus celle-ci augmente rapidement , plus l’investissement va être élevé . Or , les résultats empiriques vérifient cette relation ( doc 1 B ): quand la croissance du PIB est forte ( 5 % par an en 72 ) , l’investissement augmente rapidement ( ( 13 % ) ; quand la demande dimune ( 0,5 % en 94 ) , l’investissement diminue ( 8 % ) . L’effet de la demande est bien accéléré , car les variations de l’investissement ont une ampleur plus grande que celles de la demande .
Le fort niveau d’épargne a donc « un résultat mécanique : la consommation diminue » ( doc 3 B ) ce qui laisse envisager une réduction de l’investissement encore plus fort . En effet , si les entreprises escomptent une réduction de leurs débouchés , elles vont opérer des placements alternatifs à l’investissement . Car l’objectif de l’entreprise est de rentabiliser aux maximum ses fonds propres ( la rentabilité financière ) . Elle dispose de deux possibilités : l’investissement productif mesuré par la RF et le placemement financier dont la rémunération est le taux d’intérêt . Si les perspectives de demande sont incertaines , l’entreprise préférera opérer des placements financiers .

Investir nécessite donc d’avoir des débouchés en croissance , mais le problème du financement risque de se poser car « nous vivrions donc tous au-dessus de nos moyens , sacrifiant l’avenir au présent» ( doc 3 A ) . Or cet écueil n’en est pas un comme l’écrit S.Trouvelot ( doc 3 A ) : « en bonne logique macro-économique , les investissements réalisés doivent engendrer un surplus de richesse et donc plus d’épargne , permettant d’assurer l’équilibre ultérieur de l’épargne et de l’investissement » ( doc 3 A ) .


2 – SANS PROBLEME D’EPARGNE

C’est la logique du multiplicateur développé par Keynes : une augmentation initiale de la demande génère une augmentation de la production et des richesses plus forte . Ainsi , à la condition d’une économie fermée , c’est-à-dire sans importations et exportations , une hausse initiale de l’investissement entraînerait une hausse de la production et donc des revenus versés . Ceux-ci sont alors partagés entre consommation et épargne . L’augmentation de la consommation permet donc une nouvelle hausse de la demande effective et donc des richesses crées . La hausse de l’épargne assure le financement de l’investissement . Ainsi , ex ante le financement de l’investissement peut se faire de manière monétaire par le biais d’une politique monétaire expansionniste qui favorise la baisse des taux d’intérêt nominaux . Mais ex post , il y a bien égalité réelle de l’investissement et de l’épargne .

« L’origine des maux de l’économie française , et de ses contre-performances en matière de croissance »serait donc clair« un taux d’épargne au-dessus de 17 % » ( doc 3 B )


Le début des années 80 a donc bien mis en évidence le rôle important de l’épargne sur l’investissement : le manque de fonds propres et les taux d’intérêt élevés empêchaient les entreprises d’investir. L’augmentation du niveau d’épargne à la fin des années 80 a , au contraire , favorisé la hausse de l’investissement . Mais l’effet n’a été que de courte durée : dès la fin des années 90 , l’augmentation du montant de l’épargne a génèré uine baisse de la consommation et donc de la demande effetive : les entreprises ont certes les moyens financiers d’investir , mais plus la motivation : l’augmentation de la production résultant de cet investissement supplémentaire ne trouverait pas d’acheteurs . Si l’épargne a certes une influence sur l’investissement , trop d’épargne est préjudiciable à l’investissement et à la croissance .
S’interroger sur l’antériorité de l’épargne ou de l’investissement n’est pourtant pas seulement un problème théorique réservé à quelques économistes . Il est à la base des politiques économiques visant à relancer la croissance économique et réduire le chômage . En effet , si on postule que l’épargne est un préalable à l’investissement , il faut prendre des mesures pour favoriser l’épargne . C’est ce que fait le gouvernement aujourd’hui : « il ponctionne les classes moyennes qui consomment pour redistribuer aux contribuables aisés , qui ont tendance à davantage épargner » ( doc 3 B ) . Si , au contraire , l’hypothèse est l’influence de la consommation sur l’investissement , la solution est alors d’imposer les plus riches et d’accroître les revenus des plus pauvres qui ont la propension à consommer la plus forte . Ce type de mesures implique alors d’accroître les taux de prélèvements obligatoires pesant sur les ménages les plus aisés . Or , la mondialisation économique empêche l’application de cette politique , car elle pousserait à la délocalisation d’entreprises ou à la fuite des plus qualifiés . Pour éviter cette contrainte extérieures , la seule solution passe par une coopération internationale , comme cela pourrait se faire au niveau de l’Europe . Mais les difficultés qui sont apparues lors de la création de l’euro et les problèmes liés à la souveraineté nationale sont de mauvaise augure pour envisager une politique budgétaire commune .

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