Devoir de première sur les démarches en sociologie

DEVOIR PREMIERE 2 HEURES N° 1
EXERCICE 1:

Pourquoi les ouvriers américains firent-ils preuve de racisme anti-noir dans les années qui suivirent la Première Guerre mondiale. Écoutons la réponse de Merton :" Parce qu'ils ne comprennent pas le fonctionnement de la prophétie créatrice, de nombreux Américains de bonne volonté sont amenés (souvent à contrecœur) à perpétuer les préjugés ethniques et raciaux. Ils considèrent les croyances, non comme des préjugés ou des préventions, mais comme les fruits certains de leur propre expérience. "Les faits eux-mêmes" leur interdisent toute autre conclusion.

Ainsi, notre honnête citoyen blanc soutient vigoureusement la politique qui exclut les Noirs des syndicats. Apparemment, ses vues sont basées non sur une prévention, mais sur les faits "durs et froids". Et les faits semblent suffisamment clairs. Les Noirs "arrivés récemment d'un Sud non encore industrialisé, ignorent la discipline traditionnelle des syndicats ,aussi bien que l'usage des conventions collectives". Le Noir est un briseur de grève. Le Noir "avec son niveau de vie inférieur", accepte sans discussions de très bas salaires. En un mot, le Noir est un "traître à la classe ouvrière" et l'on doit donc l'exclure des syndicats. Voilà comment notre syndicaliste tolérant mais entêté voit les faits, et ce, parce qu'il ne comprend pas que la prédiction créatrice est l'un des processus de base de la société.

Notre syndicaliste ne se rend évidemment pas compte que lui et les siens ont créé les "faits" qu'il observe. Car définissant la situation (les Noirs en opposition irréductible au principe du syndicalisme) et excluant les Noirs des syndicats, il provoque une série de conséquences rendant difficile, sinon impossible, à nombre de Noirs de n'être pas des "jaunes".

Sans travail après la Première Guerre mondiale et rejetés des syndicats, des milliers de Noirs n'ont pu résister aux patrons , qui, gênés par la grève, insistaient pour leur ouvrir la porte de ce monde du travail dont ils étaient exclus. (...) Les faits ont montré que les Noirs étaient des briseurs de grève parce qu'ils étaient exclus des syndicats (et de toute une série de travaux), et non le contraire : en effet ils n'ont jamais joué le rôle de "jaunes" dans les industries qui, ces derniers temps ,les ont admis dans leurs syndicats".

QUESTIONS :
1 - Définissez en les opposant les démarches objectivistes et subjectivistes . ( 4 points )
2 - Indiquez quelles sont les raisons qui selon Merton conduisent les blancs à rejeter les noirs . ( 1,5 points )
3 - Peut-on qualifier les blancs de racistes d'après Merton ? Fait-il appel à une démarche objectiviste ? ( 3 points )
4 - En quoi le rejet des noirs opéré par les blancs va t'il être à l'origine d'une prophétie créatrice ? Définissez ce terme et présenter la prophétie . ( 3 points )


EXERCICE 2 :

Déjà en 1973, dans un livre au titre évocateur "Le génie britannique", P. Grosvenor et I. Mac Millan, après avoir embouché la trompette patriotique pour saluer les impressionnantes réussites de la Grande-Bretagne dans les sciences, les techniques et les arts, observaient en toute candeur : "Dans l'ensemble, les Britanniques ne sont pas un peuple voué au travail, considéré comme une fin en soi... Le week-end est une institution nationale, jadis réservée aux classes aisées, mais qui s'est généralisée...". Et les auteurs ajoutaient : "La passion des Britanniques pour le sport, comme spectateurs ou participants, est si forte qu'elle relègue au second plan le souci de gagner de l'argent..."

La mauvaise performance économique a sa contrepartie : celle d'un certain art de vivre, à l'abri des angoisses et tensions de la compétition, de ce que les Américains appellent la rat race (la "course des rats"), la concurrence effrénée.
Arrivés à un certain niveau de vie, les Britanniques semblent considérer que l'effort supplémentaire qui leur assurerait un accroissement de revenus n'en vaut pas la peine... Il faut bien se garder de généraliser mais il est facile de déceler, du haut en bas de la société britannique, un certain détachement, et même une résistance profonde à l'égard de l'idéologie du travail.
Qu'ont répondu des ouvriers d'une usine Leyland, il y a quelques années, à leur direction qui leur offrait une augmentation de 20% pour un travail de nuit supplémentaire : "Non, nous avons le droit de rester chez nous, en famille, surtout quand nos ménages connaissent des difficultés..."

En 1977, selon l'hebdomadaire New Society, deux tiers des personnes interrogées déclarèrent préférer une vie agréable à gagner un maximum d'argent :curieusement, le "peuple de boutiquiers" est réfractaire au credo libéral, à la religion du succès. Mieux que d'autres, les Britanniques résistent au pilonnage de la publicité, et ne se sortent pas malheureux parce que les voisins Jones ont une nouvelle voiture...

SOURCE : "La Nouvelle Économie anglaise", Le Monde, Enquêtes-Économie,1979.

QUESTIONS:

1 - Rappelez la définition d'un homo oeconomicus, d'un homo sociologicus actif, et celle d un homo sociologicus passif ? ( 3 points )
2 - Quel est le comportement des britanniques par rapport au travail et à la richesse ? Opposez le au comportement des américains. ( 2 points )
3 -Quel est le comportement qui se rapproche le plus de celui de l'homo oeconomicus ? Justifiez.
( 2 points )
4 -Peut-on considérer que les Britanniques quand ils agissent sont moins rationnels que les Américains ? ( 3 points )


EXERCICE 3 :

Dans les années 60, le gouvernement indien charge une prestigieuse université américaine de conduire une étude sur les moyens à mettre en œuvre pour atteindre son objectif de limitation des naissances. Dans la phase préliminaire de l'étude, les chercheurs mettent au point un plan d'observation en bonne et due forme. Ils distribuent des pilules contraceptives dans certains villages du Pendjab, tandis que d'autres villages sont promus au statut de groupe de contrôle : il s'agit de s'assurer que la baisse éventuelle de natalité qu'on observe dans les villages où les pilules ont été distribuées est bien due à la pilule et non à d'autres causes.

L'expérience se révèle entièrement négative. Les taux de natalité baissent, mais ils baissent exactement dans les mêmes proportions ici et là, dans les villages à pilule et dans les villages sans pilule. Cette baisse de natalité ne peut donc être imputée à la pilule : comme elle est semblable dans les deux types de villages, on en déduit aisément que la distribution de la pilule n'a eu aucun effet. Immédiatement, les chercheurs interprètent ce résultat en évoquant l'attachement du paysan indien à ses traditions séculaires, son refus de l'innovation, sa méfiance vis-à-vis des produits venus d'ailleurs, sa résistance à l'idée de modifier artificiellement des processus naturels. Bref, le comportement des Indiens est interprété comme déterminé par des forces sociales échappant au contrôle de l'individu. Ce diagnostic posé, le remède proposé est alors le suivant : il s'agit bien sûr de convaincre les paysannes indiennes de prendre la pilule. Mais il faut se
garder d'insister trop directement sur ses effets bénéfiques : un être aussi irrationnel que le paysan indien ne saurait être sensible à des arguments rationnels. Il convient plutôt de le prendre par la bande, par la gentillesse. Des anthropologues suggèrent notamment d'indianiser autant que faire se peut les équipes d'intervention : l'Indienne acceptera plus facilement la pilule si elle lui est proposée par un compatriote plutôt que par un étranger à peau blanche. Ce qui est fait.

Cette nouvelle " stratégie de communication " se révèle d'une extraordinaire efficacité, en apparence du moins. À partir du moment où elle est mise en œuvre, la proportion de foyers qui acceptent de recevoir le petit stock de pilules que leur proposent les chercheurs indiens augmente brutalement et le pourcentage des villageois se déclarant favorables à la contraception grimpe jusqu'à 90 %.

En fait, les villageois n'ont fait que rendre leur gentillesse aux chercheurs. Ceux-ci viennent de si loin ! Ils paraissent si dévoués, si attachés à rendre service qu'il serait bien discourtois de les contrarier ! On accepte donc les pilules et on va même jusqu'à se déclarer convaincu des bienfaits de la contraception. Mais l'on s'en débarrasse dès que les chercheurs ont le dos tourné.

Pourquoi ? Il suffirait aux chercheurs d'écouter les paysans pour le savoir. Les paysans l'ont déclaré sans ambages à ceux des chercheurs qui ont eu la curiosité de le leur demander : plus ils ont d'enfants, mieux ils se portent.
Et c'est vrai. Dans un contexte économique comme celui des villages du Pendjab, un enfant ne coûte pas cher. Il ne coûte cher ni à élever, ni à soigner, ni à éduquer. En revanche, il permet au paysan d'augmenter la productivité de la terre familiale, et il lui évite de recourir à une main-d'œuvre salariée toujours coûteuse. S'il travaille à l'extérieur, comme c'est souvent le cas, son salaire vient arrondir les revenus de la famille. Il peut ainsi contribuer à financer les frais d'éducation de ses cadets.

Si les chercheurs ne réussissent pas à mener les paysans indiens à leurs vues, ce n'est donc pas que ces derniers soient la proie d'incurables superstitions. Leur comportement en matière de natalités/apparaît au contraire comme parfaitement compréhensible et, en ce sens, comme rationnel, à partir du moment où l'on tient compte des caractéristiques de leur environnement.

SOURCE :Raymond Boudon, L'Idéologie ou l'origine des idées reçues, Fayard, 1986.

QUESTIONS :
1 - En quoi consiste la phase préliminaire de l'étude menée par les chercheurs américains ? ( 1,5 points )
2 - Que révèle-t-elle ? ( 1 point )
3 - Comment le comportement des indiens est-il expliqué dans un premier temps ? Quelle méthode sociologique est utilisée ? ( 3 points )
4 - Quelle conception de l'individu ont les premiers chercheurs ? ( 1,5 point )
5 - Quelles solutions sont alors proposées pour résoudre le problème d'adoption de la pilule ? Sont-elles un succès ? ( 2 points )
6 - Comment R.Boudon explique -il cet échec ? Quelles leçons sociologiques tire-t-il du phénomène social étudié ? ( 4 points )




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