QSTP et correction première : culture et vêtement

QUESTION DE SYNTHESE - CULTURE ET VETEMENT
DOSSIER DOCUMENTAIRE :
DOCUMENT 1 : '' L'homme ne s'est pas vêtu pour avoir chaud; tardivement, il a utilisé pour se préserver du froid de l'hiver et aussi des ardeurs de l'été des accessoires qu'il avait d'abord ajoutés à sa personne pour de tout autres fins. Bien avant de s'envelopper 'd'une robe et d'un manteau, il s'est orné de colliers, de bracelets et de bagues; il s'est logé des pierres, des métaux, des coquilles, des os, des bois précieux dans le lobe de l'oreille, la cloison du nez, la lèvre.
Il s'est peint la peau : le tatouage n'est pas un vêtement chaud. Les peaux d'animaux furent l'exhibition des dépouilles qu'un habile chasseur était fier de montrer, avant que l'arrivée de la période glaciaire en fît une nécessité. Les étoffes elles-mêmes furent des engins de pêche et de chasse, puis des insignes et des trophées, plus tard seulement des défenses contre les intempéries.
La fonction pudique du vêtement est presque universelle et sans doute fort ancienne. Chez beaucoup de peuplades de la zone tropicale, sauf les accessoires décoratifs ou distinctifs, anneaux, colliers, tatouages, insignes, le costume se réduit à une pièce d'étoffe qui voile les parties sexuelles.
SOURCE : E.Goblot , La barrière et le niveau,P.U.F., 1967(1° édition 1925).

DOCUMENT 2 : En 1994, le couturier Christian Lacroix affirmait dans le catalogue d'une exposition consacrée au jeans et à son histoire : « Le monde est bleu et ce sera pour toujours la couleur de la seconde moitié de ce siècle, celle qui recouvre tous et toutes d'une nuance unique. »
Vêtement de travail, de loisirs et enfin de mode, le jeans, hérité du XIXe siècle, a progressivement gagné toutes les garde-robes. Porté dans tous les pays du monde, il est le témoin parfait d'une mode en train de se mondialiser.
L'histoire du jeans recouvre celles de deux étoffes et d'un vêtement. Pour démêler une réalité un peu confuse, il convient de donner quelques définitions. Le Jean est un sergé de coton d'une seule couleur, reconnaissable à ses côtes obliques. Le denim est également un sergé de coton mais il est particularisé par des fils de chaîne bleu indigo non teints à cœur et par des fils de trame écrus. Ce qui explique le délavage progressif propre au vieillissement de cette étoffe. Le jeans, dérivé de l'expression anglaise a pair of jeans, ou Jean comme il est dit improprement en France, est un pantalon en denim d'une forme précise. ( … )
Au début du XXe siècle, le jean trousers, ou pantalon Jean, présenté dans les catalogues de vente par correspondance de la maison Montgomery Ward est un pantalon de coupe classique réalisé dans un tissu de jean. Les vêtements de travail en denim bleu aux grosses surpiqûres se divisent eux en deux catégories : les overalls, ou vêtements de dessus, (pantalons larges, salopettes, combinaisons et larges vestes), et un pantalon surnommé California pants style overalls. Il s'agit d'un modèle de pantalon mis au point en Californie et destiné d'abord aux professions qui s'exercent à cheval. Il se caractérise par une taille ajustée, au maintien renforcé par une patte de resserrage au dos, une ceinture à passants, des boutons rivetés et cinq poches : deux latérales, deux plaquées au dos et, sur le devant, une petite poche placée sous la ceinture.
C'est un pantalon de ce type que Levi Strauss a perfectionné. Un tailleur, Jacob Davis Youphes, avait eu l'idée de renforcer à l'aide de rivets les poches des pantalons qu'il confectionnait. Désireux de réunir des capitaux, il proposa une association à Levi Strauss qui fit enregistrer le brevet de l'invention en 1873. ( … )
Au début du XXe siècle le pantalon de travail californien est toujours appelé overall. La maison Levi Strauss n'adoptera d'ailleurs le nom de jeans que dans les années 1960 car elle voulait mettre en valeur avec le mot overall la fonction utilitaire du vêtement.
Ce n'est que dans le deuxième quart du XXe siècle que le nom de jeans vint désigner un pantalon de travail en denim appartenant à la panoplie du cow-boy. À travers la littérature et le cinéma - notamment les western - la figure du cow-boy est en effet devenue une image
emblématique des valeurs morales que l'Amérique revendique. Sa reconnaissance passe également par celle de la culture de l'Ouest, région désormais visitée par les élégants de la côte est. Ils en rapportent des vêtements typiques, en particulier ce pantalon en denim, ajusté à la taille, qu'ils prennent l'habitude de porter comme vêtement de sport et de loisir. ( … ) .
C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que le jeans est largement adopté par les adolescents désireux de se démarquer de leurs aînés. Le denim est en effet depuis le début du XX° siècle , aux Etats Unis , le matériau par excellence des vêtements de jeu pour enfants . Le port du jean permet de s’opposer au monde adulte et de prouver son identité . Les acteurs Marlon Brando et James Dean deviennent alors les figures de cette rébellion qui superpose à l’imagerie de l’Ouest et du cow-boy celle du mauvais garçon . Cependant le port du jeans reste encore cantonné aux loisirs : il est interdit à l'école. Dans les années 1960-1970, le jeans, en particulier le 501 de Levi Strauss, s'affirme comme l'uniforme d'une jeunesse rebelle tandis qu'il est utilisé par les plus âgés comme vêtement de détente. Dix ans plus tard, le jeans est adopté par toutes les couches de la société américaine et porté dans presque toutes les circonstances.
Mais c'est en Europe que le jeans devient enfin un produit de mode. Découvert dans les friperies et les surplus américains, il séduit à la fois par son mythe et par son bleu patiné. En Europe, à partir de 1968, un grand nombre de marques de jeans se développent. Elles adaptent le jeans à la mode en modifiant sa forme et parfois son étoffe.
SOURCE : P.Gorguet Ballesteros , Encyclopedia Universalis , 2004

DOCUMENT 3 :
A : Le vêtement reste le support privilégié de l'image que l'on donne aux autres. Il constitue un moyen de trouver et d'affirmer sa propre personnalité, mais aussi parfois d'en changer. Certains choisissent de se fondre dans leur environnement professionnel ou social en endossant une sorte d'uniforme qui leur permet d'être transparents et d'avancer masqués. D'autres cherchent à signifier leur appartenance à un groupe social restreint (tribu). D'autres enfin jouent avec leur apparence dans le but de brouiller les cartes ou de révéler des facettes différentes de leur identité.
De plus en plus souvent, les Français ajoutent des touches personnelles à leur habillement, pour se différencier des autres ou jouer avec leur identité. Dans ce contexte, la mode ne joue plus qu'un rôle mineur. Elle propose des idées et des thèmes qui seront la plupart du temps détournés et mélangés par les individus afin de créer leur propre style. Etre ou paraître, se fondre ou s'affirmer, tels sont les choix qui s'offrent à chacun dans toutes les circonstances de sa vie. Ils sont de moins en moins définitifs et peuvent changer selon moment de la journée, de la semaine , de l'année ou de la vie.
Il est difficile de lire dans la mode actuelle des tendances générales, car elles sont brouillées par la récupération, le détournement et les clins d'œil au passé. Les créateurs jouenf ( … )Le souci de personnalisation explique le mélange de kitsch, de vintage (vêtements vieillis) et de vêtements « customisés » (ajout de touches personnelles).
SOURCE : G.Mermet Francoscopie 2003 , Larousse 2002

B : De Tokyo à Milan en passant par New York et Paris, la vague bleue qui déferle dans les rues donnerait presque le mal de mer. Aux Etats-Unis, le marché du denim pour adultes atteint 9,5 milliards de dollars. En France, 54 millions de paires ont été vendues en 2001 (45 millions en 1999). ( … )
Dans la rue le jean s'impose comme le porte-parole du moi en version griffée D&G ou customisée. Stars de la saison, les effets d'usure et de délavage artificiels, le phénomène taille basse .( … )
A Paris, rue Etienne-Marcel -artère où se concentrent les plus grands fabricants de denim – des adolescentes balaient le bitume avec leurs jeans pattes d'ef fendus sur des tennis All Star. En pantalon taille basse tailladé sur les jambes et teint d'ocré sur les fesses,.une autre semble revenir d'un sit-in punk. Un quinquagénaire ose même un modèle brut à moustaches blanches. Désormais, le jean n'a plus d'âge. «Il y a deux ans, la clientèle avait entre 16 et 30 ans. Aujourd'hui, elle va jusqu'à 45 ans, surtout chez la femme », explique Patrick Ekmi, responsable «Five Pocket» chez Diesel. Il faut dire qu'il ne s'agit plus du basique cinq poches, style 501, tellement confortable, mais si peu seyant aux derrières féminins.
Il y a quatre ans, les créateurs lui ont apporté une caution d'élégance en jouant sur sa toile les sophistications et les coupes anatomiques : Gucci avec son jean déchiré et rebrodé de plumes, Chloé avec ses pantalons ultrasexy. Les stars aussi ont rechargé son sex-appeal, en le personnalisant. En 2000, la chanteuse pop Mariah Carey posait avec un jean dont la ceinture, découpée au ciseau, s'effilochait au-dessous du nombril. Une idée reprise depuis par la marque Liberté. ( … )
Peu importe , à travers l’art des détails le jean joue la personnalisation et devient le porte-parole du moi .
SOURCE : C.Brunel , La vague bleue , 20 juillet 2002

DOCUMENT 4 : A l'heure où le style international gomme toutes les différences vestimentaires, à l'heure où l'Amérique « politiquement correcte » impose à l'Europe ses standards puritains, comme elle avait imposé, dans les années 60-70, l'unisexe et la nudité émancipatrice, ce Woodstock féminin aura révélé l'importance du costume et de la parure dans l'affirmation première, instinctive, d'une identité.
Dans les années 60, les tenues occidentales étaient apparues pour beaucoup comme l'uniforme de la libération féminine. «Même si la minijupe était autorisée dans mon pays, je ne la porterais pas, affirme aujourd'hui une Pakistanaise fidèle à son shalwar kameez (tunique flottant sur un pantalon de coton). Je trouve mon costume plus séduisant... » Une Népalaise de Katmandou, au front marque d'un point rouge, affirme jouer au volley-ball en sari, «parce que chaque instant de la vie est une cérémonie... »
Le costume traditionnel apparaît commme l'étendard vivant et individuel d'une différence. Un bagage tissé que chacun transporte avec soi, dans un sens retrouvé des racines, et la volonté de se raccrocher à une histoire, de s'identifier à une mémoire. ( … )
On ne peut que mesurer le décalage entre deux époques, mais également entre toutes ces visions du monde, cette relation aux autres, à laquelle le vêtement sert tantôt de langage, tantôt de repoussoir. Si dans l'Europe de l'après-« grunge » s'habiller apparaît comme le luxe d'un monde d'hier, le vêtement a valeur de principe de vie dans d'autres parties de la planète. « Car, si ma fille croise sur son chemin des dignitaires du village, elle doit recevoir le respect qu'ils lui doivent... », affirme une Sénégalaise, mère de sept enfants, cultivant le mil à Thies.
SOURCE : L.Beanaïm , La mode européenne n’est plus le symbole de l ‘émancipation féminine , Le Monde , 16 septembre 1995

I- TRAVAIL PREPARATOIRE


1 – A priori , quelles sont les fonctions du vêtement ? En quoi cette vision est-elle contestable ? A partir de la phrase soulignée , expliquez quelles sont les véritables fonctions du vêtement . ( doc 1 , 4 points)
2- Après avoir défini les termes sous-culture et contre-culture , vous montrerez en quoi le jeans est un symbole de la sous-culture et de la contre-culture de la jeunesse américaine ( doc 2 , 3 points )
3 - Après avoir rappelé ce qu’on entend par macdonaldisation de la culture , vous donnerez les raisons qui expliquent que le jeans soit devenu le vêtement représentatif du XX° siècle . ( doc 2 , 3 points )
4- Expliquez la phrase soulignée ; a quelle démarche sociologique se réfère-t-elle ? Présentez-là .( doc 3A , 3 points )
5-Aujourd’hui Gucci et Chloé ,deux marques de luxe , réinventent le jeans . A-t-il la même signification que celui porté par Marlon Brando dans les années 50 aux Etats-Unis ( doc 2 et 3 B , 3 points )
6 – Définissez les concepts de contre-acculturation et d’assimilation ,. Quel est le concept le plus approprié aujourd’hui ? Expliquez ( doc 4 , 4 points )

II- QUESTION DE SYNTHESE :

Après vous être interrogé sur l’origine du vêtement , vous vous demanderez si une uniformisation vestimentaire risque d’apparaître.

Après avoir montré que le vêtement relève apparemment de déterminants naturels , vous démontrerez qu’il est un élément de la culture . Dans une seconde partie vous développerez l’idée que l’on semble assister à une uniformisation mondiale des modes vestimentaires . Puis vous relativiserez en montrant que cette uniformisation n’est pas totale . Vous pourrez utilisez prioritairement l’exemple du jeans .
CORRECTION DE LA QUESTION DE SYNTHESE


« A l’heure où le style international gomme toutes les différences vestimentaires , à l’heure où l’Amérique « politiquement correcte » impose à l’Europe ses standards puritains , comme elle avait imposé , dans les années 60-70 , l’unisexe et la nudité émancipatrice , ce Woodstock féminin aura révélé l’importance du costume et de la parure dans l’affirmation première , instinctive d’une identité » ( doc 4)
Cette phrase de L.Beanaïm résume bien le statut ambivalent et paradoxal du vêtement . En effet , contrairement à ce que l’on pourrait penser a priori , l’origine du vêtement n’est pas d’ordre biologique , mais culturel ( « l’importance du costume dans l’affirmation première d’une identité ») . Comme la fonction essentielle du vêtement est de préciser son identité , il peut donc varier en fonction du contexte , de l’époque : il n’est donc pas immuable . Les vêtements vont donc évoluer en raison de la rencontre des cultures .
Comme il y a une hiérarchie des cultures , le risque est alors grand de voir apparaître une uniformisation vestimentaire ; tous les pays adoptant le jeans , symbole de la culture américaine , considéré come supérieure . Pourtant , ce risque apparaît , en réalité , peu important , puisqu’on assiste aujourd’hui à une individualisation croissante des vêtements et à un retour aux costumes traditionnels .
Après s’être interrogé sur l’origine ( naturelle ou culturelle ) du vêtement , on verra que la crainte de l’uniformisation vestimentaire est peu probable

I-

A – LES PRENOTIONS SUR LE VETEMENT SONT CONTESTABLES

1 – LES PRENOTIONS

Traditionnellement , la fonction du vêtement est double : la première est « une fonction pudique du vêtement presque universelle » qui « voile les parties sexuelles » ( doc 1 ) . La seconde est d’assurer la protection du corps face aux intempéries ( froid , vent , neige , … ) . En effet , l’homme , en tant qu’espèce humaine ne possède pas d’attributs naturels qui lui permettent de lutter contre les variations climatiques , à l’instar d’autres espèces animales ( couche de graisse , fourrure s’épaissisant en hiver , … ) .
L’utilisation de vêtements résulterait donc d’un impératif biologique et naturel : l’espèce humaine ne peut résister sans habits .


2 – SONT CONTESTABLES

Or , comme l’écrit E.Goblot ( doc 1 ) : « l’homme ne s’est pas vêtu pour avoir chaud ; tardivement , il a utilisé pour se préserver du froid de l’hiver et aussi des ardeurs de l’été des accessoires qu’il avait d’abord ajoutés à sa personne pour de toutes autres fins » . En effet , dans le grand nord canadien , des peuples continuent à chasser quasi nus . Ainsi , la fonction première du vêtement n’était pas de protéger le corps , ne répondait pas à des objectifs naturels , mais il avait des fonctions symboliques . « Bien avant de s’envelopper d’une robe et d’un manteau , il s’est orné de colliers , de bracelets et de bagues » ( doc 1 ) . L’homme a utilisé des parures pour des fonctions culturelles et sociales , puis celles-ci ont ensuite eu une fonction utilitaire : « les étoffes elles-mêmes furent des engins de pêche et de chasse , puis des insignes et des trophées , plus tard seulement , des défenses contre les intempéries » ( doc 1 ) .


B – LA FONCTION DU VETEMENT EST SOCIALE ET CULTURELLE

Un vêtement est donc un élèment de la culture qui transmet alors des valeurs , des normes , des rites , est le signe d’un statut

1 – LE VETEMENT EST UN ELEMENT DE LA CULTURE

En effet , « le vêtement reste le support privilégié de l’image que l’on donne aux autres » ( doc 3 A ) . Il doit signifier des valeurs , c’est-à-dire des idéaux développés par le groupe : l’exhibition de peaux de bêtes était le signe du courage et du sang-froid de l’individu ( doc 1 ) . Le vêtement transmet aussi des normes , c’est-dire des règles de conduite qu’un individu doit suivre pour atteindre un idéal : pour atteindre l’idéal de courage , la règle est donc de chasser ( doc 2 ) . Le vêtement est aussi le signe d’un statut , c’est-à-dire de la place d’un individu dans une des dimensions de l’espace social : ainsi , dans les années 30 , le jeans est un vêtement de travail ( doc 2 ) . Le vêtement peut aussi jouer le rôle de rite de passage qui est une pratique codifiée obéissant à des règles précises , et qui sert à marquer les étapes de la vie d’un individu . Dans les tribus primitives , le fait de porter certaines parures ( vêtements , signes corporels comme des tatouages ) sont l’expression de rites initiatiques permettant de montre le changement de statut .De même jusqu’aux années 50 , le passage de pantalons courts aux pantalons longs pour les garçons , le port de la première paire de bas pour les filles signifiait le passage de l’enfance à l’âge adulte .
Le vêtement est donc un élément de la culture ; il assure donc les fonctions de la culture : il permet de réunir une pluralité de personnes en montrant l’adhésion de l’individu à un groupe .


2 – D’UNE SOUS- CULTURE ET/ OU D’UNE CONTRE-CULTURE

« Le port d’un vêtement permet ainsi de signifier l’appartenance à un groupe social restreint ( tribu ) » ( doc 3 A ) . Ainsi , quand on compare deux entreprises américaines produisant le même bien informatique : IBM et Apple , on se rend compte que chacune développe un certain « uniforme » d’entreprise : chez IBM , les salariés portent des costumes foncés et des cravates , chez Apple le T-shirt et les jeans sont exigés . Ces tenues vestimentaires ne sont pas neutres mais révèlent le système culturel de chaque entreprise : chez IBM , on valorise la rigueur scientifique , chez Apple le côté farfelu du bidouilleur de génie. Les employés qui ne rentreraient pas dans le cadre vestimentaire seraient obligatoirement exclus , car cela signifierait leur refus de la culture d’entreprise .
Dans cet exemple , le vêtement est un élément d’une sous-culture, c’est-à-dire un système de valeurs , de normes et modèles de comportement , propre à un groupe social lui permettant de se différencier et d’intégrer ses membres en développant une conscience collective , sans pour autant s’opposer à la culture de la société . Ainsi , le jeans au départ est caractéristique des professions exerçant à cheval , il est représentatif d’un métier ( doc 2 ) . Ensuite , il est adopté par les classes riches « qui prennent l’habitude de le porter comme vêtement de sport et de loisir » ( doc 2 ) . Il est alors symbole de détente .
Dans un second temps le jeans va devenir un élément de contre-culture , c’est-à-dire la culture d’un groupe social dont les valeurs , les normes et les mdèles de comportement s’opposent au foyer culturel légitime de la société dans laquelle il réside En effet , après la seconde guerre mondiale , le port du jean était synonyme de jeunesse, puisque c’était « le matériau par excellence des vêtements de jeu pour enfants » ( doc 2 ) . Le port du jean permet donc de montrer la révolte des jeunes face au monde adulte , puisqu’il est interdit à l’école ( doc 2 ) . Il montre donc le refus de la jeunesse d’adhérer au modèle culturel dominant , puisque « les acteurs Marlon Brando et James Dean deviennent alors les figures de cette rébellion qui superpose à l’imagerie de l’Ouest et du cow boy celle du mauvais garçon ( doc 2 ) : celui qui refuse les règles normales de la société ( travailler pour vivre , se marier , acheter des biens matériels ) et en valorisent d’autres : liberté et indépendance ( refus de dépendre d’un patron ) , combines pour avoir un revenu

Comme le jeans a été symbolisé par des acteurs célèbres , il a profité de leur reconnaissance : par le biais du cinéma , il a été diffusé dans le monde entier .


II-

Le jeans a donc l’aura du cinéma , il est le symbole de la culture américaine . Les autres sociétés vont alors vouloir l’ adopter pour acquérir une partie du prestige de la société américaine .

A – UNE UNIFORMISATION APPARENTE DES VETEMENTS


En effet , « En 1994 , le couturier C.Lacroix affirmait dans le catalogue d’une exposition consacrée au jeans et à son histoire : « Le monde est bleu et ce sera pour toujours la couleur de la seconde moitié de ce siècle , celle qui recouvre tous et toute d’une nuance unique » ( doc 2 ) .

1 – CONSTAT

Le jean paraît donc être donc devenu l’uniforme de toute la planète , quel que soit le sexe , l’âge ou l’ethnie . Sa diffusion s’est faite de manière progressive . D’abord l’Europe à la fin des années 60 , puis le reste des pays . Ainsi , « de Tokyo à Milan en passant par New York et Paris , la vague bleue qui déferle dans les rues donnerait presque le mal de mer » ( doc 3 B ) .. Les quantités vendues sont donc impressionnantes : « aux EU , le marché du denim pour adultes atteint 9,5 milliards de dollars . En France , 54 millions de paires ont été vendues en 2001 » ( doc 3B ) . A l’intérieur des pays , il touche toutes les parties de la population : dès les années 70 , aux EU , « le jeans est adopté par toutes les couches de la société américaine et porté dans presque toutes les circonstances » ( doc 2 ) .Comme l’écrit C.Brunel , « le jeans n’a plus d’âge » ( doc 3 B ) ; P.Ekmi affirme : « il y a deux ans , la clientèle avait entre 16 et 30 ans . Aujourd’hui , elle va jusqu’à 45 ans , surtout chez la femme » ( doc 3 B )
Cette uniformisation vestimentaire est le signe d’un phénomène d’acculturation que Redfield , Linton et Herskovits définissent comme l’ensemble des phénomènes qui résultent d’un contact continu et direct entre des groupes d’individus de cultures différentes et qui entraine des changements dans les modèles culturels initiaux de l’un ou des deux groupes .


2 – EXPLICATIONS

a – L’ACCULTURATION

En effet , grâce au développement des moyens de communication , la rencontre des cultures s’accélère . La rencontre des cultures va donc modifier les différentes cultures , mais les changements culturels sont différents selon les rapports de pouvoir qu’elles entretiennent En effet , comme l’écrit D.Cuche , si toutes les cultures méritent la même attention et le même intérêt de la part du chercheur , cela ne permet pas d’en conclure qu’elles sont toutes socialement reconnues de même valeur . Il existe une hiérarchie de fait entre les cultures , soit à l’intérieur d’un pays , soit au niveau mondial . Quel que soit le niveau auquel on s’attache , une constance apparaît : la culture dominante est toujours la culture du groupe écononomiquement dominant . Comme les EU sont le pays le plus riche au monde , le plus puissant au niveau économique et politique , adopter le vêtement caractéristique des EU ( le jeans ) signifie prendre une partie du prestige américain et acquérir la culture américaine , considérée comme supérieure et signe de progrès. Les autres pays adoptent une fome particulière d’ethnocentrisme : un ethnocentrisme inversé , puisqu’ils sont eux-même persuadés de la supériorité de la culture américaine .

b-LE JEANS : UNE ADOPTION SYMBOLIQUE DE LA CULTURE AMERICAINE

En effet , le jeans véhicule des valeurs censées avoir permis la réussite économique des EU . Le jeans est avant tout caractéristique de la culture de l’Ouest ( doc 2 ) basée sur l’idée de frontière et de réussite individuelle : les immigrants arrivés aux EU avaient la possibilité d’améliorer leur sort s’ils en avaient la volonté et les capacités en partant toujours plus à l’Ouest . C’est donc le symbole de l’économie de marché puisqu’on postule que la liberté d’entreprendre permet et facilite la réussite individuelle .
En plus de la liberté , le jeans véhicule d’autres valeurs jugées supérieures par les sociétés occidentales : l’égalité . En effet , le jeans est un pantalon porté à la fois par les femmes et et les hommes . Il gomme donc les différences . « Ainsi , dans les années 60 , les tenues occidentales étaient apparues pour beaucoup comme l’uniforme de la libération féminine » ( doc 4 ) . Le jeans symbolisait donc une culture où toutes les énergies étaient mobilisées , ce qui favorisait la croissance et le développement .

c- L’ASSIMILATION

Comme cette acculturation s’est opéré dans une relation hiérarchique ( la culture américaine est la plus valorisée ) et volontaire ( les autres sociétés souhaitent imiter la culture américaine) , la conséquence risque d’être l’assimilation : la disparition des autres cultures qui acceptent intégralement les valeurs de l’autre . L’adoption mondiale du jeans donne ainsi l’impression d’une mcdonaldisation de la culture : il y aurait uniformisation culturelle qui risquerait à terme de conduire à la disparition des cultures les plus fragiles et les plus minoritaires .

Or , ce qui paraissait vrai dans les années 60 ne l’est plus aujourd’hui : il y un retour à l’individualisation des comportements pour montrer son identité , tant à l’intérieur des pays , qu’entre les pays .


B – MAIS NON REELLE

1 – A l’INTERIEUR DES PAYS :PLUS UN SEUL JEANS

En effet , parler de jeans semble aujourd’hui impropre puisque le seul point commun est le tissu : « un sergé de coton d’une seule couleur reconnaissable à ses côtes obliques » ( doc 2 ) . Il n’ a plus une seule forme : « une taille ajustée, au maintien renforcé par une patte de resserage au dos , une ceinture à passants , des boutons rivetés et cinq poches : deux latérales , deux plaquées au dos , et , sur le devant , une petite poche plaquée sous la ceinture » ( doc 2 ) , mais une multitude : « des jeans pattes d’ef » , « taille basse tailladé sur les jambes « , « modèle brut à moustaches blanches » ( doc 3 B ) .
Ce phénomène est le signe de deux tendances . La première est que le jeans a cessé d’être le symbole de la sous-culture et de la contre-culture américaine . Il est maintenant utilisé par les grandes maisons de couture qui en font des vêtements de luxe réservé à un élite : « il y a 4 ans , les créateurs lui ont apporté une caution d’élégance en jouant sur sa toile les sophistications et les coupes anatomiques : Gucci avec son jean déchiré et rebrodé de plumes , Chloé avec ses pantalons utrasexy » ( doc 3 B) . L’objectif du jeans est de montrer sa distinction sociale : en mettant un jean différent des autres , on montre sa richesse et sa puissance .
Ce phénomène s’inscrit dans une logique actuelle plus large : la volonté de s’affirmer et « de révéler des facettes différentes de son identité » ( doc 3 A ) .
« Dans ce contexte , la mode ne joue plus qu’un rôle mineur . Elle propose des idées et des thèmes qui seront la plupart du temps détournés et mélangés afin de créer son propre style » ( doc 3 A ) . Il y a donc un refus de la part des individus d’accepter les diktats faits par la société et une volonté , à partir d’un modèle de base , de créer son propre vêtement . C’est ce qui « explique le mélange de kitsch , de vintage et de vêtements customisés » ( doc 3 A ) . On est donc dans une logique interactionniste de la culture qui considère que la culture n ‘est un tout cohérent extérieur aux individus qui composent la société . Les individus , par leurs actions , vont participer à l’élaboration de la culture
.

2 – ENTRE- PAYS :UN RETOUR AU COSTUME TRADITIONNEL SIGNE D’UNE CONTRE-ACCULTURATION

A l’intérieur d’un pays , il n’ y a donc plus une seule mode vestimentaire basée sur le jeans . La diversité réapparaît aussi entre les pays .
En effet , à la différence des années 60 où l’acculturation débouchait sur l’assimilation , aujourd’hui celle-ci engendre une contre-acculturation c’est-à-dire un mouvement de refus actif de la culture dominante qui peut générer une contre-culture préconisant la restauration du mode de vie antérieur au contact .On assiste aujourd’hui à un retour au costume traditionnel : « une Pakistanaise fidèle à son shalwar kameez , une Népalaise en sari » ( doc 4 ) .
Ce retour aux vêtements caractéristiques d’une société s’explique par le fait que « le costume traditionnel apparaît comme l’étandard vivant et individuel d’une différence . Un bagage tissé que chacun transporte avec soi , dans un sens retrouvé des racines , et la volonté de se raccrocher à une histoire de s’identifier à une mémoire » ( doc 4 ) . La plupart des sociétés ont abandonné l’ethnocentrisme inversé des années 60 et adoptent une positon basée sur le relativisme culturel : les cultures sont différentes , mais on ne peut pas les classer selon un ordre hiérarchique , aucun jugement de valeur ne peut être porté sur une culture .
Les valeurs développées par les occidentaux ne paraissent donc plus universelles , car pour certaines sociétés , elles ne correspondent pas aux structures fondamentales de la culture .

Contrairement aux idées reçues , le vêtement ne répond pas à des exigences naturelles et biologiques : se protéger du froid , mais est un élément culturel : il véhicule des valeurs , des nomes et assure l’intégration d’un individu à une société ou à un groupe social ( sous-culture et contre-culture ) . Comme tout élément culturel , il va se transformer lors de la rencontre des cultures favorisée aujourd’hui par le développement des moyens de communication . Le risque est alors la macdonaldisation des cultures puisque la culture américaine est la plus valorisée : porter des jeans , symbole des EU assurerait une partie du prestige des EU . Pourtant , ce risque apparaît peu présent : on assiste aujourd’hui à une individualisation des comportements et à un retour aux costumes traditionnels .
En effet , les échanges ont toujours eu lieu ; les costumes traditionnels ne sont pas fixés ad vitam eternam , mais évoluent au cours du temps . Ainsi , le jean considéré comme un symbole des EU est né d’une rencontre avec la culture française , puisque le tissu vient de Nimes ( d’où son nom denim ) . Ainsi , aucune culture n’existe à l’état pur , identique à elle-même depuis toujours . On peut le voir aussi avec l’alimentation : la peur d’une uniformisation des modes alimentaires basée sur le macdo est très présente . Or , les aliments ont évolué au cours du temps et intégré les apports de cuisine étrangères en fonction de leurs goûts . Le processus d’acculturation est un phénomène universel : toute culture est un processus permanent de constructions , déconstructions et reconstructions . Certains , comme D.Cuche , préconisent alors de remplacer le mot culture par celui de culturation pour souligner cette dimension dynamique de la culture .

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