Thème 1 bis ECJS terminale

THEME 1 bis ECJS

SUJET : LA CROISSANCE EST-ELLE UNE CONDITION NECESSAIRE ET SUFFISANT POUR APPORTER LA DEMOCRATIE

Proposition de correction après le dossier documentaire


I - DOSSIER DOCUMENTAIRE

DOCUMENT 1 :
C'est, en effet, à partir de mon lieu culturel - de la bonne image que j'ai de moi-même - que je projette l'universalisable. Quoi de plus « naturel » que d'identifier l'universel à celui qui dit l'universalité ? L'hégémonisme « naturel » dans l'ordre du discours tire sa légitimité du fait qu'il en édicté lui-même les règles. C'est toujours notre société qui définit le cadre général par rapport auquel les autres sont situés. L'universalisme particulier n'entend l'égalité que comme égalisation des identités au profit de l'identité dominante. Il évalue l'ensemble de l'humanité selon des critères qui sont toujours favorables aux conceptions occidentales, comme l'est l'idée même d'universalité. La référence universaliste qui, par exemple, guide aujourd'hui l'action et la perception américaines du monde ne correspond pas à un universalisme ouvert et critique, lequel affirme partout les mêmes droits et les mêmes devoirs, partout une seule et même humanité devant profiter des mêmes aspirations, des mêmes possibilités, des mêmes libertés et des mêmes droits. La conviction d'une sorte d'adéquation entre la société américaine et un universel qui serait incarné dans une « nature » humaine - représentée par les valeurs de la démocratie du marché , de la libre entreprise et d'un Dieu , régulateur suprême de ces lois « naturelles » - enferme le reste de l'humanité dans la fatalité d'une histoire étriquée, d'une histoire unique guidée par les Etats-Unis. Devenir américain est l'avenir proposé à tous les autres, placés de gré ou de force dans la sphère de dépendance de l'empire. Mais en même temps, les détenteurs de la puissance mondiale ont multiplié les obstacles pour empêcher ces autres de devenir le même. L'universalisme a paradoxalement besoin du particularisme. L'Amérique assume son universalité et son omniprésence en entretenant les particularités des autres. Elle doit chercher par tous les moyens à constituer avec eux une relation asymétrique afin d'éviter toute rencontre dialogique qui remettrait nécessairement en cause son monopole du discours légitime, ce discours monologique réputé vrai et accomplissant la destinée de l'humanité. L'histoire universaliste du monde prouve ainsi qu'elle n'est qu'une version particulière de l'histoire, le produit d'une histoire singulière qui prétend se déployer à l'échelle universelle.
La prégnance de ce modèle est telle que, même hors de ses frontières, l'Amérique, et plus largement l'Occident, vit et s'universalise . Cette histoire mythique ne prend même pas soin de se démarquer comme une histoire locale, mais se présente comme une narration universelle du progrès et de la liberté. L'Occident, c'est l'histoire, et les autres y sont intégrés en termes occidentaux. Ils étudieront l'histoire de l'Europe et de l'Amérique afin d'identifier l'émergence et la cristallisation des universaux - l'humanité, la démocratie, le règne de la raison, de la science et de la modernité -, qu'ils y adhèrent ou s'y opposent finalement. L'idéologie universaliste moderne dénote, de ce point de vue, moins la réalité d'un état du social que la perception faussement égalitaire du rapport social
Source : M Kilani, le paradoxe ethnologique, in lévi strauss et la pensée sauvage.

DOCUMENT 2 :
Francis Fukuyama est un honorable fonctionnaire du Département d'État brusquement, et un peu mystérieusement propulsé sur la scène médiatique américaine puis internationale pour avoir publié un petit article dans une revue assez austère, National interest, intitulé précisément « La Fin de l'histoire ? ». L'idée fondamentale de ce maintenant célébrissime article : les transformations qui s'accomplissent
actuellement dans les pays de l'Est, cette apparente évaporation des dictatures communistes, ne signifieraient pas simplement la fin du communisme mais essentiellement la fin de l'histoire elle-même ; ces transformations impliqueraient la prise de conscience par l'humanité qu'il n'y a pas d'au-delà de la société présente. La société présente, c'est la société industrielle, capitaliste et marchande qui constitue notre modernité.

C Castoriadis :. La « fin de l'histoire » exigerait qu'on élève leur niveau de vie jusqu'à ce qu'il devienne, en gros, comparable à celui des pays riches d'aujourd'hui. Imaginet-on la pollution additionnelle, la destruction de ressources non renouvelables, les dommages irréversibles infligés à l'environnement que cela impliquerait ? Et cela n'est qu'un des aspects de la question. Le capitalisme libéral s'est jusqu'ici montré pratiquement incapable d'« industrialiser » le tiers-monde. Mais il s'est révélé encore plus incapable d'y exporter ses valeurs « libérales » et « démocratiques ». Les sociétés non occidentales sont toujours dominées par un lourd héritage de significations imaginaires hétéronomes, essentiellement religieuses, mais pas seulement. Le cas de l'islam est le plus flagrant, mais il est loin d'être le seul ; l'Inde, l'Afrique et même l'Amérique latine en offrent des manifestations frappantes. Toutes ces sociétés assimilent facilement certaines techniques provenant de l'Occident - celles de la guerre, de la manipulation télévisuelle, de la torture policière – mais guère les autres créations de l'Occident : les droits humains, les libertés même si elles sont partielles, la réflexion et la pensée critique, la philosophie. L'Occident a réussi à y ébranler en partie les structures sociales (mais beaucoup moins mentales) traditionnelles, il y en fait pénétrer certaines techniques mais pas du tout la dimension émancipatrice de son histoire. La plupart de ces sociétés sont dans un état hautement instable, à la fois en décomposition et en ébullition, et les États occidentaux sont incapables de « gérer », comme on dit maintenant, leurs rapports avec elles .

E Morin : Avec Hegel émerge une conception suggérant qu'à un moment donné on aboutit à un accomplissement, celui de la meilleure organisation sociale - l'État moderne - et particulièrement l'État prussien qui, pour Hegel, était un aboutissement.
Avec Marx on a quelque chose d'assez différent. Pour lui, l'accent est mis sur la lutte des classes où le rôle du prolétariat consiste à amener la cessation de l'exploitation de l'homme par l'homme, de la domination, et de l'existence même de l'État ; pour lui cette fin de l'histoire, qui sera réalisée par le prolétariat avec le socialisme, signifie en fait la fin de la préhistoire humaine. La « fin de l'histoire » pour Marx, c'est donc la fin de cette époque où l'homme est un loup pour l'homme, où l'homme est un barbare pour l'homme.
Mais il y a plusieurs interprétations de la pensée de Marx. Dans un sens, on peut dire qu'après la réalisation de la société socialiste quelque chose va continuer. Quoi ? On ne le sait pas vraiment ; c'est inconcevable... Mais il faut franchir ce stade. Un autre type d'histoire naîtra, qui ne sera plus « préhistoire » ; ou bien au contraire, une autre version, c'est la version grossière, viendra, le paradis socialiste dont on a tant parlé pendant l'ère stalinienne.
L'idée selon laquelle on aboutit à une forme accomplie de société, indépassable, se manifeste aussi dans la vision que l'on a eu de la société industrielle. Avant 1968 dans beaucoup de milieux intellectuels, chez les économistes par exemple, et Raymond Aron fut l'un des chantres de cette idée-là, toutes les sociétés devaient devenir industrielles ; par des voies différentes, des pays comme l'URSS et les États-Unis devaient se rencontrer un jour ou l'autre sur le plan économique... Bien que dans cette approche on ne retrouve pas l'idée messianique des temps nouveaux, des temps merveilleux que le marxisme ou un pseudo-marxisme avait promulgués, la société industrielle apparaissait néanmoins comme celle qui était la moins mauvaise possible, où l'on pouvait trouver le moins d'inégalités, où les formes sociales étant arrivées à leur épanouissement, il ne s'agissait que de les améliorer, les généraliser. Ainsi cette idée apparemment bizarre de la fin de l'histoire était présente dans des courants de pensée extrêmement différents. (..)
Nous sommes dans l’incertitude et je crois que nous continuerons d’être dans l’errance. Mais même dans cette errance des potentialités de devenir et d’évolution existent .Ce qui est mort, c’est l’idée des lois nécessaires de l’histoire.On comprendra alors que le concept de développement « onusionné »qui est une idée véritablement sous développée est un concept éconocratique ridicule . Aujourd’hui on commence à comprendre qu’on n’a pas trouvé la formule du développement. On a compris que le soi disant socialisme de l’URSS n’allait pas vers la société sans casse ni exploitation. On devrait comprendre que ni la société industrielle, ni la société post-industrielle ne soit les derniers mots de l’histoire.
Source : débat entre C Castoriadis et E Morin sur la fin de l’histoire in de la fin de l’histoire, éditions du félin,1992.


Document 3 :
Théorisé ou spontané, ce modèle aux fonctions à peu près identiques inspire la plupart des travaux théoriques de l'époque et oppose les sociétés développées, technologiques ou encore urbaines, et celles sous-développées, traditionnelles :
La société traditionnelle se voit généralement décrite comme le lieu de blocages multiformes, interdisant ou empêchant l'assimilation des valeurs et des comportements favorables à la modernisation. On relèvera tout d'abord l'absence d'accumulation, du fait de la priorité accordée aux investissements non ou faiblement productifs (rites et coutumes sociales, propriété foncière, troupeaux de prestige) et de la faible capacité d'épargne. De même, les structures économiques sont mises en cause : surabondance de main-d'œuvre sous-employée dans les secteurs traditionnels (agriculture et artisanat) et inadéquation par rapport aux emplois du secteur moderne; chômage déguisé, dysfonctionnements dans la répartition du revenu national et incidences en matière de consommation, de commerce. Enfin, sont fréquemment avancées les caractéristiques socioculturelles décrites comme typiques de la société traditionnelle : famille étendue (et polygamie), domination des aînés sur les jeunes, soumission féminine, allégeances claniques et tribales. Traits qui se répercutent sur la vie politique où dominent les solidarités ethniques et régionales, l'affirmation des particularismes et les conflits séculaires.
A l'opposé, la société moderne s'appuie sur une communauté de membres « hétérophiles » et « individualistes » éprouvant les uns pour les autres un sentiment d'« empathie horizontale», selon les termes de E.M. Rogers. Ceux-ci sont avant tout soucieux de voir leur niveau de vie s'élever et d'améliorer le bien-être général de la collectivité. Dans cette optique, l'augmentation continue de la productivité du travail, l'innovation technique et l'organisation rationnelle des ressources humaines vont de pair. Investissement dans l'industrialisation, mobilité spatiale et sectorielle de la main-d'œuvre, mise en place des institutions et procédures d'accompagnement (systèmes bancaires, structures financières et commerciales, comptabilité et fiscalité), infrastructures sociales adéquates (santé, scolarisation, transport, communications) constituent les bases d'un processus auto-entretenu de modernisation. Bien que généralement en retard sur les innovations techniques et le progrès économique, le progrès moral et culturel de 1 homme suit et introduit des rapports renouvelés dans les différentes sphères de la vie sociale : relations homme/femme et éducation des enfants au sein de la famille, rapports sociaux fondés sur une hiérarchie ouverte des compétences au sein de l’entreprise, modes de compétition politique transparents et démocratiques pour l'exercice d'un pouvoir consistant surtout en charges et obligations croissantes vis-à-vis des citoyens, en particulier en ce qui concerne les investissements sociaux collectifs.
SOURCE : A.Guichaou et Y.Roussault , Sciences sociales et développement , Cursus , A.Colin

Document 4 :
«Nous devrions être conscients de la supériorité de notre civilisation, se réjouissait le premier ministre italien M. Silyio Berlusconi, le 26 septembre 2001, (...) un système de valeurs qui a apporté à tous les pays qui l'ont adopté une large prospérité qui garantit le respect des droits de l'homme et des libertés religieuses. » Le président du conseil italien a estimé qu'en raison de la «supériorité des valeurs occiden-
tales », celles-ci allaient « conquérir de nouveaux peuples », précisant que cela « s était déjà produit avec le monde communiste et une partie du monde islamique, mais que, malheureusement une partie de ce dernier est restée mille quatre cents ans en arrière.
Source : A Gresh, la guerre de mille ans, in le monde diplomatique, sept 2004.

Document 5 :
Le manque de ressources économiques est fréquemment invoqué pour justifier l'absence de progrès dans la réalisation des droits de l'homme. Cependant, les liens entre ressources économiques et droits de l'homme sont bien plus complexes, et nullement automatiques. Les mesures destinées à promouvoir la réalisation des droits de l'homme sont des plus diverses : certaines ne coûtent rien, d'autres sont inabordables. Nombre de mesures ne pèsent guère sur le budget de l'Etat ou de tout autre acteur. Ainsi, une législation qui protège la main-d'œuvre contre les abus ou qui interdit la discrimination dans l'accès au logement ne nécessite que des ressources modestes. En revanche, il revient plus cher de faire appliquer cette législation et de modifier les comportements. Pour réaliser les droits, les sociétés ont besoin de normes, d'institutions, d'un cadre juridique et d'un environnement économique propice : autant d'éléments qui nécessitent des ressources. En outre, même si l'on a longtemps pensé que seuls les droits économiques et sociaux exigeaient des ressources, on admet désormais que c'est aussi le cas des droits civils, politiques et culturels. La garantie universelle des droits de l'homme ne coûte pas forcément une fortune, mais il faut des ressources supplémentaires substantielles pour assurer l'accès de tous à un enseignement de base gratuit, l'accès de toutes les femmes à des services de gynécologie et d'obstétrique, le versement d'un traitement raisonnable aux juges et la mise en place de mécanismes judiciaires aptes à décourager la corruption. Beaucoup de pays manquent non seulement des ressources financières pour inscrire les droits de l'homme dans la loi, mais également des capacités requises.Cependant, même ainsi, une plus grande volonté politique permettrait de mobiliser de nombreux moyens d'action.
2. L'existence de ressources ne garantit pas les droits. On constate une certaine corrélation entre le niveau de revenu et le degré de réalisation des droits économiques et sociaux. Néanmoins, dans le détail, les disparités sont énormes : des pays ayant le même revenu peuvent enregistrer des résultats très différents dans la lutte contre les principaux fléaux sociaux, tels que l'analphabétisme ou la mortalité infantile due à des causes évitables. Et vice versa .
Les droits de l'homme continuent en outre d'être bafoués même dans les pays les plus prospères. C'est le cas des droits civils et politiques, mais aussi des droits économiques et sociaux. Ainsi, aux Etats-Unis, malgré une économie florissante, il y a toujours des sans- abri et des personnes souffrant de malnutrition ou n'ayant pas accès au système de santé. Dans le monde,les écarts entre hommes et
femmes en matière de santé, d'éducation, d'emploi et de participation politique témoignent de discriminations les plus diverses, à niveau de revenu équivalent.
3. // n'existe pas de lien automatique entre croissance économique et progrès du développement humain et des droits de l'homme. La croissance économique fournit d'importantes ressources pour la réalisation des droits économiques et sociaux et pour le renforcement des potentialités humaines de base. Cependant, comme le prouve, dans le Rapport mondial sur le développement humain, l'analyse de la relation entre croissance économique et développement humain, un tel lien n'est pas automatique.
Il est certes tentant e chercher une explication économique au non-respect des droits de l’homme et à l’absence de démocratie . Cependant , ce n’est ni le niveau , ni la croissance du revenu par habitant qui déterminent le degré de réalisation des droits de l’homme : à revenu égal , les résultats en termes de droits économiques , sociaux et culturels , mais aussi de droits civils et politiques peuvent varier considérablement .
Voilà pourquoi l'accélération de la croissance économique dans les pays pauvres est essentielle pour avancer vers la realisation universelle de tous les droits. Néanmoins comme nous l'avons vu, la croissance a elle seule n'est pas suffisante : il faut en outre élaborer des politiques liant croissance et droits .La répartition des ressources et le modèle DE croissance économique doivent être orientés sur les pauvres, sur le développement humain et sur les droits de l'homme. Les fruits de la croissance doivent servir à l'éradication de la pauvreté, au développement humain et à la réalisation des droits de l'homme. De plus , comme nous l'avons fait observer, pour que ces politiques et cette croissance se concrétisent il faut non seulement que l'Etat agisse mais également qu'un environnement international propice soit en place.
Source : Rapport mondial sur le développement humain , 2000 , PNUD

Document 6 :
Quand René Dumont plaide en faveur de la « Démocratie pour l'Afrique », il le fait au nom d'une démonstration rigoureuse dont on a vu les rouages : exploitation de la femme, des campagnes, corruption des élites. C'est l'ensemble de ces trois termes qui noue le destin tragique de l'Afrique, et c'est en vertu de ce diagnostic que la démocratie apparaît comme le programme grâce auquel un cercle vertueux est susceptible de s'engager. Par la démocratie, l'éducation devient un objectif crédible. Grâce à la scolarisation et notamment à celle des femmes, la société pourrait passer à d'autres formes d'accumulation de richesses, matérielles et éducatives. Scolarisation et vie démocratique enfin s'auto-renforceraient, permettant d'abolir ou de tenir en laisse le pouvoir discrétionnaire des élites. "
Source : D.Cohen , Richesse du monde , pauvreté des nations , Flammarion ,1997

Document 7 :
D'Adam Smith à Karl Marx, tous les économistes ont admis la valeur de la croissance économique. Marx n'a-t-il pas affirmé que le capitalisme, du moins à ses débuts, représentait une structure économique essentielle par laquelle la société pouvait sortir de la féodalité ? (...)Il soutenait, de plus, que ce n'est que lorsque l'appareil productif est très développé qu'une « société peut favoriser le développement libre et complet de chaque individu ». Autrement dit, seule une société riche peut se permettre d'offrir à chacun des individus la possibilité de s'épanouir pleinement dans son travail et dans ses loisirs.
Source : W.Baumol , A.S.Blinder, W.M.Scart , L'économique , 1990

DOCUMENT 8 :
À la fin du Moyen Âge, en Occident, le remplacement progressif des pratiques de confiscation et de spoliation de l'État par des impôts réguliers est un puissant facteur du développement économique. Les richesses n'ont plus besoin d'être dissimulées, la sécurité des biens est mieux garantie. Les échanges, les investissements et le calcul économique en sont favorisés. Cette mutation n'a pas été réalisée en Asie et dans les pays d'Islam, où les exactions du pouvoir vis-à-vis des producteurs et des marchands ont duré beaucoup plus longtemps, ce qui explique que l'accumulation du capital ne s'y est pas produite comme en Europe. La chute de la féodalité voit également à la Renaissance le « desserrement des contraintes » des autorités politiques ou religieuses vis-à-vis des activités économiques. Les transactions deviennent plus libres; et le partage effectué entre les unités soumises à une réglementation étatique (manufactures et corporations), d'une part, et les entreprises libres de déterminer leur production et de fixer leurs prix, d'autre part, se fait progressivement à l'avantage des secondes.
Source : J.Brasseul , histoire des faits economiques , armand colin 1997

Document 9 :
Ces succès reflètent un « modèle asiatique de développement ». Et il est frappant de voir combien il tourne le dos à tous les dogmes. Au
modèle autocentré, l'expérience asiatique oppose sa focalisation sur les exportations. Contre la théorie standard, elle présente des excédents commerciaux et budgétaires en pleine période de décollage économique. A l'orthodoxie libérale, elle répond par l'interventionnisme d’ Etats peu démocratiques , la relative fermeture aux importations de biens de consommation, le contrôle sévère des investissements étrangers et des marchés financiers. A tel point, selon certains, que c'est pour avoir trahi cette orientation que l'Asie a subi la crise que l'on sait.
Dans tous ces pays, l'effort d'épargne et d'investissement domestiques a été porté, en continu, à un niveau exceptionnel, de l'ordre d'un tiers du produit intérieur brut (PIB). Ces ressources ont été gérées par des Etats qui ont misé sur l'éducation et sur la santé de leurs populations. Même si aujourd'hui les inégalités ont tendance à s'accroître, l'Extrême-Orient a été et demeure bien moins inégalitaire que d'autres régions du monde. (..)
L'Asie peut-elle exporter ce modèle de développement? De fait, aucune de ces stratégies n'est liée à la région au point de ne pas être applicable à d'autres. La Tunisie, par exemple, montre bien des proximités politiques et économiques avec les pays d'Asie. Là comme ailleurs, il n'y a pas de barrière culturelle qui interdise de suivre ce chemin, qui repose toutefois sur des fondations politiques qui ne se décrètent pas : la stabilité de régimes forts, la compétence des bureaucraties, la nature des alliances ethniques. Pour de nombreux pays africains, la fragmentation ethnique et politique rend les choses plus difficiles . (..)
Le future néanmoins ne se confondra pas avec le passé . La diffusion légitime d'idéaux démocratiques rend difficilement envisageables certains choix antérieurs, comme la totale « flexibilité » du marché du travail. Personne ne peut se faire le chantre des pratiques répressives qui ont caractérisé la genèse du miracle asiatique.
Source : J.M.Severino , Le pari du modèle asiatique , Dossiers et documents du Monde , septembre 2005
Proposition de correction :
Introduction :
Dans « La démocratie , luxe ou nécessité ? » , G.Hermet se posait la question de savoir quel était le régime politique le plus apte à avoriser la croissance , défmie comme l'augmentation pendant plusieurs périodes d'un indicateur quantitatif comme le PIB . Pour certains , c'est la dictature et l'absence de libertés qui permet d'avoir de la croissance , car pour accroître les richesses , il faut investir et donc épargner au préalable . Il faut donc réduire la consommation de la population : on lui demande donc de faire des sacrifices ( moins consommer aujourd'hui ) pour des bénéfices hypothétiques . Un gouvernement démocratiquement élu par la majorité de la population ne pourrait donc pas mener ce type de politique , car il y aurait des révoltes .
La relation existant entre croissance et démocratie est donc très importante pour les PVD qui cumulent pauvreté et absence de démocratie . La démocratie est un concept relativement complexe : c'est le gouvernement du peuple ou le pouvoir du plus grand nombre ; elle est basée sur le suffrage universel : tous les citoyens peuvent voter ou s'exprimer . Il y a donc une égalité des droits : tous les individus sont égaux devant la loi, qui est écrite et non arbitraire .
« D'A.Smith K.Marx , tous les économistes ont admis la valeur de la croissance économique »: l'augmentation des richesses produites permet d'entraîner un processus de démocratisation . Pourtant, aujourd'hui, cette vision paraît contestée : une période de croissance ne peut être entamée si certaines conditions préalables , comme un système politique démocratique , ne sont pas réunies .

PARTIE I – LA CROISSANCE UN PREALABLE A LA DEMOCRATIE

I - CONSTAT : UNE CORRELATION FORTE ENTRE CROISSANCE ET DEMOCRATIE

On remarque que plus le pays est riche , plus il a tendance à adopter des structures démocratiques . Celles-ci peuvent, entre autres , être mesurées par l'importance de la corruption . En effet, la corruption peut se définir par des pratiques malhonnêtes d'hommes d'affaires et d'hommes politiques dans le but de s'enrichir personnellement. Ces activités illégales ne sont pas combattues efficacement, car l'appareil législatif, policier et politique est aussi corrompu . Autrement dit, dans un pays où la corruption est forte , il n' y a pas de système démocratique , puisque tous les hommes ne sont pas égaux devant la loi . On voit bien que la richesse du pays est corrélée avec l'importance de la corruption : le Danemark a l'indice de corruption maximale , c'est-à-dire qu'il n'est pas corrompu ,
alors que le Cameroun est un des pays les plus corrompus au monde . La relation est même quasi-mécanique : plus le PIB/tête augmente , plus l'indice de corruption est faible : la Russie , avec un PIB/tête de 5000 $ a un indice de corruption de 2 , alors que le Luxembourg qui a un PIB/tête de 35000 $ , a un indice de corruption de 9 .Il y a donc une corrélation forte entre croissance et démocratie . Le problème est alors de savoir quel
est l'élément déterminant. « D'A. Smith à K.Marx ,tous les économistes ont admis la valeur de la croissance économique » . Selon eux , c'est la croissance économique qui génère l'instauration de la démocratie .


II - LA CROISSANCE ECONOMIQUE ENTRAINE L^INSTAURATION DE LA DEMOCRATIE

A - DES PAYS PAUVRES NE PEUVENT CONNAITRE DE SYSTEME DEMOCRATIQUE

Dans les pays pauvres , la population ne dispose que du minimum vital. Ses exigences sont donc matérielles : une augmentation de revenu pour consommer davantage de la nourriture , des vêtements des logements . Il n' y a donc pas de revendications qualitatives portant sur le système politique et demandant une extension des droits politiques à l'ensemble de la population . La croissance , en revanche , va engendrer une demande de système démocratique .

B - LA CROISSANCE GENERE LA DEMOCRATIE

La Corée en est un bon exemple la Corée est aujourd'hui plus riche ( le revenu moyen est de 8000 $ ) ; au cours des 25 dernières années le pouvoir d'achat des salariés a augmenté de 9% en moyenne par an . « Une prospérité si soudaine ne pouvait manquer de remettre en cause les caractéristiques d'austérité et de relative fermeture de la Corée » . La croissance a donc permis d'engendrer des processus de démocratisation par le biais de deux facteurs : l'augmentation du niveau d'instruction et la modification de la nature des revendications

1 - LA NATURE DES REVENDICATIONS CHANGE
En effet, quand le revenu augmente , le type d'exigence de la population change . D'après le modèle d'INGLEHART , les revendications ne sont plus quantitatives ( matérielles ), mais qualitatives : elles visent à obtenir des avancées immatérielles . En effet, comme la population a atteint son niveau de subsistance , elle peut maintenant demander d'autres améliorations : un fonctionnement politique basé sur le suffrage universel sera alors une demande prioritaire . Si la population demande plus de démocratie , c'est aussi car elle y pense : la croissance entraîne une augmentation du niveau d'instruction .

2 - LA CROISSANCE ENTRAINE UNE AUGMENTATION DU NIVEAU D’INSTRUCTION
L'augmentation des richesses créées crée une augmentation du revenu/tête qui se traduit par une modification de la structure de la consommation . Les lois d'ENGEL postulent que quand le revenu augmente , la part du revenu destinée aux dépenses alimentaires diminue , celle destinée aux vêtements et au logement reste constante , alors que celle destinée aux services ( loisirs , culture ) augmente .La société consacre donc de plus en plus de richesses à la satisfaction de nouveaux besoins : soins , vacances , éducation . C'est ce que disait déjà MARX au XIXème siècle: « ce n'est que lorsque l'appareil productif est très développé qu'une société peut favoriser le développement libre et complet de chaque individu » . La croissance permet donc de scolariser une partie de plus en plus grande de la population à des niveaux élevés d'étude . Ainsi, en Corée , le taux de scolarisation dans l'enseignement secondaire est
de 100 . Cette tendance se retrouve dans tous les NPI qui ont connu une croissance rapide : un adolescent taiwanais a deux fois plus de chance de poursuivre des études supérieures qu'un adolescent britannique .
Quand il y a croissance , la population devient donc plus instruite ; elle dispose de davantage de connaissances historiques , politiques , économiques . Elle peut donc comparer sa situation avec celle des autres pays riches . Elle peut aussi se rendre compte des améliorations liées à l'adoption du suffrage universel et l'égalité des droits . Elle va donc agir pour demander l'instauration de la
démocratie . Ainsi, selon les économistes , la croissance généré du développement, puisque dès que la quantité de biens augmente , des améliorations qualitatives ont lieu : ici l'instauration de la démocratie Ce processus serait quasi-automatique : les pays riches ne devraient donc pas influencer l'évolution politique des pays pauvres . C'est inutile et même néfaste , car certains économistes considèrent que pour lancer le processus de croissance , il faut un système politique fort , voire une dictature . En effet , pour entamer une période de croissance , la population doit faire des sacrifices importants : pour augmenter la richesse créée , il faut investir ; le pays doit donc disposer d'une épargne préalable et donc limiter la consommation dans un pays où le revenu par habitant est déjà faible . La population ne va pas accepter ces sacrifices durablement de manière volontaire . Il faut donc qu'on les lui impose de manière autoritaire par le biais d'une dictature . Ainsi, un système non démocratique serait nécessaire pour entamer une période de croissance ; et c'est quand cette croissance est forte que l'on peut avoir un processus démocratique .

Cette conception n'est pourtant pas vérifiée dans la réalité : c'est l'application d'un système démocratique qui permet d'avoir de la croissance . L'exemple des pays occidentaux en est la meilleure preuve ( doc 6 ) : c'est parce que les abus de pouvoir ont été limités que la richesse s'est accrue .

PARTIE II - LA DEMOCRATIE GENERE DE LA CROISSANCE

Ainsi, l'absence de règles précises ordonnant la vie des individus , d'égalité et de suffrage universel empêche l'instauration d'un processus de croissance , car il ne peut y avoir ni croissance extensive , ni croissance intensive .

I – L’ABSENCE DE DEMOCRATIE EMPECHE L'AMORCE D’UN PROCESSUS DE CROISSANCE

A - IL NE PEUT Y AVOIR DE CROISSANCE EXTENSIVE

Un système anti-démocratique bloque l'allocation optimale des facteurs de production : il y a des facteurs de production ( travail, capital ), mais ils ne sont pas utilisés de la manière la plus efficace Au niveau du travail, un pays non démocratique se caractérise par une absence de règles écrites et précises visant l'embauche des salariés . Celle-ci s'effectue à partir de critères subjectifs et non objectifs : ce ne sont pas les capacités et les diplômes des individus qui sont pris en compte , mais leur appartenance à un groupe social ou une ethnie . C'est ce qu'affirme la Banque mondiale : « un système méritocratique n'a pas encore été adopté par de nombreux pays où le recrutement ne dépend pas du mérite , mais des relations » . Ceux qui sont embauchés et qui dirigent ne sont donc pas les meilleurs ; la gestion va donc s'en ressentir et la croissance sera donc plus faible Au niveau du capital, l'allocation est aussi peu efficace , ce qui résulte du système politique non démocratique . Comme il n' y a pas de suffrage universel, l'action des élites n'est pas contrôlée Ils peuvent donc agir comme ils l'entendent : les élites politiques et économiques vont donc utiliser les ressources du pays , non pour améliorer la situation du pays , mais pour améliorer leur bien-être personnel. Les dirigeants vont donc utiliser les capitaux du pays principalement de 2 manières . Soit ils les utilisent dans le pays pour effectuer une production de luxe qui ne correspond pas aux besoins de la population . Cette production exige beaucoup de capitaux, mais peu de travail ; il n' y a donc pas de création d'emploi et donc pas de versement de revenu qui pourrait engendre un cercle vertueux keynésien . Soit ils opèrent une fuite des capitaux : comme la rémunération des capitaux est plus forte à l'étranger que dans le pays , ils vont placer leurs capitaux dans les pays occidentaux pour bénéficier de taux d'intérêt élevés . Dans les 2 cas , la conséquence est la même : « elle gaspille des capitaux rares », alors que ces pays sont pauvres et manquent déjà de capitaux Ainsi, les quantités de travail et de capital disponibles dans le pays sont mal utilisés : il ne peut donc y avoir de croissance extensive , résultant d'une augmentation de la quantité de facteurs de production L'absence de démocratie empêche aussi toute croissance intensive .

B – L’ABSENCE DE DEMOCRATIE EMPECHE LA CROISSANCE INTENSIVE

En effet, dans un système où il n' y a pas d'égalité inscrite dans la loi, une partie de la population peut exploiter l'autre , c'est-à-dire qu'elle peut la faire travailler sans la payer . Elle dispose donc d'une main d'œuvre disponible et corvéable à merci , qui ne peut revendiquer puisqu'il n' y a pas de vote équitable . Comme elle dispose d'une main d'œuvre quasi-gratuite , les élites ne voient pas l'intérêt d'innover et de trouver de nouveaux modes de production économisant la main d'œuvre C'est la base de la critique que porte R.Dumont sur l'organisation africaine: « l'économie africaine a longtemps été fondée sur l'esclavage . Il n'est pas excessif de dire que les femmes africaines sont les esclaves d'aujourd'hui » . Cet esclavage rend tout progrès technique inutile : selon R.Dumont , la roue n' a pas encore été inventée en Afrique , car la roue exige des routes Or , celles-ci sont inutiles car les femmes peuvent porter de lourdes charges sur leur tête . L'absence de démocratie empêche donc la recherche d'innovations . Il n' y a donc pas de progrès technique et donc pas de gains de productivité . Il ne peut donc y avoir croissance intensive

II - LA DEMOCRATIE PERMET LA CROISSANCE

En revanche dès qu'un système démocratique se met en place , une phase de croissance peut démarrer

A - LA DEMOCRATIE PERMET UNE CROISSANCE EXTENSIVE

C'est ce qui s'est passé pour les pays occidentaux au Moyen-Age ( doc 6 ). Même si, à cette époque , on ne peut pas parler réellement de démocratie , il y a toute de même une évolution allant vers une démocratisation du système : « il y a un remplacement progressif des pratiques de confiscation et de spoliation de l'Etat par des impôts réguliers » . Le pouvoir du souverain se réduit : ce n'est plus un
pouvoir absolu , car il y a des lois précises et écrites qui ne changent pas au gré de la volonté du roi II n' y a donc plus de décisions arbitraires . Les individus connaissent les règles et savent qu'elles ne vont pas être modifiées sans raison . Ils peuvent donc prévoir les conséquences de leurs actions et déclarer leurs richesses , puisque cette déclaration ne va pas donner lieu à l'instauration d'un nouvel impôt. J.Brasseul peut alors en conclure : « les échanges en sont favorisés » Or , d'après A.Smith, l'accroissement des échanges favorise l'augmentation de la production : puisque les individus peuvent sans problèmes échanger , ils ont intérêt à accroître leur production pour la vendre et en tirer un plus grand profit. Ainsi, selon J.Brasseul , c'est la plus grande liberté qui est à l'origine du processus de croissance en Europe occidentale au Moyen-Age . Pour R.Dumont , c'est une démocratisation du système politique africain qui permettrait de l'entamer .

B - ET UNE CROISSANCE INTENSIVE

En effet, un système démocratique est un système politique qui postule l'égalité de tous les individus Ils ont donc les mêmes droits : de vote , d'être protégé . Selon R.DumonT , un droit essentiel est le droit à l'instruction . « Grâce à la scolarisation , et notamment celle des femmes , la société pourrait passer à d'autres formes d'accumulation de richesses ». En effet, si une majorité de la population est scolarisée à des niveaux d'éducation élevés , elle est plus instruite . Elle est donc plus apte au changement, à l'innovation . Elles est capable d'utiliser des processus de production plus complexes , mais elle est aussi capable de trouver de nouveaux modes de production . Il peut donc y a voir gains de productivité et donc croissance. D'après les économistes notamment libéraux , c'est la croissance qui permet de lancer un processus de démocratisation . Cette vision paraît aujourd'hui remis en question dans les faits : c'est la mise en place d'un processus démocratique qui permet de lancer la croissance Ainsi, contrairement à ce qu'affirment les libéraux , la croissance n'est pas la panacée susceptible de résoudre tous les problèmes . Elle peut même dans certains cas aggraver les difficultés : ainsi, l'augmentation des richesses créées a engendré une augmentation de la pollution qui détériore la situation de la population . Aujourd'hui, on considère donc que la croissance est nécessaire , mais non suffisante pour assurer le bien- être de la population .




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