Chapitre la structure sociale

CHAPITRE IV : INDIVIDUS ET GROUPES SOCIAUX

SECTION I - STRATIFICATION SOCIALE ET SOCIETE

I - QU’EST-CE-QUE LA STRATIFICATION ?

A - LA STRATIFICATION , UNE REALITE UNIVERSELLE ET OMNIPRESENTE

La stratification sociale correspond à la division d’une société en plusieurs groupes (ou strates ) hiérarchisées :
- Elle est universelle c’est à dire qu’elle est présente dans toutes les sociétés, aussi bien les plus primitives que les plus modernes, les plus simples que les plus complexes.
- Elle est omniprésente, c’est à dire que la société est traversée de divisions verticales qui peuvent être fondées aussi bien sur l’âge, que sur le sexe, la parenté, ou encore la richesse matérielle

B - LES CARACTERISTIQUES DE LA STRATIFICATION

La stratification se caractérise par :
· la différenciation : elle est suscitée par la diversité des tâches présente dans la société.
· Une échelle hiérarchique : la société comporte des étages superposés et ordonnés.
· Une structure inégale : les strate ne sont pas seulement différentes , elles sont inégales aussi bien du point de vue du pouvoir , que du prestige ou de la richesse.
· La mobilité sociale :les inégalités sont plus ou moins enracinées dans la société selon que les individus ont une possibilité restreinte ou réelle au cours de leur existence (mobilité intra-générationnelle) ou d’une génération à l’autre ( mobilité intergénérationnelle) de changer de catégorie sociale


C - LA STRATIFICATION SOCIALE , UN TERME AMBIGU

La notion de stratification sociale est ambiguë car elle recouvre au moins deux notions en partie contradictoire :
- Dans un sens large :elle distingue l’ensemble des systèmes de différenciation sociale basée sur :
· la distribution inégale des ressources et des positions dans une société
· qui engendre la constitution de groupe de droit ou de fait
· qui sont plus ou moins structurés et
· qui entretiennent des relations de subordination, d’exclusion et ou d’exploitation
- Dans un sens restreint, la notion est réservée aux analyses :
· qui s’opposent aux théories (dont principalement la théorie marxiste qui est visée) qui voient dans les classes sociales des groupes fondamentaux opposés dont le conflit structure la société.
· c’est à dire à des analyse qui interprètent le corps social comme un ensemble de strates hiérarchisées en fonction de critères multiples (ex : le revenu, le prestige, etc.), dont la présence est nécessaire à la société (du fait de la spécialisation des tâches) et qui n’entretiennent pas entre elles des relations dominées par le conflit

II - LA STRATIFICATION DANS LES SOCIETES TRADITIONNELLES

A - LES SYSTEME DES CASTES ( 6 p97))

Les castes sont des groupes sociaux qui sont caractéristiques de la société indienne et qui reposent selon R DELIEGE (doc 2 p 138) sur 3 caractéristiques essentielles :
· une spécialisation héréditaire : c’est à dire que chaque caste va se spécialiser dans un métier, des rites, des droits spécifiques , qui se transmettent de générations en générations :chaque enfant dés sa naissance appartient à la caste de ses parents et ne peut espérer aucune possibilité de mobilité sociale : le statut social est dit ascriptif c’est à dire que le destin social des individus est imposé aux individus sans qu’ils puissent le remettre en cause. L’action individuelle est découragée par avance , car l’individu qui sortirait de sa caste n’aurait plus de lien social car il serait rejeté par les membres de sa caste sans pouvoir espérer être accepté par ceux des autres castes
· Une répulsion entre les castes qui produit de l’endogamie : chaque caste vit repliée sur elle-même, et il existe toute une série d’interdits légaux qui interdisent les relations entre membres de castes différentes. Dés lors les individus n’ont pas d’autres choix que de se marier avec un conjoint de la caste qui est choisie par les parents, ce qui renforce la répulsion en conduisant chaque caste à développer des différences d’ordre naturelles.
· Une hiérarchie sociale extrêmement stricte : certaines fonctions rituelles qui sont considérées comme pures (en portugais casta signifie pure) vont être affectées aux castes les plus hautes (ex les brahmanes qui prennent en charge les rites religieux)qui vont alors disposer du pouvoir et de la reconnaissance sociale. Elles vont alors dévaloriser les catégories les plus basses qui prenant en charge les tâches définies comme impures (ex : les éboueurs) vont être définies comme inférieures.

Remarque : Depuis 1931 les castes n’ont plus en Inde d’existence officielle, néanmoins elles continuent à exister , car elles bénéficient d’une reconnaissance sociale. En effet grâce à son fondement religieux , la hiérarchie sociale découlant de ce système est parfaitement acceptée par la très grande majorité de la société indienne : la hiérarchie apparaissant tout à fait naturelle il n’est pas réaliste de considérer que l’on puisse changer la société par décret, comme l’a montré, au moins à court terme, l’échec relatif de la révolution française à limiter l’influence de la religion. .

B - LA HIERARCHIE DES ORDRES (7 p97)

Comme l’a indiqué G DUMEZIL la hiérarchie des ordres présente de nombreux points communs avec celle des castes :
· elle repose sur une division fonctionnelle de la société entre prêtres, guerriers et producteurs
· Cette division est impérative elle est reconnue par la loi, elle s’impose aux individus qui n’ont pas d’autres choix que de respecter les interdits : exemple :un noble ne peut travailler sous peine de déchoir. La définition juridique des ordres, assure à certaines catégories (noblesse et clergé) un certain nombre de privilèges ( ex en matière d’impôt ou de justice) qui les distinguent du reste de la population (le tiers-état), et ce quelque soit leur situation financière.
· Cette division de la société est héréditaire : mais elle ne vaut que pour la noblesse : on naît noble.
· La société est hiérarchisée : elle repose sur le critère de l’honneur social, contrairement à notre société ce n’est pas la possession de richesses matérielles qui est source de reconnaissance, mais au contraire la reconnaissance sociale (la proximité avec le roi) qui assure l’accès aux ressources matérielles.

Néanmoins elle s’en différencie par au moins un critère essentiel :
· Les castes sont des groupes fermés : la mobilité sociale est inexistante.
· Alors que dans les sociétés d’ordre, bien que restreint la mobilité sociale est possible : par exemple un grand bourgeois peut acheter un titre de noblesse qui lui permettra d’accéder au groupe dominant.

Conclusion : Selon A DE TOCQUEVILLE (1 p 138) la disparition de la société d’ordre d’ancien régime en France après 1789 s’explique principalement par la remise en cause des pouvoirs politiques de l’aristocratie opérée par la monarchie absolutiste qui a compensée cette évolution par une distribution de privilèges, et une fermeture de la noblesse : « plus cette noblesse cesse d’être une aristocratie plus elle semble devenir une caste ». Dés lors l’existence sociale de la noblesse ne paraît plus justifiée au peuple qui va se révolter afin de remettre en cause les privilèges de la noblesse et va par-là même détruire la monarchie absolutiste.


III ) LA STRATIFICATION SOCIALE DANS LES SOCIETES INDUSTRIELLES

Le concept de classe sociale est datée historiquement, il apparaît au 18 ème siècle dans un contexte bien déterminé :
- une évolution des idées politiques et sociales :
· remise en cause du principe de l’inégalité des droits
· une multiplication des conflits sociaux
- des bouleversements économiques : en particulier une série de révolutions agricoles,, industrielles, etc.

La classe se différencie de la caste ou de l’ordre (4 p 140) car :
· elle n’est pas institutionnalisée : il n’apparaît pas de reconnaissance légale de la stratification en classe de la société après la destruction de la société d’ordres
· elle se développe dans un contexte d’égalité de droits issu de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen ( art 1 : les hommes naissent libres et égaux en droits)qui fait que les classes ne sont pas figées et étanches comme pouvaient l’être les castes et dans une moindre mesure les ordres.

On peut alors proposer deux définitions du terme classe :
· une définition nominaliste : une classe est une collection d’individus présentant des caractéristiques semblables (du point de vue de nombreux indicateurs comme la profession, le niveau d’études, le revenu, etc.)qui n’ont pas conscience d’appartenir à une entité mobilisée.
· Une définition réaliste : une classe correspond à un ensemble d’individus qui ont conscience d’appartenir à une collectivité et qui ont des intérêts communs à défendre pouvant les opposer à d’autres classes.

CONCLUSION :

un constat : Comme l’indique l’analyse de E Goblot (doc 5p141) contrairement aux apparences la révolution française qui a pourtant institué l’égalité civile n’a pas été jusqu’à imposer l’égalité sociale.

La conséquence : la division de la société en classe ayant des intérêts opposés na pas disparu : « nous n’avons plus de castes, nous avons encore des classes.

La rupture essentielle : la société de castes ou d’ordres est figée et rigide, dans une société de classes les possibilités de promotion et de mobilité sociales sont beaucoup plus nombreuses.


SECTION II : LES ANALYSES THEORIQUES DE LA STRATIFICATION SOCIALE


I ) L’ANALYSE MARXISTE DES CLASSES( 17 p104)


A ) LA VISION MARXISTE DE L’HISTOIRE

K Marx est le grand d théoricien de la définition réaliste de la classe il développe une sociologie :
- déterministe et holiste :c’est à dire qu’il pose que les individus ne sont pas les acteurs de leur destin mais qu’ils sont le jouet de structure économique et sociaLes qui leur échappent : « Dans la production sociale de leur existence, les hommes nouent des rapports déterminés, nécessaires indépendants de leur volonté (…). ce n’est pas la conscience des hommes qui détermine leur existence, c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience »

- matérialiste de l’histoire : les hommes sont déterminés par :
· les forces productives, c’est à dire par les moyens de production ( l’infrastructure économique) qui sont mis en œuvre à une époque donnée (exemple : le moulin à vent qui à la fin du 18 ème siècle a subi la concurrence de la machine à vapeur)
· Déterminent les modes de production qui sont la combinaison des forces productives et des rapports de production. Marx en a distingué 4 : les modes de production féodal, antique, féodal et capitalistes
· les rapports de production sont les rapports de propriété des moyens de production ( machines, usines, etc.) qui permettent de définir les classes sociales selon la place qu’elles occupent par rapport à la propriété des moyens de production
· On peut alors en conclure que Marx a une vision matérialiste de l’histoire car l’infrastructure matérielle conditionne la superstructure idéelle c’est à dire le processus de la vie sociale, intellectuelle et politique ( par exemple les modes de pensées, les valeurs religieuses, les idées artistiques.

- Finaliste ou téléologique :selon Marx :
· les différents modes de production se succèdent inéluctablement est sont donc condamnés à disparaître quand les forces productives qui leur avaient donné naissance sont concurrencées par de nouveaux moyens de production plus performants .
· Ainsi quand apparaît la machine à vapeur qui rend obsolète le moulin à vent et la traction animale, le mode de production féodal qui était adapté aux anciennes conditions techniques devient inadéquat et doit être dépassé.
· S’ouvre alors, selon Marx, une série de révolutions économiques, sociales et politiques qui vont conduire à la destruction du mode de production féodal et à son remplacement par le mode de production capitaliste qui devient provisoirement (mais provisoirement seulement ) le plus efficace.



FORCES PRODUCTIVES
MODES DE PRODUCTION
RAPPORTS DE PRODUCTION
Force musculaire
Mode de production asiatique
Sociétés quasi esclavagistes dans lesquelles la population est subordonnée à un Etat, relativement développé, centralisé et fort
Force musculaire
Mode de production antique
Caractérisés par l’esclavage
Moulin à vent
Mode de production féodal
Sont définis par le servage, la société étant divisés en deux camps antagonistes :serfs et seigneurs
Machine à vapeur
Mode de production capitaliste
Caractérisés par l’apparition du salariat et l’antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat



B ) UNE REMISE EN CAUSE DE L’EGALITE FORMELLE DES SOCIETES BOURGEOISES .
Marx s’oppose aux théoriciens libéraux :

- l’égalité formelle selon les théoriciens libéraux :
· Selon les juristes, après la révolution française tous les hommes naissent libres et égaux en droit donc il n’existe plus légalement de stratification sociale, seules subsistent des différences de capacité individuelles.
· Les libéraux sont alors partisans de l’égalité méritocratique qui postule que chacun doit être rétribué en fonction des ses capacité et apports . Il serait injuste (inéquitable) que celui qui ne fait rien reçoive autant que l’individu très méritant qui par son travail crée des richesses bénéfiques à l’ensemble de la société (cf. la main invisible de Smith au chapitre suivant). L’égalité méritocratique peut donc très bien s’accommoder d’une société dans laquelle la répartition des richesses est très inégalitaire, dés lors qu’au départ était respecté l’égalité des chances.


- L’égalité réelle selon Marx:
· Marx conteste cette vision juridique et formelle qui repose uniquement sur l’égalité des droits et ne prend pas en compte la situation réelle dans laquelle se trouve les individus : ainsi si formellement du point de vue des droits ouvriers et bourgeois sont égaux , les conditions économiques dans lesquelles ils se trouvent sont tellement différentes qu’on ne peut postuler qu’un fils d’ouvrier et un fils de bourgeois sont égaux.
· Marx est alors conduit à critiquer la vision contractualiste développée par les libéraux :
+Selon les libéraux :
# avant la révolution française les individus n’ayant pas en fonction de leur naissance les mêmes droits , une économie libre de marché ne pouvait pas se développer : les paysans n’étant pas juridiquement égaux aux nobles ils ne pouvaient signer avec eux un contrat qui présuppose l’égalité.
# Au contraire avec la révolution française les hommes devenant libres et égaux en droit, chacun d’eux peut échanger sur un marché un bien ou un service :
= l’ouvrier qui a une force de travail mais pas de capital pour la mettre en œuvre va offrir son travail contre un salaire,
= le bourgeois qui possède un capital mais a besoin de travail va demander du travail.
= l’offre et la demande vont se rencontrer sur le marché, confronter leurs positions et se mettre d’accord sur un salaire pour un nombre donné d’heures de travail. Puisque les deux échangistes sont égaux, s’ils signent un contrat c’est qu’ils y trouvent tous deux leur intérêt (ce sont des homo oeconomicus) les deux partenaires sont donc gagnants à l’échange. Le bourgeois ne peut dans une économie de marché exploiter l’ouvrier.
+ Marx conteste ce point de vue : selon lui ouvriers et bourgeois ne sont que formellement égaux :
# L’ouvrier qui ne dispose que de sa force de travail pour survivre doit absolument travailler quelque soient les conditions qui lui sont proposées .
# Au contraire le bourgeois qui dispose d’un capital peut, grâce à son épargne, vivre sans que ses usines tournent.
# L’ouvrier est donc obligé d’accepter les conditions qui lui sont imposées par le bourgeois,. Marx écrit : « le rapport officiel entre le capitaliste et le salarié est d’un caractère purement mercantile. Si le premier joue le rôle du maître et le dernier le rôle du serviteur. C’est grâce à un contrat par lequel celui ci s’est non seulement mis au service, et partant, sous la dépendance de celui là, mais par lequel il a renoncé à tout titre de propriété sur son propre produit . Mais pourquoi le salarié accepte t’il ce marché ? Parce qu’il ne possède rien que sa force personnelle »

CONCLUSION : Selon Marx si les capitalistes peuvent exploiter le prolétariat , bien que bourgeois et ouvriers soient formellement égaux, c’est parce que les premiers ont le monopole des moyens de production , alors que les seconds n’ont que leur force de travail

C ) LA CONSEQUENCE : L’EXPLOITATION DU PROLETARIAT

Grâce au monopole qu’il ont sur les moyens de production les capitalistes vont fixer selon leurs intérêt les salaires :
- ils ont réduit le travail au statut de marchandise, et comme toute marchandise le travail a un prix : le salaire (le prix du travail) va être fixé au minimum assurant la reproduction de la force de travail c’est à dire qu’il doit permettre :
· à l’ouvrier d’entretenir sa force de travail (sinon il devient inefficace) et
· d’assurer sa descendance (ses enfants prenant sa place quand ils sont devenus adultes).

- Mais selon Marx :
· le travail est la seule source de création de richesse , le capital ne crée pas de richesse (il ne fait que transmettre sa valeur aux produits au fur et à mesure qu’il s’use),
· dés lors que le travail atteint un niveau d’efficacité de productivité suffisant il crée plus de richesse qu’il n’en faut pour couvrir les frais d’entretien et de reproduction du travailleur : la différence entre la valeur produite par la force de travail et ses propres frais d’entretien couverts par le salaire constitue la plus-value qui est extorquée par les détenteurs des moyens de production (c’est à dire les capitalistes) au prolétariat.
· Marx peut alors en conclure que malgré les apparences le travailleur , en dépit de sa liberté formelle est aussi exploité que l’étaient ses ancêtres serfs et esclaves, car comme eux la majeure partie des richesses qu’il a créé par son travail est confisquée par ses maîtres.

D ) LA LUTTE DES CLASSES .

1 – LES PAYSANS FRANÇAIS A LA FIN DU XIX ème SIECLE CONSTITUENT-ILS UNE CLASSE SOCIALE ?

- Marx commence par montrer qu’apparemment oui ils ont de nombreux critères qui conduisent à penser qu’ils constituent une classe sociale :

· ils sont très nombreux
· ils réalisent la même activité
· ils partagent un même mode de vie qui les oppose au reste de la population

D’où Marx peut écrire : « . Dans la mesure où des millions de familles paysannes vivent dans des conditions économiques qui les séparent les unes des autres et opposent leur genre de vie, leurs intérêts et leur culture à ceux des autres classes de la société, elles constituent une classe »

- Pourtant selon Marx ces conditions ne sont pas suffisantes et en réalité les paysans ne constituent pas une classe sociale car :
· Leur mode de production les isole les uns des autres : ils vivent en autarcie
· Le mauvais état des moyens de communication ne leur permet pas d’entretenir des relations suffisantes pour prendre conscience de leur communauté de situation
· L’insuffisance de la taille des parcelles ne leur permet pas de développer de nouvelles méthodes de production, de diviser le travail, de s’ouvrir au monde (d’autant plus qu’ils ne pourraient pas facilement envoyer leur production vers les villes faute de moyens de transports adéquats)

CONCLUSION : Marx peut alors écrire : « ainsi la grande masse de la nation française est constituée par une simple adition de grandeurs de même nom, à peu près de la même façon qu’un sac rempli de pommes de terre forme un sac de pommes de terre(…) Mais elles ne constituent pas une classe dans la mesure où il n’existe entre les paysans parcellaires qu’un lien local et où la similitude de leurs intérêts ne crée entre eux aucune communauté, aucune liaison nationale, ni aucune organisation politique. »
Dés lors, selon Marx, ils vont être l’objet de manipulation : Le futur Napoléon III va s’ériger en défenseur des intérêts de la paysannerie, les paysans vont voter pour lui, mais il ne va pas être leur porte-parole , il n’a fait que se servir d’eux.

2 – LA CONSTITUTION DE LA CLASSE OUVRIERE.

Marx Décompose le processus de constitution de la classe ouvrière en trois temps :
· Dans un premier temps pas de prise de conscience de classe, la classe ouvrière n’existe pas : Marx écrit : « Dans un premier temps la grande industrie agglomère dans un seul endroit une foule de gens inconnus les uns aux autres, la concurrence les divise d’intérêt » . Durant cette phase les ouvriers ne constituent pas encore une classe , ils n’ont rien de commun , au contraire leurs intérêts leurs semblent antagonistes : chacun accepte de travailler pour un salaire plus réduit que son voisin afin d’obtenir l’emploi.
· Dans un second temps se développe la classe en soi c’est à dire que les ouvriers se mobilisent face au capital mais n’existe pas en dehors de cette lutte :« Marx explique ainsi que dans un second temps : « le maintien du salaire, cet intérêt commun qu’ils ont contre leur maître les réunit dans une même pensée de résistance. Ainsi la coalition a toujours un double but. Celui de faire cesser entre eux la concurrence , pour faire une concurrence générale au capitaliste »
· Dans un troisième temps se constitue la classe pour soi : c’est à dire que désormais les ouvriers ne luttent plus seulement contre les capitalistes dans le cadre de la société capitaliste, , ils développent un projet alternatif de société qui vise à détruire la société capitaliste et à faire apparaître après la révolution une nouvelle société.

Marx considère en effet que la lutte des classes est une caractéristique structurelle de toutes les sociétés. : il écrit dans le manifeste du parti communiste : « l’histoire des sociétés n’a été que l’histoire des luttes des classes : hommes libres et esclaves, patriciens et plébéiens, barons et serfs, maîtres de jurandes et compagnons, en un mot, oppresseurs et opprimés, en opposition constante ont mené une lutte ininterrompue, tantôt ouverte tantôt dissimulée ; une guerre qui toujours finissait par une transformation révolutionnaire de la sociététout entière ou par la destruction des deux classes en lutte . »
La question est alors de savoir si :
· comme l’affirme les libéraux , avec la révolution française, avec la destruction du mode de production féodale est apparue une nouvelle ère de prospérité, d’égalité dans laquelle la lutte des classes ne serait plus nécessaire .
· Marx rétorque que « la société bourgeoise moderne élevée sur les ruines de la féodalité, n’a pas aboli les antagonismes de classe. Elle n’a fait que substituer aux anciennes de nouvelles classes, de nouvelles conditions d’oppression, de nouvelles formes de luttes »
· Par contre le mode de production capitaliste a introduit une simplification des antagonismes de classe. En effet dans la société féodale il existait une pluralité de classes (les serfs, les compagnons , les maîtres de jurandes , les seigneurs, etc.) alors que dans le mode de production capitaliste on va vers une bipolarisation de la lutte : « « la société se divise de plus en plus en deux grands camps opposés, en deux classes ennemies, la bourgeoisie et le prolétariat ». Il poursuit « de toutes les classes actuellement adversaires de la bourgeoisie, le prolétariat est la seule classe vraiment révolutionnaire, les autres classes se désagrègent et disparaissent par le fait de la grande industrie : le prolétariat au contraire est son produit particulier »
· Mais en renforçant l’exploitation du prolétariat, afin de compenser la chute des taux de profit (tendance structurelle du mode de production capitaliste selon Marx), la bourgeoisie accélère la prise de conscience de la classe ouvrière, renforce ses capacités de luttes et ainsi : « la bourgeoisie produit avant tout ses propres fossoyeurs. Sa chute et le triomphe du prolétariat sont inévitables ».


II ) L’ANALYSE DE MAX WEBER (18 p 105)

Max Weber à une vision de la stratification sociale très différente de celle de Marx :
- Tout d’abord il conteste la vision strictement matérialiste et déterministe de Marx. Weber qui est un théoricien subjectiviste considère contrairement à Marx, que ceux sont les hommes qui consciemment , tout en ayant une rationalité limitée, qui sont les acteurs de l’histoire . Donc en aucun cas on ne peut les assimiler à des pâtes à modeler déterminés par des forces productives échappant à leur conscience.

- Deuxièmement , Weber rejette les conceptions téléologiques ou finalistes telles celles de Marx. Il considère que rien n’est jamais écrit à l’avance et que le futur est indéterminé. Il fait donc à Marx le reproche d’avoir pris ses désirs pour la réalité et de ne pas avoir fait preuve de la neutralité axiologique nécessaire à tout théoricien

- Troisièmement, si Weber ne conteste pas l’existence de classe sociale :
# il en a une vision très différente de celle de Marx :
· puisqu’il définit la classe comme l’ensemble des individus qui ont en commun telle ou telle situation , sans se soucier de savoir s’ils sont par-là véritablement unis. Les membres d’une classe n’ont donc pas forcément une conscience de classe et ne sont pas forcément mobilisés dans la lutte (qui est quasiment inéluctable dans l’analyse de Marx).
· Cela n’empêche pas Weber de considérer que des luttes entre classes sont toujours possibles, mais là aussi il se différencie de Marx :
- chez Marx c’est la lutte qui fait prendre aux individus conscience des intérêts qu’ils ont en commun, la lutte est donc un pré-recquis.
- Au contraire dans l’analyse de Weber c’est parce qu’ils ont des intérêts communs et qu’ils en ont pris conscience que les individus luttent. que les individus luttent : la conscience de classe précède la lutte.
- De plus et contrairement à Marx, Weber considère que les acteurs en lutte et les formes du conflit évoluent avec les transformations économiques : rien n’assure donc selon Weber que le prolétariat et la bourgeoisie demeurent dans le futur les acteurs centraux de la lutte, de nouveaux acteurs peuvent apparaître (ex : les classes moyennes).
# Enfin selon Weber :
· il existe dans toute société trois sortes de hiérarchies (cf tableau ci dessous ) qui correspondent respectivement à l’ordre économique, à l’ordre social et à l’ordre politique. Il y a certes des rapports possibles entre les trois hiérarchies, mais elles ne sont pas toujours liées entre elles de façon nécessaire .
· Au contraire dans l’analyse de Marx la bourgeoisie occupant une position dominante dans la sphère économique va obligatoirement dominée dans les sphères sociales et politiques .(cf tableau p106)

III ) LES ANALYSES EMPIRIQUES AMERICAINES : LES CLASSES VUES COMME STRATES ( 19p 106)

Méthode mise en œuvre : Warner est un sociologue américain qui a essayé de décrire la stratification de la société américaine en s’installant dans différentes petites villes qu’il a observé en adoptant une démarche d’ethnologue .

Conclusion : Warner après avoir longuement examiné la vie de ces cités en arrive à la conclusion qu’ :
· il existe bien des classes sociales aux Etats-Unis.
· Mais il en donne une définition très différente de celle de Marx : « par classe, on doit entendre deux ou plusieurs ordres de personnes qui sont supposés être et qui sont effectivement rangés, d’un commun accord par les membres de la communauté dans des positions socialement supérieurs ou inférieures »

Conséquence : Warner s’oppose donc à l’analyse marxiste sur de nombreux points :
· Warner considère que la dimension économique ne doit certes pas être négligé, mais que le critère essentiel à prendre en compte est d’ordre social, statutaire : c’est le degré de prestige et de reconnaissance qui permet de classer les individus.
· Warner considère que les différentes classes sociales présentes aux Etats-Unis ne sont pas structurellement en conflit, qu’au contraire elles sont complémentaires et s’articulent pour le bien de tous. Donc que la conception marxiste des classes n’est pas adapté au contexte américain .
· Warner adopte une démarche subjectiviste puisqu' il essaye de déterminer le prestige de chaque individu en interrogeant ses concitoyens.


Warner établi alors l’échelle suivante :

Relativisation de la démarche : Il n’en reste pas moins que la démarche adoptée par Warner a été fortement critiquée et est aujourd’hui considérée comme contestable :
· Le principal objectif de Warner était de montrer que l’analyse de Marx était inadapté au contexte américain pour cela il a opéré une démarche qui n’est pas neutre :
· Ila sélectionné des petites villes américaines qui ne sont pas représentatives de la structure sociale américaine : en particulier car elles n’ont pas de fortes concentrations ouvrières.
· Il a ainsi pu en conclure qu’aux USA les luttes des classes et les conflits de pouvoir étaient peu développés, ce qui n’était pas le cas dans les grandes villes .
· Enfin sa démarche subjectiviste l’ a conduit à sélectionner comme juge de la position de chaque personne des membre de l’upper-middle-class dont la vision n’est pas représentative de l’ensemble de la société , car ils : «ont une vision très hiérarchisée propre aux membres de ce milieu »


SECTION III : LES STRUCTURES SOCIALES FRANCAISES ET
LEUR EVOLUTION : BRISES


I - UNE CLASSIFICATION DE LA POPULATION : LES PROFESSIONS ET CATEGORIES SOCIOPROFESSIONNELLES (PCS) ( 10 à 12 p98-100)
La nomenclature des catégories socioprofessionnelles (CSP) a été élaborée par les statisticiens de l’INSEE dans les années 50 . Elle constitue le principal instrument d’analyse de la structure sociale en France. Cette nomenclature a été modifiée en 1982 lors du recensement au profit de celle des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Une
nouvelle nomenclature ne remettant pas en cause l’essentiel et conservant le nom de PCS est entrée en vigueur en 2003.
A. La construction des PCS
Les PCS sont un mode de regroupement des individus en catégories sociales homogènes selon leur activité professionnelle, sur la base de trois critères :
la position hiérarchique au sein de la profession exercée (ou de l’ancienne profession en cas de retraite) complétée par le niveau de diplôme requis pour exercer cette profession,
le statut (salarié ou indépendant),
la nature de l’activité (agricole, artisanale, industrielle).
Ces trois critères correspondent aux trois clivages fondamentaux qui structurent les groupes sociaux dans une société marquée par la prédominance du travail :
le clivage hiérarchique,
le clivage ville/campagne,
le clivage salarié/indépendant.
En France la nomenclature des catégories socioprofessionnelles établie en 1954 a été modifiée en 1982 pour devenir la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles (PCS). Elle vient de subir un toilettage qui sera utilisée par l’INSEE dès 2004 . pour reconstruire une analyse de la stratification des sociétés contemporaines, ce qui permet de passer d’une vision nominaliste à une vision réaliste.
Ces nouvelles nomenclatures mettent davantage l’accent sur la position sociale, donc sur le niveau hiérarchique. La nomenclature actuelle (2003) existe à un niveau agrégé de 8 postes ou groupes socioprofessionnels :
1. agriculteurs exploitants ;
2. artisans, commerçants et chefs d’entreprises de plus de 10 salariés ;
3. cadres et professions intellectuelles supérieures ;
4. professions intermédiaires ;
5. employés ;
6. ouvriers ;
7. retraités ;
8. autres personnes sans activité professionnelle.
Les groupes 7 et 8 ne sont pas utilisés (c’est évident) dans les analyses portant sur les actifs, ils le sont en revanche dans les études portant sur les ménages, ils servent alors au classement à partir de la position du chef de ménage.
La nomenclature est également développée en 24 et en 42 postes.
B. Les atouts et les limites du classement en PCS. (13 à 15 p101-102)
La nomenclature présente des catégories statistiques qui regroupent des individus ayant des caractéristiques communes et des comportements propres. Elle donne une vision quantifiée de la structure sociale. Ainsi, l’évolution de la structure des groupes socioprofessionnels révèle les transformations socio-économiques de la société française au cours des cinquante dernières années : tertiairisation, extension du salariat, montée des qualifications.
Les très nombreuses études conduites à partir des PCS permettent d’obtenir une information assez fiable : quel que soit l’indicateur considéré, montant du revenu, taux de mortalité infantile, degré de satisfaction dans l’existence, inscription sur les listes électorales, le classement est toujours le même (il peut être inversé mais l’ordre est conservé, les cadres supérieurs peuvent être au premier ou au dernier rang, mais alors les ouvriers sont au dernier ou au premier rang).
Ces analyses ne renvoient pas forcément à une vision pyramidale de la société parce que cette image rend mal compte de la mobilité et des transformations techniques permanentes. Il est préférable de passer à une représentation faisant référence à deux axes : le diplôme qui est l’indicateur de la position culturelle et le revenu qui est celui de la position économique (ces deux indicateurs sont réducteurs mais ils sont assez représentatifs).
A partir de ces deux indicateurs on peut tenter de retracer la position de chaque PCS dans l’espace de la société française. Le graphique suivant est emprunté à Yannick Lemel, “Stratification et mobilité sociale” (1991). Les positions de classe sont facilement repérables et permettent de distinguer quatre ensembles : - les salariés modestes, des manœuvres aux employés, les techniciens étant à la limite de deux groupes - les salariés supérieurs, des techniciens aux ingénieurs - les “petits” indépendants, agriculteurs, artisans et petits commerçants - enfin un groupe dominant mais hétérogène pour le niveau de diplôme.

Louis Maurin propose une actualisation de ce type de représentation dans un article de la revue Alternatives économiques (n°212, mars 2003).
CSP, hors agriculteurs, selon la part de bac + 2 et les salaires en euros par mois. Pour les non-salariés il s’agit des revenus moyens d’activité pour 1999, incluant les revenus du capital
Les cercles représentent la taille des CSP mais non les intervalles de revenus et de diplômes sur lesquels elles s’échelonnent. Les diplômes sont ceux de l’ensemble de la CSP, mais les salaires ne portent par définition que sur la partie salariée... (Source : Enquête emploi INSEE 2002 et Données sociales 2002-2003)
Parfois ces PCS sont regroupées, par exemple pour la consommation, parfois elles sont distinctes, par exemple pour l’homogamie.
L’analyse ne peut pas être conduite sans prendre en compte les variations de la structure de la population active. Les PCS n’ont pas le même destin. Certaines sont stables, d’autres déclinent ou connaissent une croissance de leurs effectifs.
Identifier des individus par leur situation professionnelle tend à regrouper des personnes différentes à bien des égards (modes de vie, croyances, origines). Inversement, des individus aux caractéristiques sociales assez proches peuvent se retrouver dans éparpillés dans des catégories différentes. En outre, le critère de la profession est parfois insuffisant pour représenter la société, à l’heure où la part des emplois atypiques (contrats à durée déterminée, intérim, contrats aidés) tend à augmenter, et où le chômage frappe, durablement ou à répétition, de nombreux actifs.

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