Chapitre première : la socialisation

CHAPITRE III - LA SOCIALISATION

INTRODUCTION - A LA DECOUVERTE DE LA SOCIALISATION :

ESSAI DE DEFINITION

Guy Rocher définit la socialisation comme : « étant le processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socio-culturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expérience et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où elle doit vivre »

Guy Rocher peut alors distinguer trois aspects essentiels de la socialisation :

· La socialisation est un processus d’acquisition :

- de modèles de comportements, de normes et de valeurs c’est à dire d’éléments composant une culture.

- Il est donc spécifique et fonction de la société, du groupe auquel l’individu appartient

- C’est un processus ininterrompu puisqu’il débute à la naissance et ne se termine qu’à la mort de l’individu.

· la socialisation intègre la culture et la structure sociale de la société à la personnalité psychique de l’individu :

- de telle façon que les règles, les obligations définies par la société paraissent naturelles et influencent les manières de penser, d’agir et de sentir.

- C’est grâce à cette intégration des éléments socio-culturels que le poids du contrôle social n’est en définitif que peu ressenti consciemment. L’individu n’a pas le sentiment d’obéir à la pression d’une autorité extérieure, c’est de sa propre conscience que jaillit la source de sa conformité.

· L’individu est ainsi adapté à son environnement social et peut communiquer avec les autres membres de la société dont-il partage avec les idées, les goûts et les aspirations qui lui permettent de s’identifier au nous collectif.

SECTION I - LES PROCESSUS DE SOCIALISATION .

I - LES METHODES TRADITIONNELLES DE SOCIALISATION (doc7 p123 jusqu’à prescriptions)

Le point commun à toutes les méthodes traditionnelles de socialisation est qu’elles considèrent que :

· l’enfant est un être imparfait

· qui doit donc être réformé et subir un conditionnement

· qui lui est imposé ( l’enfant est considéré comme passif)

· afin de pouvoir être intégré à la société

A ) LA SOCIALISATION PAR L’APPLICATION DE RECOMPENSES ET DE PUNITIONS

Traditionnellement, les parents recourent :

· à l’application de sanctions ou de punitions quand leur enfant ne se conforme pas aux comportements souhaités.

· Par contre dès lors que l’enfant respecte les attentes des parents ceux ci vont le récompenser afin de lui démontrer leur satisfaction.

B – LA SOCIALISATION PAR LA REPETITION

L’enfant que ses parents entraînent à la propreté, aux bonnes manières subit un apprentissage par la répétition des mêmes gestes qui est destinée à développer en lui des réflexes conditionnés et des habitudes qui se perpétueront tout au long de sa vie.

II - LES ORIENTATIONS CONTEMPORAINES : UNE VISION MOINS DIRIGISTE DES PROCESSUS DE SOCIALISATION.

Les points communs à toutes les modes modernes de socialisation est qu’ils :

· n’ont plus une vision aussi négative de l’enfant ( au contraire sa pureté et son innocence sont valorisées)

· la socialisation ne doit plus être imposé à l’individu qui n’est pas passif

· mais qui au contraire est considéré comme étant un acteur social qui, par les relations qu’il va entretenir avec son environnement, va participer au processus de socialisation

A - LA SOCIALISATION PAR L’OBSERVATION ET L’IMITATION

· L’enfant apprend en observant les conduites des adultes, en les imitant et en les reproduisant.

· Mais l’enfant ne reproduit pas systématiquement le comportement observé : on ne peut postuler que l’enfant va imiter tous les modèles qui lui sont présentés

· Car l’enfant ne fait pas qu’assimiler bêtement ce qu’il reçoit de son environnement, il réfléchit, il intègre, il donne un sens à ce qu’il perçoit de la vie adulte.

· L’enfant à d’autant plus de chances de s’identifier à l’adulte et à reproduire les comportements souhaités qu’il s’est établi une relation affective avec la personne de référence (le père, la mère, l’éducateur, etc .), que le socialisé l’admire.

· Dans le cas contraire le risque de rejet est important. On voit donc que les conceptions traditionnelles, qui préconisaient l’imposition de modèles par des adultes devant garder leurs distances et imposer leur autorité, ne sont pas sans accroître le risque d’échec de la socialisation par l’imitation.

B – LA SOCIALISATION PAR L’EXPERIMENTATION (doc 13 p128 à partir de le modèle ancien et 7 p 123 à partir de il faut rappeler)

L’enfant qui est confronté à une nouvelle situation ( par exemple un jeu) va :

· opérer une série d’essais qui vont lui permettre de tester son comportement

· et en fonction des erreurs qu’il aura commis, il se corrigera et progressera.

· La socialisation par essai et erreurs est d’autant plus valorisé aujourd’hui qu’elle donne un rôle actif à l’individu qui n’assimile plus bêtement des règles dont il ne comprend pas forcément l’utilité

Exercice de compréhension n°1 : l’apprentissage de la lecture

Document 1 :

À partir des années 1850, le latin est abandonné au profit du français et les méthodes d’apprentissage consistent à décomposer les mots en syllabes, l’enfant ânonne à voix haute un texte fragmenté sans en saisir le sens. Alphonse Daudet illustre dans Les Vieux, les manières de lire des .enfants à son époque : « A... lors... Saint.. I ré née... ». Il s'agit essentiellement de déchiffrement qui s'effectue par l'identification et la reconnaissance des lettres puis des mots. Déchiffrer, ce n'est pas encore lire, accéder au sens du texte. .

À l'école sous la IIIe République, lire consiste le plus souvent à apprendre par cœur les textes lus et répétés par le maître phrase par phrase ; Jean Hébrard note que la mémorisation joue un rôle central et que « les enfants apprennent des textes pour pouvoir les lire et les lisent pour les apprendre » [Hébrard, 1980] La connaissance des textes précède la lecture. Les premiers livres de lecture restent longtemps les livres de catéchisme, appris par cœur puis récités, ils cèdent ensuite la place aux livres d'instruction morale et religieuse puis aux manuels de lecture courante comprenant des textes courts. ( …)Après la phase de syllabation acquise la première année, chaque enfant doit parvenir progressivement a une lecture courante qui s'effectue par reconnaissance de la succession des mots. La lecture courante à haute voix est préconisée, l'enfant doit restituer oralement la chaîne des mots et des phrases ; c'est un travail lent et ardu et, souligne Hébrard, « reconnaître une suite de mots n'implique pas la possibilité de comprendre une phrase. Reconnaître n'est pas lire » [Hébrard, 1980] La lecture silencieuse et visuelle qui est exigée les classes suivantes, achève le processus d'entrée en lecture, mais elle reste en fait une lecture oralisée (qui suit le rythme de la voix), faite en silence et lentement. Elle ne permet pas non plus l'accès au sens du texte [A.-M. Chartier, 1993].

Au cours de la seconde partie du XXe siècle, le savoir lire devient une nécessité sociale, il consiste désormais à saisir la signification du texte écrit. L'augmentation du niveau des qualifications répondant aux besoins de l'économie, la multiplication et la diversité des écrits qui se répandent dans la vie sociale, imposent la nécessité de dépasser le simple déchiffrement et de savoir lire et comprendre la signification de textes écrits simples mais aussi divers et complexes. Lire rapidement, saisir promptement le sens du mot, de la phrase, du paragraphe devient indispensable. « Lire c’ est comprendre » deviendra la devise des pédagogues.

Source : C.Horellou-Lafarge et M.Segré , Sociologie de la lecture , Repères La Découverte , 2003

Questions :

  1. Remplir le tableau suivant


XIX° siècle

XX° siècle

Objectif de la lecture



Méthode de lecture



Avantages



Inconvénients



  1. Indiquez à quelle conception de la socialisation se rattachent les 2 méthodes . Expliquez pourquoi

Document 2 :

La « méthode syllabique » est la plus ancienne, elle consiste à apprendre à déchiffrer. L'enfant apprend à connaître les lettres de l'alphabet et à identifier les sons ou phonèmes qui leur correspondent, il associe les lettres pour former des syllabes, puis des mots. Cet ensemble de connaissances est appelé « conscience phonologique ». Il n'y a pas dans la langue française de correspondance stricte entre phonème et graphème, il faut beaucoup de temps et d'énergie pour mémoriser les liens complexes entre graphies et sons, ce qui retarde le moment de lire. ( … )

La « méthode globale » ou méthode synthétique a été mise au point au XVII siècle, elle s'intéresse de façon prioritaire au sens, elle consiste à faire reconnaître par l'enfant des mots familiers ou à prendre pour point de départ la phrase. La prise en compte du contexte du mot ou de la phrase peut faciliter la saisie du sens. Un travail d'analyse de décomposition des mots en phonèmes est ensuite opéré.

Source : op cité

Questions :

  1. Explicitez les 2 méthodes de lecture
  2. Montrez qu’elles correspondent à 2 conceptions différentes de la socialisation

Document 3 :

Réussite en lecture selon la méthode et le milieu socioculturel ( en % )


Milieu social favorisé

Milieu socialisé défavorisé


compréhension

décodage

compréhension

décodage

Méthode globale

65

68

72

71

Méthode syllabique

82

80

59

61






Source :M.Fournier , débat sur la lecture , Sciences humaines n° 170 ,avril 2006

Questions :

  1. Donnez le mode de lecture et de calcul du chiffre pointé
  2. Pouvez-vous faire apparaître une corrélation entre :
    • Performances de lecture et milieu social ?
    • Performances de lecture et méthode de lecture ?
  3. Les deux variables influençant la performance de lecture ( milieu et méthode ) s’ajoutent-elles ou non ? Explicitez

Document 4 :

Dans sa circulaire « Apprendre à lire » ( janvier 2006 , le le ministre de l’Education ( G.de Robien) demande aux maîtres d'écarter «ces méthodes qui procèdent d'approches globales», et recommande «au cours du CP, à l’oral comme à l’écrit, un entraînement systématique à la relation entre lettres et sons pour passer, dans un deuxième temps seulement, d'une lecture mot par mot à la lecture de phrases et de textes».

Le ministre a donc bien retenu les leçons des chercheurs et, en bon élève, les applique à la lettre. Pourtant, sa circulaire est loin d'emporter l'assentiment. Depuis plusieurs mois, à coups de pétitions, d'articles dans la presse et sur Internet, deux camps s'affrontent, dont la ligne de partage traverse non seulement les enseignants, les fédérations de parents d'élèves, les groupements pédagogiques mais aussi la communauté scientifique ( …).

Ce n'est pas d'aujourd'hui que les partisans de la «globale» s'opposent à ceux de la «syllabique». A tel point, explique Syl-

vie Plane, que s'est forgé un véritable «mythe de la méthode globale», un modèle repoussoir, responsable de l'illettrisme, de la dyslexie, de la formation de petits barbares aux portes de nos cités ( … )

Une seconde confusion porte cette fois sur la méthode syllabique. Cette méthode traditionnelle a, elle aussi, ses détracteurs: partant de la lettre pour arriver au mot, puis à de petites phrases n'utilisant que les éléments déjà appris - aussi motivantes pour l'élève que «Bobi jappe dans le joli canot» -, elle est accusée d'avoir fabriqué des générations d'«ânonneurs» qui ne comprennent rien à ce qu'ils lisent

Source : op cité

Questions :

  1. Quelle est aujourd’hui la méthode de lecture préconisée par le ministère de l’Education Nationale ?
  2. Existe-t-il une méthode de lecture supérieure à une autre ? Expliquez

III – LES ETAPES DE LA SOCIALISATION (11 p126)

P Berger et T Luckmann différencient socialisation primaire et secondaire :

· la socialisation primaire est la première socialisation que l’individu subit dans son enfance, et grâce à laquelle il devient un membre de la société

· la socialisation secondaire consiste en tout processus postérieur qui permet d’incorporer un individu déjà socialisé dans de nouveaux secteurs de la société :

P 105 DU BREAL TABLEAU EN HAUT

Remarque :

· Traditionnellement on considérait que la socialisation primaire exercée pendant l’enfance jouait un rôle essentiel puisque l’enfant étant plus malléable, intériorisait les modèles de comportement qui étaient souhaités. La socialisation secondaire occupait alors une place d’autant plus réduite que la mobilité sociale était faible et que les individus reproduisaient (par le mariage, par le travail) le modèle de leurs parents.

· Aujourd’hui on accorde de plus en plus d’importance à la socialisation secondaire, en particulier car nous vivons dans une société plus complexe, en évolution rapide qui n’attend pas seulement des individus qu’ils reproduisent tout au long de leur vie des modèles appris durant l’enfance. Au contraire les individus doivent être capables de s’adapter.

IV – LES AGENTS DE SOCIALISATION

Traditionnellement on distingue :

· les agents de socialisation dont l’action est directe et dont c’est une des fonctions explicites : la famille, l’école.

· des milieux de socialisation dont l’influence est indirecte et qui contribue à la formation de l’individu sans qu’une volonté explicite de socialisation soit mise en œuvre : le groupe des pairs ( 12 p 126), l’entreprise, les média, le milieu social.

Alors que les premiers visent une socialisation de la totalité de la personne , les seconds s’intéressent essentiellement à une partie de la personne : celle qui est en rapport avec le groupe en question .

Exercice de compréhension n° 2

« Les premiers jours, on se retrouve analphabète. » Débarqué début octobre à Tokyo, Pierre Loing a de quoi être déstabilisé. La trentaine, il est l'un des vingt- cinq cadres de Renault envoyés au Japon .pour redresser Nissan. Il faisait partie des équipes du constructeur automobile français qui ont travaillé sur la fusion des deux groupes. [...1 Chargé de développer les futurs produits du constructeur japonais, Pierre Loing s est retrouvé plongé dans un univers totalement nouveau. À commencer par son bureau. Ici, pas question d'une pièce individuelle comme à Boulogne-Billancourt. Toutes les personnes d'un même service travaillent dans une immense pièce [...]. Première épreuve : l'utilisation d'un ordinateur et

de son logiciel en version japonaise. ( … )

Le jour où Pierre Loing a pris son poste, il a dû se plier à la cérémonie traditionnelle de la présentation du nouveau venu. Le chef de service a réuni tout le service, debout, pour dire quelques mots et laisser Pierre Loing se présenter. [...] Puis sont venues les premières réunions de travail, la plupart du temps en japonais [...] «Le vocabulaire technique reprend beaucoup d'anglicismes, on se débrouille assez rapidement. Ce qui ma surpris en revanche, au cours des réunions, c'est que les débats sont beaucoup plus contradictoires que l'on imagine. Mais une fois la décision prise, elle est appliquée. »

Difficile de s'intégrer quand on est un Occidental chez Nissan, où aucun non-Japonais n'avait jusque-là occupé de responsabilités au siège, et que l'on vient de chez Renault. « Cela commence à changer le jour où on vous pose une question en réunion et que vous maîtrisez le sujet. » La welcome party aussi a fait évoluer les relations. C'est une tradition dans l'entreprise japonaise : dès les premières semaines, tous les membres d'un même service invitent au restaurant le nouveau venu. « C'est là qu'on s'est découvert les uns les autres, en parlant de nos familles respectives, en s'échangeant les photos de nos enfants. Mes collègues ont découvert que j'avais finalement une existence qui n'était pas tellement différente de la leur. »

Source : Stéphane Lauer, L'initiation d'un cadre français chez Nissan, Le Monde, 19 février 2000.

Questions :

  1. Expliquez la première phrase du texte
  2. Présentez les différences dans l’organisation du travail chez Nissan et Renault
  3. La réussite d’une fusion dépend-elle seulement de déterminants économiques ? Expliquez

SECTION III - LES APPROCHES THEORIQUES DE LA SOCIALISATION.

I - LES CONCEPTIONS DETERMINISTES DE LA SOCIALISATION

A -UN PRECURSEUR : DURKHEIM

E Durkheim (comme nous l’avons vu dans les chapitres précédents) inscrit son analyse dans une perspective holiste qui le conduit à poser que :

- la culture est un tout relativement cohérent et homogène

- qui préexiste aux individus qui composent la société (« or , les coutumes et les idées --- antérieures »)

- ceux ci ne peuvent s’intégrer que s’ils maîtrisent et appliquent le système de valeurs et de normes définies par la société(« il y a des coutumes --- harmonie »)

- si les individus ne respectent pas la culture de la société parce qu’ils ne l’ont pas intérioriseé , alors ils seront rejetés : « si nous y dérogeons—elle se venge sur nos enfants »

Donc la socialisation aura pour fonction de constituer en chaque individu l’être social qui exprime non pas la personnalité individuelle mais le groupe dont-il fait partie.

La conception de la socialisation développée par Durkheim repose donc sur le postulat que :

- l’enfant est un être vierge et passif donc très malléable

- que la société (et non pas seulement la famille : « il est vain – nos enfants comme nous le voulons ») doit socialiser en lui inculquant méthodiquement un système de normes qu’il intériorisera et respectera

A Percheron peut alors écrire : « la conception de la socialisation chez Durkheim est extrêmement autoritaire et découle de la fonction essentielle qu’il lui prête, perpétuer et renforcer l’homogénéité de la société »

B - LA CONCEPTION CULTURALISTE DE LA SOCIALISATION .

Les théoriciens culturalistes s’inscrivent dans la filiation durkheimienne (cf. chapitre précédent)

Constat : Pour les culturalistes la psychologie génétique permet certes d’éclairer certains mécanismes essentiels qui font du nouveau né , égocentrique et totalement dépendant , un adulte membre coopératif et relativement autonome de la société. Mais cette approche est beaucoup trop restreinte car trop centrée sur l’individu. Elle ignore donc les fortes variations que l’on peut observer dans les produits de la socialisation selon les époques, les milieux sociaux ou les lieux.

Conséquences : A partir des multiples enquêtes que les culturalistes ont mené dans les sociétés traditionnelles, ils peuvent en conclure quels adultes produits par les diverses sociétés sont aussi différents que les procédés éducatifs qui leur étaient appliqués quand ils étaient enfants et que ces procédés ne peuvent être facilement ramenés à des mécanismes universel (cf. dans le chapitre précédent l’ étude de M Mead sur le comparaison des cultures Arapesh, Mundugomor et Chambuli).

Conclusion : Les théoriciens culturalistes vont alors affirmer que :

- la personnalité des individus est le produit de la culture dans laquelle ils sont nés c’est à dire selon Lefort que : « les institutions avec lesquels l’individu est en contact au cours de sa formation produisent en lui un type de conditionnement qui , à la longue, finit par créer un certain type de personnalité »

- Il est donc nécessaire selon les culturalistes (comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent) d’opérer un analyse de chaque société et de son modèle de socialisation afin d’appréhender les modèles de comportement apparemment incompréhensibles.

Exercice de compréhension n° 3 :

Par suite, la personnalité marquisienne apparaît très différente de celle des adultes occidentaux. On y pratique la polyandrie et le mariage de groupe mais la jalousie y est inconnue « sauf lorsque l'on a bu ». ( … ). Le Marquisien est « essentiellement un être poli », ses « manières sont douces » et sa « capacité d'exploiter autrui est très réduite », son seul objet de haine étant la personne capable de frustrer ses besoins essentiels ou de l'humilier publiquement (ce qui peut le conduire au suicide). La femme occupe « dans le folklore, une position très voisine à celle du père dans notre culture et c'est pourquoi elle constitue la cible habituelle des mauvais sorts ».

La socialisation de l'enfant marquisien apparaît donc, en de nombreux points, différente voire à l'opposé de celle de l'enfant occidental d'aujourd' hui. Les rapports de l'enfant marquisien avec sa mère sont réduits au minimum et ce sont les hommes qui ont la charge de s'occuper de lui ; il n'y a pas de contraintes à la propreté ni de vêtements imposés ; il n'existe aucune restriction sexuelle et pas d'exigence d'obéissance ; il n'y a pas d'école ni d'apprentissage obligatoire avant la puberté mais une grande liberté collective au sein des bandes d'enfants ; son instruction ne commence qu'au moment de son initiation par laquelle il devient membre à part entière de sa société. Si l'on peut, à la rigueur, distinguer quelques phases liées autant à la maturation biologique qu'aux institutions sociales (la période allant de huit ans à la puberté, celle des bandes d'enfants, étant la seule clairement délimitée par Linton), on ne peut facilement transporter à la société marquisienne l'une ou l'autre des classifications en « stades » construites par Piaget. L'enfant marquisien s'imprègne progressivement, par l'observation et l'imitation de la « culture » de son groupe ; il l'expérimente ensuite, de manière informelle, dans des bandes réunissant les enfants de sa classe d'âge

Source : C.Dubar , La socialisation , A.Colin

Questions :

  1. Remplir le tableau suivant


Iles Marquises

Sociétés occidentales actuelles

Caractéristiques de la personnalité



Caractéristiques de la culture



Méthodes de socialisation



  1. Expliquez à partir du texte l’affirmation suivante : la personnalité des individus est le produit de la culture

C – LA SOCIALISATION VUE COMME INCORPORATION DES HABITUS (13-17 p130-131)

Bourdieu se définit comme un sociologue qui essaie d’opérer une synthèse des auteurs clés de la sociologie que sont Durkheim, Weber et Marx. Pour cela il va forger un concept l’habitus qui selon lui vise à :

· « dépasser les alternatives du déterminisme et de la liberté, du conditionnement et de la créativité, de la conscience et de l’inconscient ou de l’individu et de la société .

· parce que l’habitus est une capacité infinie d’engendrer en toute liberté (contrôlée) des produits – pensées, actions- qui ont toujours pour limite les conditions historiquement déterminées et socialement située de sa production. La liberté conditionnée et conditionnelle qu’il assure est aussi éloignée d’une création d’imprévisible nouveauté que d’une simple reproduction mécanique des conditionnements initiaux » ( le sens pratique)

· Bourdieu pense donc grâce à ce concept avoir dépassé les critiques faites aux théoriciens déterministes dont on est contestée la vision d’un individu conditionné par la société , sans véritable liberté d’action. Mais aussi aux théoriciens individualistes et actionnalistes qui surestiment la capacité de l’acteur social à agir sans contrainte.

Explicitons donc la notion d’habitus :

· Chaque individu va au cours de sa socialisation primaire intérioriser un système relativement cohérent de dispositions durables et transposables à beaucoup de situations qui va fonctionner comme un guide d’appréciations , de perceptions influençant ses actions. P Cabin peut écrire : « l’habitus est un sorte de matrice à travers laquelle nous voyons le monde et qui guide nos comportements » . Ainsi nos goûts qui sont apparemment d’ordre naturels et qui dés lors ne peuvent être discutés sont au moins en partie influencés par la socialisation que nous avons reçu durant notre enfance.

· Les habitus sont différents suivant le milieu social et donc la sous-culture dans laquelle l’individu a été socialisé. Mais Bourdieu cherche surtout à montrer qu’il permettent aux individus de se distinguer : « les goûts sont l’affirmation pratique d’une différence inévitable. Ce n’est pas par hasard que lorsqu’ils ont à se justifier, ils s’affirment de manière toute négative, par le refus opposé à d’autres goûts. En matière de goûts plus que partout toute détermination est négation ; et les goûts sont sans doute avant tout des dégoûts, faits d’horreur ou d’intolérance (c’est à vomir) pour les goûts des autres. Des goûts et des couleurs on ne discute pas : non parce que tous les goûts sont dans la nature mais parce que chaque goût se sent fondé en nature, et il l’est quasiment étant habitus,ce qui revient à rejeter les autres dans le scandale du contre nature » (la distinction, p 61) car comme l’écrit L Mucchielli : « le jeu social où qu’il s’exerce repose toujours sur des mécanismes structurels de concurrence et de domination »

· A voir et écouter l’interview de P.Bourdieu :

Exercice de compréhension n°4:

Ainsi, lorsqu'on va des ouvriers aux patrons du commerce et de l'industrie, en passant par les contremaîtres et les artisans et les petits commerçants, le frein économique tend à se relâcher sans que change le principe fondamental des choix de consommation : l'opposition entre les deux extrêmes s'établit alors entre le pauvre et le (nouveau) riche, entre la «bouffe» et la «grande bouffe» ; les nourritures consommées sont de plus en plus riches (c'est-à-dire à la fois coûteuses et riches en calories) et de plus en plus lourdes (gibier, foie gras). Au contraire, le goût des professions libérales ou des cadres supérieurs constitue négativement le goût populaire comme goût du lourd, du gras, du grossier, en s'orientant vers le léger, le fin, le raffiné : l'abolition des freins économiques s'accompagne du renforcement des censures sociales qui interdisent la grossièreté et la grosseur au profit de la distinction et de la minceur. Le goût des nourritures rares et aristocratiques incline à une cuisine de tradition, riche en produits chers ou rares (légumes frais, viandes, etc.). Enfin, les professeurs, plus riches en capital culturel qu'en capital économique, et portés de ce fait aux consommations ascétiques dans tous les domaines, s'opposent quasi consciemment, par une recherche de l'originalité au moindre coût économique qui oriente vers l'exotisme (cuisine italienne, chinoise, etc.) et le populisme culinaire (plats paysans), aux (nouveaux) riches et à leurs nourritures riches, vendeurs et consommateurs de «grosse bouffe», ceux que l'on appelle parfois les «gros», gros de corps et grossiers d'esprit, qui ont les moyens économiques d'affirmer avec une arrogance perçue comme «vulgaire» un style de vie resté très proche, en matière de consommations économiques et culturelles, de celui des classes populaires.

Il va de soi qu'on ne peut autonomiser les consommations alimentaires, surtout saisies à travers les seuls produits consommés, par rapport à l'ensemble du style de vie : ne serait-ce que parce que le goût en matière de plats (dont les produits, surtout au degré d'indétermination où la statistique les saisit, ne peuvent donner qu'une idée très approximative) est associé, par l'intermédiaire du mode de préparation, à toute la représentation de l'économie domestique et de la division du travail entre les sexes, le goût pour les plats cuisinés (pot-au-feu, blanquette, daube) qui demandent un fort investissement de temps et d'intérêt étant en affinité avec une conception traditionnelle du rôle féminin : c'est ainsi que l'opposition est particulièrement marquée, sous ce rapport entre les classes populaires et les fractions dominées de la classe dominante où les femmes, dont le travail a une forte valeur marchande (ce qui contribue sans doute à expliquer qu'elles aient une plus haute idée de leur valeur), entendent consacrer en priorité leur temps libre au soin des enfants et à la transmission du capital culturel et tendent à mettre en question la division traditionnelle du travail entre les sexes ; la recherche de l'économie de temps et de travail dans la préparation se conjugue avec la recherche de la légèreté et de la faible teneur en calories des produits pour incliner ers les grillades et les crudités (les «salades composées») et aussi vers les produits et les plats surgelés, les yaourts et les laitages sucres, autant de choix qui sont aux antipodes des plats populaires dont le plus typique est le pot-au-feu, fait de viande à bon marché et bouillie - par opposition à grillée ou rôtie -,mode de cuisson inférieur qui demande surtout du temps. Ce n'est pas par hasard que cette forme de cuisine - on dit d'une femme qui se consacre entièrement à son foyer qu'elle est «pot-au-feu» - symbolise un état de la condition féminine et de la division du travail entre les sexes comme les pantoufles que l'on chausse avant le dîner symbolisent le rôle complémentaire dévolu à l'homme

Le goût en matière alimentaire dépend aussi de l'idée que chaque classe se fait du corps et des effets de la nourriture sur le corps ,c est-à-dire sur sa force, sa santé et sa beauté, et des catégories qu elle emploie pour évaluer ces effets, certains d'entre eux pouvant être retenus par une classe qui sont ignorés par une autre, et les différentes classes pouvant établir des hiérarchies très différentes entre les différents effets : c'est ainsi que là où les classes populaires, plus attentives à la force du corps (masculin) qu'à sa forme, tendent à rechercher des produits à la fois bon marché et nourrissants, les professions libérales donneront leur préférence a des produits savoureux, bons pour la santé, légers et ne faisant pas grossir. Culture devenue nature, c'est-à-dire incorporée classe faite corps ,le goût contribue à faire le corps de classe : principe de classement incorporé qui commande toutes les formes d'incorporation il choisit et modifie tout ce que le corps ingère, digère , . assimile, physiologiquement et psychologiquement. Il s'ensuit que le corps est 1’ objectivation la plus irrécusable du goût de classe qu il manifeste de plusieurs façons. D'abord dans ce qu'il a de plus naturel en apparence, c'est-à-dire dans les dimensions (volume ,taille, poids, etc.) et les formes (rondes ou carrées, raides ou souples, droites ou courbes, etc.) de sa conformation visible où s exprime de mille façons tout un rapport au corps, c'est-à-dire une manière de traiter le corps, de le soigner, de le nourrir de 1’ entretenir, qui est révélatrice des dispositions les plus profondes de 1’ habitus : c'est en effet au travers des préférences en matière de consommation alimentaire qui peuvent se perpétuer au-delà de leurs conditions sociales de production (comme en d'autres domaines un accent, une démarche, etc.) , et aussi bien sûr au travers des usages du corps dans le travail et dans le loisir qui en sont solidaires, que se détermine la distribution entre les classes des propriétés corporelles.

Source : P. Bourdieu,La Distinction , Minuit 1979

Questions :

  1. Remplir le tableau suivant :


ouvriers

Petits commerçants

Cadres et professions libérales

professeurs

Type de nourriture





Composition du capital





  1. Expliquez la phrase soulignée
  2. Quelles variables influencent les goûts alimentaires ?

II - LE REJET DES CONCEPTIONS DETERMINISTES : UNE CONCEPTION INTERACTIVE DE LA SOCIALISATION .

A - UNE CRITIQUE DES CONCEPTIONS DETERMINISTES

Deux critiques essentielles sont émises à l’encontre de la conception culturaliste :

· Elle considère la formation de l’enfant sur le modèle du dressage ou du conditionnement. Ce qui conduit à poser :

- comme modèle de référence celui de l’individu automate déterminé ou programmé par ses expériences passées

- très éloigné de l’acteur libre de ses choix et responsable de ses actes dont le modèle semble plus représentatif de nos sociétés selon des auteurs comme R Boudon.

· Elle privilégie les expériences de la petite enfance et les disciplines imposées par la culture social du groupe d’origine et donc sous-estime l’influence des agents de socialisation secondaire (31 p 129). L’individu est déterminé une fois intériorisé les normes et valeurs inculquées au cours de la socialisation primaire, c’est donc une conception de la socialisation statique à laquelle il manque une approche dynamique.

Selon les théoriciens de ce courant même si P Bourdieu :

· fait de l’habitus non pas le produit uniquement de la condition sociale d’origine (je me comporte ainsi car je sui ouvrier fils d’ouvrier), mais d’une trajectoire sociale définie sur plusieurs générations ( un fils d’ouvrier fils de paysan tendu vers l’ascension sociale ne sera pas élevé de la même façon qu’un fils d’ouvrier lui même fils d’ouvrier persuadé qu’on ne peut sortir de la condition ouvrière )

· Il n’en reste pas moins son analyse cède finalement au travers de l’inculcation et de l’individu passif. Et donc qu’ elle se trouve très démunie pour expliciter le changement social qui occupe une place centrale dans nos sociétés

B ) UNE ANALYSE INTERACTIONNISTE DE LA SOCIALISATION ( 13-15 p 128-129)

Les interactionnistes proposent en conséquence une définition de la socialisation comme acquisition d’un code symbolique résultant de transactions entre l’individu et la société :

· A Percheron est ainsi conduite à distinguer deux processus différents et complémentaires de socialisation :

- l’assimilation par laquelle l’individu cherche à modifier son environnement afin de le rendre plus conforme à ses désirs et donc à diminuer son insatisfaction et l’anxiété qui en résulte

- l’accommodation par laquelle l’individu tend à se modifier pour répondre aux contraintes et pression de son environnement

· la socialisation ne peut dès lors :

- plus être assimilée à une simple transmission de valeurs de normes et de règles,

- elle vise à développer une certaine représentation du monde qui n’est pas imposée toute faite par la famille ou l’école

- mais construite par l’individu qui se la compose lentement en empruntant certaines images aux diverses représentations existantes mais en les réinterprétant pour en faire un tout original et neuf

· la socialisation est donc avant tout un processus de construction dynamique d’une identité permettant à l’individu d’appartenir à des groupes multiples et parfois contradictoires, d’y développer des relations .

· Mais ce processus d’identification est d’autant plus complexe qu’il n’y a pas d’identification unique de l’individu :

- l’individu s’identifie à plusieurs groupes auxquels il appartient ou fait référence

- Mais il veut tout à la fois s’intégrer dans un groupe, être accepté par les membres, tout en ne se fondant pas dans le groupe , en se différenciant.

Conclusion : on pourrait à titre de conclusion citer la phrase de Lacan (célèbre psychanalyste) : « le moi est un objet fait comme un oignon : on pourrait le peler et on trouverait les identification successives qui l’ont constitué »

Exemple de Compréhension n°5 : l’exemple de la socialisation politique

Longtemps la compréhension du processus de la socialisation politique est restée marquée - et gêné dans ses progrès - par trois postulats. Le premier: les opinions et les comportements politiques se fixent, une bonne fois pour toutes, au cours de l'enfance. L'idée d'une socialisation continue n'est pas envisagée.

Deuxième postulat: la socialisation politique est un processus unidirectionnel de transmission automatique d'attitudes et de comportements «prêts à porter». Le socialisé est conditionné par une socialisation intentionnelle. Il reproduit les préférences idéologiques-partisanes de ses parents. Ce raisonnement qui ne fait pas de place au changement social, sauf comme pathologie, porte les empreintes du béhaviorisme et du fonctionnalisme le plus «dur».

Dernier postulat: la socialisation politique primaire se déroule selon un schéma universel Les politistes D. Easton et J. Dennis, ont conçu ce _schéma à la fin des années 1960 .

Au sortir de l'adolescence, est-on socialisé pour la vie comme l'affirme le postulat numéro un ? Certainement pas.Les identifications idéologiques et partisanes de l'enfance manquent à la fois de substance et de stabilité pour que cela soit le cas. L'identité politique qui se construit pendant l'enfance n'est jamais achevée. Elle est destinée à se compléter et peut-être à se transformer à l'âge adulte sous l'effet de changements des conditions de vie (mobilité sociale, mariage...) et d'expériences fortes (guerres, révolutions). Pour autant, cela ne signifie pas que les acquis de la socialisation primaire sont de simples résidus. Ils constituent plutôt, pour reprendre l'heureuse formule d'A. Percheron, un fond de carte. De cette socialisation initiale, ce qui a le plus de chance de persister, c'est l'identité nationale, l'intérêt et la compétence politiques.

Le socialisé est-il passif? Non, la socialisation est un processus interactif. L'enfant ne fait pas qu'accommoder , il assimile. Ce qui veut dire qu'il est l'opérateur pratique de sa propre éducation politique. Il hérite et il gère. La socialisation ne saurait donc se réduire à une simple transmission, elle est aussi acquisition. Par conséquent, le processus peut comporter une part de résistance et d'innovation. Deux mécanismes soutiennent la transmission: l'imprégnation ,synonyme d'imposition sourde par répétition, et l'inculcation qui est aussi imposition, mais à l'aide de discours délibérés.

_IL faut savoir à ce sujet que la socialisation politique ne résulte pas seulement d'apprentissages étroitement politiques, certaines pratiques sociales, c'est le cas notamment des pratiques religieuses jouent un rôle important dans le processus.De nombreuses recherches empiriques sont venues, au fil des ans, nuancer l'idée d'une transmission automatique des préférences idéologiques-partisanes à l'intérieur de la famille. Que nous ont-elles révélé ? On sait désormais que la transmission a quelque chance de se faire, si les parents manifestent de l'intérêt pour la politique et si leurs préférences sont fortes, homogènes, fixes et transparentes (tableau). Mais on sait ,aussi, que ces conditions pédagogiques ne sont pas suffisantes. En effet, dans les cas de socialisation intentionnelle à une tradition politique familiale particulièrement forte, on a pu constater qu'il n'y avait jamais simple reproduction .

Source : J.P.Lacam , La socialisation politique : l’acteur et le contexte , Ecoflash , n°100 , septembre 1995 .

Questions :

  1. Quels sont dans l’analyse de Easton et Denis les postulats sur lesquels repose la socialisation politique ? A quelle analyse se rattache-t-elle ?
  2. Quelles critiques peuvent être émises à l’égard de cette théorie ?
  3. Quels apports ont fourni à la compréhension de la socialisation politique les théoriciens interactionnistes ? Quels résultats ont fourni les enquêtes ? En quoi ont-elles relativisé la conception déterministe de la socialisation politique ?

C - LA SOCIALISATION PAR LA COERCITION : l’EXEMPLE DE LA SOCIALISATION PAR LA MORTIFICATION : LE CAS DE L’ARMEE.

EXEMPLE DE COMPREHENSION :

· La négation de toute singularité

L'identité personnelle est affectée notamment à travers les modes de présentation de soi : prénom censuré au profit du seul nom, situé au sein d'une classe d'appartenance («Chasseur X», «Dragon Y»...), elle-même incluse dans une hiérarchie légitime située au-dessus des individus («mon colonel» à comparer avec «mon père», la «mère supérieure», le «camarade-secrétaire»...); perte des effets personnels en échange d'un uniforme doté d'une fonction patente de nivellement à quoi s'ajoute la coupe de cheveux «réglementaire». La sphère privée est mesurable par ce qui reste : quelques photographies, un colis de victuailles, un transistor, un livre (non «subversif»)... mais le volume est, de toutes façons, limité par l'espace strictement octroyé dans l'armoire standardisée qui doit être rangée réglementairement et qui est constamment à la merci d'une inspection.

· La dépossession du temps et de l'espace

L'organisation du temps et la limitation des déplacements dans l'espace interne de l'institution marquent la «perte d'autonomie» de l'individu: l'institution s'emploie à occuper à plein temps — surtout dans la phase initiale de socialisation — un individu qui ne doit plus s'appartenir. D'où ces successions de moments précipités (appels impromptus, punitions exceptionnelles, corvées régulières, marches, courses) et de moments d'attente interminables (queues, gardes...) : elles contribuent à entretenir cette disponibilité permanente en vue des missions éventuelles dont le sacrifice personnel constitue plus ou moins le fond permanent. (… )

· L'obéissance inconditionnelle.

L'ordre absurde ou contradictoire a une fonction de dressage d'autant plus éminente qu'il ne vaut pas pour son contenu

impossible à réaliser mais uniquement pour sa qualité formelle d'ordre («il le faut», «il n'y a pas à discuter»...). L'ordre, digne d'être exécuté du seul fait d'avoir été émis par un agent autorisé de l'institution, révèle sous forme extrême et épurée la relation de dépendance hiérarchique: «A Saint-Cyr, pour nous imprégner de cette idée que tout ordre, quel qu'il soit, même s'il paraît idiot — ce dont l'inférieur n'est pas juge — surtout s'il paraît idiot et même s'il l'est carrément, doit être exécuté « sans hésitation » ni murmure, on a inventé les brimades». (Lt-Col. Federphil, Nos vingt ans à Saint-Cyr , Paris , 1933

Source : L Pinto, initiation à la pratique sociologique, Dunod, 1989.

Questions :

- Quel est l’objectif essentiel recherché par l’armée , selon vous , quand elle applique des techniques de mortification ?

- Montrez que les techniques de mortification peuvent être assimilées à une socialisation visant à adapter le civil au domaine militaire.

- Caractériser les techniques de mortification, indiquez pour chaque technique l’objectif recherché.

SECTION II - DES MODELES DE SOCIALISATION VARIABLES .

EXERCICE D’APPLICATION – EXEMPLE DE QUESTION DE SYNTHESE A L’ISSU D’UN TRAVAIL PREPARATOIRE

DOSSIER DOCUMENTAIRE :

Document 1 : Les jouets reçus à noël selon le sexe de l’enfant (en %)

Jouets

Reçus

Filles

Garçons

Ensemble

Poupées et accessoires

Oui

non

28,8

71,2

1,9

98,1

15,4

84,6

Poupées mannequins

Oui

Non

41,1

59,0

0,0

100,0

20,5

79,6

Dînettes, ustensiles de ménage

Oui

Non

5,8

94,2

0,0

100,0

2,9

97,1

Voitures, garages, circuits...

Oui

Non

3,8

96,2

48,1

51,9

25,6

74,4

Figurines

Oui

Non

5,1

94,9

37,2

62,8

21,1

78,8

Console de jeux vidéo

Oui

Non

13,5

84,6

26,9

73,1

20,2

79,8

Cassettes de jeux vidéo

Oui

Non

15,4

84,6

46,7

53,4

31,4

69,2

Jeux de construction

Oui

Non

14,7

91,4

85,3

8,6

17,0

83,0

Jeux d'extérieur et d'agilité

Oui

Non

15,4

84,6

32,1

67,9

23,7

76,3

Jeux de créativité

Oui

Non

35,2

64,7

32,0

67,9

34,0

/Ê^3

Jeux de chiffres et de lettres

Oui

Non

19,9

80,1

12,2

87,8

16,0

84,0

Jeux de stratégie

Oui

Non

32,0

67,9

37,2

62,8

34,6

65,4

Source : INSEE

Document 2 :

Les stéréotypes de sexes en matière de jouets ont par conséquent leurs limites fixées en partie par le niveau socioculturel et le sexe des parents, preuve s'il en est que la définition sexuée des objets sociaux résulte de processus de socialisation eux-mêmes soumis à des différences de sexes. S'il existe une division sexuelle des jouets formellement instituée, l'attitude des parents montre que cette division est quelque peu dissymétrique, une plus grande marge de manœuvre ou liberté d'action étant laissée aux filles. (…)

Face à cette question, les réactions des parents de milieux populaires sont plus nettes, plus catégoriques, dans tous les cas animées par la crainte de porter atteinte à l'image de virilité de leur fils et d'en faire une «fille manquée». Cette expression - au demeurant peu utilisée - est autrement plus péjorative que celle de «garçon manqué», réservée aux filles, et témoigne que l’identité de sexe est bel et bien une notion sociologique a géométrie variable. Tout se passe comme s'il était moins risqué, dans l'esprit des parents interrogés de «masculiniser» la panoplie des jouets de leur fille que le contraire. (…)

«La contrainte du rôle lié au sexe est inscrite dans l'univers des images et d'objets qui entourent l'enfant » S'il semble convenu de parler de jouets pour filles et de jouets pour garçons, c'est en partie parce que ces derniers reproduisent les catégories de sens commun. Les jouets fonctionnent au niveau des représentations comme des modèles de rôles sociaux sexués. (..)

Les parents de milieux populaires ont par conséquent tendance a enfermer les filles et les garçons dans des stéréotypes plutôt rigides. Ils se révèlent plus conservateurs que les autres parents quand il s'agit d'identifier les jouets des filles et des garçons. La préoccupation des parents de milieux diplômés se situe sur un autre registre. Elle porte une ferme critique sur les jouets qui préparent les petites filles aux tâches ménagères. Tandis que les parents peu diplômés considèrent cette attribution comme quasi «naturelle», à l'instar de M- Blanc qui

affiche, devant la photographie de l'aspirateur et des balais, un certain conformisme :

- Mère : C'est pour les filles, parce que tout ce qui est balai et tout, les hommes, bonjour! C'est plutôt fille Ah bien oui! Mais il y a des petits garçons a qui ça plaît, mais c'est rare! Il y a des petits garçons qui jouent à la poupée aussi. Et puis on leur apprend dès l'enfance, un garçon c'est un garçon et c'est l'éducation aussi. C'est ça les jouets, c'est l'éducation.

- Interview:Vous l'achèteriez à votre fils?

- Mère : À mon fils, non. À ma fille, oui, plus facilement... Ma fille l'accepterait, mon fils il me ferait la tête et il ne serait pas du tout content. (Famille Blanc, catégories populaires.)

Tout au contraire, si Mme Langlois, qui enseigne l'allemand dans un lycée, admet avec un certain fatalisme l’existence de ces stéréotypes, elle ne cache pas son opposition à participer à ce genre de discrimination.

Source : S Vincent, le jouet et ses usages sociaux, la dispute, 2001.

Document 3 :

A : Type de jouets majoritairement reçus à noël selon la catégorie sociale de la famille et le diplôme de la mère (en %)


Majoritairement éducatifs

Majoritairement récréatif

Educatif et récréatif en proportion égale

Total

Catégories sociales





Populaires

14,6

70,8

14,6

100

Moyennes

30,1

45,6

24,3

100

Supérieures

42,1

42,1

15,8

100

Ensemble

27,7

51,8

20,5

100

Diplôme de la mère





<>

18,4

60,8

20,8

100

>. bac

34,7

44,9

20,4

100

Ensemble

27,7

51,8

20,5

100

Source : INSEE.

B : Tout se passe en définitive comme si on était en présence de deux «ethos» éducatifs socialement bien distincts, où l'inscription du jouet dans la socialisation scolaire des enfants traduisait l'expression opposée des moyens mis en œuvre en vue de leur réussite scolaire. En milieux supérieurs, l'attribution du jouet porte essentiellement sur la nature du contenu éducatif. Le jouet est finalisé et pensé en tant qu'outil ou vecteur d'éducation. Il est entièrement intégré dans la scolarité.

Les parents sont en quelque sorte des éducateurs attentifs et libéraux qui donnent un maximum d'outils éducatifs. Ils exercent une pression éducative indirecte sur leurs enfants, qui doivent être performants, responsables et autonomes dans leur scolarité. L'impératif éducatif des milieux supérieurs est de faire comprendre à leurs enfants que travailler aujourd'hui est la garantie d'un avenir prometteur. Ici, la famille est destinée à fournir le climat culturel le plus favorable et le plus épanouissant, afin que la scolarité soit envisagée sur le long terme. Ici donc, univers du jouet et scolarité s'en trouvent entremêlés. En milieux populaires, l'union de ces deux termes obéit à une logique plus contradictoire. Si, d'un côté, le jouet symbolise le plaisir et la détente, de l'autre, la scolarité est associée à l'idée de labeur. La réglementation familiale du jouet se révèle fortement dépendante de la qualité des performances scolaires des enfants. Autrement dit, les événements de la trajectoire scolaire de ces derniers rythment le mode d'attribution des jouets. Les parents en offrent en cas de bons résultats; ils décident de leur privation en cas de mauvais comportements scolaires. Cette vision de la scolarité se fonde sur une représentation plus à court terme des ambitions scolaires.

Source : s Vincent, op. cité.

Document 4 :

Les deux variables «diplôme de la mère» et «statut matrimonial», confirment plus encore la disparité sociale des pratiques de consommation des jouets. Dépenser plus pour ses enfants apparaît comme un trait majoritairement populaire, mais aussi caractéristique d'une situation de monoparentalité. La part budgétaire que les parents destinent aux jouets à Noël ne dépend pas seulement de leur niveau de ressources.

Ces résultats sont importants dans la mesure où ils vont à l'encontre de l'idée reçue selon laquelle plus les familles gagnent de l'argent plus elles sont en mesure de «gâter» leurs enfants. Tout au contraire, au moment des fêtes de fin d'année, ce sont les parents de milieux populaires et les familles monoparentales qui sont les plus mobilisés financièrement pour leurs enfants.

Richard Hoggart avait déjà observé cette attitude dans les «classes populaires» d'Angleterre. Il relevait que leurs enfants recevaient «des cadeaux dont le prix est disproportionné au revenu familial, depuis les vélos les plus luxueux jusqu'aux voitures de poupée grandeur nature »

PARTIE I – TRAVAIL PREPARATOIRE

  • 1- Donnez le mode de lecture et de calcul du chiffre entouré (doc1)
  • 2 - les types de jouets sont-ils fonction du sexe de l’enfant, réalisez une analyse méthodique du tableau qui permette de répondre à la question (doc. 1)
  • 3 – Après avoir rappelé la définition des termes rôles et statuts, vous montrerez qu’il existe une division sexuelle des jouets (dont vous expliciterez les objectifs) qui est plus contraignante pour les filles que pour les garçons (expliquez pourquoi) (doc. 3).
  • 4 – Toutes les catégories sociales ont-elles une opinion unanime sur les la division sexuelle des jouets, expliquez. (doc3)
  • 5 – Pouvez vous établir une relation entre la CSP des parents, le diplôme de la mère et le type de jouets offerts à noël, que pouvez vous en conclure sur le type de modèle de socialisation prôné par les parents ? (doc. 4 A et B)
  • 6 – Peut-on dire que les achats de noël sont principalement déterminés par le revenu de la famille, que pouvez vous en conclure ? (doc. 4)

PARTIE II - VOUS MONTREREZ QUE LES JOUETS QUI APPARAMMENT N’ONT QU’UNE FONCTION LUDIQUE, VISENT EN REALITE A REPONDRE DES OBJECTIFS EDUCATIFS TELS QUE FAVORISER LA REUSSITE SCOLAIRE ET FAVORISER L’INTERIORISATION DES ROLES SEXUELS. DANS UNE SECONDE PARTIE VOUS EXPLIQUEREZ QUE LES CHOIX DE JOUETS A NOEL NE SONT PAS IDENTIQUES, QUE L’ON PEUT FAIRE APPARAITRE DEUX MODELES SOCIAUX DE COMPORTEMENTS DONT LES OBJECTIFS EDUCATIFS SONT TRES DIFFERENTS

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