chapitre l'intégration à la nation

L’INTEGRATION PAR LA NATION : L’EXEMPLE FRANÇAIS

I - LA NATION, UNE FORME SPECIFIQUE DE LIEN SOCIAL.

A - INTEGRATION ET ASSIMILATION SONT-ILS SYNONYMES.

1 - L’INTEGRATION

a - définition

DOCUMENT 1 :
La notion d'intégration] implique [...] que soient définis et acceptés des buts communs à l'entreprise collective, que les individus partagent un certain nombre de pratiques et de croyances communes, qu'il existe des interactions entre les membres du groupe. Dans le cas de la nation, il s'agit des buts, des pratiques et des croyances politiques, mais ils ne peuvent être indépendants de la réalité sociale. [...]
Il s'agit de désigner le processus par lequel l'individu, né dans une société particulière, en intériorise les exigences, en acquiert les valeurs communes et adopte les normes de comportements par lesquelles se maintient la collectivité. Ces concepts permettent d'analyser la capacité, socialement constituée, des hommes à acquérir par l'éducation - au sens large du terme - les moyens de participer à la vie commune, c'est- à-dire nationale'
SOURCE :D Schnapper, la communauté des citoyens, Gallimard, 1994.
QUESTIONS :
- Définissez avec vos propres termes la notion d’intégration .

b - les outils de l’intégration.

DOCUMENT 2 :
[Ainsi,] on peut rendre compte du procès par lequel l'individu devient un membre de la collectivité dans laquelle le hasard l'a fait naître. [...] Si tous les théoriciens de la nation [...) ont insisté sur le rôle de l'école, ce n'est pas seulement pour des
raisons d'apprentissage technique, c'est d'abord parce qu'on forme le citoyen à l'école. C'est par la socialisation (pour prendre le concept le plus général), dont l'école est, dans les sociétés modernes, un instrument essentiel, que l'on devient membre d'une collectivité nationale. [...) L'appartenance et le sentiment national naissent [..:] de cette-intériorisation d'un ensemble de modèles culturels et de valeurs spécifiques, qui définissent une identité personnelle indissolublement liée à une identité collective. Désormais, l'individu trouve sa nation à l'intérieur de soi.
[Certes,] c'est normalement dans et par la violence interne - en réduisant les particularismes politiques et culturels - et externe - par les guerres - que se sont déroulés les processus de l'intégration nationale. Mais aucune entité politique ne se maintient par la seule violence. La spécificité de l'État de la nation démocratique, lorsqu'elle a été constituée, est que son action est légitimée par la communauté des citoyens.
SOURCE : op. cité.
QUESTIONS :
- Par quels moyens l’intégration se réalise t’elle ?
- Expliquez l’expression l’individu trouve sa nation à l’intérieur de soi, à quelle théorie sociologique vue en cours pouvez vous la rattacher ?
- Quels types de violence la nation utilise t’elle pour intégrer l’individu ? La nation peut-elle se contenter d’utiliser la violence pour assurer une intégration réussie ?

DOCUMENT 3 :
Au niveau le plus général, le terme de "deuxième génération" désigne le processus sociologique par lequel des individus sont soumis à des formes contradictoires de socialisation, à cet âge décisif des acquisitions fondamentales qu'est l'enfance, C'est un problème qui peut dépasser largement la question de l'immigration. Cependant, là encore, elle y trouve un lieu de prédilection du fait même que nos sociétés sont constituées sur une base nationale. D'un côté, l'enfant acquiert ses premiers apprentissages au sein de son milieu d'origine, dans sa famille et fréquemment dans le groupe que constituent les immigrants de première génération repliés sur l'"entre soi" communautaire. De l'autre, il se heurte aux normes dominantes au pays d'accueil ; inculquées par les enfants français du même âge (c'est-à-dire à l'âge cruel où on
ne connaît pas les dissimulations) et par les représentants des différentes institutions auxquelles l'enfant est soumis. Il s'agit avant tout et surtout de l'école, mais fréquemment aussi de l'assistance sociale, des services pédiatriques, etc. La différence essentielle par rapport à la première génération est donc que la confrontation entre la société d'origine et
la société d'accueil se situe au moment même des apprentissages décisfis ( … ) .Le problème fondamental est ici de comprendre comment les enfants intériorisent les attitudes des adultes et assimilent leurs normes .
SOURCE : G Noiriel, le creuset français, le seuil, 1988.
QUESTIONS :
- Pour quelles raisons les jeunes immigres de la deuxième génération s’intègrent-ils mieux que leurs parents ?
- Pourquoi ‘auteur parle t’il de formes contradictoires de socialisation, caractérisez les .
- L’intégration des enfants de la seconde génération se fait-elle sans difficulté , n’observe t’on pas un conflit de normes et de valeurs ?

2 - L’ASSIMILATION .

DOCUMENT 4 :
Quand on évoque l'intégration, il faut interroger l'histoire pour se rendre compte que ce concept avait été utilisé concurremment avec celui d'assimilation, présenté alors comme une panacée. [...] Mais qu'entend-on par assimilation ? Chacun reconnaîtra que la notion n'est pas claire. [...] Parler d'assimilation, c'est postuler, semble-t-il, une transformation radicale du sujet assimilé, condamné en quelque sorte à changer ou à périr. Quand on ajoute l'adjectif culturel, c'est supposer que le phénomène n'est pas d'ordre physique ou biologique, mais se développe dans le psychisme. On ne sait pas d'ailleurs si le sujet est assimilé par le milieu nouveau dans lequel il évolue, ou si ce n'est pas à lui d'assimiler la culture nouvelle qu'il découvre...
On peut comprendre alors la conception assimilationniste de l'Autre qu'avait la France [dans les années 1950 et I960], cet Autre auquel elle enjoint de se débarrasser de son étrangeté. Dans ce sens, la législation, par petites touches, s'est efforcée de rapprocher l'étranger du Français, aux plans juridique et social.
Ce que l'on entend par assimilation, outre ce que peut en penser l'homme de la rue (identité totale avec le national dans sa manière d'être), il faut le chercher parfois dans l'intention du législateur, notamment à propos de la naturalisation. Pour ne prendre l'exemple que d'un seul texte, parce qu'il est le plus significatif, on se référera à l'ordonnance du 19 octobre 1945 portant Code de la nationalité.
Indépendamment des conditions de moralité, de santé, de capacité juridique et de régularité du séjour en France, le législateur conçoit ainsi l'assimilation : « se distinguer aussi peu que possible les nationaux par le langage, la manière de vivre, l'état d'esprit, le compor-
tement à l'égard des institutions françaises, le loyalisme, »
SOURCE : MOHWD KHELUL,Sociologie de l'intégration,PUF, coll. Que sais-je ?, 1997.
QUESTIONS :
- Après avoir défini le terme assimilation peut-on dire que les termes assimilation et intégration soient synonymes ?
- En quoi la définition de l’assimilation par le législateur et par l’homme de la rue se ressemblent-elles ?

B - NATION ET LAICITE.

DOCUMENT 5 :
La nation se définit par son ambition de transcender par la citoyenneté des appartenances particulières, biologiques (telles du moins qu'elles sont perçues), historiques, économiques, sociales, religieuses ou culturelles, de définir le citoyen comme
un individu abstrait, sans identification et sans qualification particulières, en deçà et au-delà de toutes ses déterminations concrètes. La laïcité, en particulier, est un attribut essentiel de l'État moderne, parce qu'elle permet de transcender la diversité des appartenances religieuses, de consacrer le passage dans le privé des croyances et des pratiques, de faire du domaine public le lieu, religieusement neutralisé, commun à tous les citoyens, quelle que soit l'Église à laquelle ils appartiennent [...]. Elle symbolise le fait essentiel que le lien social n'est plus religieux, mais national, donc politique.
Le projet national est universel, non seulement en ce qu'il est destiné à tous ceux qui sont réunis dans la même nation, mais aussi parce que le dépassement des particularismes, en principe, susceptible d'être adopté dans toute société.

SOURCE : op. cité.
QUESTIONS
- Définissez la laïcité, en quoi contribue t’elle à la cohésion nationale ?


C - LA NECESSAIRE LIMITATION DES PARTICULARISMES NATIONAUX

DOCUMENT 6 :
Pour assurer l'existence d'une nation citoyenne, il apparaît nécessaire de respecter deux exigences. Il faut que les individus admettent qu'il existe un domaine public unifié, indépendant, au moins dans son principe, des liens et des solidarités religieux, claniques et familiaux et qu'ils respectent les règles de son fonctionnement .Il faut, par ailleurs, que l'égalité de dignité de chacun, qui fonde la logique de la nation démocratique, ne soit pas contredite par des inégalités de statut dans les autres domaines de la vie sociale, en particulier dans le droit personnel. [...]
Les juges anglais ont ainsi souligné que la tolérance des particularismes culturels devait connaître des limites. Les lois et coutumes traditionnelles ne pouvaient être respectées que si elles étaient «raisonnables» et conformes à l'ordre public, elles ne pouvaient être reconnues et appliquées en Angleterre que si elles n'étaient pas jugées choquantes [...) et si elles n'offensaient pas la conscience de la Cour. C'est ainsi que les tribunaux britanniques ne reconnaissent pas les mariages ou l'un des conjoints a moins de seize ans, les mariages forcés, les divorces par répudiation de la femme l'interdiction faite aux femmes musulmanes d'épouser un non-musulman, toutes pratiques jugées contraires à la liberté individuelle. [...] En France aussi, le juge refusa d'appliquer la loi étrangère, lorsqu'elle est considérée comme incompatible avec l'ordre public, qu'il s'agisse, par exemple, de la répudiation, de la polygamie, de l'empêchement au mariage tenant à la religion ou a la nationalité du conjoint. [...] Toute inégalité de statut - dont l'égalité entre les hommes et les femmes est un exemple privilégié - est tenue pour un défi aux valeurs communes, quand on fait de l'égalité fondamentale de tout citoyen le principe fondateur de la pratique démocratique.
Ces principes posés, il reste bien souvent à résoudre des problèmes pratiques [...) ; si chacun a le droit de pratiquer toutes les langues dans le privé, peut-on admettre la multiplicité des langues dans la vie publique (...] ? Jusqu'à quel point est-il concrètement possible de respecter l'expression des spécificités régionales ou religieuses à l'école, où l'on doit d'abord apprendre les règles, communes à tous, de la vie nationale?
SOURCE : op. cité.
QUESTIONS :
- Expliquez pour quelles raisons le processus d’intégration dans la nation nécessite la limitation des normes et cultures d’origines.
- Trouvez des exemples (autres que ceux du texte) dans lesquels la loi s’oppose à l’expression du particularisme de certains groupes .

D - UN EXEMPLE D’INTEGRATION : LES BRETONS ET L’UNIFICATION NATIONALE .

DOCUMENT 7 :
L'auteur relate son enfance en Bretagne, au début des années 1920.

A l'école, il est interdit de parler breton. Il faut tout de suite se mettre au Français, quelle misère! [...] C'est dans la cour, pendant nos libertés surveillées, que nous risquons de nous faire surprendre à bavarder par phrases entières dans un coin du préau. [...]
Lorsque l'un d'entre nous est puni pour avoir fait entendre sa langue maternelle dans l'enceinte réservée au français, soit qu'il écope d'un verbe insolite ou irrégulier, soit qu'il vienne au piquet derrière le tableau après le départ de ses camarades, une autre punition l'attend à la maison. Immanquablement. Le père ou la mère, qui quelquefois n'entend pas un mot de français, après lui avoir appliqué une sévère correction, lui reproche amèrement d'être la honte de la famille, assurant qu'il ne sera jamais bon qu'à garder les vaches, ce qui passe déjà pour infamant, par le temps qui court, auprès de ceux-là mêmes dont une part du travail est de s'occuper des vaches. Le mot vache d'ailleurs (buoc'h en breton) est l'injure que l'on adresse aux pauvres d'esprit, aux imbéciles fieffés [...]. Est-ce pour cela que la punition infligée, dans tout le pays
bretonnant, aux écoliers surpris à parler breton s'appelle la vache. [...]
À propos de symbole, la vache est souvent symbolisée par un objet matériel, n'importe quoi : tin galet de ruer, un morceau de bois ou d'ardoise que le coupable (!) doit porter en pendentif autour du cou au bout d'une ficelle ; un sabot cassé, un os
d'animal, un boulon que le maître d'école remet au premier petit bretonnant qui lui offense ses oreilles de fonctionnaire avec son jargon de truandaille. Le détenteur de la vache n'a de cesse qu'il n'ait surpris un de ses camarades en train de parler breton pour lui refiler l'objet. Le second vachard, à son tour, se démène de son mieux pour se débarrasser du gage entre les mains d'un troisième et ainsi de suite jusqu'au soir, le dernier détenteur écopant de la punition. Certains maîtres engagent même les enfants à se dénoncer mutuellement, bien qu'ils enseignent dans leur classe qu'il est très vilain
de «rapporter». Mais la règle ne vaut pas pour le délit de bretonniser. (...)
Au reste, nous ne pensons nullement à discuter la vache. Elle entre dans le même système que les punitions pour une leçon non sue, une mauvaise dictée ou un problème aberrant. Parmi ceux qui portent l'objet en question, aucun ne songerait à le refuser quand il est pris en flagrant délit, même par plus petit que lui. L'autre serait capable d'ameuter tout le pays, de déshonorer le récalcitrant, d'humilier doublement sa famille ( … )
[En 1914-1918, les Bretons] ont abandonné leurs défroques de maîtres et de domestiques pour n'être plus que des frères d'armes, pataugeant dans une même terre boueuse qui n'appartenait ni aux uns ni aux autres. Ils ont un peu appris la
Marseillaise, le Chant du Départ, la Brabançonne et d'autres chansons en français. Ils ont vaincu ou cru vaincre les Boches, ce qui est la même chose. Et maintenant ils se retrouvent ensemble devant le monument aux morts [...]. Ils ont sauvé la France, la France est à eux, fait partie de leur patrimoine, pourquoi pas le français ! Et les instituteurs laïques [...) apprennent à leurs enfants des chants patriotiques:
Pour compliquer encore la situation, les enfants du pays qui vont à Paris pour gagner leur pain depuis la guerre de quatorze en arrivent très vite à haïr leur langue, synonyme de pauvreté, symbole d'ignorance et promesse de dérision. C'est tout juste s'ils ne maudissent pas leurs parents pour ce patrimoine plus déplorable qu'une tare physique héréditaire. À peine ont-ils passé un an dans quelque bas emploi de la capitale qu'ils reviennent au pays pour faire la route devant leur cousinage de «coupeurs de vers». Et au grand jamais ils ne lâcheront un seul mot de breton, sauf quand ils marchent par mégarde sur les dents d'un râteau qui leur renvoie son manche dans la figure: gast a rastell! (putain de râteau).
[...] Au lycée de Quimper, les petits bretonnants que nous sommes seront moqués par les externes de la ville qui parlent un affreux quimpertin et transforment tous les r en a : feame la poate donc! Meade aloa.'(... ) Je suis si mortifié par les railleries des autres, bourgeois jurés, que je me promets de remporter, en priorité absolue, le prix de français. Et je l'obtiens, foi de Bigouden, suivi de près par les autres bretonnants et reléguant loin derrière le peloton fourbu des francisants de naissance qui n'en sont jamais revenus.

SOURCE : P JAKEZ HELIAS, le cheval d’orgueil, Plon, 1977.
QUESTIONS
- Quels moyens étaient utilisés pour forcer les écoliers bretons à s’exprimer en français ?
- Cette entreprise était-elle réellement contestée, montrez comment et pourquoi chacun y contribuait ?
- Pour quelles raisons les bretons souhaitaient-ils que leurs enfants s’expriment et écrivent le français ?
- Pourquoi, paradoxalement , les jeunes bretons étaient -ils les plus performants en français au lycée ?

DOCUMENT 8 :
Dans de nombreux pays, dont certains sont tout près de nous, les conflits sanglants entre cultures, religions, nationalités ou ethnies font rage, et le fait qu'ils soient mêlés à des ambitions ou à des conflits proprement politiques n'empêche pas la dimension culturelle
d'être dramatiquement importante. [.. .) Dans les pays les plus riches, les plus apaisés et les plus démocratiques [...] l'apaisement [des conflits culturels, religieux, ethniques...] n'a pas été l'œuvre de l'esprit de tolérance, mais plutôt l'effet du triomphe de la société nationale comme mode principal d'organisation sociale. [...] La nation apparaissait comme la forme politique de la société moderne, complexe et changeante, où déclinent les appartenances particulières locales, ethniques ou religieuses, et où triomphe une rationalité qui se traduit en règles administratives, en systèmes de communication et en programmes d'éducation.
Ce modèle national-démocratique a permis de combiner, grâce aux libertés publiques, le pluralisme des intérêts et des opinions et l'unité politique ; il a fait triompher la laïcité. Mais il a aussi, et de manière complémentaire, imposé souvent, au nom du progrès et de la loi, les mêmes règles et formes de vie à tous.
Ce qui était étiqueté comme archaïque , marginal ou minoritaire fut interdit,refoulé, infériorisé. Dans les plus anciens États nationaux, cette œuvre d'intégration semble aujourd'hui avoir été moins violente qu'ailleurs, parce qu'elle s'est étendue sur une longue période. Mais elle s'est souvent accompagnée d'un déni, plus radical qu'ailleurs, de la diversité culturelle.
Gérard Noiriel a montré comment la pensée française, et en particulier les études historiques et sociologiques, avait occulté sous la IIIe République la réalité de l'immigration, alors que de nombreux travaux en signalaient l'importance aux Etats-Unis. Lorsque se sont multipliées les études sur les minorités ethniques, nationales ou régionales, on a découvert à quel point des cultures et des sociétés avaient été détruites, en dehors même des guerres à travers lesquelles s'étaient formés les États nationaux. [...]
On doit critiquer avec la même vigueur que les intégrismes ethniques, nationaux ou religieux, la négation des identités culturelles dans les sociétés démocratiques libérales et surtout dans celles qui ont le plus fortement identifié la liberté du peuple avec la toute puissance de l'Etat républicain.
SOURCE : ALAIN TOURAINE , Pourrons-nous vivre ensemble ?,© Fayard, 1999.
QUESTIONS :
- Comment les pays les plus démocratiques ont-ils apaisé les conflits internes auxquels ils étaient confrontés ?
- Montrez quels sont les intérêts et les limites de ce modèle national-démocratique selon A Touraine .


II - LE MODELE D’INTEGRATION DES IMMIGRES EN FRANCE


A - UNE LONGUE TRADITION D’IMMIGRATION .

DOCUMENT 9 :
SOURCE : D Khames et F Paoletti, Quelle immigration en France, optique hatier, 1993.
QUESTIONS :
- Après avoir montre que l’immigration en France n’est pas un phénomène récent , vous caractériserez l’évolution des flux migratoires .


B - UNE INTEGRATION REUSSIE.

1 - LES APPORTS DE L’IMMIGRATION .

a - un apport démographique.

DOCUMENT 10 :
Une estimation de la population d'origine étrangère aboutissait à un chiffre voisin de 10 millions. (...] Au total, nous avions, en 1986, 14 millions de personnes soit immigrées, soit enfant ou petits-enfants d'au moins un immigré.
SOURCE : M TRIBALAT, mise au point, population et société, juin 1994.
QUESTIONS :
- Pourquoi la France a t’elle fait appel plus tôt que ses partenaires à l’immigration ?
- Mesurer l’apport démographique des immigrés en France .

b - un apport économique.

DOCUMENT 11 :
[...] La question de l'immigration, pour ce qui concerne la France, est indissolublement liée à l'industrialisation. C'est elle qui a permis à ce pays de conserver son rang sur la scène internationale, alors que beaucoup d'observateurs de la fin du xix° siècle prédisaient un déclin irrémédiable. (...) On estime que les immigres recrutés depuis la Deuxième Guerre mondiale ont construit l'équivalent d'un logement sur deux, 90% des autoroutes du pays, une machine sur sept. On n'a jamais évalué leur contribution pour les périodes antérieures, notamment dans les années vingt, quand la France était
l'un des tout premiers producteurs mondiaux de minerai de fer avec une main-d'œuvre d'origine étrangère dans sa quasi-totalité. Combien de milliards de kilowatt-heures, combien de centaines de millions de tonnes de charbon, d'acier et de produits laminés ont-ils fabriqués? [...)
La main-d'œuvre étrangère, privée de tous droits [...], peut être adaptée à toutes les conjonctures, à tous les marchés du travail. [...] Les «oiseaux de passage» que sont dans un premier temps la plupart des immigrés sont le pain bénit de tous
ceux qui profitent du «marché du travail secondaire» où l'emploi est fluctuant, les machines souvent vétustes. On sait que l'« économie souterraine» qui caractérise fréquemment ce type de marché a permis à l'industrie de l'habillement par exemple de maintenir son rang international. (...)
Un autre avantage indéniable de la main-d'œuvre étrangère pour le capitalisme français tient dans les faibles coûts de production qu'elle occasionne. [... Comment parler de la légendaire puissance du Comité des forges ' sans dire un mot sur les profits faciles réalisés au détriment des immigrés, notamment dans les mines de fer où aucun effort de mécanisation ou d'amélioration des conditions de travail n'est entrepris jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale? Les études effectuées par les économistes pour la période récente montrent que ce sont les branches qui emploient la plus forte proportion de travailleurs immigrés qui réalisent les bénéfices les plus nets. Quelques réussites spectaculaires dans l'industrie du bâtiment (parfois reconverties dans l'audiovisuel) sont là pour l'attester (...].
À cela il faut ajouter les économies réalisées par le pays d'accueil sur les coûts de reproduction de la main-d'œuvre. Depuis fort longtemps des économistes français ont mis en avant les bénéfices que l'industrie nationale retirait de l'emploi massif d'un personnel arrivé tout « formé» (au moins au sens physiologique du terme), en pleine force de l'âge, pour repartir au pays dès les premiers signes de vieillissement. Des études récentes ont montré de même que, contrairement aux affirmations xénophobes, la Sécurité sociale, les caisses de retraite, etc., étaient plutôt bénéficiaires que perdantes..
avec la main-d'œuvre étrangère
SOURCE : G NOIRIEL, le creuset français, le seuil, 1988.
QUESTIONS :
- Mesurer l’apport de l’immigration à l’économie française.


c - L’immigration un facteur de mobilité sociale .

DOCUMENT 12 :
L’immigration de masse a incontestablement servi les intérêts de la population française. [...] Dans les lieux où le renouvellement de la population a été très important, le «noyau» local présent antérieurement à l'immigration a profité de cette évolution en occupant les emplois de «notables», de commerçants, de propriétaires fonciers et immobiliers [...]. Par ailleurs, même s'il est difficile de mesurer statistiquement son ampleur, il est indéniable que l'immigration a entraîné un processus de substitution « par le bas ». Les derniers venus occupant en général les échelons inférieurs et; permettant aux Français ou aux immigrants plus anciens d'accéder à des niveaux plus élevés. Les sources dont nous disposons montrent bien le phénomène de remplacement, dans les tâches de manœuvres agricoles ou de travaux publics, des migrants saisonniers français de l'époque antérieure (montagnards du Massif central et des Alpes
notamment) par les étrangers à partir des années 1880.
SOURCE: op. cité.
QUESTIONS :
- Justifiez la première phrase du texte.

2 - LES PROCESSUS D’INTEGRATION .

a - l’intégration par le métier.

DOCUMENT 13 :
Pour difficile qu'elle fût, l'intégration des mineurs et sidérurgistes italiens et polonais s'est faite avant tout par le monde du travail. Tout s'est passé comme si l'organisation industrielle, par sa rationalité et son anonymat, avait tendu à mettre au second plan les différences culturelles et à privilégier la force de travail et la qualification. La communauté ouvrière au travail serait souvent beaucoup plus intégratrice que la société « civile ». Avec le temps, l'organisation du travail efface largement les spécificités communautaires et ethniques. L'entreprise intègre plus que l'habitat, ne serait-ce que parce qu'elle propose des rapports plus « superficiels » et plus organisés que les relations de voisinage qui, elles, « impliquent » plus profondément les acteurs.
Ce qui paraît avoir dominé le processus historique vaut-il toujours aujourd'hui ou la crise économique a-t-elle bloqué ce mécanisme ?
SOURCE : FRANÇOIS DUBET, • Immigrations : qu'en savons-nous ? ", Notes et études documentaires,© La Documentation française, 1989.
QUESTIONS :
- Expliquez pourquoi et comment l’activité professionnelle favorise l’intégration des immigrés ?
- En quoi ce processus risque t’il d’être remis en cause ?

b – le rôle des femmes

DOCUMENT 14 :
Les hommes sont d'abord partis pour accumuler en vue du retour. Les épouses qui les rejoignent au nom du regroupement familial ont souvent pour but de réaliser un nouveau projet de vie et de s'intégrer dans une société moderne. [...]
Les femmes, qui ont tout intérêt à une remise en question de la tradition, accélèrent le processus d'acculturation. Lorsqu'elles sont employées dans le travail domestique, elles partagent, pour une partie de la journée, les logements occupés par les membres des classes supérieures et acquièrent une intimité et une familiarité avec un mode de vie qui font d'elles des instruments privilégiés de la diffusion des modèles de la société d'installation. C'est ainsi qu'elles ont intériorisé les nouvelles normes de consommation : équipement ménager, logement, nourriture, vêtements, rapport au corps, entraînant une série de pratiques. Les familles d'émigrés acquièrent en particulier l'équipement électro-ménager et la voiture qui, dans l'Europe des trente dernières années, ont constitué les indices privilégiés de la réussite sociale. La machine à laver, symbole d'une nouvelle conception du travail domestique, la voiture, condition de l'indépendance familiale et symbole de la réussite, montrent l'accentuation des conduites de consommation aux dépens de l'épargne. Le poste de télévision, toujours présent, toujours allumé, même quand les émigrés ignorent la langue du pays, donne-t-il une forme de connaissance du pays d'installation ? Ou bien permet-il seulement de regrouper autour d'une occupation commune les
membres de la famille, inégalement acculturés ? Il contribue en tout cas à effacer, dans le cas des musulmans, la séparation traditionnelle entre le domaine masculin et le domaine féminin.
SOURCE : DOMINIQUE SCHNAPPER, La France de l'intégration,

QUESTIONS :
- Quelle différence y-a-t-il entre les hommes seulms et les familles
- En quoi les femmes ont-elles un rôle particulier dans le processus d’acculturation ?

c - l’intégration par le mariage et la nationalité

DOCUMENT 15 :
Sur 1000 dossiers de naturalisation en Meurthe-et-Moselle (de 1889 à 1939) [...], on constate que 40% des demandes émanent d'individus entrés en France avant l'âge de vingt et un ans (non compris ceux qui ont été naturalisés en même
temps que leurs parents). C'est une première illustration du plus fort désir d'assimilation à la deuxième génération. [...] Nous avons constaté qu'un certain nombre de mariages mixtes étaient déjà réalisés dès la première génération. Les études statistiques dont nous disposons montrent l'accélération du processus aux générations suivantes. Pour ne prendre que les communautés considérées traditionnellement comme les plus « ancrées » dans leurs traditions, tels les Arméniens, dont les commentateurs des années trente ne cessaient de dire qu'il leur faudrait des décennies pour «s'assimiler», [...] entre 1925 et 1929, à Décines (haut lieu de l'immigration arménienne), le taux des mariages mixtes est de 1,4%; entre 1930 et 1939, il est de 6,4%; de 1960 à 1969 il atteint 51,9 % et, en 1970-1971,73,2%. On voit la rapidité de l'évolution.
La statistique des prénoms français donnés par les parents polonais à leurs enfants montre, pour la commune d'Ostricourt, une progression spectaculaire de 44 % en 1935 à 73% en 1945, 72% en 1955 et 98% en 1960. Cela se passe de commentaires! De même la pratique religieuse tend à s'affaiblir. (...) Vingt ans de présence en France entraînent déjà une érosion de la ferveur dans des communautés pourtant très pratiquantes à l'origine. Elle illustre aussi le rôle «corrosif» de la grande ville et l'influence des normes de la classe ouvrière française déchristianisée. Parmi les Polonais, la pratique semble mieux conservée (66% pour les ouvriers agricoles de l'Aisne et 63% pour les mineurs du Nord). Mais dès la deuxième génération, elle descend (toutes professions confondues) a 30%,
SOURCE : G NOIRIEL, op cité.
QUESTIONS :
- Rechercher les indicateurs utilisés pour déterminer le degré d’assimilation des descendants d’immigrés.
- Quelle est la génération la plus favorable à l’assimilation ?

DOCUMENT 16 :
Dans Le Destin des Immigrés (Le Seuil.398 p.. 145 F), il analyse comment et pourquoi l'assimilation des immigrés
s'effectue ou non dans les démocraties occidentales. • ' •

TELERAMA : Vous défendez vigoureusement le système d’intégration français , qui , selon vous, fonctionne plutôt bien...
EMMANUEL TODD : Les Français devraient cesser de se culpabiliser, de se croire racistes. Ils se croient tous collabos alors que 75% des Juifs français ont tout de même été sauvés ! La France a fort bien assimilé les vagues successives d'immigration. Et cela continue...

TRA : II n'y a donc pas de problème particulier avec les immigrés musulmans ?
E.T. : Les discours seraient plus sains si on oubliait un peu la religion. Ce n'est pas l'islam qui est en cause, mais l'opposition entre deux systèmes anthropologiques. Le système occidental est égalitaire, bilatéral (les lignées des deux
parents ont le même poids, les hommes et les femmes sont égaux) et exogame :on ne se marie pas entre consanguins
mais en dehors de son groupe familial.
Le système familial arabe est au contraire patrilinéaire (seul compte ce qui vient du père) et endogamique (on favorise les mariages entre cousins ou dans le groupe local).
Pour les Maghrébins, l'intégration en France, à cause de ces différences anthropologiques, est d'autant plus difficile. Elle se fait au prix d'une énorme souffrance pour eux, d'une grande violence pour eux. Mais Ils s'intègrent pourtant de façon remarquable !

TRA ; A quoi mesure-t-on l’intégration ?
E.T. : Au taux de mariages mixtes. Quand 20 % des femmes d'origine algérienne épousent des Français, on ne peut pas
prétendre que l'assimilation est un échec I L'Amérique blablate sur le multiculturalisme ,mais seulement 2 % des femmes noires épousent des Américains blancs. En Allemagne, seulement 2 % des femmes turques épousent des Allemands. Quand les hommes du groupe « dominant » refusent les femmes « dominées ». on peut dire que l'on se trouve dans un système différencialiste à forte conception raciale.

SOURCE : Télérama.
QUESTIONS:
- Comparez les systèmes matrimoniaux et de filiation français et de l’islam, que pouvez vous en conclure a priori sur les possibilités d’intégration des musulmans en France ?
- qu’en est-il en réalité ?
- Comparez les taux de mariages mixtes en France et aux USA et en Allemagne que pouvez vous en conclure ?


c - l’intégration par le langage

DOCUMENT 17 : 55 p 141 du livre d’enseignement général ;
SOURCE :INSEE / INED , De l’immigration à l’intégration , enquête sur les populations d’origine étrangère , La Découverte , 1996
QUESTIONS :
- Faites une phrase avec la donnée entourée
- Quelle relation peut-on établir entre la date d’arrivée en France et la pratique linguistique ?
- Comparez la pratique linguistique des pères et des mères . Qu’est-ce –qui peut l’expliquer ?
- Comparez la pratique linguistique entre conjoints et entre conjoints et enfants . Qu’en concluez-vous ?


III - UNE COMPARAISON DES MODELES D’INTEGRATION .

A - LE ROLE DU RESEAU COMMUNAUTAIRE.


DOCUMENT 18 :
L'intégration et l'installation peuvent se réaliser sur un mode communautaire ; c'est alors tout un groupe qui assure et maintient sa cohésion, qui entre dans la société française comme une communauté qui s'agrège à d'autres. L'intégration de l'acteur est médiatisée par la communauté, sur le mode de la juxtaposition de communautés fortement structurées et
elles-mêmes intégrées. Entre la société d'accueil et l'acteur, le réseau communautaire assure l'intégration des individus et les médiations avec la société globale. Ce modèle d'intégration peut être interprété, et l'a d'ailleurs été, positivement, comme une mosaïque de communautés donnant de la sécurité aux acteurs, mais aussi négativement, comme l'anti melting pot, la première étape de la ségrégation.
Une seconde image de l'intégration, celle qui a tendu à prévaloir dans le modèle idéologique français, conçoit plutôt le processus d'intégration comme une aventure individuelle et familiale. L'acteur apparaît d'emblée comme un citoyen dont les solidarités et les fidélités communautaires ne persistent que dans le cercle des relations privées et comme témoignant de la nostalgie des racines. Cette représentation emprunte à la fois à la tradition des Lumières et à une image républicaine et universaliste de la nation. Elle peut alors se vouloir intégratrice, comme elle peut se couler dans une tradition nationaliste tentée de percevoir dans toute communauté ethnique un corps étranger et hostile. Pour ces deux traditions opposées, le maintien de fortes cohésions communautaires des groupes étrangers installés en France est perçu comme un désaveu, un échec ou un danger.

SOURCE : F DUBET, op. cité.
QUESTIONS :
- Quels sont les deux modèles d’intégration présentés dans le texte


B - LES DEUX MODELES D’INTEGRATION

DOCUMENT 19 :
A :
Les divers pays européens, en fonction d'héritages historiques et institutionnels, n'ont pas tous la même conception de l'intégration et par conséquent des politiques à mener. L'intégration reste un mot assez vague susceptible d'interprétations variables.
L'intégration, but proclamé, n'a que très rarement la même signification sociale et politique. Ainsi, le respect des différences culturelles des populations immigrées est-il souvent défini par la volonté de favoriser l'intégration des populations concernées mais aussi par le souci d'éviter le mélange, c'est-à-dire par un refus affiché de l'assimilation. (...)
En Grande-Bretagne, l'accent mis sur les minorités ethniques conduit à institutionnaliser les différences de couleurs et à parler de relations raciales. Les rapports officiels, sous couvert de lutte contre le racisme et la discrimination, pour favoriser l'intégration, établissent des statistiques en fonction de la couleur de peau : blancs, noirs, jaunes. L'intégration, conçue
comme une égalité formelle et la préservation de l'identité culturelle, ne signifie pas forcément mélange des populations mais peut aboutir, dans une logique extrême, à l'idée de l'égalité dans la séparation.
A l'inverse, dans d'autres pays, l'intégration est plutôt conçue en termes individuels et l'idée de l'égalité passe par le sacrifice des différences culturelles et ethniques. Ici, le mélange des populations traduit souvent la non-reconnaissance des discriminations raciales et surtout l'exclusion des dimensions culturelles des minorités, souvent considérées avec un
certain mépris comme un simple "folklore" traditionnel. En France, l'intégration ne signifie nullement l'acceptation de la présence de minorités ethniques, mais plutôt la volonté de favoriser une insertion individuelle sur la base d'une « privatisation » des identités culturelles. Cette logique, poussée à son extrême, conduit à refuser de voir les discriminations subies dans la mesure où elles impliqueraient une reconnaissance institutionnelle d'une différenciation établie sur une base ethnique ou raciale .
Chaque pays, s'il est dominé par une orientation générale, est le théâtre de débats portant sur la nature de l'intégration, débats d'autant plus vifs qu'il n'y a pas de solution à cette double ambiguïté de l'intégration ; la priorité donnée au respect des identités collectives risque d'aboutir à une ségrégation de fait ; la priorité donnée à une intégration individuelle risque
d'aboutir à l'ignorance des discriminations subies et à une non-reconnaissance des identités héritées,

SOURCE : D LAPEYRONNIE, immigrés en Europe , la documentation française, juillet 1992.

B :

TRA : Pouvez-vous expliquer ce qui distingue un système dîfférencialiste d'un système universaliste ?
E.T. : Ils reposent sur deux conceptions opposées de la différence. Etre universaliste signifie que l'on reconnaît l'égalité des hommes au-dessus des différences (de sexe. d'origine ou de religion). Le différencialisme , au contraire, s'est fondé sur la différence pour établir des distinctions radicales d'essence entre les hommes.
Chez les Anglo-Saxons. le mot «.different » signifie « être d'essence différente ». Un enfant métis va générer de l'anxiété, alors qu'en France, un Eurasien, un bébé café au lait, on trouve ça plutôt sympa. Le thème du « métissage » si cher à la France des années 80 est donc en totale contradiction avec la thématique multiculturaliste américaine, essentiellement raciste.
Le système allemand est également fortement différencialiste. Il se fixe même sur des différences de fond intérieures — la religion, en particulier , comme on l'a vu dans l'Histoire avec les juifs, et aujourd'hui avec les Turcs musulmans.
La grandeur de l'universalisme est de ne pas vouloir voir les différences, de chercher ce qu'il y a de commun. Il faudra bien pourtant , Europe oblige, que la France s'interroge sur son projet fusionnel avec l'Allemagne et sache voir, cette fois , sa différence .

SOURCE : Télérama.
QUESTIONS :
- Complétez le tableau suivant :


Modèle Modèle
Caractéristiques du modèle


Forces du modèles


Faiblesses du modèle




B – DES MODELES AUX REALITES

DOCUMENT 2O :
L'écart entre le discours officiel et les pratiques locales est parfois gigantesque et s'observe dans plusieurs pays.[...] En France, par exemple, l'usage de quotas ethniques dans la mise en œuvre des politiques sociales est en principe interdit. Il n'empêche que, dans la pratique, l'administration française semble parfois y recourir officieusement, notamment en matière de logement social, afin d'essayer de disperser des populations d'origine immigrée, étrangère et pauvre, et d'éviter la formation de « ghettos » résidentiels. [... ]
L écart peut encore s'accroître lorsqu'un pays passe d'une approche concrète à une autre tout en maintenant intact le discours sur son « modèle » national. Ce cas de figure est illustré par les Pays-Bas, lorsque, vers la fin des années 1980, les autorités se sont rendu compte que la politique des minorités ethniques se traduisait par une marginalisation économique et sociale croissante des immigrés et de leurs descendants. Peu à peu, une tournure plus assimilationniste est donnée aux politiques d'intégration. Par exemple, un effort intense est développé par les autorités pour obliger les immigrés à apprendre le néerlandais. Cette évolution s'effectue sans que soit revu le discours sur le « modèle » de la société multiculturelle néerlandaise. [... ]
La France est plus multiculturaliste qu'elle ne veut bien l'admettre, tout comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas sont plus assimilationnistes qu'ils ne le prétendent. En fait. chaque société connaît une tension entre des affirmations universalistes et des affirmations particularistes dont des « modèles » obsolètes ne parviennent ni à rendre compte ni à fournir la réalité.
SOURCE : M Martiniello, Sortir des ghettos culturels, PFNSP, 1997.
QUESTIONS :
- En quoi l’usage de quotas ethniques est-il en principe incompatible avec le modèle républicain ?
- Dans quel sens et pourquoi les autorités hollandaises ont-elles infléchi leurs politiques d’intégration vers la fin des
- années 80 ?
- Expliquez le passage souligné.



IV - LES OBSTACLES A L’INTEGRATION.

A - LE REGROUPEMENT COMMUNAUTAIRE.

DOCUMENT 21 :
L’ attitude la plus répandue pour échapper à ces confrontations destructrices consiste à se regrouper entre individus de la même origine nationale ou ethnique; la recherche de l'« entre soi » étant le seul moyen de parvenir à constituer un îlot de sécurité et de relative tranquillité. [...] Chaque nouvelle vague d'immigration se traduit par l'apparition de nouveaux
« ghettos » : dans les mines du Nord et de Lorraine, en région parisienne , dans les vallées alpines et pyrénéennes Quelques chiffres illustrent cette concentration de main-d'œuvre étrangère: 85% des immigrés dû département de la
Loire vivent dans l'arrondissement de Saint-Étienne en 1930; les trois quarts de ceux recensés en Meurthe-et-Moselle travaillent dans l'arrondissement de Briey; les deux tiers des immigrés de Moselle habitent dans trois arrondissements à Thionville et à Metz ; 90 % des Arméniens de la Drôme vivent à Valence, etc. [...]
Il faut d'ailleurs préciser que ceux qui assurent le recrutement de la main-d'œuvre étrangère sont à l'origine de la formation de ces «ghettos». [...] Le modèle de la « ville-usine » a provoqué sur une immense échelle une formidable ségrégation entre les zones vouées au travail et à l'immigration, les zones d'agriculture et les métropoles commerçantes et intellectuelles. [...] L'extension des communes de banlieue absorbe et modernise les «taudis» de l'entre-deux-guerres, mais à la nouvelle «périphérie» apparaissent les nouveaux «campements» des années soixante, c'est-à-dire les ZUP,
les cités d'immigrés, comme le quartier des Minguettes et ces 9000 logements construits à la hâte dans des grandes tours qui font l'actualité d'aujourd'hui. [...)
SOURCE : G NOIRIEL, op. cité.
QUESTIONS :
- Quels facteurs provoquent le regroupement géographique des populations immigrées ?
- Pourquoi la critique du regroupement communautaire est-elle spécifique à la France ?


B - LE RACISME.

1 - UN HISTORIQUE.

DOCUMENT 22 :
1842.., Le dimanche, les porteurs d'eau auvergnats vont à la musette, à la danse auvergnate, jamais au bal français ; car les Auvergnats n'adoptent ni les mœurs, ni la langue, ni les plaisirs parisiens. Ils restent isolés comme les Hébreux de Babylone, au milieu de l'immense population qui tend à les absorber; et l'on peut dire que, plus heureux que les sauvages, ils emportent leur pays à la semelle de leurs souliers.
La BÉDOLIÈPE, Les industriels (1842), cité dans Louis Chevalier, Classes laborieuses et classes dangereuses, Hachette, 1984, p. 494.

-1905...Si vous passez un jour, à l'heure de midi, vers Mont-Saint-Martin, ou Villerupt, près d'une des nombreuses cantines italiennes, votre odorat est désagréablement chatouillé par des odeurs d'abominables ratatouilles. Des vieilles sordides, à la peau fripée et aux cheveux rares, font mijoter des fritures étranges dans des poêles ébréchées. Et les bêtes mortes de maladie, à des lieues à la ronde, ne sont pas souvent enfouies, elles ont leur sépulture dans les estomacs des Italiens, qui les trouvent excellentes pour des ragoûts dignes de l'enfer. Toute cette cuisine diabolique passe encore sous le ciel bleu de l'Italie, et fait d'ailleurs partie de la «couleur locale» des quartiers pauvres de Rome où de Naples. Mais il en est tout autrement en Lorraine, où la saleté chronique et la façon de vivre déplorable des Italiens font courir de sérieux dangers de
contamination à la population indigène.
L'Est Républicain, 24 juillet 1905, cité par Pierre MILZA, «Les mécanismes de l'intégration», in L'Histoire, n" 193, novembre 1995.

- 1914... Pourrons-nous toujours imposer aux envahisseurs nos mœurs, notre civilisation, notre marque en un mot? L'assimilation s'effectuera-t-elle avec aisance? Des symptômes non équivoques semblent indiquer que nous approchons du point de saturation [...]. Nos coutumes s'imprègnent d'exotisme, notre langue fourmille de vocables étrangers, notre sécurité même est menacée par des éléments dangereux que nos richesses attirent et que des lois indulgentes n'effraient guère.

193l... Aujourd'hui que des hordes compactes d'étrangers s'établissent sur notre territoire et qu'en certains districts, les éléments jeunes de ces aubains dépassent en nombre les éléments jeunes d'autochtones, le problème prend un tout autre
caractère et nous exposerait à voir se constituer chez nous des minorités ethniques.
L NAUDEAU, La France se regarde, 1931 (cité in Noirie), op. cit., p. 247).

-1985... Serons-nous encore français dans trente ans?
Le Figaro-magazine, 26 octobre1985

QUESTIONS :
- De quoi ces citations sont-elles représentatives ?
- Se sont elles vérifiées a posteriori ?


2 - UN RACISME ORDINAIRE.

DOCUMENT 23 :
C’est (...] au moment de son arrivée que l'immigré découvre ce que c'est concrètement qu'être un «étranger», soumis au regard de l'Autre, de celui qui a les normes pour lui. À Montceau-les-Mines1, une des distractions populaires favorites est
d'assister à l'arrivée des convois polonais. On toise, goguenard, les nouveaux venus, leur costume semi-militaire, avec de larges culottes bouffantes, leur tunique verdâtre d'un autre âge, leurs bottes et leur casquette à visière de cuir rabattue sur le front. Et les commentaires vont bon train sur les femmes en caraco recouvert d'un châle multicolore qui portent sur la tête un mouchoir à carreaux bariolés. Dans les cités du Nord, les femmes échangent leurs impressions sur le mobilier, les costumes des nouveaux venus. Les hommes jaugent à voix haute, avec des exclamations en patois, l'ampleur des hanches et le volume des poitrines. (...]
Lorsqu'ils se rendent à l'église, les immigrants polonais se retrouvent à nouveau en porte-à-faux par rapport aux usages locaux. Dans leur pays, on suit l'office debout ; les bancs sont réservés aux vieux et aux infirmes. Décontenancés par ces commodités de la catholicité française, ils n'osent s'asseoir, de peur d'occuper une place indue et restent groupés, debout, devant la porte d'entrée, gênant les allées et venues. Cette attitude, mais aussi leur costume, leur façon de s'agenouiller souvent au milieu de la nef, transforme le lieu saint en lieu de spectacle et suscite l'hilarité des paroissiens charitables. [...]
La littérature de l'immigration, pour peu qu'on veuille bien la lire, est remplie de descriptions de ce genre qui prouvent que la «stigmatisation» de l'étranger, si elle peut prendre des formes variées, n'est nullement une spécificité de telle ou telle nationalité ou groupe ethnique; qu'elle n'est pas un «problème juif» ou un «problème arabe » lié à des particularités
« religieuses», « culturelles» ou « physiques ».[...]

SOURCE : G Noiriel, op. cité.
QUESTIONS :
- Comment les immigrés étaient-ils accueillis ?
- Leur communauté de religion avec les français facilita t’elle leur intégration ?


C - L’INVISIBILITE DE L’IMMIGRATION DANS L’HISTOIRE DE FRANCE.

DOCUMENT 24 :
Tous les Américains, même les Indiens, peuvent se considérer comme des «émigrants». Dans ce pays neuf, encore largement inoccupé à la fin du XVIII° siècle, la formation de la nation est d'emblée conçue comme un processus «fusionnel» des. différentes vagues migratoires dans un «creuset» d'où est sorti le citoyen américain, synthèse de toutes les qualités du monde.
En France, la même fascination pour les origines explique l'« invisibilité» de l'immigration. La «plus vieille des nations » est en effet déjà largement constituée, ses mythes fondateurs (avant tout la Révolution française) sont déjà largement en place, quand débute l'immigration de masse. [...]
Dans le cas américain l'immigration est un phénomène précoce et la formation de la nation un phénomène tardif; dans le cas français, la situation est inverse : l'ancienneté du fait national s'accompagne d'une immigration tardive. [...] . , ':'-
Le décalage chronologique souligné plus haut a eu bien d'autres conséquences pour le « regard» porté sur la « société » par les historiens. Les cadres institutionnels de la nation française (langue, administration, etc.) sont mis en place bien avant la Révolution, à une époque où la France est un espace «plein», davantage concerné par l'émigration que par l'immigration. La Révolution et l'Empire ne font que renforcer ce processus centralisateur et unificateur, notamment au niveau de la langue. C'est pourquoi dans la France d'aujourd'hui les empreintes de la France d'hier sont si nombreuses. [...] Dans des structures aussi rigides, les millions d'immigrants qui ont bouleversé la composition de la population rencontreront des difficultés inouïes pour laisser leur empreinte visible, pour constituer leurs propres lieux de mémoire.
Alors que, aux États-Unis, Ellis Island, l'île par où sont passés des millions d'immigrés européens, est devenue un musée, en France des lieux comparables - comme le centre de sélection de Toul qui a recruté la plus grande partie des immigrants d'Europe centrale dans l'entre-deux-guerres - ont été rasés, comme s'il avait fallu effacer magiquement une histoire qui s'accordait si mal avec la mythologie du terroir.

SOURCE : G Noiriel, op. cité.
QUESTIONS :
- Pourquoi l’histoire de l’immigration en France et aux USA sont-elles si différentes ?
- Quelles conséquences cela peut-il avoir sur la vision que les français ont de l’immigration ?

DOCUMENT 25 :

L'illusion dans laquelle sont enfermées toutes les représentations de l'immigration, sa constitution et le démenti que lui apporte la réalité du phénomène migratoire, est d'abord redevable d'une histoire sociale de l'immigration .Toute élude de l'immigration qui ne s'en tient pas aux conditions qui ont présidé à l'émigration originelle de ces populations est menacée d'ethnocentrisme. C'est ne voir les immigrés qu'au passage de la frontière, ne les saisir que dans la relation avec la société d'immigration, et en fonction des questions ou des problématiques que celle-ci leur pose -que celle-ci, en fait, se pose à propos d'elle-même, dirait l'auteur. Il faut donc étudier la relation entre le système de dispositions des émigrés avant et à l'occasion du départ, et l'ensemble des mécanismes auxquels ils sont soumis du fait de leur émigration. Ce n'est qu'en réintroduisant les trajectoires migratoires complètes, qu'il est possible de comprendre la relation qui unit les conditions dans lequel le départ s'est effectué et les modes de réalisation de la condition d'immigré .
Les trois «âges» de l'immigration algérienne

Le premier âge de l'émigration qui grossièrement se maintient jusqu'au lendemain de la Seconde Guerre mondiale se confond avec la survie de l'ordre paysan ancien. Les paysans mandatés par la communauté pour l'émigration, étaient désignés parmi les meilleurs d'entre eux ; leur émigration, brève, économe de tout, de temps et de dépenses, était consacrée à rapporter de l'argent à la communauté et devait faciliter la perpétuation de l'ordre paysan. Dépositaire
de la confiance du groupe, l'émigré n'était ni jeune, ni célibataire. Représentant l'excellence paysanne, l'honneur pay-
san, l'émigration, la plus souvent courte, n'était pas susceptible de briser l'attachement de l'absent avec la communauté
d'origine. Confrontés, en France, à la vie urbaine, les immigrés reconstituaient avec d'autres le «petit pays» et refusaient d'adhérer à un univers qui n'était pas le leur. Destinée ^sauvegarder l'ordre paysan, l'émigration sur ordre du premier âge était aussi une émigration ordonnée. Cette représentation de l'émigration, comme rotation perpétuelle de paysans algériens venant brièvement et silencieusement travailler en France pour la consolidation de la communauté d'origine constitue de fait l'illusion première et maintenue de l'immigration (la noria). C'est une définition idéale, orthodoxe, qui satisfait tout le monde explique l'auteur : le pays d'émigration qui ne connaît que des absences momentanées de sa population, le pays d'immigration qui ne voit que des travailleurs servant de main-d'œuvre dans les secteurs économiques les plus disqualifiés (et qui progressivement seront des emplois pour immigrés, faits pour et faits par les immigrés), et les immigrés, eux-mêmes dont l'identité, idéalement, n'est pas «dénaturée» par le fait migratoire.
Pourtant, la réalité même du phénomène migratoire ne fait que démentir cette illusion initiale. Ainsi, le deuxième âge apparaît avec les effets désintégrateurs de l'immigration, redoublant ceux de la colonisation, sur l'agriculture traditionnelle algérienne. L'argent des émigrés devenu rapidement la source quasi exclusive de revenu monétaire en milieu rural a contribué a diffuser l'esprit de calcul et a transformé radicalement les modes de vie paysans, en modifiant les dispositions à l'égard de l'économie. Ce phénomène est en fait contemporain de la crise de l'agriculture algérienne. Celle-ci est marquée par une désaffection généralisée à l'égard de la terre qui ne rapporte plus, une urbanisation relative de la population, produisant des «paysans dépaysannés», et par l'accroissement de l'inactivité. Ces phénomènes, parmi d'autres, transforment radicalement les conditions de l'émigration : celle-ci concerne toutes les couches de la société ; l'acte d'émigrer devient une aventure personnelle, individuelle, un moyen de survie. Le partant n'est plus un paysan dans l'esprit et dans le projet, mandaté par la communauté pour la survie de son ordre. Ce sont plus souvent des jeunes sans terres, des célibataires qui tentent leur chance dans l'émigration et attendent d'elle qu'elle leur permette de donner sens à leur existence . De fait l’immigration devient à elle-même sa propre fin. On émigre pour son propre compte, pour sa survie. L'immigration vient offrir une identité, à vocation provisoire, à tous ceux pour lesquels les transformations de l'Algérie n'offrent plus d'identité, ni de travailleur ni de paysan. L'identité d'immigré est alors entièrement organisée autour du métier et du travail, du salaire et des fiches de salaires et bientôt d'une progressive intégration dans l'ordre professionnel du pays d'immigration. Les séjours en France deviennent quasi permanents, le retour au pays correspond aux «vacances». La condition de l'immigré en est par là même transformée. Celui-ci s'ouvre à une confrontation relativement plus intime et durable avec la société française. Dès lors la société d'émigration s'organise entièrement autour de l'émigration (et non plus de l'agriculture) : par l'argent qu'elle amène, l'immigration fait éclater l'indivision familiale (les fils nourrissant les pères), elle disperse les réseaux familiaux, etc. On retrouve là, la situation des villages, comme celui de Mouhand dont le récit est reproduit dans Elghorba qui «compte plus de monde en France que sur place» (cf. chap I). C'est «toute la communauté locale qui vit suspendue à son émigration qu'elle appelle «la France» (p. 45). C'est le monde à l'envers qui
s'instaure. La France est perçue comme un «enchantement».Ceux qui ont fait le voyage savent pourtant qu'il n'en est
rien. Mais ceci reste pourtant indicible, tant ce sont les valeurs et les formes de représentations dominantes qui organisent désormais la communauté au village. Cette situation oblige à poursuivre un temps ces illusions, à ne pas les briser, et à les enfermer dans un double mensonge : pour la communauté, se cacher le caractère non-transitoire du phénomène pour ceux qui ont fait le voyage et qui reviennent » ne pas pouvoir dire que «ce n'est pas ça» sans déstabiliser la nouvelle forme de régulation de la communauté autour de l'émigration, suppléant à l'ordre paysan.
Dans le prolongement du précédent, le troisième âge voit s'opérer une quasi-professionalisation de l'état d'émigré. Il se traduit par un accroissement en volume, une dispersion géographique complète, et l'arrivée en France avec le regroupement familial des épouses et des enfants. Les liens de solidarité en France ne se constituent plus sur le mode
ancien des proximités géographiques ou familiales, mais en fonction de communauté de conditions d'existence. C'est
d'une certaine manière une immigration pour laquelle les illusions initiales sont levées et qui est à l'aube du choix :soit du retour définitif (peu réaliste, bien que toujours fantasmé), soit de la naturalisation (qui reste, explique Abdelmalek Sayad, toujours équivoque'). Mais là encore l'une comme l'autre de ces solutions ne font qu'entretenir et redoubler les illusions sur les sorties possibles de l'immigration. Même naturalisés, et pour longtemps encore, les «nouveaux Français» ne seront pas naturels à leur communauté d'accueil, et, en dépit de la fiction juridique qui leur accorde la nationalité, ils resteront dans l'état d'immigré, population dominée, stigmatisée, population de travailleurs, objet de toutes les discriminations.

SOURCE : A sayad, l’immigration ou les paradoxes de l’altérité, présenté par D CARDON, in lire les sciences sociales, vol 1, Belin.
QUESTIONS :
- Expliquez la phrase soulignée, en quoi peut-elle contribuer à une meilleure compréhension des difficultés du modèle français à comprendre l’immigré ?
- Complétez le tableau suivant :




AGE1 AGE 2 AGE 3
- Raisons à l’origine de l’immigration



- types de populations concernées



- Objectifs de l’émigration



- Durée de l’émigration



- conséquences de l’émigration :
- sur le pays d’origine
- sur le pays d’accueil



- place de l’immigré dans la société française



- Intégration à la société française






V - LE DEBAT SUR LE CODE DE LA NATIONALITE

A - DROIT DU SOL ET DROIT DU SANG.

DOCUMENT 26 :
Droit du sang, droit du sol sont effectivement les deux principes qui régissent tous les droits de la nationalité ; la combinaison de ces deux principes est réalisée, en France, de façon originale.
Contrairement à ce que beaucoup croient, il n'y a pas dans notre pays de droit du sol au sens strict, comme cela existe aux États-Unis ou en Argentine et dans beaucoup de pays neufs, des pays d'immigration où il était primordial pour créer une nation que les enfants qui naissaient sur le sol soient considérés comme nationaux.
À l'inverse, dans un pays comme l'Allemagne, c'est de droit du sang qui prédomine : est allemand celui qui a des ascendants allemands, même s'ils ont quitté l'Allemagne depuis des années, voire des générations. Par contre, les Turcs vivant en Allemagne depuis des années et ceux de la deuxième génération ne peuvent devenir allemands que difficilement.
II ne suffit pas de naître en France pour être français. Il y a toujours l'idée d'un certain enracinement, d'une intégration, dirait-on aujourd'hui.
SOURCE : G Moreau, in hommes et migrations, juillet 1994.
QUESTIONS :
- Définissez le jus soli et le jus sanguini.
- Vous montrerez qu’il existe trois modèles et que traditionnellement la France occupe une place intermédiaire.
B - HISTORIQUE DU CODE DE LA NATIONALITE.

DOCUMENT 27 :
Sciences Humaines: En France, l'acquisition de la nationalité est traditionnellement assimilée au droit du sol. De quand date ce droit?
Patrick Weil: Au début du XVIe siècle, trois conditions sont encore nécessaires pour être reconnu français : être né dans le royaume de France ; être né de parents français ; et demeurer d'une manière permanente dans ce royaume. Le droit d'aubaine permet alors au roi de s'approprier l'héritage de tout étranger qui meurt sans héritier français. En outre, un enfant de Français ne peut succéder à ses parents s'il est considéré comme aubain, c'est-à-dire s'il est né à l'étranger.Les parlements - les tribunaux de l'époque -, saisis par des plaignants qui contestent leur qualité d'aubain, font, en tranchant ces différends, évoluer la définition du Français. A la veille de la Révolution, on peut être Français si l'on est né en France de parents étrangers, ou à l'étranger de parents français. Mais le critère important, c'est d'être résident sur le territoire du royaume
pour le présent et pour le futur, car c'est le signe de l'allégeance au roi. Cela dit, c'est bien le droit du sol qui domine, car un enfant né en France de parents étrangers n'a pas besoin de faire de démarche de certification de sa «qualité de Français» comme on dit à l'époque. Au contraire, l'enfant né à l'étranger de parents français doit souvent effectuer une déclaration de nationalité pour avoir l'assurance que cette qualité de Français lui est bien reconnue. La Révolution va pour la première fois fixer ce qu'est un Français dans la Constitution de 1791. Puis, à partir de 1793 et jusqu'en 1803, le droit du sol domine exclusivement l'attribution de la qualité de Français. •

SOURCE : P.WEIL , Devenir français : mode d’emploi , Sciences humaines , Hors-Série n°39 2003.
QUESTIONS :
- Quelles sont les conditions requises pour être reconnu français au début du XVI° siècle ? Quel intérêt trouvait le roi à cette juridiction ?
- Comment le droit de la nationalité évolue-t-il entre le XVI° et 1791 ? Quelles en sont les raisons ?

DOCUMENT 28 :
Dans votre dernier livre, vous montrez que ce primat du droit du sol n'a pas été aussi permanent qu'on l'imagine.
En effet, au XIXe siècle, suite à l'adoption du Code civil, c'est le droit du sang qui prime : la filiation paternelle devient le mode d'acquisition exclusive de la nationalité à la naissance.
C'est une complète novation qui n'a rien, à l'époque, d'à proprement parler ethnique Sa signification est d'une autre nature. Ce droit du sang exprime la reconnaissance d'un droit de la personne, il est un moyen
de libérer l'individu de sa dépendance à l'égard de l'Etat et du roi du point de vue de sa nationalité. Désormais, cette dernière s'acquiert à la naissance par le père et ne se perd pas, si l'on part ensuite résider à l'étranger ou qu'on y procrée. Dans l'esprit de l'abbé Sieyès, la nation, qui doit devenir plus autonome par rapport à l'Etat, est une grande famille et la nationalité se transmet dorénavant comme le nom de famille par la filiation. La reconnaissance du droit du sang peut donc être interprétée comme la première étape de la modernisation du droit de ce qu'on appellera à partir des années 1820 la « nationalité » pour désigner de manière courante le lien juridique entre un Etat et une personne.

La novation introduite par le Code civil va être copiée au cours du XIX° siècle par la plupart des pays d'Europe continentale, à l'exception des pays sous influence directe britannique où perdurera le droit du sol, soit l'Irlande, le Portugal et le Danemark. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, ce n'est donc pas l'Allemagne prussienne qui a inventé le droit du sang, celle-ci n'ayant fait qu'adopter le modèle français !

SOURCE : op cité
QUESTIONS :
- Comment évolue le droit de la nationalité au début du XIX° Siècle ? Quelles en sont les raisons ?
- Quelles en sont les répercussions sur le reste de l’Europe ?

DOCUMENT 29 :
A :
Jusqu'à quand ce modèle a-t-il perduré?
La domination du droit du sang perdure jusqu'à la fin du XIXe siècle. Entre-temps, la France est devenue un pays d'immigration plus que d'émigration. Il y a, dans les départements frontaliers, où résident beaucoup d'étrangers, une pression pour le retour d'un droit du sol. En effet, les fils d'étrangers, nés en France, ne réclament pas la nationalité française ; ils échappent à un service militaire qui dure parfois jusqu'à huit ans
et cela paraît comme un privilège auquel il faut mettre un terme. C'est pour établir l'égalité devant les charges publiques, l'égalité des devoirs entre tous les enfants nés en France que le droit du sol est rétabli. Mais il ne s'agit plus tout à fait du même droit que sous l'Ancien Régime. Lorsqu'un enfant naît en France de parents étrangers, il devient Français à sa majorité. S'il est né en France d'un parent déjà né en France, le
nouveau-né est Français dès sa naissance .On prend en compte, pour attribuer la nationalité, l'éducation dans la société, la résidence passée et non, comme dans l'ancien droit, la résidence présente et future qui était signe de l'allégeance. Une conception que nous avons conservée jusqu'à nos jours.
SOURCE : op cité
B :
Un député du Nord, Maxime Lecomte, propose un amendement à la loi militaire, soumis à la Chambre en 1884, permettant de déclarer français d'office (et donc d'incorporer) à leur majorité les fils d'étrangers nés en France, eux-mêmes nés en France. [...] L'affaire est [...] confiée aux experts du Conseil d'État. Le projet est épuré de toutes les propositions contraires au jus sanguinis. Les conseillers mettent aussi en avant les études récentes d'anthropologie qui soulignent «le rôle de la race dans la formation du caractère national». Transformé de fond en comble, le projet [...] suscite un véritable tollé dans l'opinion publique. Les « élucubrations » du Conseil d'État sont prises à partie car elles ne tiennent pas compte des vrais problèmes de la société française. À cette époque déjà, le débat se focalise sur la question de l'accès de la « deuxième génération» à la nationalité française. L'enjeu est le service militaire, qui suscite à lui seul deux débats essentiels. Le courant nationaliste anti-allemand considère que, face au déclin démographique français, il faut trouver d'autres moyens de «faire des soldats». Une réforme du droit de la nationalité s'avère d'autant plus urgente que
l'Allemagne compte sept fois plus de naturalisés que la France, alors même que les étrangers sont sept fois moins nombreux [.. .). Un autre argument va dans le même sens.
Accepter la reproduction, de génération en génération, d'une population étrangère enracinée en France, c'est courir le risque de voir naître en France une Fremdenfrage comme en Russie ou en Autriche-Hongrie. Il faut donc réformer le droit pour mettre fin à l'existence des « noyaux allogènes » sur le sol de France.
Le deuxième grand argument qui s'exprime à travers le problème du service militaire se rapporte à la crise économique. En ne supportant pas la charge que représentent les années passées « sous les drapeaux», les étrangers exercent une concurrence très grave vis-à-vis des nationaux sur le marché du travail, les patrons préférant souvent embaucher des ouvriers qu'ils savent pouvoir conserver. [...]
Le Sénat examine alors un nouveau projet de loi qui intègre deux innovations majeures: les enfants d'étrangers nés en France de parents nés à l'étranger sont français à leur majorité, sauf s'ils déclinent leur nouvelle nationalité au moment de leur majorité. Les fils d'étrangers nés en France de parents eux-mêmes nés en France (c'est ce que l'on appellera plus tard le « double jus soli»] sont français sans possibilité de décliner.
Adopté par les sénateurs, le nouveau projet est voté par la Chambre avec de légères modifications qui renforcent encore de la place du jus soli. Au terme de huit années de discussion, «une législation nouvelle» adaptée à «un état social nouveau», comme le note un sénateur, s'est imposée.

SOURCE : G.NORIEL , Le creuset français , Le Seuil , 1998
QUESTIONS :
- Quelles sont les raisons qui , à la fin du XIX° Siècle , vont conduire à modifier le droit de la nationalité ?
- Dans quel sens est-il modifié ?
- Ces modifications résultent-elles d’une demande de la part des immigrés qui veulent devenir français ?

DOCUMENT 30 :

A quels besoins ont répondu les projets de loi discutés dans les années 1980-1990 ?
La réactivation des débats autour de la nationalité découle des débats qui sont apparus autour de l'immigration à la fin des années 70, avant même que Jean-Marie Le Pen ne fasse parier de lui. On l'a oublié mais, en matière d'immigration, Valéry Giscard d'Estaing, président de la République, mène alors une politique que Le Pen proposera plus tard. Il propose de faire repartir, le cas échéant par la force, plusieurs centaines de milliers d'immigrés nord-africains légalement résidents en France, particulièrement les Algériens. Un projet qui remet en cause les principes fondamentaux de la République et qui échoue parce qu'il se heurte non seulement à l'opposition parlementaire mais aussi à une partie de la droite de l'époque, gaulliste et centriste.
En 1984, la gauche et la droite parlementaires finissent par adopter à l'unanimité la loi sur le titre unique, qui stabilise l'immigration légale quelle que soit l'origine nationale de l'immigré. Se produit alors, à l'extrême droite et dans une partie de la droite, une sorte de transfert de l'enjeu de l'immigration vers la nationalité. «Puisqu 'on n 'a pas réussi à empêcher les immigrés de rester, on va rendre plus difficile leur accès à la
nationalité. » C'est en substance le raisonnement auquel se rallie la majorité de droite de l'époque, qui va tenter de remettre en cause le principe du droit du sol.
Or, depuis la Première Guerre mondiale, il était perçu jusque-là comme un principe intouchable. Quelques années en effet, après l'adoption de la loi de 1889, l'extrême droite avait dénoncé le droit du sol en considérant qu'elle faisait bénéficier trop aisément de la nationalité française les enfants d'étrangers. La gauche avait répliqué que le droit du sang était une spécificité de l'Allemagne raciale.
Dans le contexte de la Première Guerre mondiale, le débat avait été alors clos, la droite ayant battu en retraite, se repliant dans la critique de la politique de naturalisation .S'était donc constituée cette représentation, qu'on croyait scientifiquement établie, d'une opposition entre une France ouverte, fondée
sur le droit du sol, et une Allemagne ethnique, adepte d'un droit du sang. D'ailleurs, le gouvernement de Vichy n'avait pas formellement remis en cause le droit du sol, même si, en pratique, des conceptions
racistes et antisémites l'avaient fortement inspiré. Il faut donc attendre le projet du RPR présenté en 1986 pour que le droit du sol soit l'objet d'une remise en cause. Mais une fois encore la tentative fut vaine.

Quels sont les principaux changements apportés par la loi de 1998 ?
La loi de 1998 a surtout corrigé le dispositif adopté en 1993 concernant les enfants nés en France de parents étrangers. Avant 1993, il y avait des enfants qui devenaient Français sans le savoir, soit que leurs parents faisaient la démarche pour eux par exemple juste après leur naissance, soit qu'ils le devenaient
automatiquement à leur majorité, sans pouvoir renoncer. La loi de 1993 avait créé une démarche volontaire que le jeune né en France de parents étrangers devait effectuer entre 16 et 21 ans pour devenir Français. Or, tous les lycées n'informaient pas les jeunes correctement sur cette procédure. Résultat:des jeunes restaient étrangers à leur majorité sans le savoir, en croyant jouir de la nationalité française. A l'évidence, on devait chercher à combiner une forme
d'automaticité avec l'expression de la volonté. C'est ainsi que la loi de 1998 a confirmé la fin du pouvoir des parents sur les enfants mineurs, une pratique qui découlait d'une interprétation hâtive de la loi de 1889. Dans le même temps, les enfants se sont vu accorder la possibilité de manifester dès l'âge de 13 ans leur volonté de devenir Français. Ils sont alors invités à se rendre avec un parent devant un juge, leur déclara-
tion permettant d'anticiper une acquisition à la majorité qui intervient de plein droit (l'enfant gardant la possibilité entre l'âge de 17 ans et demi et 19 ans de décliner cette nationalité). Dans le même temps, les conditions de résidence, exigées, je le rappelle, pour attester de la socialisation, ont été assouplies (les cinq années exigées peuvent être continues ou discontinues).

SOURCE : P.WEIL , op cité
QUESTIONS :
- Quels changements politiques apparaît au début des années 80 qui permettent de justifier la remise en cause du droit du sol ?
- Cette remise en cause s’est-elle traduite dans les faits ? Explicitez les conditions qui permettent de devenir français en 1998 .


CONCLUSION :

DOCUMENT 31 :
Dans un précédent livre, vous mettiez en évidence la nette convergence des politiques de nationalité des pays européens. Comment l’interprétez-vous ?
Le droit de nationalité s'organise à la frontière de différentes traditions juridiques et d'une situation migratoire. Du côté des traditions, il y a, d'une part, le droit du sol, féodal, hérité du Moyen Age, et transmis par la Grande-Bretagne dans ses colonies ;et d'autre part, le droit du sang transmis dans l'Europe continentale par la France.
Ces pays du droit du sang, à commencer par la France, après avoir été des pays d'émigration, sont devenus progressivement des pays d'immigration. Force leur a été alors d'intégrer dans leur législation des éléments de droit du sol pour intégrer les enfants d'immigrés. Les Pays-Bas, la Belgique et les pays d'Europe du Nord ont ainsi suivi la France.
Quant à l'Allemagne, elle a mis un peu plus de temps : le droit du sol n'a été réintroduit qu'à l'occasion de la réforme de l'an 2000. Cela tient à la division du pays. Tant qu'il y avait le rideau de fer, l'Allemagne de l'Ouest ne pouvait adopter le droit du sol au risque, sinon, de renoncer symboliquement au territoire et à la population est-allemands. Une fois la réunification acquise, il a fallu à peine dix ans pour que le droit du sol soit introduit. C'est peu pour un pays dont on disait qu'il était par «essence» attaché au jus sanguinis !
Comme on le voit, dès lors que les pays sont confrontés à des situations migratoires identiques, ils finissent par converger vers le même modèle de nationalité. Et cette convergence ni décrétée par Bruxelles, ni prévue par les traités de Maastricht ou d'Amsterdam paraît même alors plus forte qu'en matière de politique d'immigration .C'est que le droit de nationalité mêle des statuts qui concernent aussi bien les étrangers que les nationaux. On ne peut pas le modifier aussi facilement que la politique d'immigration qui, elle, ne concerne que des étrangers.

SOURCE : op cité
QUESTIONS :
- Quel est , selon l’auteur , la tendance que l’on peut observer en Europe quant à l’évolution du code de la nationalité ? Comment s’explique-telle ?
- Prenez l’exemple de l’Allemagne afin d’expliquer la première phrase du texte .