Epreuve de Sciences Economiques et Sociales
QUESTION DE SYNTHESE ETAYEE PAR UN TRAVAIL PREPARATOIRE
II est demandé au candidat :
1 - De conduire le travail préparatoire qui fournit des éléments devant être utilisés dans la synthèse.
2 - De répondre à la question de synthèse :
- par une argumentation assortie d'une réflexion critique, répondant à la problématique
Donnée dans l'intitulé,
- en faisant appel à ses connaissances personnelles,
- en composant une introduction, un développement, une conclusion pour une longueur
de l'ordre de trois pages.
Ces deux parties sont d'égale importance pour la notation.
Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation
Thème du programme : Culture et socialisation
DOSSIER DOCUMENTAIRE :
Document 1 :
Dans la société traditionnelle on attend la mort au lit. La mort est une cérémonie publique et organisée. Organisée par le mourant lui-même qui la préside et en connaît le protocole. S'il venait à oublier ou à tricher, il appartenait aux assistants, au médecin, au prêtre de le rappeler à un ordre à la fois chrétien et coutumier. Cérémonie publique aussi. La chambre du mourant se changeait alors en lieu public. On y entrait librement. Les médecins de la fin du 18 ème siècle qui découvraient les premières règles de l'hygiène se plaignaient du surpeuplement des chambres d'agonisants. Encore au début du XIXe siècle, les passants qui rencontraient dans la rue le petit cortège du prêtre portant le viatique l'accompagnaient, entraient à sa suite dans la chambre du malade. Il importait que les parents, amis. voisins fussent présents. On amenait les enfants : pas de représentation d'une chambre de mourant jusqu'au 18 ème siècle sans quelques enfants. Quand on pense aujourd'hui au soin pris pour écarter les enfants des choses de la mort! Enfin, dernière conclusion, la plus importante : la simplicité avec laquelle les rites de la mort étaient acceptés et accomplis, d'une manière cérémonielle, certes, mais sans caractère dramatique. Sans mouvement d'émotion excessif.
Or, depuis environ un tiers de siècle, nous assistons à une révolution brutale des idées et des sentiments traditionnels; si brutale qu'elle n'a pas manqué de frapper les observateurs sociaux. C'est un phénomène en réalité absolument inouï. La mort, si présente autrefois, tant elle était familière, va s'effacer et disparaître. Elle devient honteuse et objet d'interdit. Sans doute, à l'origine, trouve-t-on un sentiment déjà exprimé dans la seconde moitié du 19ème siècle : l'entourage du mourant a tendance à l'épargner et à lui cacher la gravité de son état. La première motivation du mensonge a été le désir d'épargner le malade, de prendre en charge son épreuve. Mais, très tôt, ce sentiment dont l'origine nous est connue (l'intolérance à la mort de l'autre et la confiance nouvelle du mourant dans son entourage) a été recouvert par un sentiment différent, caractéristique de la modernité : éviter, non plus au mourant, mais à la société, à l'entourage lui-même le trouble et l'émotion trop forte, insoutenable, causés par la laideur de l'agonie et la simple présence de la mort en pleine vie heureuse, car il est désormais admis que la vie est toujours heureuse ou doit toujours en avoir l'air. Rien n'est encore changé dans les rites de la mort qui sont conservés au moins dans leur apparence, et on n'a pas encore l'idée de les changer. Mais on a déjà commencé à les vider de leur charge dramatique, le procédé d'escamotage a commencé.
Entre 1930 et 1950, l'évolution va se précipiter. Cette accélération est due à un phénomène matériel important : le déplacement du lieu de la mort. On ne meurt plus chez soi au milieu des siens, on meurt à l'hôpital, et seul. Les cimetières quant à eux sont déplacés du cœur du village autour de l’église ils se retrouvent à la périphérie, cachées derrière de hauts murs pour ne pas troubler les passants.
Une peine trop visible n'inspire pas la pitié, mais une répugnance; c'est un signe de dérangement mental ou de mauvaise éducation; c'est morbide. Une fois le mort évacué, il n'est plus question de visiter sa tombe. Dans des pays où la révolution de la mort est radicale, en Angleterre par exemple, l'incinération devient le mode dominant de sépulture. Quand l'incinération prévaut, parfois avec dispersion des cendres, les causes ne sont pas seulement une volonté de rupture avec la tradition chrétienne, une manifestation de modernité; la motivation profonde est que l'incinération est interprétée comme le moyen le plus radical de faire disparaître et oublier tout ce qui peut rester du corps, de l'annuler. L'incinération exclut le pèlerinage.
On se tromperait du tout au tout si on attribuait cette fuite devant la mort à une indifférence à l'égard des morts, En réalité, c'est le contraire qui est vrai. Dans 1’ancienne société, les éclats du deuil dissimulaient à peine une résignation rapide, que de veufs se remariaient quelques mois à peine après la mort de leur femme. Au contraire, aujourd'hui où le deuil est interdit, on a constaté que la mortalité des veufs ou veuves dans l'année suivant la mort du conjoint était beaucoup plus forte que celle de l'échantillon témoin du même âge.
L'ensemble des phénomènes que nous venons d'analyser n'est autre chose que la mise en place d'un interdit : ce qui était autrefois commandé est désormais défendu. Le mérite d'avoir dégagé le premier cette loi non écrite de notre civilisation industrielle revient au sociologue anglais Geoffrey Gorer. Il a bien montré comment la mort est devenue un tabou et comment, au XXe siècle, elle a remplacé le sexe comme principal interdit. On disait autrefois aux enfants qu'ils naissaient dans un chou, mais ils assistaient à la grande scène des adieux au chevet du mourant. Aujourd'hui, ils sont initiés dès le plus jeune âge à la physiologie de l'amour, mais, quand ils ne voient plus leur grand-père et s'en étonnent, on leur dit qu'il repose dans un beau jardin parmi les fleurs. Plus la société relâchait les contraintes victoriennes sur le sexe, plus elle rejetait les choses de la mort. Une causalité immédiate apparaît tout de suite : la nécessité du bonheur, le devoir moral et l’obligation sociale de contribuer au bonheur collectif en évitant toute cause de tristesse ou d’ennui. En montrant quelques signes de tristesse, on pèche contre le bonheur, on le remet en question, et la société risque alors de perdre sa raison d’être.
Source : P Ariès, essais sur l’histoire de la mort en occident du moyen âge à nos jours, le seuil, 1975.
Document 2 :cliquez sur le lien : http://www.credoc.fr/pdf/4p/187.pdf
Source : N Fauconnier, A la toussaint, 51% des français de plus de 40 ans se rendent au cimetière, Crédoc, n°187, oct. 2005.
En Afrique traditionnelle, tout ce qui existe est vivant, ou du moins vit à sa manière car il y a des degrés dans les formes de la vie. Cette croyance va de pair avec l'idée d'une nature où circule un jeu de forces, ou d'un monde construit à l'image de l'homme, ou même dont l'homme serait le centre Pour s'en tenir aux hommes, ils ne vivent pas, au sens d'une action circonscrite dans la durée mais ils sont vivants, au sens d'un état hors de la temporalité. Et ils sont plus ou moins vivants. Il y a les vivants d'ici et ceux de là-bas, les morts vivants ; les vivants-de-sur-la-terre et les vivants-de-sous-la-terre. Les défunts en effet existent (au sens fort du terme existere), mangent, boivent, aiment, haïssent, répondent aux questions qu'on leur pose, fécondent les femmes, fertilisent les champs et les troupeaux. Et le mode privilégié d'échange entre les vivants et les défunts, c'est justement la nourriture, symbole de la vie, mais aussi symbole de la fragilité de la vie qui ne persiste qu'entretenue et régénérée. Offrandes, libations et sacrifices constituent la nourriture indispensable aux morts qu'ils ne faut pas "laisser seuls, assoiffés et affamés, c'est-à-dire oubliés, abandonnés". Si la vie est partout, la mort ne l'est pas moins ; réelle ou symbolique, elle est présente à tous les niveaux de l'expérience humaine.
Source : Louis-Vincent Thomas. La mort africaine, idéologie funéraire en Afrique noire. © Payot. 1982
PARTIE I – TRAVAIL PREPARATOIRE
Après avoir rappelé la définition du terme rite, vous expliquerez en quoi la mort est dans les sociétés traditionnelles un rite, quelles sont les normes de comportement exigées ? Que traduit alors l’attitude de la société face à la mort ? (doc. 1) (3 points)
Quelles sont à partir de la fin du 19ème siècle , les nouvelles normes de comportement face à la mort, ce changement traduit-il selon l’auteur un mépris de la mort, expliquez votre réponse. (doc. 1) (4 points)
Donnez le mode de lecture et de calcul des chiffres entourés ( doc. 2 (4 points)
Vous montrerez qu’on assiste à l’apparition et au développement de nouveaux comportements mais qu’ils sont inégalement répartis dans la population (doc. 2) (4 points).
Expliquez la première phrase du texte, quelle conception de la mort remet-elle en cause ? (doc. 3) (3 points)
Après avoir rappelé la définition du terme ethnocentriste, montrez qu’une analyse s’appuyant sur notre système de valeurs est inadaptée pour appréhender la mort en Afrique (qui est mort, les relations avec les morts, etc.) (doc. 3 (3 points)
PARTIE II - QUESTION DE SYNTHESE : APRES AVOIR DEMONTRE DANS UNE PREMIERE PARTIE QUE LA MORT NE RELEVE PAS UNIQUEMENT DE DETERMINANTS NATURELS, MAIS QUE LES RITES MORTUAIRES ET LA PLACE DES MORTS SONT FONCTION DU SYSTEME DE VALEURS DE LA SOCIETE. VOUS DEMONTREREZ DANS UNE SECONDE PARTIE QUE LES NORMES DE COMPORTEMENTS FACE A LA MORT SE MODIFIENT TRADUISANT LA REMISE EN CAUSE DES SYSTEMES DE VALEURS TRADITIONNELLES MAIS A DES RYTHMES DIFFERENTS SELON LES CULTURES ET LES CATEGORIES.