Les inventeurs, héros déchus du progrès technique
par François Jarrige
L’héroïsation de la figure de l’inventeur a accompagné le développement de la société industrielle dans l’Angleterre du XIXe siècle. L’historienne des techniques Christine MacLeod montre comment James Watt ou George Stephenson, incarnations du progrès, ont été glorifiés par leurs contemporains. L’inventeur adulé a ensuite cédé la place au scientifique anonyme, avant que l’image de l’apprenti sorcier vienne jeter le doute sur les bienfaits du progrès technique.
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Qui connaît aujourd’hui le nom de l’inventeur de la télévision, des OGM ou du téléphone portable, sans parler des nombreuses machines outils qui peuplent les usines ? La figure de l’inventeur isolé dévoilant seul les secrets de la nature ou faisant surgir un procédé neuf n’existe plus. Désormais, c’est l’armée des ingénieurs et des techniciens anonymes qui imagine la multitude des artefacts et des innovations dont nous sommes environnés. À côté des acteurs ou des sportifs, l’inventeur fait pâle figure et ne peut plus guère revendiquer le titre tant convoité de héros national. Dans notre société pourtant industrielle et hyper technicienne, l’inventeur n’appartient pas au panthéon des héros nationaux. L’univers culturel du capitalisme mondialisé considère le sportif ou l’entrepreneur fortuné davantage que l’inventeur et le technicien comme la source du dynamisme. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans l’Angleterre du XIXe siècle les inventeurs ont conquis une position originale : ils sont devenus des héros nationaux salués à la fois par la foule du peuple et des élites. Comment expliquer cette position exceptionnelle de la figure de l’inventeur dans l’Angleterre victorienne ? C’est cette énigme que se propose d’expliquer Christine MacLeod dans cette étude originale à plus d’un titre. Elle montre que l’inventeur est d’abord une construction sociale complexe qui varie selon les époques et les lieux. En suivant la valorisation croissante de ce personnage, Christine MacLeod questionne des aspects aussi divers que les racines de l’identité nationale britannique et l’articulation entre la science et la politique.
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