Le Conseil d'orientation pour l'emploi pose des conditions à la réussite du RSA
Le Conseil a considéré que le RSA constituait un élément important de notre modernisation économique et sociale pour les raisons suivantes :
1. Le RSA nous oblige à regarder autrement le monde du chômage, en allant au-delà de la vision
classique du chômeur au sens du BIT (personne qui ne travaille pas du tout, cherche du travail et est disponible rapidement pour travailler). Il nous oblige à nous intéresser aussi à la question du sous-emploi et des travailleurs pauvres, ainsi qu’aux personnes qui souhaiteraient travailler mais ne cherchent plus de travail parce qu’elles sont pas disponibles, empêchées, découragées, ou tout simplement ni inscrites à l’ANPE ni suffisamment soutenues dans leur recherche, et qui constituent ce qu’il est convenu d’appeler le « halo » qui entoure le chômage. Le RSA a le mérite de s’attaquer simultanément à ces trois sources de mal être et de perte de ressources collectives : le chômage au sens strict, son halo et le sous-emploi.
2. Se plaçant à l’intersection des politiques sociales et des politiques de l’emploi, qui sont régies les unes et les autres par des règles, des institutions, et des acteurs différents, l’ensemble ayant atteint un haut degré de complexité, d’empilement et de juxtaposition, le RSA oblige à un effort de transversalité qui est, dans notre système public, une condition du progrès. Il est en effet démontré que plus l’on veut réguler et ordonner les mécanismes de marchés, plus la coopération et la transversalité sont nécessaires. C’est un des points sur lesquels nous achoppons souvent. Le RSA nous oblige à réévaluer, à recomposer et à harmoniser les différentes politiques publiques de retour à l’emploi et d’insertion. La réflexion qu’il implique est très utilement et naturellement complétée par celles qui se mènent au Grenelle de l’insertion. Les deux démarches s’appellent l’une l’autre et se complètent.
3. Cet effort de transversalité et de rénovation est d’autant plus nécessaire que notre pays est le siège d’un étrange paradoxe : nul ne peut nier que les politiques d’insertion aient été innovantes, et même très innovantes. Et pourtant, nul ne conteste que les résultats ne sont pas au rendez-vous. Sans doute peut-on imputer cette déperdition à une trop grande instabilité conjoncturelle des dispositifs, à une prévalence de la quantité sur la qualité, à un cloisonnement des dispositifs. Mais par les problèmes qu’il pose, par les réflexions qu’il amène, le RSA peut être l’occasion de redonner du souffle aux politiques d’insertion. De leur redonner la durabilité, la qualité, et la globalité qui leur ont manqué. On peut même dire qu’il y oblige, d’une certaine façon, pour les raisons qui seront détaillées plus loin.
4. La méthode utilisée pour construire le RSA fondée sur un large débat public, sur la participation des usagers, sur des expérimentations, est assez profondément novatrice. Il y a d’autant plus de chances qu’elle puisse être reproduite qu’elle aura été efficace. C’est dans cette perspective que le COE a mené sa réflexion : faire du RSA une réussite pour l’emploi. Le COE a toutefois travaillé sans connaître les résultats des expérimentations qui ont été engagées : pour que le RSA réussisse, il serait souhaitable qu'ils puissent être pleinement pris en compte dans la définition de cette prestation.
néanmoins le COE pointe certaines limites :
Pour que le RSA soit une réussite pour l'emploi, un certain nombre de conditions doivent être remplies : c'est l'objet même du rapport et du mandat confié au COE. Certaines, d’ordre général, méritent d’être rappelées d’emblée afin de lever toute ambiguïté.
D’une part, le RSA est l’un des multiples chantiers sociaux ouverts et doit être traité en liaison avec eux,qu’il s’agisse de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC, de la nouvelle convention d’assurance-chômage, de la réforme de la formation professionnelle ou de la sécurisation des parcours. Le RSA doit accompagner ces réformes et être accompagné par elles.
D’autre part, si le RSA peut être l’un des instruments d’un retour à l’emploi, il n’en est pas le remède miracle. Si l’absence suffisante de gain, la difficulté de prévoir ou de lire les dispositifs d’intéressement ont pu, par le passé, gêner la reprise d’emploi, les obstacles au retour à l’emploi de qualité sont principalement le manque d’emplois disponibles, l’inadéquation de la qualification, l’insuffisance de l’orientation ou de l’accompagnement, les difficultés de la mobilité, les problèmes de garde d’enfants. Tous ces sujets doivent être traités simultanément. Le RSA ne doit pas être financé aux dépens de ces différentes politiques. Seule une démarche d’ensemble, convenablement coordonnée, permettra la réussite au moindre coût de l’investissement qui doit être poursuivi simultanément dans ces différents domaines.
Cela vaut en particulier pour la lutte contre la pauvreté. Le RSA vise en premier chef à réduire la pauvreté monétaire, tout en promouvant l’emploi. Mais la pauvreté est loin de se réduire à sa dimension monétaire. Sa composante multidimensionnelle est essentielle, et c’est elle qui engendre l’exclusion. Le RSA constitue l’un des éléments de cette action globale qui doit fonctionner en synergie avec les autres composantes de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion, afin d’assurer « l’accès de tous aux droits de tous ».
En troisième lieu, le RSA souffre d’une certaine ambiguïté qui doit être levée dans des conditions que le mandat demande de préciser : en améliorant durablement les conditions de la reprise d’activité à temps partiel, il peut à la fois favoriser le travail à temps partiel librement choisi et légitimer la persistance du travail à temps partiel pauvre non choisi. L’objectif est bien, à terme, que chacun puisse accéder à un salaire qui, adossé à une protection sociale correcte, lui permette de vivre de son travail. Dans cette perspective, le RSA doit être considéré comme un mécanisme de soutien financier contribuant à une requalification sociale globale, non comme l’amorce d’un basculement vers un marché du travail offrant des emplois de faible qualité et de faible rémunération. Cela suppose qu’il s’insère dans un dialogue structuré entre les partenaires sociaux.
En quatrième lieu, la substitution du RSA à la Prime pour l'emploi (PPE) est de nature à faire de très nombreux « perdants ». Le COE n'a examiné cette question de redistribution, qui n'entre pas dans le champ de sa saisine, que sous l'angle des effets de la généralisation du RSA sur le travail des femmes et des jeunes.
Enfin, le RSA poursuit simultanément plusieurs objectifs : lisibilité et simplicité, réduction de la pauvreté monétaire, promotion de l’emploi. C’est l’un de ses avantages. Mais cela peut poser des difficultés lorsque les objectifs peuvent apparaître comme contradictoires, notamment en raison des contraintes budgétaires et de la nécessité d’assurer sa soutenabilité financière. Il est donc important de hiérarchiser ces objectifs. En d’autres termes, le RSA doit s’inscrire dans une politique globale de développement quantitatif et qualitatif de l’emploi
pour lire le rapport provisoire du COE : http://www.lesechos.fr/medias/2008/0521//300265997.pdf
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