La banque mondiale vient de mettre en ligne le rapport : stratégies pour une croissance durable et un développement solidaire :
- Treize pays ont affiché une croissance moyenne de 7 % pendant au moins vingt-cinq ans depuis la Deuxième guerre mondiale
- D’après le rapport, d’autres pays ont les moyens de générer une croissance élevée et soutenue.
- Les pays industrialisés devraient accorder des préférences commerciales aux exportations manufacturières des pays africains afin de les aider à surmonter les désavantages induits par leur retard.
"La Corée du Sud était autrefois l’un des pays asiatiques les plus pauvres au monde. Aujourd’hui, c’est l’un des plus riches, un pays à haut revenu qui jouit d’un niveau de vie sensiblement identique à celui de la Slovénie ou de l’Arabie saoudite et supérieur à celui de la République tchèque, d’Oman ou du Portugal.
La Corée du Sud est l’un des treize pays seulement à avoir réalisé une sorte de miracle après la Deuxième Guerre mondiale – une croissance économique moyenne de 7 % pendant au moins vingt-cinq ans d’affilée, indique le « Rapport sur la croissance : stratégies pour une croissance soutenue et un développement inclusif ». Ce rapport a été élaboré par la Commission sur la croissance et le développement, organe indépendant soutenu par l’Australie, la Suède, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la fondation William et Flora Hewlett et le Groupe de la Banque mondiale.
Il n’est pas facile de générer une croissance élevée et durable, mais le rapport dressé par quelques-uns des meilleurs décideurs et penseurs au monde affirme qu’une telle croissance peut tout à fait être reproduite dans d’autres pays, ce qui les aiderait à réduire leur niveau de pauvreté et à améliorer les chances et la qualité de vie de leurs citoyens.
Le « Rapport sur la croissance », diffusé aujourd’hui à Londres, au Caire, à Cape Town, à New York et à Saint-Kitts, s’efforce de percer le mystère des stratégies fructueuses de croissance mises en œuvre par les pays à forte croissance et de promouvoir le potentiel de croissance économique afin d’améliorer la qualité de vie sur la planète. Quelque trois milliards de personnes ont pu récolter les fruits de la croissance depuis la dernière guerre mondiale et deux autres milliards d’êtres humains pourraient également tirer quelque profit de l’économie mondiale.
« Peut-être pour la première fois de toute l’Histoire, nous avons à notre portée une chance raisonnable de pouvoir transformer la qualité de vie et les opportunités créatives de la vaste majorité de l’humanité », explique le Président Michael Spence, l’un des deux lauréats du prix Nobel et des 21 membres de la Commission, qui rassemble les plus grands noms des milieux professionnels, gouvernementaux et universitaires.
« La croissance économique est d’une importance absolue pour éradiquer la pauvreté et améliorer le niveau de vie des gens », ajoute Gon Chok Tong, Président de la Politique monétaire à Singapour, l’un des six pays qui soit parvenu à se hisser au rang de pays à haut revenu grâce à une croissance élevée et soutenue.
Le Rapport sur la croissance identifie quelques-unes des caractéristiques propres aux pays à haut revenu et révèle toute l’importance du leadership et de la gouvernance, ainsi que de la sécurité économique, de la concurrence, du bien-fondé des politiques fiscales et monétaires et des investissements publics dans les systèmes de santé et d’enseignement. Il examine également les tendances mondiales et leur incidence sur la croissance, à savoir notamment le réchauffement climatique mondial, la montée des prix, l’inégalité croissante des revenus et la migration professionnelle.
Pas de recette miracle
« Nous sommes parfaitement conscients qu’il n’existe pas de recette miracle pour imposer une croissance durable et inclusive, pas plus qu’il n’y a de paradigme unique », reconnaît Danny Leipziger, Vice-président de la Commission et du réseau Lutte contre la pauvreté et Gestion économique (PREM) de la Banque mondiale.
« L’objectif premier de ce rapport est d’aider les décideurs des pays en développement à trouver pour leur pays le bon dosage de leurs ingrédients politiques », ajoute Leipziger.
Quoi qu’il en soit, les treize pays présentent au moins cinq points communs :
• Ils ont tous pleinement exploité l’économie mondiale.
• Ils ont maintenu une stabilité macroéconomique.
• Ils ont accepté des taux élevés d’épargne et d’investissement.
• Ils ont laissé les marchés allouer les ressources.
• Ils ont eu des gouvernements engagés, crédibles et capables.
Six pays – Hong-Kong, Japon, Corée, Malte, Singapour et Taiwan – ont su imposer une forte croissance soutenue suffisamment longtemps pour accéder au statut de pays à haut revenu, mais plusieurs autres se sont essoufflés bien avant de pouvoir rattraper le niveau des grandes économies mondiales.
Le Brésil, qui est l’un des pays à avoir atteint une croissance élevée et durable, a commencé à ralentir en 1980 : l’inflation et l’endettement ont en effet envahi le pays après le choc pétrolier de 1973. Plutôt que de s’efforcer de développer ses exportations, le Brésil s’est replié sur lui-même en 1974 et a entrepris de mettre ses industries légères sous la protection de ses industries lourdes et de sa production de biens d’équipement afin de contrecarrer la concurrence étrangère sur son marché intérieur. Les taux de change du Brésil ont considérablement augmenté et les exportateurs brésiliens ont perdu une grande partie du terrain qu’ils avaient jusque là conquis. Lorsque les taux d’intérêt ont atteint leur point culminant, en 1979, le Brésil s’est trouvé aux prises avec une crise de la dette, dont il a mis dix ans à s’extirper, raconte le rapport.
Le rapport observe ainsi que la demande intérieure ne constitue pas un substitut au « marché expansif mondial ».
« Pour que la croissance puisse être soutenue, elle doit tenir compte du fait que nous vivons dans un monde de plus en plus globalisé », indique Danuta Hubner, Commissaire européen en Politique régionale. « Il nous faut une croissance qui exploite toutes les opportunités offertes par l’économie mondiale. »
Conseils pour l’Afrique et l’Amérique latine
Le Rapport sur la croissance formule en outre quelques recommandations spécifiques pour l’Afrique subsaharienne et l’Amérique latine, deux régions qui ont assurément des défis à relever pour parvenir à une croissance soutenue. L’Afrique subsaharienne doit résoudre différents problèmes posés par « des frontières inutiles, l’héritage du colonialisme et les bienfaits mitigés de ses ressources naturelles exceptionnellement riches ». En Amérique latine, les pays qui affichent des revenus d’au moins 4 000 dollars par habitant « possèdent cependant un grand nombre de pauvres, qui n’ont quasiment pas accès à l’emploi formel, aux marchés financiers et aux services publics ».
Quelques conseils pour l’Afrique subsaharienne : encourager la coopération régionale et l’intégration régionale – particulièrement importantes pour les pays enclavés –, autoriser l’accès des citoyens à des canaux sécurisés d’épargne et de crédit et adopter de bonnes pratiques pour l’exploitation des ressources naturelles.
La Commission appelle aussi les pays industrialisés à accorder des préférences commerciales aux exportations manufacturières des pays africains afin de les aider à surmonter les désavantages induits par leur retard et à financer l’expansion de l’enseignement supérieur en Afrique afin de compenser l’exode des cerveaux.c
L’Amérique latine, pour sa part, doit augmenter ses taux d’épargne et entamer une transition vers une économie du savoir à forte intensité de capital, estime le rapport. Et d’ajouter que, si les pays d’Amérique latine à revenu intermédiaire sont certes la preuve que la croissance ne suffit pas en soi pour réduire la pauvreté, il est toutefois possible de réaliser des progrès en redistribuant les revenus, les actifs et l’accès aux services.
« Je suis convaincu qu’il y a tout à gagner du principe d’inclusion, qui est la garantie d’un vaste partage de la croissance », affirme le prix Nobel Robert Solow. « Le leadership et la gouvernance ne peuvent marcher qu’en bénéficiant de l’adhésion de vastes groupes de la population ».
le monde donne un compte rendu de ce rapport : "La commission Croissance et développement a étudié les recettes qui ont permis ces étonnantes success stories où voisinent la petite île de Malte et le géant chinois, un temple du libre-échange comme Singapour et une économie très dirigée telle la Malaisie.
Ils en tirent des conclusions qui vont à l'encontre du "Consensus de Washington", cette théorie adoptée par les institutions internationales et élaborée par l'économiste John Williamson à la fin des années 1980, et qui prônait la réduction des déficits, des impôts et des dépenses publiques, l'accélération des privatisations et des déréglementations.
Le rapport de la Commission est sans ambiguïté.
"La principale de nos conclusions est que la croissance indispensable pour faire reculer la pauvreté et assurer un développement durable réclame un Etat fort", commente Kemal Dervis, administrateur du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) et ancien ministre des finances de Turquie"