Robert Reich : le « supercapitalisme » menace la démocratie

Robert Reich : le « supercapitalisme » menace la démocratie

« Le supercapitalisme, c’est très bon pour les investisseurs qui maximisent leurs revenus et les consommateurs qui paient de moins en moins cher. Mais c’est néfaste à la production de biens publics, à la sécurité de l’emploi, au niveau des salaires, au climat de la planète... Ce que nous voulons en tant qu’épargnant et acheteur entre en conflit avec ce que nous voulons en tant que salarié et citoyen. » Robert Reich, économiste et ancien membre du gouvernement Clinton.

Robert Reich est professeur de politique publique à l’université de Californie à Berkeley, et ancien secrétaire d’État à l’emploi sous la présidence de Bill Clinton.

Présentation de l’éditeur

Et Si le capitalisme d’aujourd’hui signait l’arrêt de mort à petit feu de la démocratie ? Le capitalisme du milieu du XXe siècle s’est transformé en "capitalisme global", quia lui-même évolué en "supercapitalisme". Mais alors que ce supercapitalisme permet d’agrandir encore le gâteau économique, la démocratie, elle, celle qui se soucie de l’ensemble des citoyens est de moins en moins effective sous son influence. Cet ouvrage explique clairement comment les écarts grandissants (et démontrés) de richesse entre les individus, le poids de l’insécurité du travail, l’accélération du réchauffement climatique sont les conséquences logiques du supercapitalisme.

Il démontre comment les entreprises sont de plus en plus tenues, pour conserver leurs positions concurrentielles, d’exercer très fortement leur influence sur les décisions politiques par la voie du lobbying. Comment le citoyen de base est désormais écartelé entre ses exigences et ses valeurs de citoyen, et ses impératifs de consommateur et d’investisseur - abandonnant souvent les premières au profit des seconds. Comment les outils traditionnellement utilisés par les démocraties pour réguler les problèmes de société (redistribution, services publics efficaces...) sont en déroute.

Offrant une série de recommandations pour que les citoyens puissent de nouveau pleinement participer au processus démocratique, Reich met en avant la responsabilité de l’individu et réclame la fin du mythe de l’entreprise "citoyenne et socialement responsable ", en soutenant que les deux sphères du business et de la politique doivent rester distinctes. Une analyse limpide et dérangeante qui en appelle à la responsabilité de tous.

Entretien

Propos recueillis par Jean-Marc Vittori pour les Echos

A quoi reconnaît-on le "supercapitalisme" que vous décrivez dans votre livre ?

A la concurrence entre les entreprises, qui s’est formidablement renforcée ces dernières années. Trois forces ont provoqué ce changement : l ’émergence de nouvelles technologies, la mondialisation et la déréglementation. Consommateurs et investisseurs ont maintenant un monde d’opportunités qui s’ouvre à eux. Les entreprises doivent donc se livrer à une compétition intense pour attirer les uns et les autres. Leurs PDG ne peuvent plus se permettre de prendre des positions divergentes des intérêts des actionnaires. Ils ne peuvent plus prendre en compte les intérêts des autres parties prenantes de l’entreprise - salariés, fournisseurs, collectivités. Ce renversement crée des problèmes majeurs, allant jusqu’à saper la démocratie. Dans leur rivalité acharnée, les entreprises cherchent à accaparer tous les leviers du pouvoir. La condamnation de Microsoft pour abus de position dominante par la Commission européenne confirmée l’an dernier n’est pas l’aboutissement d’une bataille entre l’Etat et l’entreprise, mais celui d’un affrontement entre entreprises.

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