les modèles de recrutement des élites

SUR LE SITE CONTRE INFO UNE TRIBUNE : une fabrique des élites françaises digne de l’ancien régime, par Christian Sautter qui explique les différents modes de recrutement des élites et permet de s'interroger sur les applications du modèle méritocratique :

« L’élite française est une sorte d’Ancien régime, qui joue selon des règles anciennes définies par elle-même, et est habile à se protéger en détournant les reproches, » note Christian Sautter, reprenant le commentaire d’un journaliste. Il faudrait, dit-il, « quadrupler les promotions de Polytechnique et de l’ENA, » afin de faire émerger une élite nombreuse et représentative de la nation.

Par Christian Sautter, Betapolitique, 3 mars 2008

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« L’élite française est une sorte d’Ancien régime, qui joue selon des règles anciennes (définies par elle-même), et est habile à se protéger en détournant les reproches ».

La plupart des membres sont diplômés de Polytechnique et/ou de l’ENA et se rencontrent dans les conseils d’administration des plus grandes entreprises qu’ils dirigent de conserve. Ces entreprises font d’ailleurs, pour la plupart, de belles performances, mais en grande partie grâce à leurs opérations hors de France.

Les deux ethnologues d’outre-Atlantique examinent « la fabrique des grands hommes » (clin d’œil à mon ami Maurice Godelier qui s’est consacré à la distinction des élites en Océanie) en France et aux Etats-Unis. Selon eux, entrer à Harvard est une partie de plaisir par rapport au concours de l’École Polytechnique. D’un côté, la prestigieuse université américaine accepte 9% des candidats et produit 1700 diplômés chaque année. De l’autre, seuls 15% des 130 000 bacheliers scientifiques peuvent accéder à une classe préparatoire aux grandes écoles, et des 5000 candidats au concours, seuls 400 franchissent la barre élevée. Heureusement, la France change ... « à un rythme glaciaire », nous dit-on. Le parcours à la Bouton (ENA, 20 ans aux Finances, parachutage à Société générale à 40 ans pour en gravir rapidement les échelons supérieurs) n’est plus la norme. De plus en plus d’entreprises françaises recrutent leurs dirigeants parmi les jeunes cadres prometteurs qui ont commencé leur carrière sur le terrain.

Chaque pays a ses rites pour dégager ses élites. Ainsi la Chine fait monter au pouvoir la « Classe 1977 » (IHT 24-25 dec 2007). L’un de ses membres vient d’intégrer le Bureau politique, ce qui ouvre aux plus belles destinées. Que s’est-il passé en Chine en 1977 ? La Révolution culturelle avait envoyé les intellectuels et les jeunes gens de bonne famille urbaine se vivifier à la campagne et nourrir les cochons. Soudain, en octobre 1977, et ce fut le début de la révolution silencieuse de Deng Xiaoping, on apprit en Chine profonde que des concours d’entrée à l’université seraient à nouveau organisés, d’ici à fin de l’année et que tous les candidats âgés de 13 à 37 ans pouvaient se présenter. Chacun bachota jour et nuit dans des conditions incroyables. Il y eut 5,7 millions de candidats : les chiffres chinois sont toujours colossaux. 273 000 réussirent la prouesse et constituèrent « la Classe 77 ». On nous précise que, trente ans plus tard, les admissions sont redevenues normales : 58% des 9 millions de candidats accèdent à des études supérieures. Notons que ces chiffres massifs devraient faire réfléchir ceux qui pensent encore que la Chine est un immense atelier fabriquant des T-shirts, des chaussures de sport et des jouets. Ces futurs diplômés créeront plutôt des voitures, des avions et des logiciels ! Mais revenons à la « classe 1977 ». Cette génération qui dit elle-même qu’elle avait « la rage d’apprendre » va jouer un rôle majeur dans les années à venir. Nous n’aurons guère le temps de nous livrer à nos passions favorites de la nostalgie et de l’improvisation face à des concurrents aussi acharnés à réussir que ces miraculés de la révolution maoïste.

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