le travail du dimanche en débat :
Nicolas Sarkozy a expliqué à Rethel (Ardennes), le 28 octobre. "Pourquoi continuer d'empêcher celui qui le veut de travailler le dimanche ?, s'est demandé le président de la République, sous la forme rhétorique interrogative qu'il affectionne dans ce cas. C'est un jour de croissance en plus, c'est du pouvoir d'achat en plus. Il faut quand même penser aux familles qui ont le droit, les jours où elles ne travaillent pas, d'aller faire leurs courses dans des magasins qui sont ouverts et pas systématiquement fermés." Et le chef de l'Etat, partisan de "libérer tout ceci", a invité les parlementaires à "se saisir sans tabou" de la proposition de loi déposée à cet effet au début du mois d'août par le député (UMP) des Bouches-du-Rhône Richard Mallié.
le débat est donc lancé :
Dans une interview publiée dans le Journal du Dimanche, Luc Chatel a affirmé que «partout où les magasins ouvrent le septième jour, l'activité a été favorisée». Selon lui, «le commerce du dimanche, c'est des emplois et de la croissance!». «Notre objectif est d'assouplir la législation, mais en préservant l'équilibre local», a-t-il ajouté, estimant que ce sera aux «branches d'activité et non à la loi» de définir les conditions d'éventuels refus des salariés.
Selon un sondage Ifop Publicis Consultants publié par le JDD et réalisé les 22 et 23 septembre, 67% des Français accepteraient de travailler le dimanche, qui est payé davantage qu'en semaine, si leur employeur le leur proposait. Ils étaient 59% à donner la même réponse en décembre 2007, dans un précédent sondage.
Cela «montre que les esprits sont en train d'évoluer», a commenté Xavier Bertrand dimanche sur France 2. Il faut donner la possibilité de travailler le dimanche, mais sur la base du volontariat», a affirmé le ministre du Travail, insistant sur «les garanties» à apporter. Il s'est déclaré favorable à ce que les salariés soient rémunérés «le double» ce jour là.
Pourtant tout le monde n'est pas d'accord les syndicats en particulier contestent l'efficacité de ces mesures :
La visite que les deux ministres ont effectué à Thiais Village a illustré les polémiques sur le sujet. Vingt dérogations préfectorales ont été accordées en août à des enseignes de ce centre commercial, dont les magasins Décathlon, Boulanger ou la Fnac mais les syndicats CFTC et FO les ont contestées au tribunal administratif. L'appel étant suspensif, les magasins de ce centre, hormis Ikea, sont soumis à des astreintes s'ils ne se conforment pas à la loi.
«Nous regrettons que deux ministres viennent légitimer des enseignes hors la loi», ont déclaré deux dirigeants de la CFTC, Eric Scherrer et Joseph Thouvenel, qui ont interpellé les ministres. Les deux syndicalistes ont affirmé que le travail dominical entraînerait la «destruction de 100.000 emplois stables dans les petits commerces indépendants de centre ville».
sur le site : Le travail du dimanche
sont pointés les faiblesses du sondage du JDD et présentées un autre sondage ( d'ailleurs aussi contestable) commandé par FO à BVA :
Quant aux économistes ils sont pour le moins dubitatifs sur l'intérêt d'une telle mesure :
Pour le directeur du Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (Credoc), Robert Rochefort,
"aucun économiste ne peut dire qu'on a besoin d'ouvrir partout le dimanche".
Dans les pages opinions du Monde un excellent article de p Askénazy :
Le prix du dimanche, par Philippe Askenazy"Le débat actuel semble une répétition de celui du tout début du siècle dernier sur le dimanche chômé pour tous. Les arguments invoqués à l'occasion de la loi de 1906 se retrouvent dans la bouche des mêmes acteurs. Le patronat soutient le travail dominical. L'Eglise catholique souhaite le maintien de cette journée chômée, consacrée à la messe et à la famille. Les syndicats y ajoutent le nécessaire repos des salariés. Il ne manque que les militaires : l'usure prématurée de la jeunesse par un travail 7 jours sur 7 soulevait des inquiétudes sur la capacité de la France à lever une armée de soldats aptes à laver l'humiliation de 1870. Ce dernier argument avait fini par emporter le progrès indéniable que constitue le repos du dimanche."
une comparaison avec les USApays qui est depuis longtemps un adepte des horraires décalés et dont l'amplitude est maximale :
"Traversons cependant l'Atlantique. Aux Etats-Unis, la plupart des grandes surfaces (alimentaires) sont ouvertes 24 h sur 24, 7 jours sur 7. Or discrètement des enseignes font du lobbying pour une régulation des horaires d'ouverture. De fait, elles se retrouvent dans un coûteux équilibre devenu vicieux. La concurrence vive empêche, sous peine de perdre une précieuse clientèle, de réduire l'amplitude d'ouverture. Et cette forte amplitude implique deux coûts importants.
Le premier est énergétique. Les grandes surfaces, notamment alimentaires, sont parmi les activités les plus énergivores : éclairage puissant entièrement artificiel, chauffage ou climatisation de volumes immenses, vastes rayons de réfrigération ouverts ou souvent manipulés. En ces temps de Grenelle de l'environnement, il est ainsi cocasse que l'on ne s'interroge pas sur l'impact environnemental de l'ouverture du dimanche en France "
Le second coût majeur est le travail. Outre-Atlantique, malgré l'absence (ou la faiblesse) de bonus pour le travail de nuit et le dimanche, la forte amplitude horaire participe à des dépenses de consommateurs par heure travaillée modestes dans les magasins : dans l'alimentaire, elles sont deux fois plus faibles aux Etats-Unis qu'en France.
Sur le site de capital P Burban un des représentants des artisans note deux autres limites :
Capital.fr : L'assouplissement du travail le dimanche se ferait suivant deux principes: le volontariat et une rémunération doublée. N'est-ce pas une bonne chose ?
Pierre Burban:(Rires)….Le salarié qui refusera une fois, puis une seconde fois de travailler le dimanche se positionnera dans une situation délicate face à son employeur. Et doubler la rémunération n'est pas un élément pour justifier une banalisation du travail le dimanche.
Capital.fr : Travailler le dimanche doit permettre de créer des emplois selon le gouvernement. Cela se fera t-il au détriment des petits commerces ?
Pierre Burban: Cette idée de création d'emplois est contestable. Une généralisation du travail le dimanche profitera aux grands groupes de la distribution. Mais, elle détruira les emplois du commerce de proximité. En effet, à chiffre d'affaires égal, celui-ci emploie trois fois plus de personnel que les grandes surfaces
Finalement P Askénazy note :
L'impact théorique de l'ouverture dominicale est ainsi ambigu. D'où l'intérêt des travaux empiriques sur les cas nord-américains. Les Etats américains ou les provinces canadiennes n'ont pas simultanément dérégulé l'ouverture des commerces le dimanche. L'exploitation statistique de cette diversité permet d'identifier les effets propres de cette dérégulation. Les estimations sont convergentes. Aux Etats-Unis comme au Canada, l'effet net sur l'emploi est réel mais modeste : de l'ordre de 1 à 2 % de postes supplémentaires. En revanche, le volume d'heures offert par salarié demeure inchangé : ceux qui travaillent le dimanche perdent des heures en semaine ; au total, l'impact sur leur salaire est très faible. C'est probablement ce qui amène l'UMP à préconiser un paiement double de la rémunération de base le dimanche. Mais cela risque d'exacerber les coûts supportés par les entreprises du secteur. Or déjà, sans un tel doublement, les études nord-américaines sont unanimes : l'ouverture dominicale se traduit par une augmentation des prix de l'ordre de 4 %. En France, si le doublement salarial s'ajoute à la faiblesse criante de la concurrence entre enseignes dans de nombreux pans du territoire, un impact encore plus massif sur les prix est à craindre. En fait, il n'y a pas de miracle : le service supplémentaire que représente l'achat dominical a un coût, et ce coût est facturé, voire surfacturé, aux clients. Même pour ceux qui ne font pas leurs courses le dimanche !
Gageons que dans un contexte de crise du pouvoir d'achat, cet argument prix sera rapidement mis en avant par les employeurs du secteur... pour exiger de revenir sur l'engagement du doublement de rémunération, une fois la libéralisation obtenue. Alors autant ne pas tronquer le débat. Et, notamment, poser aux Français une question complète : souhaitez-vous une ouverture dominicale des commerces quitte à subir une hausse des prix