croissance et inégalités vues par l'OCDE

La dernière publication de l'OCDE revient sur 30 ans de discours libéral : le consensus de washington vole en éclat : la croissance est une condition nécessaire à la réduction des inégalités mais elle n'est pas suffisante

Le fossé entre les riches et les pauvres s’est creusé dans trois pays de l’OCDE sur quatre ces deux dernières décennies. C’est ce que constate un nouveau rapport de l’OCDE.

Selon ce rapport, intitulé « Croissance et inégalités », la croissance économique au cours des 20 dernières années a davantage bénéficié aux riches qu’aux pauvres. Dans certains pays, notamment l’Allemagne, le Canada, les États-Unis, la Finlande, l’Italie et la Norvège, l’écart s’est également accentué entre les riches et la classe moyenne.

Les pays où l’éventail des revenus est large connaissent généralement une pauvreté monétaire plus marquée. En outre, la mobilité sociale joue moins dans les pays à fortes inégalités, notamment les États-Unis, l’Italie et le Royaume-Uni, alors que dans les pays nordiques, où les revenus sont répartis plus équitablement, on observe davantage de mobilité sociale.
Lors du lancement de ce rapport à Paris, le Secrétaire général de l’OCDE, Angel Gurría, a mis en garde contre les problèmes dus aux inégalités et souligné la nécessité, pour les gouvernements, de s’y attaquer. « Une inégalité croissante est un germe de division. Elle polarise les sociétés, elle crée une fracture entre les régions des pays et elle creuse dans le monde un fossé entre les riches et les pauvres. L’accroissement des inégalités de revenu bloque l’« ascenseur social », les personnes talentueuses qui travaillent dur obtenant plus difficilement la récompense qu’elles méritent. Il n’est pas possible d’ignorer ces inégalités croissantes ».

C’est le nombre de personnes peu qualifiées et faiblement instruites sans emploi qui est l’une des principales causes des inégalités de revenus. Un autre facteur est la multiplication des personnes qui vivent seules et des familles monoparentales.

Certaines catégories sociales ont été plus favorisées que d’autres. La population qui se trouve proche de l’âge de la retraite a connu la plus forte progression des revenus ces 20 dernières années et la pauvreté a diminué parmi les retraités dans un grand nombre de pays. En revanche, la pauvreté des enfants a augmenté. (Selon la définition de l’OCDE, il y a pauvreté lorsque chaque membre d’un ménage a un revenu inférieur à la moitié du revenu médian, corrigé de la taille de la famille).

Pour les enfants et les jeunes adultes, la probabilité de pauvreté est aujourd’hui supérieure de 25 % à celle de l’ensemble de la population. La probabilité de pauvreté pour les ménages monoparentaux est trois fois plus élevée que pour la moyenne de la population. Or, les pays de l’OCDE dépensent trois fois plus pour la politique familiale qu’il y a 20 ans.

Dans les pays développés, les gouvernements ont augmenté les impôts et dépensent davantage pour les prestations sociales afin de compenser la tendance à plus d’inégalités. Selon le rapport, les inégalités se seraient encore aggravées plus rapidement sans ces dépenses.

Comme l’a fait valoir M. Gurría, il faut s’attaquer autrement à ce problème. « Bien que la fiscalité et les transferts restent importants dans un grand nombre de pays de l’OCDE pour redistribuer les revenus et réduire la pauvreté, nos données confirment leur perte d’efficacité ces dix dernières années. Vouloir combler les lacunes de la distribution des revenus uniquement par une augmentation des dépenses sociales revient à traiter les symptômes et pas la maladie. »

« Si les inégalités se sont aggravées, c’est en majeure partie à cause des changements qui se sont produits sur le marché du travail. C’est là que les gouvernements doivent agir. Les travailleurs peu qualifiés rencontrent de plus en plus de difficultés à trouver un emploi. Accroître l’emploi est le meilleur moyen de réduire la pauvreté », a déclaré M. Gurría.

Améliorer le niveau d’instruction est aussi un excellent moyen d’obtenir une croissance qui, sur le long terme, bénéficie à tous, et pas seulement aux élites ; tel est l’un des constats du rapport. À court terme, les pays doivent prendre des mesures plus efficaces pour que leur population trouve un emploi et que les familles qui travaillent perçoivent des prestations qui augmentent leurs revenus salariaux, au lieu de dépendre de prestations de chômage, d’invalidité et de préretraite


Intéressant. L’écart entre les riches et les pauvres n’est pas si important qu’on pourrait le penser

Eléments clés du rapport

Les écarts de revenu se sont creusés, au cours des deux dernières décennies, dans la plupart des pays de l’OCDE. Dans le contexte actuel d’une économie mondiale en mutation, cela signifie que toujours plus de personnes risquent d’être laissées à la traîne. Selon le Secrétaire général Angel Gurría, « Faire en sorte que la croissance profite à tous, et pas seulement aux riches, est la tâche que nous devons nous assigner ». Les gouvernements ne doivent pas rester spectateurs : ils doivent réagir aux inégalités de revenu par des politiques qui aideront les gens à s’en sortir.

Pourquoi l’écart entre riches et pauvres se creuse-t-il ?
Dans la plupart des pays, l’écart se creuse parce que les ménages riches s’en sortent nettement mieux que les ménages de la classe moyenne et les ménages pauvres. Les changements dans la structure de la population et sur le marché du travail au cours des 20 dernières années ont beaucoup contribué à cette accentuation des inégalités.

  • Les salaires des personnes qui étaient déjà bien payées ont augmenté.
  • Les taux d’emploi des personnes ayant un moins bon niveau d’instruction ont baissé.
  • Et le nombre des ménages comprenant un seul adulte et une seule famille est en augmentation.

Que peut on faire ?
Dans certains cas, les politiques publiques en matière de fiscalité et de redistribution du revenu ont aidé à lutter contre l’accentuation des inégalités. Mais cela ne peut être la seule réponse. Les autorités publiques doivent aussi améliorer leurs politiques dans d’autres domaines.

  • Les politiques éducatives doivent chercher à doter les individus des compétences dont ils ont besoin sur le marché du travail actuel.
  • Des politiques d’emploi actives sont nécessaires pour aider les chômeurs à trouver du travail.
  • Accéder à l’emploi rémunéré est déterminant pour réduire le risque de pauvreté, mais accéder à un emploi n’est pas nécessairement suffisant pour être à l’abri. L’étude Croissance et inégalités montre que dans plus de la moitié des ménages concernés par la pauvreté il y a au moins une part de revenus issus du travail.
  • Les politiques de prestations liées à l’occupation d’un emploi peuvent aider les familles d’actifs qui ont des difficultés à accéder à un niveau de vie décent en leur apportant un complément de revenu.
En complément :

Le Saviez-Vous ? (Inégalité de revenus)

L’écart entre riches et pauvres s’est creusé et le nombre de personnes vivant en-dessous du seuil de pauvreté a augmenté au cours des deux dernières décennies. L’évolution est assez générale, affectant les trois quarts des pays de l’OCDE. L’ampleur du changement est limitée mais significative.

[Tableau 11.1. Évolution des inégalités de revenu et de la pauvreté]

Les inégalités de revenu se sont nettement accentuées, au début des années 2000, en Allemagne, au Canada, aux États-Unis et en Norvège. Par contre, les revenus ont eu tendance à s’égaliser en Grèce, au Mexique et au Royaume-Uni.

[Graphique 1.1. Coefficients de Gini des inégalités de revenu dans les pays de l’OCDE, milieu des années 2000]
[Graphique 1.2. Évolution des inégalités de revenuVariation du coefficient de Gini sur différentes périodes]

La montée des inégalités s’explique généralement par le fait que les riches ont vu leurs revenus s’améliorer tant par rapport aux titulaires de bas revenus que par rapport aux titulaires de revenus moyens.

[Tableau 1.1. et Tableau 1.2. Évolution du revenu réel des ménages par quintile, et Gains et pertes de parts de revenu par quintile de revenu]

Le Saviez-Vous? (Pauvreté)

Environ une personne sur dix avait dans les pays de l’OCDE un revenu inférieur à la moitié de la valeur médiane nationale en 2005.
[Graphique 5.1. Taux de pauvreté relative pour différents seuils de revenu, milieu des années 2000]

Le risque de pauvreté a diminué pour les personnes âgées, alors qu’il a augmenté pour les jeunes adultes et les familles qui ont des enfants.

[Tableau 5.1. Taux de pauvreté des personnes d’âge actif et des ménages ayant un chef d’âge actif, suivant les caractéristiques des ménages]

[Tableau 5.2. Taux de pauvreté des enfants et des personnes appartenant à des ménages avec enfants, suivant les caractéristiques des ménages]

Le travail réduit la pauvreté : les familles sans emploi sont presque six fois plus souvent concernées par la pauvreté que les familles d’actifs.

[Graphique 5.8. Taux de pauvreté et d’emploi, vers le milieu des années 2000]

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Croissance et inégalités

Données de distribution des revenus et pauvreté, sous Gapminder


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Graphique Gapminder par défaut: les pays de l'OCDE ont le taux de pauvreté qu’ils sont prêts à payer ?

Les revenus sont plus également répartis et il y a moins de gens pauvres lorsque les dépenses sociales sont importantes : c’est ce qu’on observe dans les pays nordiques et dans les pays d’Europe occidentale comme l’Autriche, la Belgique et les Pays-Bas. Dans ces pays, en 2005, les dépenses sociales en faveur des personnes d’âge actif représentaient 7-8 % du revenu national et la part des personnes d’âge actif concernées par la pauvreté se situait entre 5 % et 8 %.

À l’autre extrême, aux États-Unis, en Corée, au Mexique et en Turquie, les prestations représentaient 2 %, si ce n’est moins, du revenu national, et 12 à 15 % de la population d’âge actif étaient concernés par la pauvreté.

Il serait facile de conclure que les pays ont le taux de pauvreté qui est fonction de ce qu’ils sont prêts à payer. Au Mexique et en Turquie, des recettes fiscales plus importantes –– qui permettraient une extension des programmes sociaux –– réduiraient probablement les inégalités et la pauvreté. Mais, pour la plupart des pays de l’OCDE, la réponse est plus complexe...

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