la divergence franco allemande des soldes des balances commerciales

La divergence des soldes des balances commerciales françaises et allemandes s'explique t'elle par une compétitivité insuffisante de l'économie française ?

L'analyse opérée par une note de veille du CAS à partir de l'étude du cas américain montre que la réalité est plus complexe :


"Pourquoi l’économie la plus compétitive du monde perd-elle tant de parts de marché ? La nation à la « frontière technologique », dotée des meilleures universités du monde, capable de développer les objets et les services parmi les plus innovants ne semble plus en mesure de s’affirmer dans le jeu du commerce international, à tel point que depuis la fin des années 1980, le solde courant américain s’est continuellement dégradé. Il accusait en 2006 un déficit de plus de 800 milliards de dollars, soit environ 6 % du produit intérieur brut (PIB) (graphique 1). Il en résulte que, depuis 25 ans, la position extérieure nette1 des États-Unis s’est elle aussi détériorée, passant de +10 % du PIB en 1983 à -20 % fin 2006. L’inquiétude croissante que suscite le déficit extérieur américain a donné lieu à une importante littérature sur la soutenabilité des déséquilibres actuels. En effet, il est difficile de comprendre pourquoi les investisseurs étrangers sont à ce point attirés par les actifs en dollars alors qu’une dépréciation forte du dollar semble inévitable. Dooley, Folkerts-Laudau et Garber ont parlé en 2003 d’un Bretton Woods II2 en affirmant que les banques centrales considéraient toujours, mais désormais de façon irrationnelle, le dollar comme la seule monnaie de réserve. De nombreux articles s’interrogent d’ailleurs non pas sur la dépréciation en soi, mais sur la vitesse à laquelle elle pourrait survenir3.
La prise en compte de la spécificité des stratégies des firmes américaines pour capter la demande étrangère et créer de la valeur permet d’éclairer ce paradoxe apparent d’une économie à la fois compétitive et en perte de vitesse dans ses échanges extérieurs. Les pertes de parts de marché américaines, le déficit courant et l’endettement net associés ont une ampleur bien moins forte qu’il n’y paraît.

Le déséquilibre extérieur des États-Unis est principalement dû à l’aggravation du déficit commercial. Mais l’ampleur du déploiement international des firmes multinationales depuis 20 ans conduit à reconsidérer ce phénomène. Celles-ci ne se contentent pas de vendre leurs produits dans le monde entier, elles produisent aussi dans le monde entier, captant la demande étrangère du fait de la délocalisation d’une partie des chaînes de production. Ainsi, le chiffre d’affaires des filiales à l’étranger des groupes américains est passé de 21 % du PIB en 1985 à près de 35 % en 2005 alors que dans le même temps le chiffre d’affaires aux États-Unis des filiales de groupes étrangers ne progressait que de 7 points en pourcentage du PIB (graphique 2). Des productions in situ se substituent donc à des exportations depuis le pays d’origine, dégradant en apparence les parts de marché américaines. Aujourd’hui, environ 30 % des échanges des États-Unis avec le reste du monde sont intrafirmes, concernant des échanges de produits intermédiaires ou finis entre des entreprises en résulte que près de 45 % du déficit américain proviennent des échanges américains et étrangers en % du PIB des États-Unis appartenant à un même groupe.

L’importance du phénomène décrit ci-dessus peut être saisie en recalculant une balance commerciale « corrigée », se dégageant de la vision traditionnelle purement géographique des échanges et insistant sur la propriété des entreprises. Le Bureau of economic analysis fournit depuis plusieurs années un ownership-based framework of the U.S. current account4 qui sert de base aux estimations ci-après. L’idée centrale est de ne pas compter les échanges intrafirmes comme des importations ou des exportations, mais de compter comme exportations les ventes locales de filiales de groupes américains à l’étranger et comme importations les achats qu’elles réalisent sur place. À l’inverse, les ventes effectuées par des filiales de groupes étrangers à des américains sont comptabilisées comme des importations pour les États-Unis, tandis que les achats qu’elles effectuent sur place sont des exportations.
l’effet du retraitement est particulièrement important puisqu’il conduit diminuer de plus d’un tiers le déficit courant américain
pour lire l'intégralité de l'enquête : Note de Veille n°94

Dans un article du Monde :Les trompe-l'oeil de la balance commerciale, Annie Kahn s'interroge sur les raisons expliquant le déficit commercial croissant de la France aalors que l'Allemagne cumule elle les excédents . La démarche appliquer précédemment dans le cas US serait-elle aussi fructueuse :

Ce phénomène explique aussi une partie du décrochage de la France par rapport à l'Allemagne, estime Olivier Passet. "La modération salariale allemande n'explique pas tout", ajoute-t-il. Les groupes français, à l'instar des entreprises américaines, se sont fortement implantés à l'internationale et exportent donc leur production depuis l'étranger. En revanche, "beaucoup de produits allemands sont fabriqués en sous-traitance dans les anciens pays de l'Est", explique M. Passet. Les produits finis sont ensuite réexportés depuis l'Allemagne et donc comptabilisés comme des exportations allemandes. La France ne serait donc pas aussi à la traîne qu'on le croit.
Pour lire l'intégralité de l'article : Les trompe-l'oeil de la balance commerciale, par Annie Kahn

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