La culture MANGA

Pour William : sur le site la vie des idées :

La culture manga et ses fétiches

Les mangas, les jeux vidéos et tous les avatars de la « culture otaku » ont été présentés comme autant de refuges plus ou moins abrutissants pour jeunes mal dans leur peau. En s’appuyant sur les œuvres de Lyotard et Baudrillard, un jeune philosophe japonais affirme au contraire qu’ils sont l’emblème de ce simulacre « postmoderne » qu’est devenue la société japonaise.


Recensé : Hiroki Azuma, Génération otaku. Les enfants de la postmodernité, Paris, Hachette Littératures, 2008, 18 euros.

Di-Gi Charat est une jeune fille, vêtue d’un costume de soubrette, qui a sur la tête des antennes et des oreilles de chat. Elle est un élément de ce qu’on appelle au Japon la « culture otaku ». Ce mot japonais, qui signifie à l’origine « chez vous », renvoie à un passionné, adepte fanatique de telle ou telle activité d’intérieur. Par extension, il désigne l’amateur des productions culturelles japonaises, qui embrassent le manga, le dessin animé, la science-fiction, les consoles de jeux, le piratage informatique, les films tokusatsu (à effets spéciaux, du type Sankukai, X-Or ou Bioman), etc.

Comment expliquer le succès de Di-Gi Charat, figure conçue comme logo pour une entreprise, devenue un personnage de mangas très populaire ? Surtout, ce personnage n’est pas seul en son genre. Si l’on se rend sur le site japonais Tinami, consacré à la culture otaku, un moteur de recherche permet, en cochant différentes cases, de trouver toutes les héroïnes en costumes de soubrettes, toutes celles à oreille de chat, etc.

otakuOn pourrait s’interroger sur la signification des caractéristiques physiques des héroïnes (les antennes comme symboles d’une communication extra-sensible ? le costume de soubrette comme symbole d’une condition sociale ?) et, d’une manière générale, on pourrait se demander si toutes ces parcellisations du corps féminin ne seraient pas le signe de l’aliénation de la femme, soumise au regard de consommateurs masculins. On ne verrait alors dans les jeux vidéos et les mangas japonais qu’un cas d’espèce, illustrant ce que les film studies, après John Ellis ou Laura Mulvey, ont analysé comme le fétichisme pornographique et le voyeurisme analytique du « male gaze ».

Plusieurs critiques ont d’ailleurs souvent souligné les liens très forts qui existent entre la pornographie et la « culture otaku ». L’otaku est souvent considéré comme un jeune superficiel, égoïste, vissé à ses ordinateurs, abîmé dans une imagerie virtuelle qui le coupe de toute communication réelle et des interactions ordinaires de la vie en société. Si ce préjugé est ancien, il a été réactivé au Japon à la fin des années 1980 par le cas de Tsutomu Miyazaki. On découvrit en effet que ce criminel japonais, arrêté en 1989, accusé d’avoir tué quatre fillettes et d’avoir dévoré une partie de leurs corps, était un grand otaku, qu’il possédait des milliers de cassettes vidéos et de mangas érotiques, qui s’empilaient dans son appartement au point d’en obstruer les fenêtres. Après que cette affaire eut éclaté, la culture otaku fut définitivement associée à l’idée de pathologies sexuelles et à des hommes saturés de mondes virtuels, gorgés d’imagerie violente et pornographique. S’interroger sur la culture otaku, ses jeux vidéos et ses mangas, ce serait une fois encore s’interroger sur la sexualité des jeunes, pour déclarer que, bien sûr, elle va mal.


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