l’économie communiste de marché » : un modèle pour l'Europe par A Supiot

SUR LE SITE CONTRE INFO : un excellent article d'Alain Soupiot


Opinion : « l’économie communiste de marché »

Un arrêt récent de la Cour européenne de justice a choisi de privilégier la liberté d’entreprendre au détriment du droit de grêve. Sa décision interdit aux syndicats d’agir contre les entreprises qui refusent d’appliquer à leurs salariés détachés dans un autre pays les conventions collectives applicables dans ce pays. Pour Alain Soupiot, « l’Europe réalise les projets constitutionnels de Friedrich Hayek, l’un des pères du fondamentalisme économique : une « démocratie limitée », dans laquelle la répartition du travail et des richesses, de même que la monnaie, seraient soustraites à la décision politique et aux aléas électoraux, » rejoignant ainsi le modèle... chinois.

Alain Soupiot, Le Monde, 24 janvier 2008

La Cour de justice européenne détient une part essentielle du pouvoir législatif dans l’Union. A la différence de nos juridictions, elle statue pour l’avenir par disposition générale et à l’égard de tous, comme la loi elle-même. Par deux arrêts, capitaux pour le devenir de "l’Europe sociale", elle vient de trancher la question de savoir si les syndicats ont le droit d’agir contre des entreprises qui utilisent les libertés économiques garanties par le traité de Rome pour abaisser les salaires ou les conditions de travail.

il en conclut dans un article passionnant :

"Le droit de grève et la liberté syndicale sont le propre des vraies démocraties, dans lesquelles l’évolution du droit n’est pas seulement imposée d’en haut, mais vient aussi d’en bas, de la confrontation des intérêts des employeurs et des salariés. Le blocage progressif de tous les mécanismes politiques et sociaux susceptibles de métaboliser les ressources de la violence sociale ne pourra bien sûr engendrer à terme que de la violence, mais ce sont les Etats membres et non les institutions communautaires qui devront y faire face.

L’Europe est ainsi en passe de réaliser les projets constitutionnels de l’un des pères du fondamentalisme économique contemporain : Friedrich Hayek. Hayek a développé dans son oeuvre le projet d’une "démocratie limitée", dans laquelle la répartition du travail et des richesses, de même que la monnaie, seraient soustraites à la décision politique et aux aléas électoraux. Il vouait une véritable haine au syndicalisme et plus généralement à toutes les institutions fondées sur la solidarité, car il y voyait la résurgence de "l’idée atavique de justice distributive", qui ne peut conduire qu’à la ruine de "l’ordre spontané du marché" fondé sur la vérité des prix et la recherche du gain individuel. Ne croyant pas à "l’acteur rationnel" en économie, il se fiait à la sélection naturelle des règles et pratiques, par la mise en concurrence des droits et des cultures à l’échelle internationale. Cette faveur pour le darwinisme normatif et cette défiance pour les solidarités syndicales se retrouvent dans les arrêts Laval et Viking.

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