QSTP et corrigé : organisation du travail et conditions de travail

Le sujet et le corrigé de la question de synthèse de cet après-midi :


Question de synthèse étayée par un travail préparatoire

Il est demandé au candidat :

1. De conduire le travail préparatoire qui fournit des éléments devant être utilisés dans la synthèse.

2. De répondre à la question de synthèse :

•par une argumentation assortie d'une réflexion critique, répondant à la problématique donnée dans l'intitulé.

• en faisant appel à ses connaissances personnelles.

• en composant une introduction, un développement, une conclusion pour une longueur de l'ordre de trois pages.

Ces deux parties sont d'égale importance dans la notation.

Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation

I – Dossier documentaire

Document 1 : Evolution de l’emploi en France ( en milliers et en % )


1975

1985

1990

2000

2004

2006

Emploi salarié typique ( 1 )

15 952

14 668

14 787

14 457

15 025

15 016

Emploi précaire ( 2 )

217

752

1 324

2 235

2 927

2917

- Intérimaires

nd

113

232

540

490

540

- Contrat à durée déterminée

nd

315

593

959

1 683

2050

- Stages et contrats aidés

52

146

276

455

454

*

- Apprentissage

165

178

223

281

300

327

En % de l’emploi salarié

1,2

4,1

7

10,8

13,2

13,1

Salariés à temps partiel ( 3 )

1 320

2 630

2 650

3 930

4 100

4298

Emploi atypique ( 2+3 )

1 537

3 382

3 974

6 165

7 027

7 215

En % de l’emploi salarié

8,8

18,8

21,2

29,8

31,8

32

Emploi salarié ( 1 + 2 +3 )

17 489

18 050

18 761

20 622

22 052

22 231

En % de l’emploi ( salariés + indépendants )

79

85

87

89

89

88,8

* : pour l’année 2006 , les stages et contrats aidés sont intégrés dans les contrats à durée déterminée

Source : Insee Première n° 1164, novembre 2007

Document 2 :

J’ai essayé de reconstituer le mouvement de développement et de consolidation de ce que l’on peut appeler « la société salariale » , pour reprendre un terme de l’économiste Michel Aglietta ( … ) .Ce type de formation sociale a connu son apogée dans le milieu des années 70 , et se caractérise par une condition salariale solide , à laquelle sont attachés des droits consistants : droit du travail , protection sociale , … On peut parler de société salariale parce que ces protections, qui ont été construites à partir du travail, en étaient venues à couvrir pratiquement l’ensemble de la population .

Or il semble que depuis la « crise » des années 70 , il y ait eu un effritement de cette structure . ( … ) Derrière ce phénomène , il y a une sorte de mutation du capitalisme .Nous sortons du capitalisme industriel ,qui à travers bien des conflits en était arrivé à construire des compromis assez consistants entre l’activité économique et la protection des salariés , et passons à un capitalisme , plus agressif , plus concurrentiel , mondialisé . Cela a notamment des incidences sur le statut de l’individu qui devient souvent un « individu par défaut » , qui ne dispose pas du minimum de ressources , de supports , de droits pour conduire son existence sociale avec un minimum d’indépendance .

Sciences humaines : Vous soulignez à ce propos l’importance de ce que vous appelez « la propriété sociale » . Qu’entendez-vous par là ?

En reprenant une intuition d’Henri Hatzeld , j’ai appelé propriété sociale les ressources et les droits que l’on a progressivement attachés au travail ( sécurité sociale , droit du travail … ), et qui sont une sorte de propriété pour les non-propriétaires , de propriété pour la sécurité , qui s’adresse à tous .Le droit à la retraite , par exemple n’est pas une propriété privée au sens strict , mais une prestation construite à partir du travail qui est une condition de votre indépendance sociale . Avec cela , le travailleur ne devient pas un riche propriétaire , mais en termes de sécurité , de protections , sa situation peut se comparer à celle d’un petit rentier ,il est en mesure de devenir un individu apte à se diriger lui-même .

Sciences humaines : Comment ce système s’est-il effrité ?

Cette propriété sociale était le fruit d’un compromis construit dans le cadre du développement industriel .Il reposait sur des collectifs : grande industrie et syndicats puissants représentant les intérêts des grandes catégories sociales homogènes .Il y avait une sorte de synergie qui s’était installée entre cette organisation collective de la production et des protections également collectives garanties par l’Etat . En un mot , c’est le collectif qui protège : c’est par son inscription dans des collectifs ( organisations , conventions collectives , droits et protections collectives) que l’individu prolétaire du début de l’industrialisation , complètement livré à son malheur , est devenu un salarié à part entière .

Ce que l’on a pu voir à l’œuvre depuis le début des années 70 , c’est un processus de décollectivisation , ou de réindividualisation , dans l’organisation du travail elle-même , qui fait appel à de nouveaux impératifs : responsabilité , autonomie, initiative, nécessité de conduire sa carrière …

Dans ce nouveau contexte , certaines personnes se tirent bien d’affaire .C’est d’ailleurs là-dessus que repose le discours néo-libéral : à travers cette nouvelle capacité d’initiative , des travailleurs peuvent maximiser leurs potentialités .

Mais il y a individu et individu. Certains ont les ressources , les supports pour se conduire positivement comme des individus ( leur formation , par exemple) et assumer le changement pour en tirer les bénéfices . Les autres sont complètement perdus , comme le chômeur de longue durée ou le jeune qui galère , c’est-à-dire qu’ils n’arrivent pas à s’inscrire de manière un peu stable et durable dans ces systèmes de protection et restent dans cet état de flottaison ou de précarité permanente . S’ils perdent ces protections , ou ne parviennent pas à en trouver , ils sont cassés .

Source : R.Castel , Sciences humaines , 2006

Document 3 :

Aujourd’hui, le contenu du travail s’est considérablement élargi vers plus d’autonomie, de polyvalence, de collectif ; en plus, ou à la place d’un savoir-faire reconnu par une qualification, il faut apporter d’autres qualités ou compétences plus subjectives qui se rattachent au savoir-être, au comportemental, au relationnel, au sens de l’initiative... toutes qualités qui ne sont pas vraiment garanties par un diplôme. En outre, il n’est plus possible de raisonner de façon collective, il est indispensable de faire intervenir des éléments individuels en tenant compte de l’apport spécifique du salarié dans son travail.[...] Du modèle de la qualification, on est donc passé au modèle de la compétence, laquelle peut être définie comme une combinaison de savoirs, savoir-faire et savoir-être. Par ailleurs, dans un contexte de contrôle de plus en plus serré du volume des emplois et du coût du travail, cette logique de la compétence éclaire la distinction faite par les entreprises entre différents types de main d’oeuvre : celle qu’il faut fidéliser car détentrice de compétences indispensables, et celle plus flexible de travailleurs précaires, souvent en situation de sous-emploi.

Source : O.Marchand, Plein emploi, l’improbable retour, Folio Actuel, Gallimard 2002

II – Travail préparatoire

  1. Donnez les modes de lecture et de calcul des chiffres soulignés ( document 1 )
  2. Après avoir défini le modèle de l’emploi total , vous démontrerez que celui-ci est dominant en 1975 ? Cela reste-t-il valable sur la période 1975 – 2006 ? ( justifiez en utilisant explicitement les données chiffrées et en opérant des calculs ) ( document 1 ) ?
  3. Caractérisez le compromis social établi durant les 30 Glorieuses . Comment est-il remis en cause ? ( document 2 )
  4. Selon R.Castel , l’introduction d’un nouveau modèle de gestion de la main d’œuvre permet-il d’assurer durablement l’insertion de tous les individus sur le marché du travail et d’assurer leur bien-être ? ( document 2 )
  5. Quelles sont les répercussions du passage d’une logique de qualification à celle de compétence ?

III – Question de synthèse

Dans une première partie, vous montrerez que suite à l’introduction des NFOT et aux nouvelles formes de concurrence les formes de gestion de la main d’œuvre ont évolué depuis le début des années 80. Dans une seconde partie, vous en analyserez les conséquences, aussi bien positives que négatives.

Correction de la question de synthèse

I – Travail préparatoire

  1. En 1985 , 18,8 % des salariés ont un emploi atypique : nombre de salariés ayant un emploi atypique en 85 x 100

Nombre de salariés en 85

En 2006 , 88,8% des emplois sont salariés : nombre d’emplois salariés en 2006 x 100

Nombre d’emplois en 2006

  1. Le modèle de l’emploi total a plusieurs caractéristiques .Celui-ci est dominant jusqu’en 73 :
    • Emploi salarié : 79 % des emplois sont salariés en 75
    • En CDI : en 75 , 15 952 000 salariés sont en CDI ( soit 99% des salariés , puisque les salariés ayant un emploi précaire représentent 1, 2 % des salariés ))
    • A temps plein : seulement 1320 000 salariés à temps partiel , soit 90 % des salariés à temps plein en 75
    • Un seul employeur sur un lieu spécifique : l’intérim est inexistant en 75 ( les données ne sont pas disponibles)

Même si le modèle de l’emploi total reste dominant , il tend à s’atténuer :

· La part des emplois qui sont salariés stagne , voire diminue : elle passe de 89,9 %en 2004 à 88,8 % en 2006

· Le nombre d’emplois en CDI diminue : 15 952 000 en 75 à 15 016 000 en 2006 : la part des emplois salariés dits normaux diminue , passant de 91% en 75 à 68 % ( 100 – 32 ) en 2006 .En revanche , le nombre de CDD est multiplié par 7 entre 85 et 2006

· Le nombre d’emplois à temps partiel augmente : il est multiplié par 3 entre 75 et 2006

· Le salarié peut avoir plusieurs employeurs : le nombre d’intérimaires augmente : entre 85 et 2006 , il est multiplié par 4

  1. Le compromis social des 30 Glorieuses est celui de la régulation fordiste basé sur un partage équilibré des gains de productivité assurant une augmentation soutenue de l’offre et de la demande de biens .En contrepartie les entreprises déterminaient les méthodes de production et le rythme de travail (le tayloro-fordisme . Pour cela :
  • Les chefs d'entrprise élaboraient la double division du travail, mettaient en place le travail à la chaîne, obtenaient de forts gains de productivité
  • En contrepatie les salariés obtiennent : des emplois stables , basés sur le CDI qui assurent des revenus sûrs et en en hausse pour que les ménages puissent consommer
  • Des filets de protection en cas de perte d’emplois et de revenus .Toute une protection sociale basée sur le travail va être crée : c’est la sécurité sociale . « En termes de sécurité , de protections , la situation d’un travailleur peut se comparer à celle d’un petit rentier » , car il dispose de revenus de remplacement qui lui permettent de continuer à consommer
  • Un rôle important des syndicats , tant salariés que patronaux pour mettre en place les conventions collectives

Or ce compromis social est remis en cause depuis la crise des années 70 .Plusieurs explications peuvent être mises en avant :

  • La concurrence entre entreprises et pays est aujourd’hui beaucoup plus forte . Les entreprises souhaitent réduire leurs coûts de production et essayent donc de diminuer les coûts salariaux : les salaires d’abord , mais aussi les cotisations sociales qui financent la protection sociale
  • Une individualisation croissante du système productif : le compromis des 30 Glorieuses était basé sur « des collectifs » . Ceux –ci sont aujourd’hui remis en cause ( ex : la diminution du taux de syndicalisation) . Ce n’est plus le groupe qui protège , mais l’individu qui se protège .

  1. Avec l’effritement de ce compromis social , de nouvelles formes de gestion de la main d’œuvre se mettent en place :
  • Développement des emplois précaires pour adapter la production à la demande
  • Individualisation des carrières
  • Nouvelles exigences pour les salariés : autonomie , polyvalence

Ces nouvelles formes de la gestion de la main d’œuvre ont des effets différents sur la situation des salariés . Cela dépend de leurs potentialités :

  • Les salariés ayant qualification et compétence vont gagner à ces nouveaux modes de gestion de la main d’œuvre : ils ont un des savoirs , des savoir-faire, mais aussi des savoir être qui leur permettent de s’adapter aux nouvelles exigences des entreprises . Ils peuvent être polyvalents , s’adapter au groupe et communiquer . Comme le mode de fixation des salaires est aujourd’hui largement individualisé , ils connaissent de fortes hausses de salaire
  • En revanche , ceux qui ne disposent pas de ces atouts y perdent largement . C’est le cas « du chômeur de longue durée ou du jeune qui galère » . Ils ne disposent pas des qualifications et des compétences pour s’insérer durablement dans le marché du travail . Ils ne peuvent donc plus bénéficier du système de protection sociale qui est basé sur le travail salarié . Ils se retrouvent alors dans une situation beaucoup plus difficile : l’absence d’emploi ou d’emploi stable les empêche d’avoir un revenu du travail et un revenu de remplacement ( pour disposer d’allocations-chômage , il faut avoir cotisé au préalable )

  1. Lors des 30 Glorieuses , la logique de la qualification était développée . C’est l’ensemble des connaissances , des aptitudes et des expériences que requiert l’exercice d’un emploi déterminé ( qualification d’emploi ou d’un poste) ou qu’est susceptible de mettre en œuvre un individu ( qualification individuelle) .La qualification est donc une notion objective et vérifiable : la définition des exigences du poste est très claire et permet ainsi un contrôle des embauches par les syndicats .

L’introduction de la logique de la compétence change la donne :aux savoir et savoir-faire s’ajoute le savoir-être qui désigne la façon dont l’individu s’adapte à un groupe de travail et se comporte conformément aux objectifs de la direction . Cette notion est beaucoup plus subjective , ce qui a de nombreuses conséquences :

· Le diplôme n’est plus la seule condition pour obtenir un emploi , il faut maintenant des qualités relationnelles

· Ces qualités relèvent de la personnalité de l’individu : il faut maintenant juger le salarié de manière personnelle et non plus collective

· Comme tous les salariés ne disposent pas de ces qualités , l’entreprise gère différemment ses salariés : pour ceux qui disposent de la compétence , des emplois stables basés sur des CDI , puisqu’ils sont irremplaçables ; pour les autres , des emplois précaires . Se crée donc une dualisation du marché du travail .

II – Question de synthèse




I- De nouvelles formes de gestion de main d’œuvre

La fin des 30 Glorieuses est marquée par une double rupture : une concurrence accrue et le passage d’un mode d’organisation tayloro-fordiste à un modèle toyotiste . Ces 2 évolutions reposent sur une même logique : une exigence de flexibilité . Celle-ci pourra être obtenue en modifiant le mode de gestion de la main d’œuvre .

A. L’’introduction des NFOT et les nouvelles formes de concurrence

1. L’introduction des NFOT

Depuis le début des années 80 , des changements dans l’organisation du travail se sont opérés : le mode d’organisation tayloro-fordisme tend à être remplacé par le toyotisme .

  1. L’organisation du travail tayloro-fordiste

Lors des 30 Glorieuses , l’organisation tayloro-fordiste était dominante .

  • Cette OST est fondée sur le taylorisme qui a 2 caractéristiques :

- division verticale du travail : les bureaux conçoivent le travail, les ateliers exécutent : « the one best way »

- division horizontale : chaque ouvrier a une tâche précise qu’il répète ; les ouvriers sont spécialisés

  • L’organisation du travail fordiste reprend ces bases en ajoutant 2 éléments :

- chaîne de montage : c’est le convoyeur qui amène les pièces, l’ouvrier ne se déplace plus

- « five dollars day » : des salaires élevés pour compenser les mauvaises conditions de travail et assurer des débouchés aux entreprises

  1. Est abandonné du fait de son inefficacité

A la fin des années 60, ce mode d’organisation devient contre-productif car 2 crises apparaissent :

  • Une remise en cause de l’OST par les travailleurs qui trouvent le travail abrutissant et aliénant : c’est la première crise du fordisme
  • A partir des années 80 a lieu la seconde crise du fordisme qui est beaucoup plus grave : la demande de biens ne porte plus sur des biens standardisés de qualité médiocre, mais sur des produits différenciés de bonne qualité

  1. Et tend à être remplacé par le toyotisme

Ce sont pour ces raisons qu’au début des années 80 , ce mode d’organisation du travail est remplacé par des NFOT inspirées des méthodes japonaises car celles-ci permettent encore au Japon de connaître une croissance économique importante . Ces NFOT reposent sur des déterminants différents de ceux du modèle tayloro-fordiste :

· Production juste-à-temps ou à flux tendus : l’idée est de ne produire que ce qui est demandé ; l’aval prime l’amont

· L’ouvrier est polyvalent : il effectue plusieurs tâches à la fois , est capable de faire de petites réparations sur les machines et prend des initiatives

· C’est un travail en groupe où chaque salarié est solidaire des autres

Cette transformation des modes d’organisation du travail s’expliquent en partie par une concurrence plus forte .

2. Générées par les nouvelles formes de concurrence

  1. Une exacerbation de la concurrence

En effet , la crise des années 70 s’est traduite par le passage de marchés demandeurs ( où la demande de biens est services est supérieure à l’offre ) à des marchés offreurs . A cela s’ajoute les effets de la mondialisation des économies : le développement des NPI conduit à une augmentation du nombre de pays produisant des biens industriels .On assiste donc à une amplification de la concurrence .

  1. Une transformation qualitative de la concurrence

  • Or ces NPI disposent d’une main d’œuvre abondante et donc bon marché. Ainsi , leur coût salariaux et leurs coûts de production sont faibles , ce qui leur permet d’obtenir une compétitivité -prix , c’est-à –dire la capacité à gagner des parts de marché grâce à des bas prix
  • Les PDEM ne peuvent lutter contre cette concurrence , car leur haut niveau de développement implique de hauts niveaux de salaire . Ces pays doivent alors mettre en place une autre forme de compétitivité : la compétitivité-qualité : les pays peuvent vendre chers leurs produits et prendre des parts de marché , car leurs produits sont de bonne qualité

B. Entraîne l’évolution des formes de gestion de la main d’œuvre

Les entreprises sont donc dans l’obligation de s’adapter à un contexte toujours changeant . Elles vont donc flexibiliser la main d’œuvre en jouant sur 2 aspects , a priori contradictoires : la polyvalence des salariés et la flexibilité du contrat de travail

1. De la qualification à la compétence : une flexibilité qualitative ( q5 , doc 3)

  1. Le concept de qualification est développé lors des 30 Glorieuses

Lors des 30 Glorieuses , la logique de la qualification était développée . C’est l’ensemble des connaissances , des aptitudes et des expériences que requiert l’exercice d’un emploi déterminé ( qualification d’emploi ou d’un poste) ou qu’est susceptible de mettre en œuvre un individu ( qualification individuelle) .La qualification est donc une notion objective et vérifiable : la définition des exigences du poste est très claire et permet ainsi un contrôle des embauches par les syndicats .Cela correspondait bien à un contexte tayloro-fordien , c’est-à-dire un univers productif de prescriptions et de certitudes caractérisés par une division des tâches et une affectation des salariés à ces tâches bien définies .

  1. N’est plus adapté au contexte actuel

Or , le contexte actuel impose des adaptations permanentes à des aléas . L e salarié doit réagir rapidement à l’événement et non reproduire un geste ; le savoir-faire et la spécialité technique sont utiles , mais insuffisants ; le salarié doit mettre en œuvre des qualités mêlant à la technique des capacités de communication , de relations humaines , d’innovations : ces qualités sont individuelles et ne sont pas mesurables par la seule analyse du diplôme .

  1. On passe alors au concept de compétence

Les entreprises ne vont plus seulement parler de qualification , mais de compétence :aux savoir et savoir-faire s’ajoute le savoir-être qui désigne la façon dont l’individu s’adapte à un groupe de travail et se comporte conformément aux objectifs de la direction .

Cette forme de flexibilité qualitative permet de répondre à un type de variation de la demande : celle-ci évolue de manière qualitative . Elle se modifie aussi quantitativement : les entreprises peuvent difficilement prévoir la quantité de biens et services qu’elles écouleront . Pour s’adapter à cet aléas , les entreprises vont jouer sur le contrat de travail .

2. De l’emploi total à l’emploi atypique : une flexibilité quantitative

  1. L’emploi total , caractéristique des 30 Glorieuses ( q 2 et 3 , docs 2 et 3 )

Le compromis social des 30 Glorieuses est celui de la régulation fordiste basé sur un partage équilibré des gains de productivité assurant une augmentation soutenue de l’offre et de la demande de biens . Cela nécessite :

  • des emplois stables , basés sur le modèle de l’emploi total , c’est-à-dire :

- Emploi salarié : 79 % des emplois sont salariés en 75

- En CDI : en 75 , 15 952 000 salariés sont en CDI ( soit 91% des salariés)

- A temps plein : seulement 1320 000 salariés à temps partiel , soit 90 % des salariés à temps plein en 75

- Un seul employeur sur un lieu spécifique : l’intérim est quasi inexistant en 75 , puisque les données ne sont pas disponibles

  • Des filets de protection en cas de perte d’emplois et de revenus .Toute une protection sociale basée sur le travail va être crée : c’est la sécurité sociale . « En termes de sécurité , de protections , la situation d’un travailleur peut se comparer à celle d’un petit rentier » , car il dispose de revenus de remplacement qui lui permettent de continuer à consommer
  • Un rôle important des syndicats , tant salariés que patronaux pour mettre en place les conventions collectives

Cette gestion de la main d’œuvre assure ainsi une stabilité , voire une augmentation des revenus qui permet d’écouler la production toujours croissante générée par des gains de productivité

  1. Devient moins dominant ( q2 et 3 , docs 2 et 3 )

Or , au début des années 80 , comme la demande est incertaine , il faut adapter la quantité de travail à la production . Des emplois atypiques ou formes particulières d’emploi apparaissent ; elles ont en commun de ne pas avoir une condition de l’emploi total :. Ainsi , même si le modèle de l’emploi total reste dominant , il tend à s’atténuer :

· La part des emplois qui sont salariés stagne , voire diminue : elle passe de 89,9 %en 2004 à 88,8 % en 2006

· Le nombre d’emplois en CDI diminue : 15 952 000 en 75 à 15 016 000 en 2006 : la part des emplois salariés dits normaux diminue , passant de 91% en 75 à 68 % ( 100 – 32 ) en 2006 .En revanche , le nombre de CDD est multiplié par 7 entre 85 et 2006

· Le nombre d’emplois à temps partiel augmente : il est multiplié par 3 entre 75 et 2006

· Le salarié peut avoir plusieurs employeurs : le nombre d’intérimaires augmente : entre 85 et 2006 , il est multiplié par 4.

L’introduction des NFOT alliée à une accentuation de la concurrence a modifié le mode de gestion de la main d’œuvre avec une logique commune : un souci de flexibilité . Celle-ci va transformer la situation des salariés : en particulier , celle des derniers arrivés sur le marché du travail , les jeunes , les femmes , les immigrés , etc , …

II- Les conséquences

A priori , l’abandon du mode d’organisation tayloro-fordiste devrait améliorer le sort des salariés . Certes , c’est le cas pour certains , les plus qualifiés et les plus dynamiques . Mais pour une autre partie ces nouvelles formes de gestion se traduisent avant tout par une précarisation et une paupérisation .

A. Une amélioration des conditions de travail et de salaire d’une partie des salariés ( q 4 , doc 2 )

1. Un travail plus épanouissant : l’enrichissement des tâches

Ces nouvelles formes de gestion améliorent les conditions de travail des salariés :

  • Un travail plus intéressant et moins aliénant : les tâches sont différentes
  • Une utilisation des capacités globales du travailleur : il faut être dynamique, faire preuve d’initiative et d’autonomie

2. et plus rémunérateur

Comme il y a maintenant une gestion individuelle du salarié, la fixation du salaire devient aussi individualisé. Celui-ci dépend maintenant des performances et des qualités de chacun. Ainsi, un salarié n’a plus besoin d’attendre des promotions inscrites dans les conventions collectives ; son salaire peut augmenter même si le salaire des autres ne s’accroît pas.

3. mais pour une partie seulement des salariés

Pour bénéficier de ces avantages , il faut réunir certaines conditions : « certains ont les ressources , les supports pour se conduire positivement comme des individus et assumer le changement pour en tirer des bénéfices » . 2 facteurs paraissent essentiels :

  • un diplôme ou une formation
  • une manière d’être ou de se comporter

Quand l’individu réunit ces deux éléments il appartient alors « à la main d’œuvre qu’il faut fidéliser car détentrice de compétences indispensables » ( doc 3 ) .

4. qui cumulent donc les avantages

Les entreprises ont tout intérêt à attirer et à conserver une main d’œuvre compétente et polyvalente à laquelle elles garantissent un emploi , des promotions , un intéressement aux résultats car cette main d’œuvre possède un capital humain difficilement remplaçable ( cf théorie du dualisme du

marché du travail de Piore ).

En revanche ,les salariés les moins qualifiés et compétents risquent d’intégrer le groupe « des travailleurs précaires , souvent en situation de sous-emploi » ( doc 3 )

B. Mais pour d’autres une détérioration de leur situation ( q4 , doc 2 )

Ainsi , pour une partie des salariés, ces nouveaux modes de gestions de la main d’œuvre sont synonymes de dégradation de leurs conditions de travail et vie . Ceux qui ne disposent pas de ces atouts y perdent largement . C’est le cas « du chômeur de longue durée ou du jeune qui galère » . Ils ne disposent pas des qualifications et des compétences pour s’insérer durablement dans le marché du travail . Ils ne peuvent donc plus bénéficier du système de protection sociale qui est basé sur le travail salarié . Ils se retrouvent alors dans une situation beaucoup plus difficile : l’absence d’emploi ou d’emploi stable les empêche d’avoir un revenu du travail et un revenu de remplacement ( pour disposer d’allocations-chômage , il faut avoir cotisé au préalable )

1. Une externalisation de l’emploi

Face à la concurrence en particulier des PVD qui obligent les entreprises à diminuer leurs coûts de production , celles-ci vont se recentrer sur leur métier fondamental et externaliser les tâches annexes ( nettoyage , publicité) . Elles font alors pression sur leurs sous-traitants pour qu’ils diminuent leurs coûts , travaillent à flux tendus , s’adaptent aux variations des commandes , ce qui se traduit par une détérioration des conditions de travail des salariés .

2. Une précarisation de l’emploi

Ces entreprises sous-traitantes , pour répondre aux exigences de leurs donneuses d’ordre , utilisent alors fréquemment des CDD et de l’intérim . Ceux-ci sont des emplois précaires , c’est-à-dire qu’ils ne s’inscrivent pas dans le long terme . Les salariés alternent alors des périodes d’emploi et de chômage .

3. Une remise en cause de l’Etat –Providence ( q3 ,doc 2 )

Cette fragilisation du lien salarial empêche , en outre , d’être protégé efficacement par l’Etat-Providence .L’objectif de l’Etat-Providence était de transformer tous les individus en quasi-propriétaires . C’est ce que R.Castel appelle « la propriété sociale : les ressources et les droits que l’on a progressivement attachés au travail » ( doc 2 ). En effet , le salarié cotise aux caisses de Sécurité Sociale et obtient ainsi une protection en cas de perte d’emplois : « avec cela , le travailleur ne devient pas un riche propriétaire , mais en termes de sécurité , de protections , sa situation peut se comparer à celle d’ un petit rentier » ( doc 2 ) . Pour bénéficier de cette protection , il faut cotiser , c’est-à-dire avoir un emploi salarié . Or , comme dans un emploi précaire ,l’individu ne cotise pas régulièrement , la protection n’est plus suffisante. C’était donc l’appartenance à un groupe : le collectif des salariés qui assurait la protection .

Or on assiste , depuis une vingtaine d’années à une montée de l’individualisme , qui se définit comme l’autonomie de l’individu par rapport au groupe .

Une partie de la population , celle qui a des emplois stables , ne veut plus financer la Sécurité Sociale , car elle considère n’en tirer aucun bénéfice

4. Une paupérisation accrue

Comme leur emploi est instable , leur revenu l’est aussi . Cette faiblesse des revenus se retrouve aussi pour d’autres formes d’emploi atypique , comme le temps partiel . Dans ce cas , le salarié peut avoir un CDI , mais il ne travaille qu’une fraction du temps de travail légal . Sa rémunération sera aussi fonction de son nombre d’heures de travail . Comme aujourd’hui , la quasi-totalité des salariés à temps partiel le sont par la volonté des employeurs , la fragilité et la faiblesse des revenus sera une caractéristique commune aux emplois atypiques .

C. Ce qui se traduit par une hausse des inégalités

Deux groupes aujourd’hui se font alors face : ceux qui bénéficient des nouveaux modes de gestion de la main d’œuvre et ceux qui y perdent 2 risques sont alors en prendre en compte :

  • Une augmentation des inégalités :

- à la fois relative : les revenus des plus riches augmentent plus vite que ceux des plus pauvres

- et surtout absolue : le revenu des plus pauvres tend plutôt à diminuer

  • Qui génère de l’exclusion et une perte de lien social : les individus restent « dans cet état de flottaison ou de précarité permanente S’ils perdent ces protections , ou ne parviennent pas à en trouver , ils sont cassés »

.

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