l'égalité des genres aux USA



Sur le site du levy economic institute un article très intéressant (en anglais !) :


Working Paper No. 493 March 2007
State, Difference, and Diversity: Toward a Path of Expanded Democracy and Gender Equality
The centrality of the state in promoting gender equality is generally acknowledged, but a perplexing and complex issue confronts us: should the state treat men and women in identical ways, or should it legislate and enforce policies that are aware of gender differences? In other words, should the state be gender-blind or gender-sensitive? Gender, ethnic, religious, sexual orientation, ideological, economic, political, and cultural dimensions represent diversity among citizens. This paper argues that if the goal of the state is to promote democratic participation for all, a distinction must be drawn between socioeconomic characteristics that signify difference and those that manifest inequalities. The former require a politics of acceptance and recognition and policies to match, leading to equal treatment for all despite differences, while the latter necessitate interventions that remedy or remove structural elements that result in inequalities. The authors suggest that such a framework is useful in that it lends itself to a better understanding of gender-based asymmetries.
Published by:
The Levy Economics Institute of Bard College

cliquez sur : Full Text

ségrégation sociale et ségrégation politique

Pour compléter le thème sur les discriminations :

RAPPORT D’ÉTAPE commandé par le département Institutions et Société du Centre d’analyse stratégique dans le cadre de son programme de travail 2007.
"L’un des objets de notre rapport est précisément de soumettre ce récit d’une conversion civique des banlieues au contrôle statistique. Mais il est aussi d’éclairer la situation de départ, puisque le contexte des émeutes urbaines aura également été l’occasion - non seulement pour les médias mais encore pour les pouvoirs publics et nombre de spécialistes - de découvrir que la non-inscription des milieux populaires sur les listes électorales est devenue un fait majeur de notre système politique. Évaluer, au seuil des années 2000, l’ampleur de ce fait social et politique très largement méconnu puisque nous ne disposons jusqu’à présent d’aucune mesure du phénomène - même approximative - constitue par conséquent un objectif central de ce rapport."
Céline Braconnier, Jean-Yves Dormagen.
Rapport d’étape "Ségrégation sociale et ségrégation politique. Sur l’inscription électorale des milieux populaires"
Le travail des chercheurs effectué sur la période 2003/2005 dans ce rapport d’étape se poursuit actuellement avec l’analyse des données 2006 ; l’ensemble du rapport sera actualisé en avril 2007.

Note de Veille n°49 Analyse : Inscription sur les listes électorales, non inscription, mal inscription : enjeux démocratiques et pistes d’action

Une animation volume - valeur

Pour les élèves de première une animation sur le site de la réserve de versailles de JDornbusch afin de mieux comprendre les indicateurs en volume et en valeur : http://www.ac-versailles.fr/pedagogi/ses/production/anivalvol.html

pour réviser les tables de mobilité sociale

Pour réviser les tables de mobilité sociale des exercices en complément du cours :

  1. par I Gautier sur le site de nice : http://www.ac-nice.fr/ses/termtd/mobilite.htm
  2. sur le site brises : http://www.brises.org/cours.php/mobilite-sociale/reproduction-sociale/crsId/169/crsBranch/169/sectId/164/sectBranch/1

Que deviennent les bacheliers?

Pour compléter les remarques sur l'orientation des bacheliers en cours :
Huit nouveaux bacheliers inscrits en première année de licence à la rentrée 2006 sur dix déclarent être dans la formation qu'ils souhaitaient en fin de terminale. Cependant près d'un sur trois avait aussi déposé un dossier pour entrer dans une formation non universitaire, avec une hausse de la demande en faveur des classes préparatoires et surtout des écoles recrutant directement après le baccalauréat. 73 % nouveaux étudiants se disent satisfaits de l'information qu'ils ont trouvée pour choisir leur orientation : la progression est de 13 points par rapport à 2002. Leur intérêt pour le contenu des études ainsi que leur projet professionnel sont les principales raisons de leur inscription à l'université ; près de neuf sur dix se disent motivés par les études qu'ils entreprennent. L'optimisme quant aux débouchés qu'offre leur formation reste élevé, mais les écarts sont très importants selon les spécialités ; les étudiants des disciplines juridiques et économiques sont les plus positifs au sujet de leur avenir professionnel.
Qui sont les nouveaux bacheliers inscrits en licence à la rentrée 2006 ?
télécharger (120.83 Ko, pdf)

Paroles de sciences sociales

Pour les élèves de la première ESA qui ont du mal à rédiger une accroche pour leur introduction un site déniché par N Vincent Duchet (blog SES Bank) :
rencontré sur le web ce site PAROLES DE SCIENCES SOCIALES qui nous propose des citations d'économistes et de sociologues utiles aux SES. :Paroles de Sciences Sociales
Par exemple à la rubrique mondialisation :
"Je suis donc de ceux qui veulent minimiser les imbrications économiques des nations. Les idées, le savoir, l'art, l'hospitalité, le tourisme : voilà des choses internationales par nature. En revanche, laissons les biens à leur place chaque fois qu'il est raisonnable, commode et possible de les y laisser; notamment confinons la finance au secteur national."
John Meynard Keynes
ou :
"C'est ainsi que tout système qui cherche ou, par des encouragements extraordinaires, à attirer vers une espèce particulière d'industrie une plus forte portion du capital de la société que celle qui s'y porterait naturellement, ou, par des entraves extraordinaires, à détourner forcément une partie de ce capital d'une espèce particulière d'industrie vers laquelle elle irait sans cela chercher un emploi, est un système réellement subversif de l'objet même qu'il se propose comme son principal et dernier terme. Bien loin de les accélérer, il retarde les progrès de la société vers l'opulence et l'agrandissement réels ; bien loin de l'accroître, il diminue la valeur réelle du produit annuel des terres et du travail de la société."
Adam Smith - Recherche sur la nature et les causes de la richesse des nations

une introduction à la théorie générale

Signalé sur le site SES de l'académie de Limoges : une excellente introduction à la théorie générale de Keynes par P Krugman :
Krugman rédige l’introduction d’une édition de la théorie générale jeudi 29 mars 2007.
Sur le site Brises pour les terminales cette référence au travail d’un collègue, Eric Barbot (Lycée Condorcet - St Priest) : « La théorie keynésienne représente l’un des thèmes de l’enseignement de spécialité. Il se trouve que Paul Krugman, a écrit la « Préface à la nouvelle édition américaine de la Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie de John Maynard Keynes » en mars 2006. Elle est disponible en américain sur son site. Voici la
traduction en français (format ODT pour Open-Office) de ce texte important, traduction que nous devons à notre collègue Eric Barbot. Ou voici le même texte au format PDF. »

le rapport parlementaire sur la biodiversité

Parution du Rapport d'étape parlementaire sur la biodiversité
Les premières conclusions du rapport parlementaire « la biodiversité : l'autre choc » sont rendues publiques mercredi 28 mars au Sénat. Dans ce rapport d’étape, les sénateurs Pierre Lafitte (UMP) et Claude Saunier (PS) rappellent les constats alarmants maintes fois dressés sur la biodiversité : accélération du rythme de disparition des espèces, surexploitation des forêts tropicales, surpêche, etc. La protection de la biodiversité nécessite une « rupture dans les processus industriels, commerciaux et administratifs », plaident les sénateurs.

le rapport lunel sur l'orientation

vu sur le site du café pédagogique : Orientation : Le rapport Lunel confirme "l'orientation active""Le pays prend conscience que les sorties massives du système de formation sans diplôme ou qualification pèsent dangereusement sur sa cohésion et sur son économie par les dépenses sociales qu’elles engendrent, qui grèvent les comptes publics. Elles pèsent également sur la productivité globale de la France dans un moment de compétition accrue, où l’économie de la connaissance revêt une importance décisive". Remis par Pierre Lunel au premier ministre le 27 mars, le "Schéma national de l'orientation et de l'insertion professionnelle des jeunes" vise à élever le niveau de formation de la jeunesse et à faciliter son insertion professionnelle. "Le problème de notre pays aujourd’hui n’est donc pas d’avoir trop de diplômés, mais trop de jeunes sans qualification ou de titulaires de diplômes sans débouchés professionnels. Le malthusianisme est hors de propos. Nous n’avons pas trop d’étudiants mais trop d’étudiants mal orientés" affirme Pierre Lunel qui rappelle l'objectif de 50% dune génération diplômée du supérieure, contre 38% aujourd'hui. Il s'agit donc de réduire les sorties du système scolaire ou supérieur sans diplôme et de faciliter l'accès à l'emploi.
Le rapport
Orientation active ou sélection sociale ?

Des diaporamas sur le circuit économique en première

2 excellents diaporama pour mieux analyser le circuit économique :

TD - apprentissage de la dissertation en première

TD - APPRENTISSAGE DE LA DISSERTATION

ETAPE I – ANALYSE APPROFONDIE DE L’INTITULE DU SUJET

La série suivante de sujet vous est distribuée :

  1. Après avoir montré qu’en théorie la concurrence est le meilleur système , assurant la plus grande efficacité économique, vous montrerez qu’en réalité elle présente de nombreuses limites qui conduisent dés son la révolution industrielle au développement de nouvelles formes de régulation du marché.
  2. Comparez les avantages et les inconvénients de la concurrence et de la concentration
  3. Analysez les déterminants qui expliquent la remise en cause de la concurrence pure et parfaite et le développement d’un mouvement de concentration depuis les années 80.
  4. Quels liens pouvez vous faire apparaître entre la concentration et la croissance économique ?
  5. La régulation par un marché de CPP est-elle viable ?

A partir de ces intitulés de sujet et en vous aidant de la méthodologie distribuée en cours :
1. Recensez les termes qui permettent :
- d’identifier la nature du travail demandé
- de délimiter le champ spatio-temporel
- d’identifier les mots clés et de les définir précisément en vous appuyant sur vos connaissances
2. réalisez l’étude du libellé du sujet
- quelle catégorie de sujet
- quel est le travail demandé
- quel est le type de plan possible


ETAPE 2 ANALYSE D'UN SUJET


SUJET – INTERETS ET LIMITES DE LA COMPTABILITE NATIONALE :
SUJET DE REFLEXION : LE PIB EST-IL UN BON INDICATEUR DE LA CROISSANCE ET DU BIEN-ETRE D’UNE POPULATION ?

QUESTIONS :

1 - Construisez le tableau suivant en vous aidant de tous les documents du dossier

Sous-parties du plan Références du document


Le PIB représente un progrès

Le PIB est le meilleur indicateur
de la richesse et du bien-être matériel
dont on dispose, on ne peut s’en passer

Il n’est plus adapté à l’évolution de notre
société

C’est un indicateur qui comporte des
faiblesses structurelles et qui est
idéologiquement connoté,


2 – A partir de l’ébauche de plan élaboré dans le tableau , retrouvez la problématique qui corresponde

DOSSIER DOCUMENTAIRE

DOCUMENT 1 :
La comptabilité nationale et, avec elle, l'évaluation du PIB sont apparus après la Seconde Guerre mondiale, à un moment où la priorité était de reconstruire et de moderniser le pays. Dans ce contexte « fordiste », caractérisé par une production et une consommation de masse de biens fortement standardisés, le taux de croissance du PIB était perçu par la grande majorité des concitoyens comme l'indice essentiel de réussite de notre société. Tout accroissement de celui-ci semblait alors signifier une avancée vers une meilleure satisfaction des besoins de chacun. Le taux de croissance du PIB était tout à la fois synonyme de progrès et de bonheur. L'économie du « bien être » s'affirmait, selon le mot de Jean Gadrey, comme une économie du « beaucoup avoir ».
La comptabilité nationale a ainsi pu servir de support à une idéologie productiviste, faisant de la croissance de la production matérielle l'horizon ultime de notre société. En ce sens, cette course à la croissance que nous avons connue durant les Trente glorieuses n'est pas si lointaine du productivisme soviétique, la concurrence des systèmes aidant. Pour autant, l'élaboration de ces « comptes de la puissance », pour reprendre le titre du beau livre de François Fourquet , a aussi permis d'améliorer la transparence de notre société. En identifiant quels secteurs produisaient combien de richesses, la comptabilité nationale a permis aux pouvoirs publics et aux agents privés de mieux maîtriser le fonctionnement de l'économie. Elle a également amélioré la perception de la façon dont cette richesse était répartie entre entreprises et ménages et au sein de ceux-ci selon la nature de leurs revenus.
Aujourd'hui encore, les évaluations de la croissance du PIB occupent une place majeure dans le débat économique et social, dans la mesure où il fonde de multiples décisions qui ont un impact essentiel sur la répartition des revenus et donc des richesses marchandes : la fixation des minima sociaux, du Smic, les négociations salariales sont directement influencées par l'évolution de la croissance du PIB.
SOURCE : L.Toubal et P.Fremaux , comment mesurer la richesse ? Alter éco , juin 2001

DOCUMENT 2 :
Le PIB prend en compte toutes les richesses validées par le marché - partant de l'idée que si un bien ou un service est vendu, c'est qu'une utilité lui est reconnue - ; il intègre également tous les biens et les services produits par la collectivité et financés par prélèvements obligatoires — il comptabilise ce que la collectivité produit à côté du marché, bien souvent pour en corriger les effets. Le PIB propose ainsi une conception de la richesse qui reflète à la fois les libres choix des individus qui dépensent leur argent, mais aussi les choix collectifs, validés démocratiquement et qui sont de ce fait préjugés utiles à la société.
Sur ces bases, on peut s'interroger, comme le fait Albert Hirschmann , sur ce qui pourrait fonder une vision du bien collectif qui soit réellement supérieure — sur le plan de l'éthique et de la morale - au système de valeurs implicite que prend en compte le PIB. Pour être imparfait, le PIB reflète les deux principaux mécanismes par lesquels se construit le lien social dans les démocraties de marché : l'expression libre de chacun via les mécanismes du marché et l'expression démocratique qui fonde l'action de l'Etat.
L'argument ne manque pas de poids. Il y a eu suffisamment de régimes, au cours du XXe siècle, qui voulaient faire le bien du peuple malgré lui, pour se méfier de tous ceux qui voudraient décréter ce qu est une « vraie » richesse et ce qui ne l'est pas, en imposant à la société leur propre échelle de valeurs, par l'intermédiaire de tel ou tel indicateur.
SOURCE : L.Toubal et P.Fremaux, op cité

DOCUMENT 3 :
On reproche souvent au produit intérieur brut de ne pas « tout » évaluer. Il oublierait ainsi l'économie « souterraine », « non officielle » ou informelle (travail au noir, c'est-à-dire effectué sans que soient acquittés les impôts et cotisations sociales dus et sans respecter la législation du travail) et la fraude ou l'évasion fiscale. C'est inexact. Les comptables nationaux s'efforcent d'introduire une évaluation de ces activités ; ce n'est généralement bien sûr ni simple, ni très précis ; mais pas toujours ; en France, par exemple, les vols dans les magasins sont assez bien évalués globalement ( ils augmentent le revenu des ménages et leur consommation) et la « méthode italienne » dont l'utilisation se généralise en Europe permet de beaucoup mieux cerner l’ ampleur du travail au noir. En 1995 les corrections pour travail au noir, fraude, etc. représentaient 6,5 % du PIB français, c'est-à-dire trois fois la valeur ajoutée de l'agriculture.
Le nouveau système de comptabilité nationale défini par l'ONU en 1993 va plus loin puisqu'il prévoit d'intégrer dans le PIB les activités illégales, c'est-à-dire la production de biens ou de services interdits par la loi (drogues interdites et autres activités qui ne peuvent pas être exercées autrement que clandestinement), ce qui devrait rendre un peu plus réalistes les comptes nationaux de pays tels que la Colombie. Les pays de l'Union européenne ont décidé de ne pas évaluer cette production illégale parce qu'elle n'y joue qu'un rôle marginal. __
Tous ces reproches sont fondés mais manquent leur cible. Reprocher au PIB d'être un mauvais indicateur du bien-être ou de la production utile est vain parce que le PIB n'a jamais été construit dans cette perspective : ce n'est pas un bonheur intérieur brut (BIB), mais d'abord et avant tout un indicateur pour la politique économique, notamment conjoncturelle. Dans cette perspective, c'est moins son niveau que sa variation relative qui intéresse l'économiste. Sur longue période , cette variation est elle-même très délicate à interpréter car les conditions de vie et les produits changent trop pour qu'on puisse considérer qu'on mesure la croissance d'un ensemble homogène.
Nous sommes dans une société qui veut toujours réduire le qualitatif à du quantitatif, et le quantitatif à du monétaire. Pourquoi participerions-nous à ce réductionnisme ? N'est-ce pas un symptôme d'aliénation que de revendiquer que le PIB aille encore plus loin dans cette réification des rapports sociaux ? Faudrait-il mesurer tous nos actes, y compris les plus intimes, aux prix du marché pour que le PIB ait un sens ?
Pour tenter des comparaisons de « bien-être », nécessairement très approximatives, mieux vaut laisser tomber le PIB, qui est un indicateur de moyens (les biens et services sont des résultats de l'activité productive, mais des moyens pour satisfaire des besoins individuels et collectifs), et construire un indicateur de résultats (espérance de vie, espérance de vie sans incapacité, illettrisme, etc.).

SOURCE : J.P.Piriou , Le PIB n'est pas un BIB , la decouverte, 1999

DOCUMENT 4 :
Au total, le PIB, en tant qu'indicateur, valide l'ordre économique et social existant. En prenant en compte sans nuances l'ensemble des biens et des services vendus ou financés par la collectivité, il présume l'utilité de tout ce que produit l'ordre marchand et néglige les ichesses produites en dehors. Comme l'explique la philosophe Dominique Méda dans Qu 'est-ce que la richesse ? « notre focalisation - récente [à l'échelle de l'histoire] –sur la production a eu pour conséquence (...) de soumettre l'ensemble des espaces et temps sociaux à la seule logique marchande3
SOURCE : L Toubal et P Frémeaux, op cité

DOCUMENT 5 :
L'approche de l'école anglo-saxonne est principalement quantitative, ce qui a souvent pour conséquence de réduire l'étude du développement à l'étude du produit national brut (PNB), de son évolution et de sa répartition. De la sorte, elle confond croissance et développement. Partant de là, certains auteurs dont Simon Kuznets considèrent que le développement peut se réduire à l'examen du PNB (ou du PIB) par habitant. L'aspect multiforme du développement n'est pas nié, mais les auteurs de l'école anglo-saxonne considèrent que l'examen du PIB par habitant reste encore le meilleur moyen d'appréhender l'ensemble des dimensions du développement. Comme le souligne J. Brutor (1965) : «l'idée que le développement est une notion multidimensionnelle est importante, mais il n'est pas nécessaire de rechercher avec une insistance telle une mesure multidimensionnelle. Dans presque tous les cas, le produit par tête est un substitut efficace». .
Source : P Gaudron, économie du développement, hachette.

DOCUMENT 6 :
Depuis trente ans, le produit de chaque heure de travail a beaucoup plus augmenté en Europe qu'aux Etats-Unis. Autrement dit, la croissance de la productivité y a été bien plus élevée. En France, la productivité horaire dépasse même le niveau américain. Comment est-il possible dans ces conditions que notre niveau de vie ait cessé de rattraper celui des Américains ? L'augmentation de la productivité a été compensée par une baisse du nombre d'heures travaillées, dans une proportion comparable Ainsi, entre 1970 et 2000, la productivité, mesurée par le produit par heures travaillées, a augmenté de 83 en France, contre 38 aux Etats-Unis. Mais, dans le même temps, le nombre d'heures travaillées pour chaque habitant a diminué de 23 chez nous, alorsqu'il augmentait de 26 là-bas. Résultat, le PIB par habitant a enregistré à peu près la même progression de part et d'autre de l'Atlantique.
Au total, l'écart de niveau de vie s'est donc maintenu : le retard européen ne tient pas à une moindre efficacité productive, mais à une moindre utilisation du facteur travail. Les Européens travaillent moins : ils sont moins nombreux à travailler et ceux qui ont un emploi travaillent moins longtemps dans l'année et moins longtemps dans la vie. La divergence dans le nombre d'heures travaillées par habitant de part et d'autre de l'Atlantique est « en train de devenir un déterminant majeur des performances relatives de croissance », note aussi l'OCDE dans les dernières Perspectives de l'emploi.
Que faut-il en conclure ? Pour le FMI, c'est clair : il faut travailler plus. L'augmentation de la quantité de travail doit être la priorité absolue pour la zone euro, et ce par tous les moyens. Et de saluer les accords d'allongement du temps de travail conclus récemment en Allemagne et en France.
Mais on peut, à partir du même constat, tirer des conclusions opposées. C'est ce que fait notamment Olivier Blanchard, professeur d'économie au Massachusetts Institute ofTechnology (MIT), dans un récent article qui prend la vulgate catastrophiste à rebrousse-poil. Selon lui, il faut voir dans le décrochage européen l'expression d'un choix de société et non une défaillance économique. « Les niveaux de productivité sont aujourd'hui à peu près les mêmes dans l'Union européenne et aux Etats-Unis. La principale différence est que l'Europe a utilisé une partie de la hausse de productivité pour augmenter le temps de loisir plutôt que le revenu, tandis que les Etats-Unis ont fait l'inverse. »Cet argumentaire a le mérite de rappeler que le niveau de PIB par habitant n'est pas un objectif en soi. Une société peut préférer une durée du travail plus faible quitte à limiter son revenu par habitant, sans que cela lui procure moins de bien-être. Le PIB ne mesure pas en effet la satisfaction liée au libre usage de son temps. Il ne valorise pas non plus le produit du travail non rémunéré que l'on effectue durant le temps libre et dont l'importance varie beaucoup d'un pays à l'autre

DOCUMENT 7 :




Source : Le baromètre des inégalités et de la pauvreté (Bip 40) en France : www.bip40.org


DOCUMENT 8 :





Source : le cédérom alter éco , 10ème édition


Document 9 :






SOURCE : Ingleheart et Kinemann, genes, culture and hapiness, MIT press, 2000.

DOCUMENT 10 :



SOURCE : L Maurin, le PIB, mesure de la richesse, in alter éco, HS n° 56, 2003.

Des animations pour réviser les tables de mobilité sociale

Pour mieux comprendre les tables de mobilité sociale deux excellentes animations :

la lettre de l'IRES sur la flexibilité et sur les discriminations

Sur le site de l'IRES :

La France en retard d’une flexibilité ?
Depuis quelques années, la logique de benchmarking se répand, portée notamment par les travaux de suivi de la Stratégie de Lisbonne. Il s’agit de comparer les performances des pays, d’identifier les « meilleures pratiques » et de les recommander aux pays qui obtiennent de mauvais résultats. La France est souvent présentée comme un pays relativement « rigide » et ceci expliquerait ses performances médiocres en matière de taux de chômage.
Cette présentation suggère que la France serait restée à l’écart d’un mouvement général de flexibilisation des marchés du travail. Dans sa contribution, Pierre Concialdi mobilise un ensemble d’indicateurs originaux qui montrent au contraire les profondes transformations du marché du travail en France. Depuis une vingtaine d’années, l’emploi précaire s’est développé et il « tend à enfermer les salariés dans l’insécurité ». Une exploitation spécifique de l’Enquête emploi de l’INSEE montre, par exemple, que la proportion de personnes actives qui n’ont connu que des emplois à bas salaires ou le chômage est passée de 7,3%en 1983-1985 à 16,7 %. Et la proportion de personnes ayant connu une fois au moins ce type de situation est passée dans le même temps de 19,6 % à 30,1 %.Cet examen des situations moyennes ne doit pas masquer le fait que la précarisation se concentre sur certaines catégories (jeunes femmes salariés à faible niveau de qualification et étrangers) que nous avions appelées « populations cible » dans le livre de l’IRES Les mutations de l’emploi en France (La Découverte, 2005). Ce ciblage rend les effets d’une précaritécroissante d’autant plus insupportables pour les couches de la population les plus directement concernées. Enfin, cette précarisation qui est la voie principale empruntée en France pour flexibiliser le marché du travail ne peut se prévaloir d’un bilan positif : « Les politiques qui ont favorisé, sinon impulsé, le développement de ces emplois atypiques ne sont pas parvenues à consolider les trajectoires d’emploi mais les ont, au contraire, fragilisées. Loin d’être une solution au chômage, la précarisation de l’emploi ajoute une dimension supplémentaire à la question de l’emploi, celle de sa qualité ». L’emploi précaire est une nasse plutôt qu’un sas : il n’est pas une étape vers un emploiplus stable mais conduit à la construction d’un « marché parallèle de l’emploi ».
mais aussi sur le
La tête de l’emploi
L’objectif du rapport de l’IRES1 est d’identifier les éventuels traitements différenciés en fonction de l’origine « ethnique » dans les carrières de salariés hautement qualifiés et de mettre au jour les processus de telles discriminations. La discrimination liée à l’origine y est définie comme toute action ou attitude qui conduit certains individus ayant des caractéristiques
communes au départ, à un traitement défavorable du fait de leur nationalité, de leur origine réelle ou supposée, de leur couleur de peau ou de leur religion. Aussi, dans cette perspective, la discrimination repose-t-elle plus sur une série de préjugés informels, de pratiques ténues,
de choix inscrits dans des réglementations, des statuts que sur une orientation idéologique clairement formulée tant du point de vue de l’entreprise que des institutions et des acteurs en interface.
Le choix a été fait à travers une double démarche historique et comparative d’analyser deux secteurs d’activité fortement contrastés : d’une part, l’hôpital public avec la législation relative à la place des médecins à diplôme hors Union Européenne et d’autre part, le secteur des télécommunications (France Télécom) qui connaît, depuis quelques années, une internationalisation de sa main-d’oeuvre. L’approche qualitative a été privilégiée, fondée sur des entretiens approfondis avec les personnes concernées : les salariés qualifiés à diplôme étranger mais aussi les « institutionnels » et les syndicats. En choisissant de se situer à de hauts niveaux de qualification, le but recherché est de cerner le problème en tant que tel; le saisir débarrassé des autres composantes sociales et de niveau culturel qui compliquent son identification et interdisent parfois de faire le départ entre des faits de discrimination ethnique à proprement parler et des phénomènes liés à d’autres facteurs, sociaux et culturels en particulier.
Avant de souligner des différences, il n’est pas inutile de rappeler ce qui rapproche les deux terrains. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle les discriminations tendraient à s’estomper au fur et à mesure qu’on s’élève dans l’échelle sociale, il s’avère que les très hauts niveaux de qualification ne sont pas protégés de tels comportements collectifs. Malgré des discours
de dénégation, des mesures et des attitudes discriminatoires sont identifiables dans les deux secteurs. Plus encore, un haut niveau de culture ne protège pas nécessairement de telles attitudes ou de discours tendant à lesjustifier, à les excuser.s discriminations :
et plus généralement pour chercher les lettres de l'IRES :http://www.ires-fr.org/files/publications/lettre/lettreires.htm

l'audit de la France des échos


Sur le site des échos : http://www.auditdelafrance.fr/
Dont sont extraits les graphiques :







53 ans l'age de raison

Encore un billet d'Obouba-olga :
53 ans, l'âge idéal?
53 ans, l'âge idéal pour prendre des décisions en matière financière, en tout cas, notamment pour obtenir des taux plus avantageux, nous apprend le Wall Street Journal, qui reprend les résultats de cette étude (Freakonomics et Mankiw en parlent également).

chapitre changements et conflits sociaux


CHAPITRE : CHANGEMENT ET CONFLITS SOCIAUX




INTRODUCTION : 2 CONCEPTIONS ANTAGONISTES DU CONFLIT

Comme l’indique R.Aron dans « la société américaine et sa sociologie » :
· les sociologues américains ont comme objectif central l’adaptation de l’individu à son milieu. Ils ont donc tendance à considérer que toute insatisfaction, toute révolte contre le milieu est un phénomène pathologique. Pour l’Américain, l’état normal correspond à l’intégration de l’individu dans le groupe.
· Au contraire, le Français pense, selon Aron, que pour être bien né, il faut être révolté. Ceci relève donc d’une autre conception du conflit, beaucoup plus positive qui considère que dans le conflit la société s’exprime et évolue. Nous allons nous intéresser principalement à cette seconde conception dans le cours,



SECTION I : LA NOTION DE CONFLIT SOCIAL.

Plusieurs éléments généraux permettent caractériser le conflit.


I ) L’ANTAGONISME ET L’INTERDEPENDANCE DES ACTEURS SOCIAUX

Le conflit social nécessite deux conditions apparemment opposées mais qui sont en réalité complémentaires :

· le conflit est une relation d’opposition entre au moins deux acteurs sociaux ( classes sociales, syndicats, classes d’âge,...). Le conflit n’est donc jamais solitaire. Ces deux acteurs entrent en lutte, cherchent à l’emporter l’un sur l’autre afin de dominer le champ social de leur rapport.
· mais en même temps, pour qu’il y ait conflit social, il faut que les acteurs sociaux soient interdépendants et appartiennent au même système social. Ils ne luttent pas seulement l’un contre l’autre ; ils luttent parce qu’ils ont des conceptions opposées sur le fonctionnement de la société. Quand ils luttent, ils entrent donc dans un jeu qui les lient.


II ) LE CONFLIT, UNE LUTTE POUR LA DOMINATION ET LE POUVOIR

Comme l’indique Alain Touraine :

· le conflit ne peut être assimilé seulement à la tension qui existe entre les acteurs sociaux pour la possession de biens.
· Il a une dimension plus fondamentale ; le conflit suppose une remise en cause du pouvoir de domination qu’exerce un acteur social sur un autre acteur social.

J.Padioleau peut alors en conclure que le conflit correspond :

· à une remise en cause de la légitimité dont dispose les institutions ou les autorités.
· Ainsi, par exemple, le risque d’un conflit est d’autant plus fort que les acteurs sociaux observent que la circulation des élites dirigeantes est insuffisante (cf. ; critique de la thèse de Pareto dans le chapitre précédent); ce qui génère des sentiments de frustration et d’injustice qui amènent des individus à remettre en cause les mécanismes de distribution du pouvoir


III ) LE CONFLIT A L’ORIGINE DU CHANGEMENT SOCIAL.

Constat : Même dans les cas où le conflit semble répondre à des revendications purement économiques (hausse des salaires), cette dimension n’est jamais suffisante pour comprendre le conflit. En effet, même dans ce cas-là, ce sont deux conceptions antagonistes du développement économique et social qui s’opposent, donc deux visions du monde alternatives :
· Le conflit n’a pas seulement pour but de remettre en cause une forme de domination, de détruire une société que l’on refuse ;
· il se caractérise toujours une seconde dimension : proposer un autre modèle de développement.
· Le conflit n’est donc pas seulement destructeur et pathologique, il est à l’origine du changement social et donc de l’évolution de la société.


IV) LE CONFLIT EST INTEGRATEUR.

Exemple : M.Robert a démontré à partir de l’étude d’un petit village côtier du Cotentin : Borsaline que l’existence locale naît du conflit :
· Au début de l’étude, le village est somnolent, il songe à se laisser absorber par un gros bourg voisin. Le village se meurt car il n’a plus ni commerce, ni école, ni prêtre.
· Mais un retraité rachète la maison qui abritait le débit de tabac, cherche à réanimer le commerce pour s’occuper, veut installer une terrasse, ce qui demande la suppression de la fontaine municipale qui ne fonctionne plus. C’était s’attaquer au dernier symbole de l’existence de Borsaline ; il s’ensuivit une bagarre.
· La campagne électorale opposa les deux camps, réveilla le village.


Conclusion : le conflit a redonné son identité et son existence à la commune en ranimant des oppositions et en réinventant des enjeux. Plus généralement, on peut en conclure que le conflit va créer du lien social entre les individus qui vont intégrer un des deux groupes en opposition.


V) MUTATIONS DU TRAVAIL ET CONFLITS SOCIAUX (repris du manuel brises)

Depuis que les sociétés sont entrées dans la modernité, depuis le 18ème siècle environ, l’essentiel des conflits sociaux s'est déroulé sur le terrain du travail et de l’emploi. On peut essayer de comprendre pourquoi : le travail occupe, directement ou indirectement, l’essentiel de la vie des individus, en temps d’abord (et bien plus au 19ème siècle qu’aujourd’hui) et aussi parce qu’il est à l’origine de certaines des inégalités dont nous avons parlé dans le dernier chapitre (revenus en particulier). C’est aussi dans le travail que se noue une bonne partie des relations sociales qui entourent (et intègrent) l’individu. Pour toutes ces raisons, auxquelles il faut ajouter la valeur hautement symbolique du travail, les conflits sociaux sont bien souvent nés dans le monde du travail depuis la naissance du capitalisme.


A - DES CONFLITS DU TRAVAIL AUX CONFLITS SOCIAUX.

C’est la première question qu’il faut se poser : pourquoi le travail est-il une source de conflit social ? Nous allons pour cela réutiliser ce que nous avons vu dans les chapitres précédents, tant sur les inégalités que sur la division du travail - la division, c’est déjà un peu le conflit ! Mais nous verrons qu’il y a un autre facteur de conflit social, c’est ce que l’on appelle la capacité de mobilisation d’un groupe social, c’est-à-dire la capacité des individus qui le composent à agir en commun, de façon coordonnée et au profit de buts communs.
1. - Les inégalités du monde du travail peuvent déboucher sur des conflits.

Nous avons vu dans le chapitre précédent que les sociétés modernes, et a fortiori les entreprises, sont traversées par des inégalités nombreuses qui, même si elles tendent à se réduire sur le long terme, restent encore très importantes. Il y a là un premier motif de conflit dans le monde du travail. Analysons-le plus en détail :

· Les inégalités suscitent le conflit quand elles ne sont pas acceptées.. Les inégalités font partie du fonctionnement de l’économie, mais on a vu qu’il est très difficile de leur trouver une justification consensuelle. Il n’est donc pas étonnant que les avantages accordés à une personne ou à un groupe entraînent la jalousie – ou les justes récriminations ! – de ceux qui en sont privés. Les inégalités sont souvent l’enjeu des conflits sociaux : on se bat pour accroître la part des salaires dans la valeur ajoutée au détriment des profits, ou pour améliorer sa rémunération par rapport aux autres métiers de l’entreprise.
· Mais les inégalités ne suffisent pas à engendrer un conflit social, parce qu’elles peuvent susciter une compétition entre les individus plutôt qu’entre les groupes. C’est une analyse somme toute assez classique et assez simple. Si un individu n’est pas satisfait de sa situation sociale, il peut l’améliorer de deux façons : soit en changeant de position dans la société en obtenant une promotion individuelle, soit en agissant pour améliorer le sort de tous ceux qui ont la même position sociale que lui – c’est-à-dire de son groupe social. Dans ce dernier cas, il y a effectivement un conflit collectif. Mais dans le premier cas, il n’y a qu’une compétition entre individus pour parvenir aux meilleures places offertes par l’entreprise ou la société. On ne peut pas parler à ce moment-là de “ conflit social ”.
· La plus ou moins grande mobilité sociale entre les métiers joue aussi sur la capacité de mobilisation. S’il existe une grande fluidité entre les positions dans l’entreprise, si l’on peut facilement obtenir une promotion individuelle, alors un individu peut espérer améliorer sa situation personnelle par son seul mérite, sans agir au profit de l’ensemble de son groupe social. Mais si la mobilité sociale est faible, si les métiers restent fermés les uns aux autres, alors les revendications personnelles passeront d’autant plus par une revendication collective. C’est en substance ce que l’on a vu au chapitre 2 sur la crise du système fordiste : les OS, de plus en plus qualifiés, se sont révoltés collectivement contre une organisation du travail qui ne leur laissait entrevoir aucune possibilité de promotion, qui ne témoignait guère de considération pour leurs mérites professionnels.
· Vous voyez donc pourquoi les inégalités ne sont pas à elles seules la cause des conflits sociaux. Ce point-là est important, parce qu’il permet de dissiper un préjugé un peu simpliste qui associe les gros conflits aux grosses injustices. Or, ce n’est pas toujours – loin s’en faut ! – là où il y a les plus fortes inégalités qu’il y a les conflits les plus durs. Par exemple, il y a plusieurs millions de mal logés en France mais on ne les voit jamais protester.

2 - Ces inégalités et ces conflits finissent par constituer les individus en groupes rivaux.

Les différentes organisations du travail aboutissent toujours à différencier et hiérarchiser les tâches dans l’entreprise, mais cette division horizontale et verticale du travail est aussi une division des travailleurs, donc une source de conflits potentiels. Comment passe-t-on de la division au conflit social ? Ce n’est pas si simple qu’on peut le croire. Le point essentiel est que la division du travail peut renforcer la conscience d'appartenir à un groupe social.

· La division du travail entraîne la différenciation des travailleurs et donc l’émergence d’identités professionnelles distinctes. Construire son identité professionnelle, c’est revendiquer certaines appartenances, se reconnaître une certaine position dans le groupe et dans sa hiérarchie, se sentir différent d’autres individus (n’appartenant pas au groupe, en général). L’identité professionnelle, c’est aussi les valeurs partagées au sein du collectif de travail, au sein d’un métier. Ces valeurs peuvent changer en fonction de ce que l’on fait dans l’entreprise (on peut penser à la solidarité des mineurs face à la pénibilité et la dangerosité de leur métier), mais aussi en fonction de ce que l’on est (la féminisation d’un métier peut en changer les valeurs).
· Les identités professionnelles deviennent facilement concurrentes dans l’entreprise. On veut dire par là que les valeurs des groupes sociaux s’opposent sur toutes les questions qui concernent l’entreprise, et au-delà la société – un peu comme une culture et une contre-culture, revoyez votre cours de première. Le premier point d’opposition est bien sûr les inégalités de rémunérations. Chaque groupe a une idée différente de la valeur des métiers, et donc des inégalités “ justes ” ou “ injustes ” – faut-il par exemple payer plus ceux qui fabriquent le produit ou ceux qui le commercialisent ? Mais l’opposition s’étend aussi à la façon de gérer l’entreprise : on l’a vu dans le cas de la fermeture des usines LU dans le nord de la France, où la logique entrepreneuriale de l’encadrement (recentrer l’activité du groupe sur les productions les plus rentables) s’opposait à la logique des salariés (maintenir les sites aussi longtemps que possible pour sauvegarder les emplois). L’affirmation d’une identité professionnelle fait donc non seulement apparaître un groupe social, mais elle lui donne aussi un adversaire.
· L’organisation matérielle du travail est un autre déterminant de la construction de la conscience du groupe. Si les individus sont dispersés et travaillent séparément, sans se rencontrer, il leur sera très difficile de se coordonner pour agir. Marx expliquait ainsi au 19ème siècle que les paysans français étaient trop dispersés géographiquement pour agir, bien qu’ils aient eu matière à se révolter. Inversement, le regroupement des ouvriers dans les ateliers puis dans les grandes usines, où l’on travaille ensemble, fait la pause ensemble, mange ensemble, où l’on se rencontre en allant au travail et en repartant chez soi, a incontestablement favorisé l’organisation de la classe ouvrière. Plus près de nous, la connexion des individus sur Internet a facilité la réussite du mouvement des chercheurs, en permettant la circulation des informations, des mots d’ordre et des pétitions.
· Pour qu’il y ait un conflit du travail, il faut donc qu’il y ait un conflit d’intérêt, autour des inégalités dans l’entreprise. Il faut aussi qu’il y ait des identités collectives fortement affirmées pour que le conflit prenne une dimension sociale, et oppose des groupes les uns aux autres. Enfin, il faut que ces groupes se mobilisent, c’est-à-dire que les individus qui les composent acceptent d’agir ensemble avec des objectifs communs. Mais la relation entre conflit et identité professionnelle fonctionne également dans l’autre sens. Ainsi, un conflit peut déboucher sur l’affirmation renouvelée et vivante d’une solidarité retrouvée, et donc reconstituer un groupe social. Ainsi, le conflit des infirmières, au milieu des années 90, permit à celles-ci d’affirmer et d’afficher une solidarité qui ne s’était jamais réellement exprimée jusque-là et de s’éprouver elles-mêmes comme membres d’un collectif de travail.

3 - Les conflits portés par ces groupes finissent par déborder du cadre du travail proprement dit pour concerner l'ensemble de la société


· L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur politique. Au début du 20ème siècle, le clivage entre la gauche et la droite s’est progressivement confondu avec le clivage entre travailleurs et capitalistes. Au fur et à mesure que les ouvriers devenaient numériquement plus importants (au détriment notamment des agriculteurs, qui avaient une toute autre vision du monde), le conflit politique s’est cristallisé sur la question de la propriété, la gauche, représentant les salariés, voulant “ nationaliser ” le capital, c’est-à-dire exproprier les capitalistes pour qu’ils ne contrôlent plus les entreprises, et donc pour résoudre le conflit social par la disparition d’un des adversaires ! Symétriquement, la droite défendait le droit de propriété comme principe, et donc le pouvoir des actionnaires dans l’entreprise. Moins radicalement, l’enjeu politique entre la droite et la gauche était aussi l’adoption de lois et de règlements qui limitaient le pouvoir des employeurs sur les salariés (Semaine de 40h, Congés payés, Droit du travail, protection contre les licenciements, mais aussi indemnisation du chômage).
· L’opposition entre ouvriers et bourgeoisie a pris une valeur culturelle. Chaque groupe a affirmé ses valeurs, et son mode de vie. La “ culture ouvrière ” était nourrie de la fierté du métier : essentiellement masculin, le travail ouvrier supposait souvent la force physique, des connaissances et astuces, essentiellement pratiques, qui se transmettaient au sein de l’atelier. La “ culture bourgeoise ” était ce qu’on appellerait aujourd’hui la culture savante, celle qu’on transmet à l’école et à l’université (littérature, musique classique, sciences, beaux-arts, …). Les loisirs des deux groupes n’étaient pas non plus les mêmes, d’ailleurs l’obtention d’un droit aux congés payés en 1936 avait une valeur conflictuelle symbolique : jusque-là les vacances étaient l’apanage de la bourgeoisie.
· L’opposition entre ouvriers et bourgeois a engendré une véritable ségrégation sociale. Elle était visible dans la structure des villes, où les “ quartiers ouvriers ” – généralement les banlieues où la périphérie des villes – s’opposaient aux “ beaux quartiers ” – le centre-ville. Mais on la retrouvait aussi à l’école, puisque les enfants des classes populaires et supérieures ne fréquentaient pas les mêmes cursus scolaires. Il a fallu attendre 1975 et la création du collège unique pour que tous les écoliers suivent la même scolarité obligatoire.
· On voit donc que le conflit social, initialement circonscrit à l’entreprise, s’est étendu à toute la société, ce qui justifie que l’on parle de classes sociales plutôt que de groupes sociaux, puisque les groupes ne rassemblent plus seulement, par exemple, les ouvriers d’une entreprise, mais tous les ouvriers de la société. De même, le conflit social mérite l’appellation de “ lutte des classes ” parce qu’il prend une valeur générale.




SECTION II : LES THEORIES SOCIOLOGIQUES DU CONFLIT.

I - LES ANALYSES INTERACTIONNISTES DU CONFLIT

A - SIMMEL : FONDATEUR DE LA THEORIE DU CONFLIT

Simmel rejette la conception matérialiste de Marx :
· le conflit met en relation des acteurs sociaux (non des structures ) qui s’opposent pour des raisons économiques
· mais Simmel considère que les conflits ne peuvent être limités à cette seule dimension, ils concernent toutes les dimensions de la vie sociale (scientifique, culturel, etc.).

Mais Simmel s’oppose aussi à l’école américaine qui :
· considère le conflit comme pathologique.
· Simmel lui pose au contraire que le conflit permet de traiter les causes de dissociation ( de perte du lien social ) telles que la haine, l’envie.
· En effet, dans le conflit les individus s’opposent, mais ils recréent du lien social, même s’il est nécessaire que pour assurer l’unité de la société l’un des acteurs disparaisse.

Conclusion : Simmel a donc une vision très positive du conflit, le conflit est vital pour assurer un bon fonctionnement de la société.

Intérêt de la démarche de Simmel : un des apports principaux de Simmel à la sociologie du conflit concerne les notions de dyade et de triade.
· Dans la dyade le conflit oppose deux acteurs seulement, les stratégies mises en oeuvre sont donc relativement simples
· Au contraire dans la triade, Simmel introduit un troisième acteur (ex : syndicat, patronat, Etat), ce qui complexifie réellement les stratégies et multiplie les possibilités d’alliance entre les trois acteurs. Par exemple le troisième acteur l’Etat peut défendre les intérêts du patronat (c’est le cas dans la théorie marxiste), ou au contraire il peut occuper le rôle de médiateur neutre qui s’attachera à rendre compatibles les demandes des deux autres acteurs.


B - LE CONFLIT CHEZ MAX WEBER : UN AGENT DE SOCIALISATION

Weber considère que :
· le conflit est caractéristique de toutes les sociétés car il naît de l’inévitable sélection sociale qui répartit inégalement les richesses, les honneurs, les droits dans la société : Weber ne présuppose donc pas une société consensuelle
· Cette sélection sociale va être à l’origine d’une opposition entre les différents acteurs sociaux sur :
- le fonctionnement de la société, sur les buts qu’elle recherche,
- sur la justesse et donc la légitimité des inégalités qui la caractérisent
· Dans l’analyse du conflit opérée par Weber :
- les adversaires participent à la même société,
- mais chacun veut imposer sa vision du monde social parce que de son point de vue elle lui paraît plus juste

II – LE CONFLIT DANS LA SOCIOLOGIE DURKHEIMIENNE

Durkheim contrairement aux théoriciens du consensus :

· ne considère pas que le conflit soit la preuve d’une pathologie sociale. Bien au contraire selon lui, le conflit est, comme le crime, un phénomène normal dans la société.
· Il lui paraît donc illusoire d’espérer une disparition du conflit et l’avènement d’une société consensuelle. En particulier, il ne croit pas que la croissance et le développement économique se produisant dans une économie de marché assureront la suppression du conflit.

Mais Durkheim, contrairement à Marx :

· ne considère pas que le développement et la multiplication des situations conflictuelles, débouchant sur une révolution économique soit souhaitable.
· Selon Durkheim, la multiplication des conflits traduit l’apparition d’une situation d’anomie conjoncturelle, c’est à dire d’une remise en cause provisoire des règles et des valeurs fondant et structurant une société qui évolue.
· C’est en particulier la situation qu’il observe en France à la fin du 19 ème siècle où, l’industrialisation déstabilise l’ancienne société et laisse les individus déboussolés.

Solutions préconisées par Durkheim : il préconise alors :
· une intervention de l’Etat
· ou l’apparition de corporations qui, en instaurant des réglementations, permettront de prévenir un développement des conflits qui ne peut-être que déstabilisateur.


III ) LE CONFLIT AU CENTRE DU CHANGEMENT SOCIAL DANS LA PENSEE DE K.MARX.

INTRODUCTION

Comme le notent H Mendras et M Forse, Marx est à l’origine de 4 idées fondamentales pour une sociologie du conflit :
· le conflit de classe n’est pas un épiphénomène mais un trait structurel de la société, il est inhérent à sa nature et à son fonctionnement. Toute société est donc caractérisée par la permanence des conflits.
· le conflit ne met jamais en présence que deux groupes ; en effet, dans une société, tout conflit d’intérêt se ramène toujours à l’opposition entre ceux qui désirent le changement et ceux qui ont intérêt au maintien du statu quo
· Marx a vu dans les conflits le moteur principal des changements sociaux.
· Marx est un des premiers à s’être intéressé aux facteurs endogènes qui expliquent le changement social. Il considère que toute société produit elle-même les éléments qui vont produire sa propre transformation. Ainsi, l’analyse de la lutte des classes explique le changement par les contradictions structurales des sociétés et non par l’intervention d’un quelconque deus ex machina.


A - LE MATERIALISME HISTORIQUE : UN DETERMINISME TECHNOLOGIQUE ABSOLU ?

Comme l’écrit Marx dans une lettre à P annenkov en 1846 :
- « qu’est ce que la société quelle que soit sa forme ? le produit de l’action réciproque des hommes. Les hommes sont-ils libres de choisir telle ou telle formation sociale ? Pas du tout. Posez un certain état de développement des forces productives des hommes et vous aurez une telle forme de commerce et de consommation. Posez de certains degrés de développement de la production, du commerce et de la consommation, et vous aurez telle forme de constitution sociale, telle organisation de la famille, des ordres ou des classes, en un mot telle société civile. Posez telle société civile et vous aurez tel état politique qui n’est que l’expression officielle de la société civile »

Dans ce passage Marx considère donc que :
· ce ne sont pas les hommes qui font l’histoire,
· mais qu’au contraire ce sont les hommes qui sont faits par le développement des forces productives.

Ce que Marx va résumer dans : « le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain, le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel.

Relativisation : Engel après la mort de Marx relativisera cette conception ultra déterministe en écrivant:
· « D’après la conception matérialiste de l’histoire, le facteur déterminant dans l’histoire est, en dernière instance, la production et la reproduction de la vie réelle. Ni Marx, ni moi n’avons jamais affirmé davantage. Si quelqu’un dénature cette position en ce sens que le facteur économique est le seul déterminant, il la transforme ainsi en une phrase vide, abstraite, absurde ».
· Engel rajoute même dans une autre lettre : « Il y a action et réaction de tous les facteurs au sein desquels le mouvement économique finit par se frayer son chemin comme une nécessité à travers la foule infinie des hasards ».

Critiques de l’analyse marxiste : Il n’en reste pas moins qu’ une des principales critiques qui sera faite à Marx, en particulier par Weber dans l’éthique protestante du capitalisme , sera :
· d’avoir surévalué l’importance du déterminisme technologique , de l’infrastructure ( cf. la phrase de Marx : « l’ensemble des rapports de production constitue la structure de la société, la base concrète sur laquelle s’élève une superstructure juridique et politique et à laquelle correspondent des formes de conscience sociale déterminées. Le mode de production de la vie matérielle conditionne le processus de vie sociale , politique et intellectuelle dans son ensemble »)
· et d’avoir sous-estimé le rôle de l’individu , les modes de pensée ,les valeurs en particulier religieuses (la superstructure au sens marxiste).


B - FORCES PRODUCTIVES ET RAPPORT DE PRODUCTION

Définitions : Chaque société peut se caractériser à un moment donné par son mode de production qui désigne la combinaison de deux éléments :
· les forces productives qui regroupent les instruments de production: la force de travail, les sciences et les techniques en vigueur, l’organisation du travail .
· les rapports de production qui correspondent eux au rapport de propriété des moyens de production (machines, usines) et permettent de donner une définition des classes sociales selon la place qu’elles occupent par rapport à la propriété de ces moyens.

La succession des modes de production : Marx caractérise alors les modes de production qui se sont succédés au cours de l’histoire par des rapports de production spécifiques qui sont des rapports entre deux classes principales antagonistes :
· le mode de production asiatique se caractérise par des sociétés quasi esclavagistes dans lesquelles la population est subordonnée à l’Etat qui est relativement développé, centralisé et fort. Ce mode de production se définit par l’opposition entre des cultivateurs et des éleveurs asservis d’une part et, une classe nobiliaire contrôlant la production et s’appropriant le produit par le moyen d’appareil d’Etat d’autre part. Ce mode est caractéristique de l’Egypte de la Perse ou de la Chine antique.
· Le mode de production antique est caractérisé par l’opposition entre les esclaves et les maîtres propriétaires d’esclaves comme en Grèce ou dans l’Empire Romain.
· Le mode de production féodal ou servagiste se définit lui par l’opposition entre les serfs et les seigneurs comme dans l’Europe occidentale et centrale du Moyen Age.
· Le mode de production capitaliste oppose les capitalistes ou bourgeois ( propriétaires des moyens de production ) aux prolétaires qui sont contraints de vendre leur force de travail contre un salaire et d’engendrer ainsi la plus-value du capital .

Explication de la succession des modes de production : Selon Marx , le mouvement de l’histoire s’explique par les contradictions entre les forces productives et les rapports de production :
· Dans chaque mode de production , les forces productives représentent un élément dynamique comme le montre l’histoire des inventions , le progrès de la division du travail, etc.
· Par contre , les rapports de production sont en revanche relativement stables et immuables. Il arrive alors un moment où ils entravent le développement des forces productives .

R Aron considère donc que :
· le mode de production capitaliste ne diffère donc pas de ceux qui l’ont précédé, excepté sur un point : il révolutionne en permanence les forces productives alors que la première condition d’existence de tous les autres modes de production était de conserver le mode de production inchangé .
· Mais excepté cette différence essentielle on peut considérer que les raisons du passage d’un mode de production à l’autre sont les mêmes .

Exemple : Prenons l’exemple du passage du mode de production féodal au mode de production capitaliste :
· la naissance de l ‘industrie moderne avec les manufactures et le développement de l’économie marchande sont venues buter sur les rapports de production figés (division de la société en ordres, corporation qui entravent la liberté du commerce et du travail ).
· Marx en conclut que « les conditions féodales de la propriété ne correspondaient plus aux forces productives déjà développées. Elles se transformaient en autant de chaînes . Il fallut les briser ; elles furent briser ».

Conséquences : Il en sera de même pour la disparition du mode de production capitaliste et le passage à la société socialiste :
· Comme l’indique Aron : « la bourgeoisie crée sans cesse des moyens de production plus puissants. Mais, les rapports de production c’est à dire à la fois les rapports de propriété et la répartition des revenus ne se transforment pas au même rythme ».
· La tendance à l’accumulation du capital bute donc sur une première contrainte qui est la baisse tendancielle des taux de profit

Définition : taux de profit = pl
C + V

* Selon Marx seul le capital variable qui correspond au salaire que reçoit le travailleur crée de la valeur , le capital constant (machines, matières premières) ne fait que transmettre sa valeur sans rien ajouter. Or les capitalistes qui se livrent une concurrence effrénée sont obligés pour ne pas faire faillite d’être compétitifs et de remplacer le capital variable par le capital constant . Ce qui correspond à une augmentation de la composition organique du capital

Définition : la composition organique du capital capital constant = C.
capital variable V

· La contrepartie de cette augmentation va être une chute du taux de profit : en effet à mesure que le capital variable diminue relativement au capital constant la plus value( pl ) que le capitaliste extorque aux travailleurs , c’est à dire la partie du travail non payée que s’approprie la capitaliste ne suffit plus à compenser le coût du capital qui s’accroît .
· Le capitaliste ne peut trouver de solution que dans une augmentation de l’exploitation c’est à dire dans une hausse du taux de plus value ou du taux d’exploitation :

Définition : taux de plus-value= pl
V
On peut alors transformer le taux de profit en :

pl pl / V Taux de plus-value
Taux de profit = --------- = -------------------- = --------------------------------------
C + V C / V + V / V Composition organique + 1


Conclusion :
· constate à partir de ce rapport qu’en augmentant la composition organique du capital (le dénominateur) le capitaliste ne peut maintenir le rapport (le taux de profit) qu’en élevant le taux d’exploitation .
· Mais alors cela va être à l’origine selon Marx d’une deuxième forme de contradiction : les ouvriers se rendant compte qu’ils sont exploités vont se constituer en classe sociale afin de prendre le pouvoir.

C - LA LUTTE DES CLASSES AU CENTRE DE L’HISTOIRE.

Selon Marx l’histoire de toute société jusqu’à nos jours n’est que l’histoire de la lutte des classes. Cette lutte qui dans tous les modes de production s’est caractérisée par l’opposition entre les deux classes fondamentales conduit soit à une transformation révolutionnaire de la société toute entière, soit à la disparition des deux classes en lutte :
· Le premier cas est celui de la lutte qui a opposé la bourgeoisie et la noblesse dans la société féodale et qui a conduit à l’effondrement du mode de production féodal et à l’instauration du mode de production capitaliste .
· Mais celui ci n’a pas fait disparaître l’exploitation , l’antagonisme de classe , il n’a fait que le transformer .

Il faut alors se demander quel est l’élément déterminant :

· est ce la classe qui engendre la lutte ?
· ou la lutte qui engendre les classes ?
· Marx répond que les classes naissent de la lutte des classes.

Exemple : On peut prendre à titre d’exemple les raisons qui sont à l’origine du développement de la classe ouvrière: Marx distingue 3 temps :
· 1er temps : les ouvriers qui entrent en concurrence pour obtenir un emploi sont rassemblés par les bourgeois pour combattre les ennemis de la bourgeoisie , c’est à dire les restes du mode de production féodal. Les victoires qui sont alors remportées le sont par la bourgeoisie elle seule.
· 2ème temps : à mesure que les forces productives s’accumulent , que l’industrie se développe ( on retrouve le matérialisme historique) les ouvriers dont les conditions de vie, les intérêts s’égalisent vont peu à peu prendre conscience de leur force , ils vont alors se coaliser pour maintenir les salaires . C’est le stade de la classe en soi durant laquelle la classe ouvrière se définit par rapport à la bourgeoisie , dans son opposition à la bourgeoisie .
· 3ème temps : c’est celui de la conscience en soi ou classe en soi : la classe ouvrière se définit non plus seulement dans son opposition avec la bourgeoisie, mais par le projet de société qu’elle porte et qui va à terme conduire à la disparition du mode de production capitaliste .

D - VERS LA REVOLUTION PROLETARIENNE

Postulat : Marx considère que la disparition du mode de production capitaliste est inéluctable :
· Il est pris dans ses contradictions internes : principalement la baisse du taux de profit , qu’il essaye de résorber en élevant le taux d’exploitation
· Mais alors il se heurte à une seconde limite historique : la constitution de la classe ouvrière dans la lutte , sa prise de conscience qui va conduire à une révolution amenant la fin du mode de production capitaliste .

Conséquences :La nouvelle société qui apparaîtra alors présentera deux caractéristiques essentielles :

1° ) LA FIN DE L’ALIENATION PAR LE TRAVAIL .

L’aliénation par le travail est caractéristique de la société capitaliste . En effet comme le note R Aron dans le mode de production capitaliste les hommes sont aliénés et la racine de l’aliénation est économique (on retrouve le matérialisme historique) qui peut se décomposer en deux modalités :

· aliénation de l’ouvrier , qui selon Aron est imputable à la propriété privée des moyens de production, peut-elle aussi se décomposez en deux types :

- ouvrier est d’abord aliéné par rapport à son produit qui lui échappe, dont-il est dépossédé aussitôt qu’il l’a créé. Non seulement il perd le fruit de son travail , mais en sus le produit se présente en face de lui comme une présence hostile: transformé en capital, il devient l’instrument d’exploitation de sa force de travail.
- L’ouvrier est aussi aliéné dans l’acte même de la production. Son travail n’est pas volontaire mais forcé, le travail est abaissé à un moyen permettant de survivre . L’ouvrier ne considère plus alors que durant son travail il s’appartient, il appartient à celui à qui il a vendu sa force de travail . Alors que le travail aurait du caractériser l’humanité de l’homme, l’enrichir, il lui enlève une partie de ce qu’il est .

· aliénation de l’entrepreneur qui résulte de l’anarchie des marchés , soumet l’entrepreneur à un mécanisme qu’il ne contrôle pas, dont-il devient l’esclave.


Conclusion : Aron en conclut, ce qui permet de relativiser le caractère scientifique de l’analyse de Marx, que :
· critique de la réalité économique du capitalisme a été à l’origine dans la pensée de Marx , une critique philosophique et morale ».
· Marx a rejeté le capitalisme pour des raisons morales, et s’est efforcé par la suite, car il considérait le système mauvais, de démontrer scientifiquement que le système ne peut pas ne pas s ’effondrer .

2° ) LA DISPARITION DES ANTAGONISMES DE CLASSE

Selon Marx :
· révolution prolétarienne amènera la fin du mode de production capitaliste sous l’égide de la classe ouvrière, comme la révolution bourgeoise a entraîné la disparition du mode de production féodal .
· Mais il existe une différence notable entre les deux , contrairement à la bourgeoisie, la classe ouvrière ne va pas confisquer la révolution , elle va abolir les classes en général .

Conséquence : L’Etat, au service de la classe bourgeoise, va alors disparaître, l’ancienne société va « laisser la place à une association où le libre épanouissement de chacun est la condition du libre épanouissement de tous ».


E - LES LIMITES DE L’ANALYSE DE MARX .

On retiendra trois limites essentielles :

· première est due à R Aron qui considère qu’ :
- on ne peut plus parler d’antagonismes liés à la propriété privée dans la société socialiste puisque la propriété privée a disparu.
- Mais ceci n’empêche pas qu’il existe des hommes qui exercent le pouvoir sur les masses populaires ce qui peut générer de nouveaux types d’antagonisme (cf. en URSS l’opposition entre la nomenklatura et le reste de la population) .
- Aron en conclut donc : « il n’y a pas de raison que tous les intérêts des membres d’une collectivité soient en harmonie du jour où les instruments cessent d’être l’objet d’appropriation individuelle. Un type d’antagonisme disparaît , non tous les antagonismes possibles ».

· Comme l’indique Mendras et Forse : « la théorie marxiste implique que :
- le changement structural a toujours, et nécessairement, un caractère révolutionnaire. (...).
- Cela revient à considérer les structures sociales entre deux révolutions comme des entités fondamentalement statiques.
- Certes Marx parle de loi de développement du capitalisme, mais cette dynamique n’est en fait que celle du développement d’un organisme, l’épanouissement progressif d’un organisme en son image préexistante. il n’y a de transformation que révolutionnaire .
- Cette idée ne résiste pas à l’épreuve des faits » .
- Conclusion : Marx a sous estimé les capacités d’adaptation du capitalisme qui depuis le 19ème siècle a connu une évolution structurelle très profonde sans révolution qui lui a sans doute permis d’éviter la grande crise prophétisée par Marx..

· Marx considère que le conflit de classes est nécessairement ouvert, aigu et violent . Or :
- Mendras et Forsé constatent que : « les données empiriques conduisent au contraire à penser qu’il ne prend que rarement la forme d’une guerre civile.
- Les changements structuraux qui ont affecté les sociétés occidentales depuis le 19ème siècle ont abouti à l’institutionnalisation du conflit de classes, si bien qu’une classe opprimée peut obtenir par la discussion et la négociation des changements de structure ».


III - LES THEORIES CONTEMPORAINES DU CONFLIT.

A - L’ANALYSE DES CONFLITS DE R DAHRENDORF : LA PRISE EN COMPTE DE L’AUTORITE

Dahrendorf s’oppose à Marx car :

· il remarque que l’époque capitaliste du 20ème siècle ne correspond pas du tout aux prévisions de Marx
· les changements structuraux qui ont eu lieu sans révolution au sein des sociétés industrielles ont orienté les conflits de classe dans une direction bien différente de l’archétype de la lutte des classes . ils appellent donc l’élaboration d’une théorie plus large des classes sociales et des conflits sociaux.

Conséquences : Dahrendorf cherche à trouver aux conflits sociaux une autre origine que la seule propriété des moyens de production . Pour cela il va faire appel à la sociologie de Weber en particulier à deux concepts qui occupe une place importante chez Weber : le pouvoir et l’autorité :
· « Le pouvoir est la probabilité pour qu’un acteur engagé dans une relation sociale soit en position d’imposer sa volonté, en dépit de toute résistance , et ceci indépendamment des raisons qui fondent cette probabilité » (Weber). Le pouvoir s’attache donc à la personne
· L’autorité est « la probabilité pour qu’un ordre ayant un contenu spécifique soit suivi par un groupe donné de personnes »(Weber). L’autorité contrairement au pouvoir n’est pas attachée à la personne mais à un rôle ou à une position sociale.

Dahrendorf va donc redéfinir la notion marxiste de classe sociale en expliquant les conflits de classe :
· non plus par la seule propriété des moyens de production,
· mais par le contrôle pour l’exercice de l’autorité.
· En d’autres termes la cause des conflits sociaux doit être recherchée dans cette distribution inégale de l’autorité qui se traduit par des relations de domination-soumission .

Conséquences : Cette opposition crée à son tour un autre type de conflits : les conflits d’intérêts entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui y sont soumis. Dahrendorf va distinguer deux types d’intérêts:
· les intérêts latents qui sont des intérêts communs mal explicités qui provoquent des conflits, mais ne correspondent pas à un degré de conscience collective suffisante pour donner lieu à des groupes d’intérêts. Ils ne constituent que des catégories sociales composées d’individus dont les intérêts sont identiques, mais qui ne sont pas capables de les défendre de façon organisée.
· Les intérêts manifestes, eux, donnent naissance à des groupes d’intérêts organisés et capables d’agir sur ces bases .

Une dernière différence notable entre la conception des conflits de Marx et celle de Dahrendorf réside dans le fait que :
· les individus appartiennent à des structures différentes (Dahrendorf reprend ici une analyse de Weber qui distingue la classe, le groupe statutaire et le parti , cf cours de première),
· et qu’ils peuvent donc être tantôt dominants, tantôt dominés.

Conséquences : De la sorte :
· il existe une pluralité de conflits sociaux.
· Les conflits entre groupes étant de nature très variée , on ne peut plus les ordonner comme chez Marx entre deux grandes classes sociales .
· C’est une des erreurs de l’analyse de Marx que de penser que la domination industrielle implique nécessairement la domination dans les autres domaines de la société, Etat, Eglise, organisations, etc.

B - LE MODELE D’INGLEHART.

Inglehart relativise l’actualité de la pensée de Marx :
· en montrant qu’une fois ses besoins matériels immédiats satisfaits, l’homme tourne ses préférences vers des besoins non matériels , de nature intellectuelle ou esthétique.
· Or , l’évolution de nos sociétés développées en serait justement à ce stade du passage des valeurs matérialistes aux valeurs post-matérialistes, sous l’effet conjugué de la croissance économique, de l’innovation technologique, du développement de l’éducation, des changements dans la répartition sociale .

Conséquences :
· On passerait ainsi d’une société de classes à une société caractérisée par une stratification complexe. Il en découle une augmentation générale du niveau de compétence politique et une demande accrue de participation au processus de décision .Les citoyens n’accorderaient plus leur confiance aux organisations traditionnelles ( parti, syndicat )censées assurer dans le modèle pluraliste une médiation efficace entre le pouvoir et eux.
· Dans le même temps , on assiste parmi les nouvelles générations de la classe moyenne à l’apparition de nouveaux enjeux qui proviennent plus de différences dans le style de vie que de besoins économiques. On peut citer par exemple la protection de l’environnement, le rôle de la femme, la redéfinition des valeurs qui se substitueraient au conflit entre la bourgeoisie et la classe ouvrière.

C - L’ANALYSE DES CONFLITS SOCIAUX DE A TOURAINE

Les apports de Touraine à la sociologie du conflit sont nombreux :

1° ) DES CONFLITS CARACTERISTIQUES D’UNE SOCIETE

Il va s’efforcer de montrer que les conflits sociaux sont caractéristiques d’un type de société et donc , que quand les sociétés se transforment, les conflits sociaux évoluent :

· Dans la société industrielle les conflits sociaux tournent autour de l’industrie comme chez Marx . Mais contrairement à Marx , Touraine ne croit pas que la formation du monde ouvrier ait été déterminée par des conditions économiques. Elle résulte selon lui d’un certain type de conscience ouvrière qui dépend lui-même d’un certain type de relations et d’organisation du travail . Dés lors contrairement à Marx, Touraine ne pense pas que la conscience ouvrière est homogène . Il distingue deux composantes :
- la conscience prolétarienne, qui est typiquement celle du manœuvre, se définit par défaut, par la misère de sa condition. Toujours prête à se révolter elle manque d’envergure politique et se cantonne dans la revendication salariale.
- Au contraire , la conscience fière des ouvriers de métiers les conduit à défendre des intérêts positifs, un savoir-faire , une autonomie. Selon Touraine c’est-elle qui serait le ferment du mouvement ouvrier.

Conséquences :Tout le problème est que pour que le syndicalisme se transforme en un mouvement ouvrier, il faut que soient surmontées les tensions entre les deux pôles de son identité Ce qui n’est en rien assuré.

· Dans la société postindustrielle , caractéristique selon Touraine de notre époque, les conflits sociaux qui se forment sont d’une autre nature que dans la société industrielle. « Ils opposent moins le capital au travail que les appareils de décision économique et politique à ceux qui sont soumis à une participation dépendante ».
· En effet , dans la société postindustrielle qui est une société technocratique ( caractérisée par le développement d’appareils de gestion et d’information, tendant à modeler les conduites sociales et culturelles), le pouvoir appartient à ceux qui détiennent le savoir , l’information. Les conflits sociaux qui étaient autrefois concentrés dans l’entreprise , se diffusent aujourd’hui dans la société toute entière, opposant à ces appareils leurs consommateurs et leurs usagers .

2° ) LA SIGNIFICATION DU CONFLIT

Constat : Comme l’indique Touraine :
· « la formation d’un conflit de pouvoir, de la lutte des classes en particulier n’est pas une rupture de la société. (...)
· Au contraire, plus la lutte des classes est forte, plus les adversaires se réfèrent explicitement à un modèle intégré de société, parlent au nom de l’intérêt général ».
Conséquence : Le conflit entre les classes n’a donc rien d’une guerre:
· les entreprises et les syndicats partagent des valeurs communes, celles de l’industrie, du travail, du progrès technique.
· C’est cette toile de fond qui rend visible les disparités, qui permet à un groupe social de percevoir qu’un autre groupe est en train de s’approprier le produit du travail collectif .

Conclusion : Pour qu’il y ait conflit ,il faut donc que :
· les acteurs sociaux partagent des valeurs , une culture ,
· mais qu’ils aient des conceptions différentes sur l’intérêt général de la société, et qu’ils cherchent à transformer l’organisation de la société pour la rendre plus juste.
· Le conflit d’après Touraine ne remet pas en cause l’intégration sociale , au contraire il la renforce.

3° ) LA DIVERSITE DES CONFLITS

Dans une société , les conflits sociaux sont très divers. Touraine distingue ainsi :
· les conflits d’intérêts qui cherchent à modifier la relation coûts-bénéfices en leur faveur.
· Les mouvements sociaux qui mettent en cause ,au-delà de l’organisation sociale et du système de décision, les relations de domination au niveau de la société.
· Les mouvements révolutionnaires qui sont plus globaux encore puisqu’ils identifient une domination sociale à un régime politique .

Remarque : Ces différents types de mouvements sont largement autonomes mais en même temps ils portent la marque du conflit social central de la société .

Exemple :Touraine prend l’exemple du mouvement ouvrier qui occupe dans les sociétés industrielles une place centrale :
· même quand les ouvriers revendiquent pour des augmentations de salaire , pour la reconnaissance d’un droit syndical, pour une reconnaissance institutionnelle,
· derrière se trouve la marque du mouvement ouvrier basée sur la lutte des classes .

Conclusion : Il faut donc pour Touraine rechercher derrière tout conflit le conflit social central caractéristique de la société dans laquelle il se déroule .

4° ) LA DEFINITION DU MOUVEMENT SOCIAL

définition : Selon Touraine les mouvements sociaux correspondent à une action collective organisée par laquelle un acteur de classe lutte pour définir les grandes orientation culturelles de la société (ce que Touraine appelle l’historicité ). Sa définition suppose donc la conjonction de trois éléments :
· un acteur de classe (ex: la classe ouvrière): c’est le principe d’identité.
· un adversaire de classe (ex: la bourgeoisie) : c’est le principe d’opposition.
· un enjeu : c’est le principe de totalité.




SECTION III - VERS UN EMIETTEMENT VOIRE UNE DISPARITION DES CONFLITS OU LEUR INSTITUTIONNALISATION ?

I - LA REMISE EN CAUSE DES CONFLITS SOCIAUX TRADITIONNELS.


A - UNE CRISE DU SYNDICALISME

1° ) L’AGE D’OR DU SYNDICALISME

Rappel historique : Les corporations sont dissoutes par la loi d’Allarde , en 1791. La même année la loi Le Chapelier interdit toute association en vue de défendre les intérêts communs car l’association des travailleurs est considérée comme une entrave au fonctionnement du marché. Les syndicats demeurent interdits en France durant la majeure partie du 19ème siècle.
Le droit de grève n’est légalisé qu’en 1864. Et il faut attendre encore 20 ans (1895) avant que le droit syndical ne soit reconnu en France .

Conséquences : Le syndicalisme s’est donc développé tardivement par rapport à la révolution industrielle. Il faut attendre 1906 pour que la CGT fixe ses principes d’action dans la charte d’Amiens :
· le syndicat est l’outil des améliorations immédiates, arrachées au patronat dans les luttes quotidiennes (demandes d’augmentation de salaires, journée de 8 heures, etc.)
· Le syndicat à néanmoins un objectif plus ambitieux (cf. le principe d’historicité de Touraine) : renverser la société capitaliste, il dispose pour cela d’une arme : la grève générale .
· Le capitalisme disparu , le syndicat sera le groupement de base de production et de répartition.

Constat : Néanmoins le syndicalisme aura des difficultés à s’implanter en France : il connaîtra deux âges d’or :
· les grandes grèves de 36
· les années 50 durant lesquelles selon A Beuve-Mery : « le syndicalisme a le vent en poupe. Se syndiquer est alors la norme. Dans une France à reconstruire, à l’échelon local dans une usine, ou une administration, les syndicats sont une structure d’accueil, un lieu de formation et d’éducation ».
· Mais l’échec des grandes grèves de la fin des années 40, les répercussions de la guerre froide, le manque de cohérence de l’action syndicale qui hésite entre l’action directe et la négociation par branche vont entraîner un tassement des effectifs qui seront divisés par deux durant les années 50, avant de se stabiliser jusqu’à la crise actuelle.

2° ) UNE PERTE D’AUDIENCE

Constat :

· Le taux de syndicalisation passe de 42% en 1949 à 22% entre 1957 et 75 à 7-9 % aujourd’hui (5 p 202)

Les taux de syndicalisation sont très différents en Europe :
- supérieurs à 50 % dans les pays scandinaves
- mais inférieurs à 10% en Europe du sud (Espagne et Grèce et en France)
- Ils sont orientés à la baisse dans presque tous le pays mais progressent en Finlande et Italie
- La France occupe donc une position à part en Europe.

· Une érosion de la participation aux élections professionnelles qui se traduit par une montée de l’abstention , un accroissement du pourcentage des votes en faveur des non syndiqués .
· une hausse de la part des votes en faveur des non syndiqués lors des élection aux comités d’entreprise qui passe de 12% en 1966 à 30% en 1993 avant de redescendre à 25% en 1999.

· Une diminution des conflits du travail : après le record de mai 68 : 15 millions de journées perdus pour fait de grève ; on observe dans les années 70 , une moyenne autour de 3,5 millions de journées , dans les années 80 la moyenne passe à 1,5 millions , dans les années 90 elle passe à 500 000 , mais remonte légèrement lors de la reprise économique de 1998-2000 pour atteindre en 2000 : 800 000( p 188)


· La conflictualité dans le secteur privé a fortement chuté depuis le début des années 80, en partie à cause de la forte augmentation du chomage.


· On constate que les salariés sont certes majoritaire à considérere que les syndicats jouent un rôle irremplaçable dans la représentation des salariés (63%des ouvriers, 54%des cadres). Mais un pourcentage fort de salariés considèrent que les syndicats font passer leurs intérêts avant ceux des salariés (55% des ingénieurs,48 % des employés)

3°) La crise de la classe ouvrière

Karl Marx philosophe allemand du 19ème siècle (mais aussi économiste, historien, sociologue) a été un des premiers à s’intéresser aux conflits sociaux et à les analyser non pas comme le signe d’un dérèglement social, mais comme la conséquence normal du fonctionnement des sociétés. Il a aussi lié les conflits sociaux à l’organisation sociale du travail, ce qu’il appelle les “ rapports de production ”. Il est donc logique de l’évoquer à ce moment du cours. Dans la société contemporaine, le conflit social - la “ lutte des classes ” dans la terminologie marxiste - oppose les salariés et les capitalistes, propriétaires des entreprises. Le conflit d’intérêt repose sur une injustice faite aux salariés par les capitalistes – “ l’exploitation ” – et dégénère en conflit social quand les groupes s’érigent en classes sociales.
·L’analyse de l’exploitation capitaliste. Les capitalistes sont ceux qui possèdent les moyens de production (machines, bâtiments, terrains), tandis que les salariés, que Marx appelle les “ prolétaires ”, ne disposent que de leur force de travail. Or, dans la société industrielle, il n’est guère possible de produire avec son seul travail. Pour vivre, les salariés sont donc obligés de louer leur travail aux capitalistes, qui s’accaparent la valeur de la production en échange du versement d’un salaire. C’est le régime du salariat. Marx pense que cette domination des salariés par les capitalistes permet à ces derniers “ d’exploiter ” les salariés, c’est-à-dire de leur verser un salaire inférieur à la valeur de la production et de garder la différence, le profit. Comment est-ce possible ? Les salariés ne sont pas en mesure de réclamer la totalité de la valeur ajoutée produite parce qu’ils ne sont pas organisés, et que l’employeur peut jouer de la concurrence entre eux. De plus, un volant perpétuel de chômage, caractéristique des sociétés industrielles (Marx l’appelle “ l’armée de réserve ” capitaliste), attise la concurrence entre les salariés : les exclus de l’emploi sont toujours prêts à accepter un salaire plus faible pour retrouver un travail et échapper à la misère. L’existence du profit est donc pour Marx la conséquence d’un rapport de force, et donc une injustice parce qu’il estime que seul le travail est source de valeur – une autre façon de dire que la productivité du capital est nulle, aspect très critiquable et très critiqué de la théorie marxiste.
·La constitution des groupes en classes sociales.Il ne suffit pas d’un conflit d’intérêt pour que l’on puisse parler de conflit social, il faut encore que les individus partageant une même situation dans les rapports de production, ici les salariés, aient conscience de leur similitude et s’unissent pour revendiquer contre un ennemi commun. Ils constituent alors ce que Marx appelle une “ classe sociale ”. Cette opération n’est pas spontanée, et les conditions de travail déterminent souvent la capacité des individus à s’unir. Ainsi, Marx note que les petits paysans français du 19ème siècle, quoique ayant objectivement des intérêts communs, ne constituaient pas une classe sociale parce que leur dispersion géographique et la concurrence entre eux sur les marchés ou dans l’appropriation de la terre les empêchaient de s’unir. De même, les ouvriers dans le système artisanal médiéval, qui étaient logés chez leur patron, étaient plus proches de celui-ci que des autres ouvriers et n’avaient donc pas de conscience de classe. Mais le développement des grandes usines au 19ème siècle, rassemblant de nombreux ouvriers soumis à un contrôle hiérarchique très strict, leur a fait prendre conscience de leur identité professionnelle, et l’habitude de s’opposer aux employeurs leur a révélé qu’il constituaient une classe sociale. Il leur restait alors à s’organiser en syndicats, en partis politiques, pour structurer leurs actions revendicatives et défendre leurs intérêts. De leur côté, les capitalistes procédaient de même, en se structurant en organisations patronales.
·L’analyse marxiste théorise donc les conflits du travail comme source principale de conflictualité dans la société. Mieux, les conflits du travail structurent la société en groupes adverses, organisent l’identité professionnelle comme la vie politique. Cette vision de la société peut paraître pessimiste, mais Marx souligne qu’il en est de même à toutes les époques : dans l’antiquité, les maîtres dominaient les esclaves, et au moyen âge les seigneurs féodaux dominaient les paysans. Il en va de même chaque fois que la production est organisée de telle sorte qu’un groupe exerce un pouvoir sur un autre.
a - Les mutations du travail ont réduit le poids des ouvriers, brouillé leur identité professionnelle et diminué leur capacité de mobilisation.

Les transformations du travail et les mutations de la classe ouvrière remettent-elles en cause la division de la société française en classes sociales antagonistes ? C’est ce que pensent certains sociologues, et nous allons présenter leurs principaux arguments.

· La diminution de la part des ouvriers dans la population active. Le recensement de mars 1999 en France met en évidence la poursuite du mouvement amorcé dès le milieu des années 1970 : les ouvriers étaient encore plus de 7 millions en 1982, ils étaient 6.5 millions environ en 1990 et 5.9 millions seulement en 1999. Cela représente une diminution de plus de 15% des effectifs ouvriers entre 1982 et 1999, alors que, dans le même temps, la population active occupée augmentait. Résultat : la part de la P.C.S. “ ouvriers ” dans la population active occupée a encore plus nettement diminué que ses effectifs : elle est passée de 32.8% de la population active occupée en 1982 à 25.6% en 1999 (Insee, recensements de la population), soit une diminution de 22% environ. Aujourd’hui, la part des ouvriers dans la population active est inférieure à celle des employés.
· La transformation de la nature du travail des ouvriers : la première grande transformation est que les ouvriers travaillent de plus en plus souvent dans les services, comme les chauffeurs routiers, par exemple. Ainsi, en 2001, il y a plus d’ouvriers travaillant dans le tertiaire que d’ouvriers travaillant dans le secondaire (attention, si ce résultat vous étonne parce que vous pensiez que les ouvriers travaillaient forcément dans le secteur secondaire, cela signifie qu’il faut que vous revoyiez comment on répartit les actifs occupés dans les trois secteurs d’activité) en France. Ces ouvriers sont en particulier des ouvriers d’entretien et de maintenance. “ La classe ouvrière est désormais disséminée dans les rouages de la société de services et non plus soudée au cœur du système industriel ” (E. Maurin, Sciences humaines n°136, mars 2003). Même dans le secteur secondaire, les ouvriers font beaucoup moins souvent qu’avant des tâches de production au sens strict car celles-ci sont de plus en plus automatisées. On a donc un développement des tâches de tri, d’emballage et de manutention en général d’un côté, et un développement des tâches de surveillance, contrôle et réglage des machines automatisées d’un autre côté. La deuxième transformation touche la qualification des ouvriers : la qualification personnelle des ouvriers s’est plutôt élevée (il y a davantage de diplômes professionnels) mais ils exercent souvent un emploi dont la qualification est inférieure à celle qu’ils possèdent (31% des salariés embauchés pour un emploi ne nécessitant pas officiellement de qualification sont titulaires d’un CAP ou d’un BEP). Le nombre des emplois d’ouvriers non qualifiés avait beaucoup diminué entre 1982 et 1994 mais il a réaugmenté entre 1994 et 2001. Au total, la part des emplois d’ouvriers qualifiés dans l’ensemble des emplois ouvriers progresse cependant.
· Taille des entreprises et du collectif de travail : parce que la nature du travail a changé, la taille des entreprises dans lesquelles travaillent les ouvriers a beaucoup diminué. Cela s’explique d’une part par l’automatisation des tâches de production proprement dites : certaines usines sont aujourd’hui quasi “ désertes ”, d’autre part par le fait que les ouvriers travaillent de plus en plus souvent dans des entreprises du tertiaire qui sont traditionnellement, en moyenne, de taille inférieure à celle des entreprises industrielles. Le cadre de travail des ouvriers a donc été bouleversé : les grands rassemblements ouvriers à l’ouverture des grilles de l’usine ne font bien souvent plus partie de l’expérience vécue par les ouvriers. Mais le fait que la taille de l’entreprise diminue ne signifie pas que les ouvriers seront plus proches du patron : en règle générale, ces petites entreprises appartiennent à de grands groupes industriels et financiers et le pouvoir est en général bien loin du lieu de production.
· Les transformations récentes du travail et de l’emploi (précarisation du travail, suppression de certains emplois non qualifiés, par exemple d’ouvriers, individualisation de la carrière des salariés, etc…) agissent aussi sur l’identité professionnelle : les frontières de l’emploi sont plus floues, les métiers se transforment, les horaires sont “ à la carte ”, l’individu semble triompher et les collectifs de travail semblent moins englobants, moins contraignants pour les individus, mais aussi moins protecteurs. L’identité professionnelle semble donc moins “ imposée ” à l’individu qui doit bien davantage trouver ses repères seul pour la construire. Dans ces conditions, on voit bien que la mobilisation en vue d’un conflit sera sans doute plus difficile à obtenir.
La culture ouvrière recule avec la transformation du travail ouvrier. La précarisation du travail et l’expérience du chômage (qui touche proportionnellement plus les ouvriers que les autres P.C.S.) dévalorisent le travail ouvrier, tandis que le changement de la nature du travail ouvrier (moins directement en contact avec la matière et la production) attaquent directement sa spécificité. De même, les conditions de vie des ouvriers se sont transformées, semblant rejoindre celles d’une vaste “ classe moyenne ” : d’une part, les revenus, et donc la consommation, se sont élevés rapidement durant les années 1960 et 1970, permettant aux ouvriers d’accéder aux biens de consommation durables comme la télévision, la machine à laver ou l’automobile ; d’autre part, les modes de vie des ménages ouvriers se sont également transformés par le développement du travail des femmes d’ouvriers, l’allongement de la durée de scolarisation des enfants d’ouvriers et le développement de l’accession à la propriété grâce au crédit. Au final, les conditions de vie semblent s’égaliser avec celles d’autres groupes sociaux et les éléments qui contribuent à forger et à transmettre la culture ouvrière semblent peu à peu disparaître.


4° ) LES EXPLICATIONS THEORIQUES

a ) le paradoxe d’Olson (10 et 11 p 217 ).

Constat :Il montre que l’existence d’un groupe non organisé d’individus aux intérêts communs , dotés de moyens d’action et conscients de leurs intérêts n’implique pas automatiquement , contrairement aux intuitions de type marxiste , l’apparition d’une action collective .

Explications : En effet , quand le produit obtenu par une telle action est un bien ou un service collectif ( ex : une augmentation de salaire pour tous ) et lorsque le groupe est assez large pour que des pressions ne s’exercent pas sur les individus afin de l’inciter à l’action , alors se produit le phénomène du passager clandestin (Olson construit son analyse dans une perspective libéral puisqu’il adopte le modèle de l’homo-oeconomicus égoiste et rationnel) :
· Chaque individu va se dire que puisqu’il peut profiter de l’action sans avoir à agir lui-même ,
· il aura intérêt à laisser les autres dépenser de leur temps et de l’énergie pour se procurer les biens publics .

conséquences : Ceci doit , selon Olson , permettre d’expliquer l’absence de mouvements collectifs : en France et en Allemagne , les résultats de l’action de la grève s’appliquent à tout le monde ( syndiqués et non syndiqués ) ; il est interdit de faire une discrimination , ce qui n’est pas une incitation à la syndicalisation .

Conclusion : Pour que la syndicalisation se développe , il faut que les syndicats offrent à leurs membres des incitations sélectives
· soit pénaliser le refus de participation à l’action ( ex : dans un petit groupe , rompre la solidarité peut entraîner une mise à l’écart ) .
· soit accorder des avantages spécifiques : protection juridique du salarié , postes dans l’organisation , ...

b ) le modèle d’OBERSHALL .

remarque : Son analyse se situe explicitement dans la perspective de celle d’Olson mais elle est enrichie par une approche sociologique qui cherche à définir quelles sont les conditions sociales susceptibles de favoriser l’émergence de mouvements sociaux au sein d’une collectivité .
Présentation de l’analyse : Obershall croise deux dimensions pour expliquer la probabilité d’une organisation et d’une mobilisation d’un collectif :

· Première dimension : la dimension horizontale qui renvoie à la nature des lien sociaux existant au sein de la collectivité , c’est-à-dire la cohésion sociale du groupe . Obershall distingue 3 cas :
- relation de type communautaire : famille , village , clan , comme dans les sociétés traditionnelles .
- relation de type associatif : groupe professionnel , religieux , économique comme dans les sociétés industrielles .
- contrairement au troisième cas où les relations sociales sont peu développées .

Remarque : Dans ces 2 premiers cas , le sentiment de solidarité du groupe et son potentiel de mobilisation sont élevés


· Deuxième dimension : la dimension verticale renvoie au degré d’intégration sociale et politique entre les différents groupes . Il est possible de mesurer ce niveau d’intégration par l’étendue des liens entretenus avec les groupes supérieurs au sein de la pyramide sociale et politique .2 types sont alors distingués :
- dans les sociétés segmentées où les groupes sont peu intégrés , là où la mobilité ascendante est faible , les groupes devront compter sur eux-mêmes pour faire entendre leur voix , leurs revendications . La segmentation est donc propice à la mobilisation .
- dans les sociétés où l’intégration est forte , les groupes peuvent faire entendre leurs voix qui seront prises en compte , ce qui réduit la probabilité de la mobilisation .
· Obershall croise alors les deux dimensions et essaye d’expliciter les modalités de mobilisation des groupes .


Exemple : les noirs américains du Sud et du Nord durant les années 60 :
· au Sud , les conditions favorables étaient réunies afin de rendre viable et efficace le mouvement des droits civiques : existence d’une communauté noire , organisée ( église , associations) et d’élites indépendantes des blancs qui ont permis de structurer une action politique .
· au Nord : absence de véritable leader , communauté moins bien intégrée . Il y a eu des émeutes qui se sont réduites à une flambée de violence sans déboucher sur aucune action politique stable et organisée à long terme .

5° ) QUI SE TRADUIT PAR DE NOUVELLES FORMES D’ACTION REMETTANT EN CAUSE LE MODELE TRADITIONNEL

a ) la coordination

Constat : Depuis quelques années , on observe une montée des coordinations qui mettent en cause le monopole de défense des droits des travailleurs dont disposaient jusqu’alors les syndicats . Les coordinations se sont multipliées dans les années 80 : infirmières , cheminots , instituteurs , routiers , ...

Comment expliquer ce phénomène ? 6 raisons semblent l’expliquer selon F.Duchamps :
· la probabilité de constitution d’une coordination est d’autant plus forte qu’il n’y a pas de tradition syndicale ( infirmières) mais il existe des contre-exemples (les cheminots ont un taux de syndicalisation traditionnellement élevé).
· la coordination est catégorielle , elle défend les intérêts des membres d’une profession sans chercher à élargir le conflit à des revendications plus globales ( telles que la lutte des classes ) qui semblent dépassées .
· la coordination apparaît généralement dans des professions dans lesquelles les salariés sont isolés ( prof , cheminot ) .
· les coordinations s’implantent le plus souvent dans des professions dont l’image sociale , les traditions sont solides . Mais , en même temps , les coordinations sont aussi le fait de professions apparues récemment qui ne sont pas reconnues à leur juste valeur
· la coordination , contrairement aux syndicats habitués aux arrangements , est jusqu’au boutiste . Elle refuse le compromis , ce qui rend les conflits longs et durs sans véritable porte de sortie , d’autant plus que les mandataires doivent sans cesse se référer aux mandants .
· les coordinations résultent de la désyndicalisation , qui est elle-même le fait de deux tendances convergentes :
- volonté du patronat d’affaiblir les syndicats .
- individualisation croissante du monde de travail .

Conséquences : Les salariés n’ayant plus de structures collectives qui le représentent , se constituent alors des mouvements puissants mais éphémères qui sont corporatistes , c’est-à-dire qui ne mesurent pas les retombées de leurs revendications .

Un exemple : les infirmières : le mouvement de 88 présente 2 caractéristiques majeures :
· l’importance de la mobilisation dans une profession faiblement marquée par les conflits sociaux .
· la forme organisationnelle qui a structuré la mobilisation : une coordination non syndicale
· La coordination a exprimé le caractère spécifiquement infirmier du mouvement clairement orienté vers une demande de reconnaissance professionnelle . 3 thèmes de revendication essentiels :
- reconnaissance de la professionnalité de l’infirmière : volonté de rompre avec l’image de l’infirmière dévouée et obéissante
- reconnaissance statutaire de la profession : demande d’un statut identique pour tous .
- reconnaissance salariale : demande d’une augmentation de salaire de 2000 francs .


B- L’INSUFFISANCE DE CES EXPLICATIONS ET LEURS DANGERS

1 ) UNE CRITIQUE DE L’ANALYSE D’OLSON .

Selon A.Pizzorno :
· le choix politique (ou syndical) est influencé par des sentiments de solidarité , de loyauté ,
· et non par le désir d’obtenir des avantages personnels . Il est déterminé par l’affiliation sociale de l’individu et non par le calcul des utilités .
· Les solidarités sociales préexistent au choix politique , ce sont des expressions de la structure sociale et elles renvoient donc à une identité ethnique ,linguistique , de classe , territoriale ou autre . La décision de voter pou tel ou tel parti est un supplément symbolique qui vient renforcer les liens sociaux préexistants .
Pizzorno conteste donc :
· la logique du calcul coût-bénéfice fondée sur la rationalité des individus développée par Olson .
· Il considère au contraire que l’action collective a pour but de resserrer les liens sociaux au sein du groupe d’appartenance permettant ainsi de réaffirmer , de renforcer son identité sociale

2– LA THESE DE HIRSCHMAN :EXIT OR VOICE

Selon Hirschman , les sociétés disposent de 2 mécanismes fondamentaux pour résoudre leurs problèmes économiques et sociaux :
· la défection : la liberté d’entrée et de sortie qui correspond au mécanisme du marché dans lequel l’individu fait librement un choix qui lui permet d’améliorer son bien-être individuel en changeant de produit , en quittant un emploi par exemple . Dans ce contexte , les syndicats sont considérés comme une entrave au bon fonctionnement du marché .
· mais il existe un second modèle d’ajustement : la prise de parole : le mécanisme politique défini par Hirschman comme la voix . Il nécessite le recours à la communication . Le parti politique est la voix du citoyen , le syndicat la voix du salarié qui permet aux salariés de faire entendre leurs revendications .

3 °) UNE INSTITUTIONNALISATION DU SYNDICAT (21 p 203)

Constat : On assiste aujourd’hui à une situation paradoxale : le taux de syndicalisation en France n’a jamais été aussi faible . Pourtant les syndicats n’ont jamais été aussi reconnus comme interlocuteurs privilégiés des patronats et de l’Etat .
Comment expliquer ce paradoxe ?
· jusqu’aux années 30 , les syndicats n’étaient pas reconnus comme interlocuteurs privilégiés . Pour faire entendre leurs voix , les syndicats devaient mobiliser un nombre important de salariés , en particulier dans des manifestations . Le syndiqué était un adhérent qui militait et participait à la vie du syndicat . Le syndicat développait une contre-culture qui avait pour objectif de détruire la société capitaliste .

· au contraire , à partir des années 30 mais surtout après 45 , avec la création de la Sécurité Sociale , des comités d’entreprise, des ASSEDIC , enfin avec les lois d’Auroux en 82 , on va observer une évolution qui se caractérise :
- par une reconnaissance institutionnelle des syndicats qui ont contribué à les légitimer et à les intégrer à la société civile , qui ont donné aux syndicats une audience plus large , des ressources financières en les liant étroitement à toutes les institutions de la société .
- Une autre conception du syndicalisme s’est développé : le syndicalisme essaye d’économiser la grève ; il l’utilise comme un moyen de pression , il la brandit comme une menace .

conséquences : Ceci traduit une évolution de la stratégie syndicale : conformément à l’analyse de Simmel :
· jusqu’aux années 30 les conflits sociaux opposaient patronat et syndicats qui chacun développaient une culture et c’était deux modèles de société qui s’opposaient .
· A partir des accords de Matignon au contraire , on passe de la dyade à la triade : de l’affrontement binaire où chacune des 2 parties en présence pouvait avoir le sentiment qu’elle triompherait totalement et imposerait sa manière de voir à l’adversaire terrassé , on passe à des rencontres tripartites où la grève n’est plus qu’un moment de la négociation .
· La grève n’est plus alors qu’un signal avertisseur qui demande une intervention des pouvoirs publics .

Conclusion : dès lors les syndicats recourent de moins en moins à la mobilisation sous forme de grève ou de manifestations : la grève est vue comme pathologique , comme l’échec d’une négociation ( ex : le modèle allemand de référence ) .

Conséquence : Mais alors le syndicat a de moins en moins besoin de syndiqués . P.Rosanvallon pose même la question : qu’arriverait-il si les syndicats n’avaient plus d’adhérents ?:
· « La légitimité syndicale serait-elle remise en cause ? Pas forcément : un taux marginal d’adhésion n’entraînerait pas de basculement qualitatif par rapport à la situation actuelle , l’adhérent a en effet cesser de jouer un rôle déterminant dans le phénomène syndical . »
· Dans la perspective d’une disparition des adhérents , la forme syndicale tendrait à se confondre avec la forme politique , seul le domaine d’intervention de chacune d’elle les distinguant .
· La légitimité syndicale deviendrait , comme celle des partis d’essence purement électorale ( le parti politique n’a pas besoin d’adhérents , le nombre d’adhérents n’est pas le critère de sa représentativité , seuls comptent les résultats électoraux )

Apparition d’un nouveau modèle :On assiste d’ailleurs selon P Rosanvallon à une nouvelle conception du syndiqué qui :
· n’est plus considéré comme un adhérent, partageant avec les autres membres du syndicat des valeurs, une culture,
· mais qui devient un client .

conséquences : dans ce contexte , étudier la crise du syndicalisme par rapport à la chute du taux de syndicalisation n’est pas un bon choix , car l’indicateur n’est pas bon . Pour étudier la représentativité syndicale , il faut étudier les résultats des syndicats aux différentes élections .

mais cela entraîne une nouvelle conception du syndiqué auquel le syndicalisme français n’est pas encore complètement préparé :
· On aurait d’un côté le délégué syndical qui siégerait dans de multiples commissions , le syndicalisme devenant un métier à temps plein ;
· et de l’autre côté , le syndiqué qui ne serait plus qu’un client qui adhère pour obtenir des services .
· Ceci n’est pas sans danger car les délégués qui siègent dans les différentes commissions , ne sont plus sur le terrain avec les salariés , ce qui engendre une coupure entre le mandant ( le syndiqué , l’adhérent ) et le mandataire ( le délégué) .

Conclusion : Dès lors plus que de disparition du syndicalisme ou de crise du syndicat , il faudrait parler d’une évolution structurelle du syndicat qui s’adapte à une nouvelle forme de société plus complexe et c’est cette adaptation qui fait la crise .

4 ) LES DANGERS DE LA DESYNDICALISATION

Constat : «La structuration du phénomène syndical et sa reconnaissance légale en 1884 a également répondu à une contrainte de régulation sociale » :
· En ce sens , pour une partie des acteurs ( patrons , hommes politiques ) la reconnaissance du syndicat était vue comme un moindre mal qui permettait d’éloigner le spectre de la révolution et plus prosaïquement de faire disparaître les conflits violents qui avaient vu le jour depuis la légalisation en 1864 de la grève sans que soit reconnu alors le droit de se syndiquer .
· La reconnaissance du syndicat a donc pour but en 1884 d’avoir un partenaire avec lequel on peut transiger , ce qui rend la société plus facilement gouvernable .

Conséquence de la désyndicalisation : Or , comme le note J.Delors , on observe un déclin du syndicalisme qui présente de nombreux inconvénients, en particulier :
· les syndicats ont forcé la société à changer , ont permis de faire apparaître des idées porteuses d’avenir ,ont constitué le moteur des changements nécessaires . Or la désyndicalisation a affaibli cette capacité
les syndicats ont servi de médiateur , exprimant les aspirations des citoyens, prenant en compte les différents points de vue et transcendant les oppositions pour contribuer au bien commun ( ce qui n’est pas le cas des coordinations jusqu’au boutiste) . Or aujourd’hui , avec la désyndicalisation , c’est le vide et ce vide est très inquiétant car il ne permet plus aux citoyens , aux salariés de faire entendre leurs voix .



II - VERS DE NOUVEAUX ENJEUX , DE NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX ?

A - LES CARACTERISTIQUES COMMUNES AUX NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX (NMS)

Constat : Comme l’indique F.Dubet , « le thème des nouveaux mouvements sociaux émerge au milieu des années 60 au moment où le mouvement ouvrier qui était situé au cœur de la société industrielle ne semble plus avoir le monopole des grandes mobilisations » . Ces nouveaux mouvements sociaux présentent plusieurs caractéristiques :
· ils désignent les objets les plus divers , du moment qu’ils se distinguent de la figure classique du mouvement ouvrier : mouvement noir , luttes étudiantes aux USA , et partout mouvements écologistes ,féministes , regroupements pacifistes .
· ils mettent en scène de nouveaux acteurs comme les femmes , les jeunes , les classes moyennes .

· ces mouvements ne concernent plus directement les problèmes de la production et de l’économie ; ils se situent dans le champ de la culture , de la sociabilité , de la ville , des valeurs et paraissent bousculer les formes classiques de gestion du conflit social et de la représentativité politique .Les NMS mettent l’accent sur l’autonomie, la résistance au contrôle social
· les NMS inventent de nouvelles formes d’organisation et d’actions. Ils sont très méfiantsà l’encontre des structures traditionnelles auxquelles les individus devaient déléguer l’autorité à des états majors constitués de permanents très eloignés des préoccupations de la base
· Les NMS n’ont pas pour objectif de prendre le pouvoir, ils visent au contraire à se protéger de l’influence de l’Etat (cf., les mouvements régionnalistes)et à construire des espaces d’autonomie protégeant les individus.

Conclusion : la sociologie des nouveaux mouvement sociaux est associée à une critique des paradigmes jusque là dominants, principalement le marxisme .

B - EXEMPLES DE NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX.

1 - LE MOUVEMENT ANTINUCLEAIRE.

A Touraine dans « la prophétie antinucléaire » s’est intéressé aux mouvements antinucléaires car :
· il recherchait « les luttes sociales d’aujourd’hui pour y découvrir le mouvement social et le conflit qui pourraient jouer demain le rôle central qui a été celui du mouvement ouvrier et des conflits du travail dans la société industrielle. » .
· Il attendait « de la lutte antinucléaire qu’elle soit la plus chargée de mouvement social et de contestation, la plus directement porteuse d’un contre-modèle de société ». Cela pour un certain nombre de raisons :
- Comme le mouvement ouvrier , elle lutte contre un appareil de production qui mobilise des ressources matérielles et politiques considérables (on constate ici que TOURAINE reste encore marqué par le marxisme).
- dans la lutte antinucléaire , c’est l’image dominante de la modernité qui est mise en cause, c’est donc de tout notre avenir qu’il est débattu : « notre organisation économique, notre manière de travailler et de vivre est mise en question »
- La lutte antinucléaire apparaît comme la pointe du combat écologique

Conséquence : Pour toutes ces raisons , Touraine pensait que la lutte antinucléaire allait devenir la « figure principale du nouveau mouvement social », que les opposants au nucléaire allaient lui opposer « un autre modèle de développement « et allaient combattre « la fausse modernisation qu’apporte l’industrie nucléaire au nom d’une modernisation plus profonde qui créerait les conditions sociales et culturelles nécessaires pour passer d’une société forte consommatrice d’énergie à un société plus sobre mais plus forte utilisatrice d’information ».

Conclusion : On constate que la lutte antinucléaire correspond bien aux caractéristiques définissant les nouveaux mouvements sociaux selon Dubet (qui travailla avec Touraine, en particulier dans l’analyse des luttes antinucléaires).

2 - LES MOUVEMENTS ETUDIANTS.

Les mouvements étudiants correspondent aussi à la définition des nouveaux mouvements sociaux puisqu’ils mobilisent de nouvelles catégories de la population : les jeunes, qui se mobilisent sur de nouveaux thèmes qui ne se rattachent pas directement au monde du travail, et qui génèrent donc de nouvelles formes de contestation. .

Néanmoins , parler de mouvement étudiant au singulier semble discutable, il semble nécessaire de distinguer deux époques :
· la première serait celle de mai 1968 qui s’était cristallisée sur une revendication générale, qui était le changement de la société, et ne pouvait donc être satisfaite par le pouvoir en place. Mai 68 avait donc un caractère global et idéologique .
· Au contraire les mouvements de jeunes aujourd’hui présentent des caractéristiques nouvelles : selon D Lapeyronnie :
- le mouvement étudiant à une forte dimension corporatiste, la production idéologique est réduite voire inexistante . Ce qui mobilise les étudiants « c’est d’abord la menace ressentie sur la possibilité de faire des études, la peur d’une sélection renforcée à l’entrée de l’université et la crainte de voir une augmentation des droits d’inscription ».
- On constate donc que les revendications des étudiants n’ont aucun caractère global, ils ne veulent pas changer la société. Ce sera encore plus vrai dans le mouvement contre le CIP dans lequel les jeunes exprimeront non pas leur volonté de transformer la société mais de s’y intégrer, d’y avoir une place. On le constate d’autant mieux que le mouvement étudiant ne concerne qu’une minorité de la jeunesse . Les autres , ceux qui sont dans la galère n’ont que la rage pour se protéger de la violence de la société.
- Les jeunes ont exprimé durant la crise de 1986 leur désir d’être reconnus comme des individus responsables et autonomes, comme des adultes finalement . Il ont refusé toute récupération politique ou syndicale (cf. la faible place des syndicats étudiants ) . Ils ont imposé un fonctionnement démocratique et indépendant.

Conclusion : Mais c’est justement cette « dualité de l’action étudiante (qui) explique l’incapacité du mouvement étudiant à négocier et son extrême méfiance vis à vis à vis de la politique institutionnelle qui, par définition porte au compromis ». Comme l’indique A Touraine : « ce sont des moments merveilleux pour les jeunes , et on comprend qu’ils cherchent à les faire durer. Dans ces conditions , la volonté du pouvoir politique d’établir un dialogue avec eux sur un point précis est inopérante. A ce stade, toutes les concessions sont jugées insuffisantes, toutes les promesses dilatoires. Il faut comprendre le sens de ce rituel existentiel pour les adolescents, qui trouvent là une occasion de se poser en égaux des adultes et de les impressionner ».

C - LES LIMITES DE L’ANALYSE DES NOUVEAUX MOUVEMENTS SOCIAUX.

O Fillieule a étudié les formes actuelles de l’action collective et il a constaté que certains caractéristiques ressortent qui semblent relativiser l’intérêt d’une analyse en termes de nouveaux mouvements sociaux , il remarque certes que :
· l’activité manifestante se diffuse aujourd’hui très largement dans toutes les CSP,
· que les acteurs des conflits interpellent directement les politiques , faute de croyance en l’efficacité des représentants. Ceci semble bien traduire une crise de la représentation (cf. coordination).

Mais , contrairement à ce qui s’écrit le plus souvent, la période n’est pas marquée par un changement de nature de la participation politique :
· l’analyse des revendications portées par les manifestations actuelles ne vient pas corroborer l’hypothèse d’une modification des valeurs défendues : les valeurs matérialistes sont très largement dominantes : Emploi, hausse du revenu.
· Les mobilisations porteuses de revendications post-matérialistes ( environnement, mœurs ) ne font pas vraiment recette à l’exception des questions internationales et de l’antiracisme.
· l’hypothèse d’une modification des modes d’engagement politique n’est pas confirmée. Selon elle , la participation aux mouvements de protestation serait marquée par une extrême fluidité , les individus s’engagent et se désengagent en fonction du contexte . Il en résulterait un refus net des organisations . La réalité des manifestations françaises vient infirmer ces considérations puisque plus des deux tiers d’entre elles ( hors Paris) sont organisées à l’appel des centrales ouvrières . Cela laisse peu de doute sur la domination de la stratégie de la rue par les syndicats . En revanche , il est vrai que les partis politiques ( surtout les partis de droite et le parti socialiste ) appellent fort rarement à manifester .

COMPLEMENTS DE COURS :

Les conflits du travail ont été plus nombreux en 2005

Comme en 2004, les salaires sont restés le principal thème des négociations collectives lors de l'année 2005. Mais, le bilan tiré par les services du ministère de l'emploi et présenté, lundi 26 juin, par le ministre délégué Gérard Larcher à l'occasion de la commission nationale de la négociation collective, fait état aussi d'une hausse importante de la conflictualité l'an dernier.
Dans un rapport de 662 pages, intitulé "la négociation collective en 2005", la direction des relations du travail (DRT) note une augmentation de 16 % du nombre de journées de grève. L'inspection du travail a recensé en 2005 quelque 224000 "journées individuelles non travaillées" (JINT). Soit un chiffre égal à 2003, une année marquée par le long conflit contre la réforme des retraites conçue par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. L'étude n'intègre que les conflits et les journées de grève dans le secteur privé, à l'exception du domaine agricole, des transports et du public, ces derniers secteurs étant pourtant marqués par une conflictualité souvent forte.
GRÈVES EN AUGMENTATION
Les conflits collectifs sont aussi en hausse (+ 5 %). Pour 73 % d'entre eux, ils ont pris la forme d'arrêts continus de travail et de débrayages pour les 27 % restant. La part de ces grèves "continues" augmentent depuis plusieurs années : elle était de 19 % il y a deux ans. Le ministère observe que si les autres formes de lutte sont restées marginales (grèves tournantes, de la faim...), les conflits se sont accompagnés dans 47 % des cas d'autres phénomènes tels que des manifestations. Ces conflits touchent avant tout les établissements de plus de 500 salariés, où la présence syndicale est plus systématique.
La question salariale reste le principal sujet de mobilisation. Plusieurs journées nationales de mobilisation en 2005 ont porté sur ce thème. Autre signe : si la CGT et FO font traditionnellement des salaires et du pouvoir d'achat un motif de contestation, la CFDT a remis cette question au coeur de ses revendications lors de son congrès.
Ainsi, en 2005, la question salariale a motivé 45 % des conflits ; les conditions de travail, 19 % ; la défense de l'emploi, 20 %, en baisse de 5 % par rapport à 2004. Les questions salariales et les conditions de travail sont plus fréquemment évoquées dans le commerce et la grande distribution, alors que l'emploi reste la préoccupation première dans l'industrie.
Mais si la conflictualité augmente, le ministère note que le nombre de salariés participant aux conflits est, lui, en baisse. 25 % en 2005 contre 32 % en 2004.
L'étude relève enfin une hausse importante du nombre des conflits dont l'origine est "plurisyndicale" : 45 % d'entre eux, soit dix points de plus que l'année précédente. La CGT reste, de loin, le syndicat le plus souvent à l'origine des conflits. La CFDT reste la plus impliquée dans la négociation, cette dernière ayant signé 59,6 % des accords conclu en 2005, la CGT 52,7 %, FO 41,4 %, la CGC 34,5 % et la CFTC 30,5 %.
Rémi Barroux , le Monde 27-06-2006





Reportage chez le géant de l'acier Arcelor, au sein d'un monde où le bleu de travail a disparu tout comme le mot ouvrier.
Ouvriers déboulonnés
par Sonya FAUREQUOTIDIEN : lundi 29 mai 2006
Le jeune contre-maître mesure 1,55 m. Il sourit patiemment quand son aîné s'agite en le montrant d'un revers de main : «Vous parlez d'un moustique ! Au paradis des fondeurs, ils vont lui dire : "Mais t'es qui toi ?" On n'aurait jamais vu un fondeur comme ça avant : c'est bien la preuve que le monde ouvrier a changé.» Charles Vincent est un ancien. «Sourd», apporte-t-il comme une preuve. Il est entré dans les hauts fourneaux de Dunkerque à 15 ans. Arcelor s'appelait alors Usinor. Charles Vincent a aujourd'hui 56 ans. Quand il parle des collègues qui bouchent et débouchent les hauts fourneaux de 30 mètres de haut ou surveillent la coulée de la fonte, il hésite à parler d'ouvriers. Plus les mêmes rapports de subordination : «Les jeunes n'accepteraient pas qu'on leur donne des ordres. Maintenant, il n'y a plus de chefs, il y a des managers.» Plus la même dureté : «Avant, si le gars n'était pas brûlé, c'était pas un vrai fondeur. Quand j'ai commencé, on ne se voyait pas à 10 mètres à cause de la poussière. Je n'ai aucune nostalgie de ce temps-là. Même moi, je mets des bouchons d'oreille maintenant.»
Dans la salle de contrôle du haut fourneau 4, deux techniciens en blouse claire fixent des écrans. «Il y a vingt ans, c'est le type qui réglait les débits de vent et gérait l'enfournement des matières. Aujourd'hui, tout est automatique, c'est une histoire de surveillance, d'affinement des réglages», explique Jean-Claude, derrière son pupitre informatique. «On est passé d'un métier de manutention à un métier de clavier», résume Patrick Genu, chef du service développement des ressources humaines d'Arcelor. Sur les écrans qui retransmettent les images des planchers de coulée, où se déverse la fonte sortie du haut fourneau, on distingue pourtant quelques ouvriers en tenue métallisée.
«Faire rêver». C'est une rengaine de la France qui «se désindustrialise» : il n'y a plus d'ouvriers. «Et c'est faux, rétorque Naïri Nahapétian, auteure de l'Usine à 20 ans (1). Les ouvriers sont encore 6 millions en France, même si ceux de l'industrie, qui portaient la lutte ouvrière pendant les Trente Glorieuses, sont de moins en moins nombreux. En fait, c'est l'identité de classe qui se délite. La classe ouvrière doute d'elle-même.» Chez Arcelor, on ne parle plus d'ouvrier. Le mot serait vieillot, presque insultant. Le directeur de la communication de Dunkerque ouvre des yeux horrifiés en entendant le thème du reportage : «Mais il n'est pas question d'identité ouvrière chez nous ! Il est question d'un site où nous sommes passés d'une industrie de main-d'oeuvre à une industrie de process !»
Le PDG d'Arcelor, Guy Dollé, parle, lui, de «nouveaux talents» : «On n'a presque plus d'ouvriers dans nos usines.» A Dunkerque, les chiffres du fichier du personnel confirment : 3 960 salariés inscrits, 230 à la case «ouvriers». Et 2 700 agents de maîtrise, techniciens ou agents d'exploitation, la nouvelle terminologie pour les anciens fondeurs et surveillants des hauts fourneaux, qui travaillent en 3/8. En mal de recrutement, Arcelor a organisé au début du mois le forum Planète acier, à Reims. Un grand salon de l'emploi pour redorer les métiers du secteur. «Il faut faire rêver, justifie Jacques Dham, président d'Arcelor Distribution. Nos métiers s'appellent encore chaudronniers, alors qu'on ne fabrique plus de chaudron. Plombiers, alors qu'on n'a plus les mains dans le plomb. On n'a même pas été capable de leur inventer de nouveaux noms.» Faute d'apprentis, des centres de formation ferment : «On valorise beaucoup les métiers du tertiaire, regrette Gérard Fabiani, secrétaire général du Syndicat de la chaudronnerie, tuyauterie et maintenance industrielle. Nos conditions d'emploi ne sont pourtant pas pires que celles de l'hôtellerie ou de la restauration...» Ce qui ne porte pas la barre très haut.
«Parler de techniciens, ça fait bien, c'est la sidérurgie de demain. L'ouvrier a peut-être disparu du jargon d'Arcelor, mais pas chez nos sous-traitants, contredit Philippe Collet, militant CGT. On compte en permanence 2 000 salariés en sous-traitance : les métiers plus pénibles, ceux qui réclament de la force physique.» D'un côté «l'élite des techniciens», de l'autre côté les précaires et sous-traitants. «J'ai fait des stages hydraulique, des stages pneumatique... Mais je n'ai récolté que des promesses d'embauche, témoigne Michel (2), intérimaire pour Arcelor depuis quinze ans. Travailler pour Arcelor Dunkerque, ça serait un honneur : je pourrais monter, évoluer et toucher les primes. Je n'ai pas du tout le même salaire que les gars en interne.»
En interne, «tous les opérateurs ont leur boîte mail», explique la direction des ressources humaines. Sur le site de Fos, ils ont même reçu des cours d'économie «pour mieux comprendre la stratégie et l'environnement économique du groupe». Dans les ateliers, la figure du contremaître patibulaire a disparu. Depuis une quinzaine d'années, les ouvriers ont été formés, «responsabilisés». «Jusqu'à la fin des années 80, ils étaient majoritairement non qualifiés, parfois analphabètes. Condamnés à faire le même boulot jusqu'à la retraite», explique Patrick Genu, des ressources humaines.
Polyvalence. Sur les planchers de coulée, le premier fondeur assurait les taches les plus nobles, le troisième exécutait les corvées. Et, pour monter en grade, pas d'autre moyen que d'attendre la retraite du supérieur pour prendre sa place. Aujourd'hui, plus de premier fondeur, mais des salariés polyvalents, qui décrochent alors souvent le fameux statut de technicien. «On a organisé des groupes de travail, demandé aux gens de réfléchir à leur propre poste», poursuit Patrick Genu. L'ouvrier est désormais comptable de l'entretien de sa machine. On lui demandait de tenir des objectifs de production et des cadences, il doit maintenant considérer l'atelier qui suit le sien comme un «client» et répondre à ses demandes, en fonction des variations de production. «On leur demandait de faire du tonnage, et soudain, on leur a réclamé une valeur ajoutée. Ça leur a ouvert des perspectives de carrières», rapporte Anne-Marie Baudoin, de la CFDT. Une évolution typique de l'industrie, qui a effrité l'idée d'appartenance au monde ouvrier. «Les nouvelles formes de management ont substitué le contrôle de la collectivité à la tyrannie du chef, explique Naïri Nahapétian. Ce qui ne veut pas dire que le travail n'est plus parcellisé ni répétitif.»
Ni l'évolution des métiers, ni les efforts pour changer le vocabulaire ne parviennent à séduire les jeunes. A Dunkerque, la moyenne d'âge des salariés est de 52 ans. Une génération manque : «Celle des 38-48 ans, rapporte Philippe Collet. Du coup, la transmission ne s'est pas faite.» Arcelor s'est engagé à embaucher 500 personnes en France. 120 cadres mais essentiellement des «techniciens» et du «personnel d'exécution». Bac pro minimum. «On a beau leur dire que, pour des postes de pontonniers (qui conduisent les ponts, ndlr) un CAP suffit, la direction refuse», regrette la CGT. «Le bac professionnel est le diplôme archétypique du nouveau monde des techniciens et ouvriers, explique Henri Eckert, chercheur au Centre d'études et de recherches sur les qualifications (Cereq) (3). Ce diplôme donne à beaucoup de jeunes l'illusion qu'ils vont s'éloigner de la tâche, de la pénibilité. Or, arrivés dans le monde du travail, ils se retrouvent souvent plongés dans la production pure et dure. Et deviennent de "simples ouvriers", comme ils le disent souvent.»
«Usés». Les jeunes ne portent plus la fierté ouvrière. «Les plus de 55 ans pensent à leur retraite, ils sont usés, souvent malades de l'amiante. Et ils voient arriver des jeunes qui ne veulent plus appuyer sur un bouton, mais se former, progresser. Ça a souvent cassé les solidarités», rapporte Philippe Collet, de la CGT Arcelor. Dans l'industrie, ce sont souvent les anciens qui conseillent aux jeunes de fuir.

Nicolas Hatzfeld, historien, analyse les changements survenus en trente ans :
«Ouvrier, un mot répulsif pour les jeunes»
Nicolas Hatzfeld, historien, enseigne à l'université d'Evry (Essonne). Il est l'auteur de l'ouvrage les Gens d'usine. Peugeot-Sochaux, 50 ans d'histoire (1).
Etre ouvrier aujourd'hui, cela signifie-t-il quelque chose ?
Sans doute, mais la signification est différente selon les générations. Les quinquagénaires, ça leur colle à la peau. Ouvrier, ça évoque le rapport à la matière et à la machine. Mais ça éveille aussi un sentiment de perte, une dévalorisation. Jusque dans les années 60, la classe ouvrière, on aimait ou pas, mais on avait intérêt à la respecter. Elle existait dans les discours, et pas seulement ceux du Parti communiste. L'ouvrier faisait partie de l'avenir. Aujourd'hui, le message qu'on leur fait passer, c'est : «L'avenir peut se faire sans vous.» Il y avait les «professionnels», ceux qui avaient le «métier», et ceux qui étaient «au statut» : les gaziers, les cheminots... Ceux-là ont fait le mythe de l'ouvrier. Mais grâce à la croissance économique, même les non-qualifiés pouvaient progresser. Il fallait être un peu manchot, syndicaliste, femme ou immigré pour rester à sa place tout au long de sa carrière...
Et pour les jeunes ?
A l'usine, on est jeune de plus en plus tard. Qu'on ait 30 ou 35 ans, qu'on soit père de famille, on vous appelle le «gosse». Généralement, vous êtes intérimaire. Les jeunes ont une répulsion pour le mot ouvrier. J'ai rencontré de récents embauchés chez Peugeot. Ils étaient contents de l'emploi à PSA ­ des salaires plus élevés, un emploi relativement protégé ­, mais le travail les ennuyait. La répulsion peut être plus violente : quand ils regardent les anciens, les jeunes voient des hommes abîmés. Ils voient la résignation. Leur répulsion est aussi une forme d'espoir : «Je ne veux pas être comme ça.» La société dans son ensemble construit cette répulsion. Le PDG dit : «Je n'ai plus d'ouvriers, je n'ai que des techniciens.» Le qualifié se considère lui-même sans état d'âme comme technicien, ce qui coupe la tête noble des ouvriers. Les pères disent à leurs fils : «Si tu ne vas pas à l'école, tu tomberas ouvrier.»
Qu'est-ce qui a changé ?
Tout se grippe dans les années 70 et 80. Avec la crise industrielle, on réduit les effectifs, on s'attaque aux garanties et aux statuts : les grosses entreprises fragmentent leur personnel avec l'intérim et la sous-traitance, parfois même au coeur noble des métiers, là où le syndicalisme était le plus fort. Avec le nouveau management des années 80, on raisonne en «points» ou en «compétences». Mais les ouvriers ne sont pas dupes : les mots ont changé, les étapes restent les mêmes. Idem pour le mythe de la polyvalence, qui serait apparue dans les années 80. Dans les faits, la fabrication était tellement désorganisée qu'on demandait déjà souvent à l'ouvrier de changer de poste ou de remplacer un collègue... Ces dernières années, on a aussi embauché des jeunes femmes, souvent maghrébines, dans les secteurs traditionnellement masculins. Manière de fragmenter le collectif.
L'identité ouvrière a-t-elle donc disparu ?
Non, elle se déplace. Sur les postes du tertiaire où le travail est répétitif ­ les filles de salle dans la santé, les caissières, les magasiniers, etc. ­, on entend souvent : «On est comme des ouvriers. C'est la chaîne.» L'identité ouvrière s'ouvre par le bas vers le tertiaire. Autour du travail «nul», pénible, contraint.
(1) Editions de l'Atelier, 2002.
Chauffagiste, chaudronnier ou monteur témoignent :


«On est des pions»
par Sonya FAUREQUOTIDIEN : lundi 29 mai 2006

Charles Vincent, 56 ans, quarante ans de maison chez Arcelor :
«Quand j'ai démarré, je portais la caisse à outils et je n'avais rien à dire. Maintenant, aux gars, on leur demande poliment : "Tu peux faire ça, s'il te plaît ?" Et encore, ils vous répondent : "Pourquoi ?"»
Julien, 19 ans, chaudronnier :
«A 30 ans, comment je me vois ? Patron, j'aimerais bien.»
Ahmed, 32 ans, salarié chez PSA et syndiqué à la CGT :
«Un ouvrier, c'est un travailleur qui fait des richesses pour les patrons. Et un peu pour subvenir à ses besoins. J'ai fait six ans de travail à la chaîne. Ils appellent ça opérateur.»
Marc, 27 ans, apprenti chaudronnier :
«J'ai vu un documentaire à la télé : des hommes avec le poing levé et le béret. C'est plus du tout ça. Il n'y a plus de solidarité. Moi, je ne suis pas syndiqué, je trouve que c'est utopique. En revanche, j'ai bien aimé la grève de la faim du député (Lassalle, ndlr) contre la délocalisation d'une usine. Au moins il le fait par la non-violence. Il y en a encore qui se battent pour des gens comme nous.»
Nicole, 50 ans, ouvrière chez Lu :
«J'emballe les biscuits. J'ai pas été beaucoup à l'école, alors, voilà : c'est la première entreprise qui a voulu de moi. Maintenant, je fais partie des murs ! Je suis ouvrière, et contente de l'être. C'est quand même mon entreprise qui me fait vivre depuis trente-cinq ans ! Il y a un côté familial. Faut dire qu'on n'est plus très nombreux. Pendant les pauses, on mange, on parle des petits-enfants. Ou des sorties qu'on a faites avec l'entreprise : la dernière fois, c'était la comédie musicale le Roi Soleil.
Foued, 24 ans, dans l'automobile. Syndiqué à la CGT :
«Au début, c'était pour quelques mois. J'ai monté les moteurs, les joints de coffre... En six ans, j'ai dû faire la moitié de la voiture. Chaque jour, j'en vois passer 320 : 320 fois les mêmes gestes. Ouvrier, ouvrier... Ouais, je suis salarié, quoi. De toute façon, je n'ai pas de métier. Ce que je fais, n'importe qui peut le faire. Même vous, vous pouvez le faire.»
Stéphane Deliege, formateur de bac pro et de BTS productique :
«Ouvrier, c'est un terme que j'essaie d'éviter avec mes apprentis. Ça a une connotation négative. Je dis plutôt opérateur, régleur... Ouvriers, c'est les vieux de la vieille, nos parents, quoi. D'ailleurs aujourd'hui, on dit "technicien d'usinage". L'Education nationale sait choisir ses termes.»
Jean-Luc Houssin, 44 ans, messager de nuit. Militant CFDT :
«Au temps de mes parents, le travail, c'était une identité. Aujourd'hui, les gens préfèrent se définir par leurs loisirs... Les chauffeurs de train, les conducteurs de camion, ça faisait rêver les petits garçons. Maintenant vous dites que vous êtes conducteur routier, c'est assimilé à manoeuvre.»
Fabien, 33 ans, chauffagiste :
«Quand on m'envoie dépanner une chaudière, on dit au client : "On vous envoie un technicien." Mais sur la fiche de paie, il y a marqué : "Statut : ouvrier." Bref, on ne sait pas trop ce qu'on est. A part des pions.»
Christiane Le Gouesbe, 52 ans, groupe Doux. Elue CFDT :
«Je désosse des volailles depuis trente-quatre ans. Je commence à avoir des douleurs aux épaules. Quand une chaîne tourne à 2 000 pintades à l'heure, il n'y a pas droit à l'erreur. "Ouvrière d'usine", c'est devenu dévalorisant. Ça veut dire qu'on n'est pas capable de faire autre chose. Nous, aujourd'hui, on est qualifiées d'"agents de fabrication". Ça n'évoque rien et le travail, c'est le même. Mais c'est plus joli et, dans une assemblée, les gens vous montrent un peu plus d'intérêt.»