ÉLECTRICITÉ :FAUT-IL DESEPERER DU MARCHE PAR D SPECTOR

Dans le cadre du cours sur le marché, et ses capacités d'autorégulation l'exemple du marché de l'électricité est particulièrement intéressant :David SPECTOR publie au CEPREMAP :ÉLECTRICITÉ : FAUT-IL DÉSESPÉRER DU MARCHÉ?
EN BREF :
Pourquoi le prix de l’électricité a-t-il augmenté en France autant que chez nos voisins, alors que le choix d’une production principalement nucléaire aurait pu nous protéger du renchérissement des énergies fossiles, qui a frappé le reste de l’Europe ? Le niveau des prix reflète-t-il l’insuffisance de la concurrence ou,au contraire, l’excès de libéralisation ? Faut-il accuser le quasi-monopole d’EDF ?
Aucune de ces explications n’est juste, car l’absence de répercussion dans les prix des faibles coûts de la production nucléaire est compatible avec un fonctionnement de marché normal et efficace. En effet, bien que le nucléaire représente près de 80 % de la production électrique, il ne suffit
presque jamais à satisfaire seul la demande. Or le prix doit couvrir à chaque instant au moins le coût marginal de toutes les techniques de production utilisées. Lorsque le nucléaire ne satisfait pas la demande à lui seul, le prix est donc au moins égal au coût marginal d’une technique de production à partir d’énergies fossiles, très supérieur au coût marginal du nucléaire. Le détenteur de la capacité de production nucléaire bénéficie ainsi d’une rente de rareté, qu’une éventuelle déconcentration du parc de production nucléaire ne pourrait pas entamer. Quant à l’intégration européenne, elle favorise l’efficacité productive mais accroît et solidifie la rente nucléaire au détriment des consommateurs français, sans nécessairement profiter aux consommateurs étrangers. La libéralisation et l’intégration européenne, quels que soient leurs mérites en termes d’efficacité, ne peuvent donc pas résoudre à court terme le problème de la distribution de la rente de rareté nucléaire. Il faut pour cela non pas revenir à la régulation des prix – qui fournirait des incitations inadéquates, car sans rapport avec les coûts marginaux de production –, mais utiliser la rente de rareté nucléaire pour décharger les consommateurs du financement du service public et d’une partie des coûts du réseau de transport, ou encore pour financer des mécanismes d’incitation aux investissements. Sans être absolument nécessaire à la réalisation de cet objectif, la propriété majoritairement publique d’EDF pourrait néanmoins la faciliter.
Dépourvue d’enjeu notable à court terme, la question de la concurrence dans le nucléaire se posera en revanche si l’augmentation du prix des énergies fossiles conduit à augmenter fortement le parc nucléaire français – ce que permettra la technologie EPR si les réacteurs de nouvelle génération remplacent les centrales actuelles entre 2020 et 2030. La rente de rareté disparaîtrait alors, mais pour faire place à une éventuelle rente de monopole, économiquement inefficace. Une libéralisation en demi-teinte ne la dissipera pas substantiellement : une mesure aussi apparemment radicale que le partage entre trois opérateurs d’une capacité nucléaire étendue laisserait encore subsister la moitié de la rente de monopole. À long terme, et sous l’hypothèse d’une expansion massive du parc nucléaire, le choix devra se faire entre deux politiques extrêmes :
- le retour à un opérateur nucléaire unique vendant sa production à un prix régulé
- ou, à l’inverse, une déconcentration massive du parc de production nucléaire, seule à même de garantir un bon fonctionnement concurrentiel.

0 commentaires: