Devoir d'option première sur le code de la nationalité


I – DOSSIER DOCUMENTAIRE

Document 1 :
Après la guerre de 1870, la controverse entre les historiens français et allemands a élevé au niveau de la tragédie antique l'opposition entre ce qui apparaissait comme les deux idées de la nation. D'un côté, Theodor Mommsen justifiait la politique bismarckienne d'annexion par la germanité ethnique, linguistique et culturelle de l'Alsace, quelle que fut la volonté provisoire de ses habitants. De l'autre, les Français affirmaient que " ce n'est ni la race, ni la langue qui fait la nationalité " (Fustel de Coulanges), invoquaient les principes révolutionnaires et, au nom de la légitimité du " voeu des nations " (Renan) et de la " volonté " et du " consentement libre " des peuples, soutenaient que l'Alsace était " française par la nationalité et le sentiment de la patrie " (Fustel de Coulanges).
SOURCE : D.Schnapper , La conception de la nation , Cahiers français n° 281 , 05/97

Document 2 :
La logique de cette politique est d'accorder largement la nationalité, donc la citoyenneté sinon aux immigrés eux-mêmes, du moins à leurs enfants. C'est à la fois pour des raisons d'idéologie nationale - l'ouverture de la citoyenneté dans une nation politique - et pour satisfaire aux besoins démographiques et militaires que le droit de la nationalité a été longtemps le plus " ouvert " des droits de la nationalité européens. Seul le droit des États-Unis ou de l'Argentine, pays d'immigration, est plus libéral en accordant le droit du sol simple : est américain ou argentin tout individu né sur le sol des États-Unis ou de l'Argentine.
La France fait une large place au droit du sol à travers, en particulier, deux articles du Code de la nationalité - articles 44 et 23 - qui sont devenus symboliques de l'" ouverture " de la nationalité française aux enfants des immigrés. L'article 44, jusqu'au 1er janvier 1993, accordait quasi automatiquement la nationalité française aux enfants d'étrangers nés en France et qui y avaient résidé pendant les cinq ans précédant leur majorité. La réforme de 1993 (loi dite Méhaignerie(3)) ne supprime pas le droit du sol et le principe de l'article 44, comme on le voit régulièrement écrit, mais en modifie légèrement les modes d'application. Les personnes concernées gardent leur droit à devenir françaises, mais elles doivent manifester leur volonté pour acquérir la nationalité. L'article 23, qui accorde la nationalité française à leur naissance aux enfants nés en France d'au moins un parent étranger lui-même né en France, constitue une autre application de la part faite au droit du sol dans le code de la nationalité. Pour apprécier la législation française, signalons qu'il naît chaque année en Allemagne environ 40 000 enfants de parents turcs ; un millier d'entre eux, dans l'état actuel de la législation, deviendront allemands, alors que, sur les 30 000 enfants nés en France de parents étrangers, moins de 2 000 ne deviendront pas Français à leur majorité.
Source : D.Schnapper , op cité

Document 3 :
Depuis des siècles, l'attribution de la nationalité française relève de trois critères : la filiation, le lieu de naissance et la résidence. Les législations successives ont combiné ces trois facteurs dans des proportions variables selon les besoins démographiques du pays et l'idéologie du moment. Un quatrième facteur est toujours entré plus ou moins en compte : la volonté exprimée par un étranger de devenir français. L'équilibre entre le droit du sol et celui du sang, que manifestait le Code de la nationalité issu de la loi du 9 janvier 1973, a été l'objet d'un nouvel examen à la faveur de la réforme de 1993.
La transmission de la nationalité française jure sanguinis ne correspond pas à la tradition ancienne de notre pays. Le droit féodal connaissait le principe de l'allégeance personnelle au suzerain, mais les sujets du roi étaient ceux qui étaient nés dans le royaume. L'ancien droit est demeuré attaché à cette conception même si la nationalité n'est pas alors envisagée de manière indépendante. La distinction entre les aubains (étrangers) et les régnicoles (français) n'apparaît que lorsqu'il s'agit d'apprécier le droit du roi à percevoir le droit d'aubaine, c'est-à-dire à hériter de l'aubain décédé en France. Au début du XVIe siècle une évolution se dessine. Pendant toute la période prérévolutionnaire, la naissance sur le sol français revêt une importance primordiale de même que la domiciliation en France.
L'apport essentiel de la Révolution a été de donner un contenu politique à la nationalité par la citoyenneté, même si les textes révolutionnaires s'inspirent assez étroitement des règles de l'Ancien Régime. Selon la Constitution du 3 septembre 1791, sont citoyens français, notamment, ceux qui sont nés en France d'un père étranger et ont fixé leur résidence en France, ceux qui, après être nés en pays étranger d'un père français, sont venus s'établir en France et ont prêté le serment civique.
La guerre et la méfiance à l'égard des émigrés expliquent que la nationalité française ne soit pas accordée aux fils de Français nés à l'étranger s'ils ne s'établissent pas en France et ne prêtent pas le serment civique.
C'est le Code civil qui va rompre pour la première fois avec la longue tradition du jus soli en privilégiant la transmission de la nationalité française par les liens du sang et en supprimant toute condition de domicile pour reconnaître la nationalité française aux enfants nés à l'étranger d'un parent français.
Il faudra attendre la loi du 7 février 1851 pour voir l'introduction dans notre législation de ce que l'on appelle le double jus soli, combinaison du critère du lieu de naissance et de la filiation, qui attribue la nationalité française à l'enfant né en France d'un étranger qui y est lui-même né, à moins que dans l'année qui suit sa majorité il ne réclame la nationalité d'un pays étranger. L'inspiration de ce texte est militaire ; il s'agit de soumettre aux obligations du service militaire les étrangers de la troisième génération, la première étant venue en France, la deuxième et la troisième y étant nées. Le rapporteur de la loi souligne " l'odieux privilège " des fils d'étrangers nés en France qui, pour se soustraire aux charges du recrutement militaire, " s'abstiennent de faire la déclaration requise par le Code civil alors que pourtant ils prennent leur part dans les affouages et pâtis communaux ". - la première dépend, à un âge donné, de la satisfaction à certaines conditions, la seconde intervient à la naissance - de la nationalité française étaient en général mal connues. Les chemins de la nationalité française - comme fondement traditionnel de la citoyenneté devront donc ici être rappelés(1).
SOURCE : O.Coiffet , citoyenneté et nationalité : aspects juridiques , Cahiers français

Document 4 :
Les Allemands ont montré leur ouverture : ils hébergent aujourd'hui 7,3 millions d'étrangers. Il leur restait à prouver leur capacité à les considérer comme étant des leurs. Le pas a été franchi, le 21 mai 1999, avec l'adoption définitive de la réforme du code de la nationalité, régi jusqu'à présent par une loi du Reich de 1913. Cette première réforme de fond du social-démocrate Gerhard Schröder mérite d'être saluée. Désormais, les enfants d'étrangers nés en Allemagne auront à leur naissance la nationalité allemande, si leurs parents y résident depuis huit ans. Ces enfants devront certes choisir entre dix-huit et vingt-trois ans entre la nationalité allemande et celle de leurs parents. Mais l'essentiel est acquis : la réforme introduit une forte composante de droit du sol, qui clôt une exception allemande en Europe occidentale.
Etre allemand ne dépendra plus exclusivement du sang qui coule dans ses veines. Cette réforme est moins ambitieuse que celle initialement prévue par le gouvernement Schröder : il s'agissait d'accorder la double nationalité aux étrangers présents en Allemagne depuis plus de huit ans. M. Schröder a dû faire marche arrière à la suite du rejet viscéral de la double nationalité par la population et la perte de la majorité absolue au Bundesrat. Il n'empêche : l'Allemagne a entrepris une réforme beaucoup plus généreuse que ne l'ont jamais osé les chrétiens-démocrates d'Helmut Kohl, qui n'ont pas hésité à organiser une pétition à relents xénophobes contre le projet du gouvernement. années 1990 pour réduire le flux des nouveaux venus. Mais l'accueil des réfugiés reste un fondement de la démocratie allemande.

Source : Généreuse Allemagne , Le Monde , 24 mai 1999

II- QUESTIONS

1. Rappelez les deux conceptions de la nation : française et allemande ( doc 1 , 3 points )
2. Quelles en sont les répercussions sur leur code de la nationalité respectif ? ( docs 1 et 2 , 2 points )
3. Comment D.Schnapper explique les différences des Codes de la nationalité entre pays ?( doc 2 , 3 points )
4. Quels sont les différents critères à la base du Code de la nationalité en France ( doc 3 , 2 points)
5. Présentez les transformations du Code de la nationalité en France en mettant en évidence pour chaque période le ou les critères dominants et en donnant les raisons à la base du changement du Code de la nationalité ( doc 3 , 6 points)
6. Dans quel sens le Code la nationalité allemand est-il modifié ? En quoi rompt-il avec la conception traditionnelle allemande de la nation ? Comment expliquer ce changement ? ( doc 4 , 4 points)

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